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17 janvier 2011

Robert lundi 24 Octobre 1977 huit semaines

Robert lundi 24 Octobre 1977  huit semaines



Ce soir c’est revue d’armoire.

Tout devra être propre, repassé et rangé.

Notre brigade est la dernière comme d’habitude à y passer.

Vingt-quatre bonhommes à remplir, vider les cinq lave-linge et sèche-linge puis à suer sur des fers à repasser archaïques qui ne chauffent pas, en mesurant à la règle en fer l’écartement réglementaire des plis de nos chemises.

 

Huit semaines se sont passées.

Huit très, très longues semaines où nous avons fait connaissance avec le sadisme, si si !  Le sadisme de ceux qui ont pour mission de nous rendre dingue et/ou (rayer la mention inutile… ) malade de fatigue.

Mais bon, avec tous ceux de ma chambrée, on a tenu, faisant mentir nos détracteurs au visages peints en vert. Pas comme certains qui ont abandonné. Immédiatement remplacés par des nouveaux, trop heureux de nous rejoindre après avoir désespéré de n’être pas pris. 

Despéro aussi a tenu le choc. Même si nous nous sommes un peu éloignés pour plus nous rapprocher des autres membres de notre brigade. Nous nous soutenons de loin en loin même lorsque nos brigades sont en compétition. 

 

Notre brigadier hier nous a dit que nous étions la brigade la plus soudée des quatre et qu’il était très fier de nous. 

Mais sur les vingt-cinq pax, j’ai quand même des préférences. Enfin, disons qu'avec certains, je m’entends mieux qu’avec d’autres. 

D’abord les deux blonds à ma droite et à ma gauche dans les rangs. André, un mec tellement pâle de cheveux autant que de peau que j’ai d’abord cru qu’il était un albinos. J’ai fini par lui refiler l'huile solaire que Gisou a collé dans mon sac car moi, je n'en ai pas besoin. J'aurais largement préféré des produits anti-moustiques, car je me suis fait vider de mon sang par ces minuscules vampires.

Puis Monique qui n’a de fille que le prénom. et les jupes quand elle les met avec sa tenue bleue. 

Ensuite Josef, un juif marocain qui a entrepris de m’enseigner parallèlement l’hébreu et l’arabe. 

Et enfin Moussef, un géant qui vient de Djibouti aussi noir de peau que le père fouettard mais qui arriverait j’en suis sûr, à le mettre dans sa poche.

 

Huit semaines que l’on a vécu coupés du monde, coupés de nos proches que l’on va revoir ce week-end. J’ai hâte, j’ai tellement de choses à leur raconter. 

 

- Regarde.

André me montre en rigolant Kro (De son vrai nom Corentin mais qui a hérité de ce pseudo car durant ces huit semaines, il n’a pas arrêté de dire qu’il rêvait d’une bonne Kro bien fraîche.) qui s’est endormi sur sa chaise devant son sèche-linge qui vient d’ailleurs de s’arrêter.

J’arrête son geste de vouloir le secouer.

- Ne le réveille pas. J’ai bien cru qu’il ne tiendrait pas les huit semaines. Lui on peut dire qu’il a tout donné. T’as fini ton linge ?

- Non, il sèche et je dois encore le repasser. Quelle corvée ! Plus tard, j’aurai une femme de ménage.

Je me demande ce qui revient le moins cher , une épouse ou une femme de ménage ?

- Pourquoi pas une femme tout court ?

Il fait tourner son index contre sa tempe.

- Ça va pas non ? Je ne vais pas m’aliéner avec une femme, alors que je peux en avoir cent.

Je soupire, il n’a pas tort en vrai et en même temps… Je lui montre les sèche-linges.

- Ouais, t’as bien raison. Tu me donnes un coup de main, on lui plie son linge comme ça on libère le sèche-linge. Et puis cela nous occupera sinon je vais finir par faire comme lui.

Il se met à rire mais me suit.

- Tu rigoles ? Toi tu m’épuises, tu ne t’arrêtes jamais.

Pourtant si. Là, je rêve de ne rien faire, de dormir deux ou trois jours d'affilée.

- Si ! Quand je suis à l’horizontal.

Il se met à rire et me répond avec un air mutin.

- Ah bin moi tu vois. C’est quand j’suis à l’horizontal que je n’arrête pas.

Nous nous mettons à rire tous les deux.

 

Sur ces huit semaines, j’en ai détesté une, la première. Celle où nous avons subi le bizutage, le bahutage des aspis. Même si après, on a tout autant souffert, l’ambiance n’était pas la même. En tout cas moi, cette semaine ne m’a rien appris. Si ce n’est la haine de ces petits chefs qui se sont cachés derrière un certain anonymat pour se défouler sur nous. 



 Après ces jours d’«amusements», nous avons continué à nous frotter à la vie militaire sous ses côtés les plus rudes.

L’un des premiers jours lors d’une de nos « balades », assis en tailleur sous les pins en respectant la distance de deux mètres, imposée entre nous, et dans un silence monacal, nous réceptionnons nos rations. 

Nous avons dix minutes pour manger, pas le temps de rêvasser. 

Chouette j'ai du poulet,  j’angoissais d’avoir du poisson. Devant moi la tête de Moussef a un mouvement que je connais bien. Il pose la boîte de conserve à côté de lui, je lis : choucroute. 

Je lui lance la mienne de façon qu'elle atterrisse juste à côté de sa cuisse. Il sursaute et la prend. Sa main saisit alors sa propre boîte qu'il lance vers l’arrière du bout des doigts. Je vois nos gardes chiourmes tiquer sans intervenir.

 

Mon côté casse-cou a plus apprécié les semaines suivantes que nous passons dans les Basses Alpes près de Gap.  Là-bas, je suis chez moi.

Le dernier jour, nous gravissons à la queue leu leu les 2464 mètres du mont Piolit.  Ascension qui clôture admirablement ces quinze jours qui nous ont vu morpionner1 sur des sentiers à flanc de montagne où les cailloux ont tous la même volonté farouche de s’enfuir de dessous nos semelles provoquant des chutes cruelles pour nos articulations mais aussi nos mains sur lesquelles nous nous réceptionnons.

Le sac sur notre dos pèse trente kilos. Les sangles nous scient les épaules, le soleil tape sur le casque ou sur l’espèce de chapeau de pêcheur. Le poids, je m'en fous. C'est la chaleur qui me pèse le plus. 

Cela faisait un certain temps que ma bouteille est vide et pesait des tonnes au bout de mon bras.  

Ils nous ont pourtant prévenus, mais la chaleur et la soif, c'est un truc que je ne sais pas gérer. Je continuais donc à avancer, pas le choix : arriver au bout ! 

Quelqu'un m’a doublé et d'un geste sec m’a fait lâcher ma bouteille pour la remplacer par une bouteille à moitié vide. Je reconnais cette nuque brune. Cette fois je vais me rationner, du moins... je vais essayer. 

Devant moi, la nana avançait d'un bon pas, par contre derrière l'albinos avait du mal à suivre, je restais à sa hauteur et comme la veille, je marchais à côté de lui en soulevant légèrement son sac dorsal par une lanière, le soulageant d'un petit peu de poids. Lorsque mon bras me faisait mal, je changeais de côté. Nous sommes arrivés ensemble, je l'ai aidé à poser ses sacs puis à enlever les miens. Ma bouteille était encore vide. Il me tendit la sienne. Nous l'avons partagée.

 

J'ai le sommeil lourd quand je suis HS alors je ne remercierai jamais assez ceux, qui, plus d’une fois, m’ont réveillé, presque habillé pour ensuite me traîner derrière eux.  Ou pour me permettre d’assurer sans retard mes gardes dans un froid déjà assez piquant en milieu de nuit.

Parlons du froid qui nous donne l’impression de dormir dans un sac mouillé.  Surtout que la toile de la grande tente qui accueille les vingt cinq pax de la brigade, ne protégeait guère du vent et du froid. De même que l’étroit lit Picot qui, s’il nous évitait de dormir directement sur le sol, était pour moi comme pour d’autres (déjà) trop court.

Momo est celle d’entre nous, je crois, qui en a le plus souffert. 

Un matin, réveillés sous les étoiles, je l’ai vu en pleurer.

- Mets tes mains contre ton ventre, elles se réchaufferont plus vite.

- Ça va pas ? J’suis déjà gelée.

J’ai alors ouvert ma veste matelassée et lui saisissant les mains je les ai glissées contre moi, contre mon ventre, la serrant contre moi. Je ne pus retenir un outch de surprise ne m’attendant pas tout de même à un contact aussi glacial.

- Mais à partir de ce soir porte des gants et un bonnet même pour dormir et même une ou deux autres paires de chaussettes. 

Elle a suivi mon conseil.

En tout cas, si moi, elle m’avait refroidi, ses doigts furent moins engourdis.



Ma mémoire nous sauve lorsqu’il faut se rappeler un carte et associée à la capacité d'analyse rapide d'un autre, notre groupe arrive à chaque fois en premier lors des parcours d’orientation.

On apprend vite à veiller les uns sur les autres. Car si l’un d’entre nous fait une connerie, oublie un truc c’est tout le groupe qui est puni. Et ça franchement ça fait chier.

Et pareillement, on pousse les plus faibles, on les soutient et on les aide car c’est toujours cool d’être récompensé… Comme pouvoir dormir en arrivant les premiers, en attendant que les autres brigades arrivent.

Aider un autre poussin qui n'arrive pas à remonter son arme en lui passant la nôtre et finir de remonter la sienne pour que tout notre groupe reste dans le temps imparti. Et le soir, sous la tente, sur notre temps de sommeil, se relayer pour le chronométrer en le dirigeant de la voix. 

Et puis, il y a notre arme avec laquelle nous dormons, mangeons, pissons. Je lui donne un petit nom : Fanny. Le soir, je lui souhaite une bonne nuit en la bordant dans mon sac de couchage et le matin, je l’embrasse pour lui dire bonjour.

Moussef me demande même un soir, comment nous appellerons nos enfants ?

Par contre cette bobonne là, ne nous réchauffe pas et prend une certaine place en étant d’une rigidité gênante.

Et c’est sans compter aussi sur ceux qui nous encadrent et ne se gênent pas pour récupérer celles qui tombent au sol durant notre sommeil ou que nous posons quelques millisecondes pour… par exemple, nous changer ou nous laver. Pour ensuite nous le faire chèrement payer.

Notre Famas n’est pas le seul dont nous devons toujours nous soucier. Il y a aussi nos camarades. 

Une brigade ce n’est pas vingt-cinq pax... ce n’en est qu’un seul corps et toutes les occasions sont bonnes pour nous le rappeler. Et c’est vrai que ces deux ans qui nous verrons suer ensemble scelleront des amitiés au-delà de nos spécialités et certaines que nous garderons toute notre vie.



Bref tout cela n’est déjà plus qu’un souvenir dont le lave-linge vient d’effacer les dernières traces et pourtant nous savons que demain nous réservera d’autres plaisirs.

D’ailleurs c’est bientôt l’heure du repas et nous ne pourrons nous rendre au mess que lorsque nous aurons tous fini. C’est pour ça qu’André n’a pas rechigné à m’aider pour le linge de Kro. Mais là un fer se libère et je dois me résoudre à le réveiller, il est le seul pour l’instant à avoir tous ses vêtements secs.



La porte claque, nous faisant nous retourner sur le nouveau venu.

- Oh les limaces, si vous voulez manger faudrait vous magnier.

Il est sympa le brigadier mais faudrait qu’ils augmentent le nombre de fers et de machines s’ils veulent qu’on aille plus vite.

Les premiers à avoir fini sont de retour et trépignent déjà. Aidant comme ils peuvent les infortunés retardataires que nous sommes.

 

- Que ça ? Tu peux pas en rajouter ?

Le cuistot rigole et me rajoute une énorme louche de purée qui recouvre toute mon assiette. Même cette dose me semble bien légère pour remplir le trou béant de mon estomac. Déjà que je ne suis pas gros, il y a plusieurs semaines que j’ai rétréci ma ceinture d’un trou. J’entends déjà Gisou râler. J’en rigole tout seul devant mon plateau que je n’ai que cinq minutes pour vider.

 
















 






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