Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
14 mars 2010

Robert mercredi 14 janvier 1976 première fois

Robert mercredi 14 janvier 1976 première fois



Dimanche, Richard m’a annoncé qu’il m’a pris un rendez-vous chez un pédo psychiatre réputé sur Marseille à l’hôpital Sainte Marguerite.

- Tu dois y être à quinze heures donc nous partirons de suite après le repas. Mercredi à treize heures, je te veux dans mon bureau.

Il va sans dire qu’à l’heure dite, je suis planqué à l’opposé total de son bureau. Je ne veux pas y aller à son putain de rendez-vous.

C’est Gâche qui met la main sur moi dans l’atelier de chaudronnerie où le prof assez surpris m’a accepté.



Dans la 4L, je monte à l’arrière et me roule en boule sur le siège sans mettre la ceinture.

Il finit par s’arrêter sur le bord de la route.

Sorti sans douceur de l’habitacle et debout contre la voiture, je me fais secouer comme un prunier.

- Mais bordel, tu ne te rends pas compte que c’est pour ton avenir que je fais ça. Tes cauchemars, ta violence et certaines de tes réactions sont la preuve que tu dois te soigner pour guérir tes blessures. Car si physiquement tu vas bien, là-dedans. Il me toque sur le sommet du crâne comme s'il toquait à une porte. J’ai envie de lui dire :”Entrez !”. Et d’un autre côté, je ne suis pas d’humeur à plaisanter et encore moins à laisser qui que ce soit entrer dans mon cerveau. Il n’y a rien de régler. Alors si tu veux pouvoir devenir un jour officier et encore plus pilote, tu vas faire l’effort de te conduire en homme. 

Si je regardais mes pieds jusqu’à présent, là je lève mon regard vers lui. 

- Tiens, je croyais que je n’étais qu’un petit garçon ? 

Il soupire.

- Viens t’asseoir à l’avant. Il ferme la portière arrière et sans douceur me force à m’asseoir sur le siège passager où je m’affale plus que je ne m’y assieds. Attache-toi ! Dois-je le faire moi-même ?

Je souffle puis soupire à mon tour. Je clipse ma ceinture mais je garde mon regard fixe devant moi, les mâchoires serrées.

Ma portière claque faisant vibrer tout le léger véhicule.

Je ne peux m’empêcher de sourire en imaginant la voiture tomber en pièces comme la deux chevaux de Bourvil dans le film avec Louis de Funès.

Il redémarre et je m’aperçois que lui aussi sourit, je me demande à quoi il pense.



À l’accueil du service de pédopsychiatrie, il m’enlève le calot d’un geste énervé.

- Tiens-toi droit !

- J’veux aller aux toilettes.

Vu son regard, j’aurais dû me taire mais tant pis pour lui si je lui vomis sur les pompes.

La femme en blouse blanche qui vient d’arriver devant nous, me sourit. Il ferait bien de se décider. Mon haut le cœur les affole cette fois. Elle pose sa main sur mon épaule. J’ai un geste de rejet violent et je recule d’un pas puis me tourne pour me vider.

Il n’aurait pas dû m'emmener ici.

Je tremble. J’ai du mal à contenir mes larmes.

- Tu es malade ? Ce n’est pas grave ? Ça va mieux ?

Encore une fois, elle fait mine de me toucher, cette fois, je vais détaler mais il l’a prévu et me saisissant pas le bras, me plaque le dos contre lui.

- Voilà, pourquoi nous sommes là. Maintenant essaie de te calmer.

- Venez, vous mettre dans ce bureau, je préviens le docteur R… que vous êtes là.



Je ne suis pas mieux lorsque la femme revient nous chercher pour nous emmener dans un autre bureau où un homme en jeans, veste ouverte sur une chemise blanche fripée laissant voir des poils aussi bruns que ses yeux et que ses cheveux mal coiffés. L’homme aborde un grand sourire, serre la main du colon, puis me la tend. Je la lui serre aussi.

- La prochaine fois, veux-tu que l’on se voit ailleurs que dans le cadre de cet hôpital.

- Je ne veux pas d’autres fois.

- Bon ça c’est dit. Mon colonel, je vais vous demander de nous laisser seuls. Richard qui a toujours sa main sur mon épaule, la serre puis sort. J’entends la porte se fermer derrière moi. Tu peux t’asseoir si tu veux. Non je n’en ai pas envie. Debout derrière les deux petits fauteuils devant son bureau, je regarde fixement par la fenêtre. À l'extérieur, des petites montagnes grises de pierres, au-delà des toits de tuiles rouges. Alors, je sais que tu t’appelles Robert, Samuel, Adolphe Weissenbacher. Que tu es Alsacien. Tu arrives à supporter le Mistral lorsqu’il souffle comme aujourd’hui ?

Il parle, il parle, il parle. Mon cerveau l’entend, moi non, je suis là-bas… Sur la colline, je marche sur le sentier que je discerne entre ces buissons d’épineux rachitiques, je rêve de forêt de sapins, de chênes, de tapis de mousse et de champignons.

Il claque des doigts devant moi. Sans le regarder, je vais m’asseoir devant une table comme il me le demande.

Il place devant moi des feuilles et des crayons de couleurs.

Je souris, il veut que je dessine. Bien. Il ne va pas être déçu du voyage le gars.

Ma famille ? Je commence un personnage fil de fer mais je m’arrête. Quelle famille ? Je n’en ai plus. Je gribouille rageusement mon bonhomme et froisse la feuille que je lance dans la poubelle à deux mètres de moi.

Moi ? Me dessiner ? Je ne sais pas dessiner. Je réfléchis en le fixant à ce que je pourrais bien dessiner. Je le fixe. Il a comme le colon, un visage impassible. Lui aussi me fixe. Il n’est pas assis bien droit sur sa chaise en parallèle à la table. Il a les jambes croisées qui font remonter son pantalon en velours marron, sur des chaussettes noires. Rien n’est assorti dans sa tenue. En fait, il doit s’en foutre de sa tenue.

Son bras et sa main gauche sont bien à plat sur la table. L’autre est posé sur sa jambe pliée.

Moi, je suis assis bien droit, bien comme il faut. Les jambes ramenées sous ma chaises, les pieds croisés, les bras posés sur la table, un crayon noir dans la main droite, mon poing gauche fermé.



Puis je me mets à dessiner. Pas ce qu’il m’a demandé car je ne saurais pas le faire. Je lui dessine un avion. Un Mystère vingt. Je m’applique, je lui fais même sur l’empennage, une cigogne en train de voler. Je n’oublie pas de dessiner autour les nuages en crayonnant le fond de la page avec du gris et du bleu ciel.

Je lui tends ma feuille.

- Oh ! donc tu es un avion de chasse ?

- Non, je vous ai dessiné ce que je sais dessiner c’est tout.

- Mais quel rapport avec toi ?

- C’est ce que je veux devenir plus tard ?

- Un avion de chasse ?

Il est con ou il se fout de ma gueule ?

- Non, je serai le pilote à l’intérieur.

- Oh ! Et…






Lorsqu’il me raccompagne jusqu’à la salle d’attente où Richard est plongé dans la lecture d’un magazine féminin. 

Nous nous serrons la main et il me donne rendez-vous la semaine prochaine.



La tête appuyé à la vitre de la portière, les bras croisés contre ma poitrine, les jambes remontées, les pieds sur le siège,  je compte les poteaux qui bordent l’autoroute.

Richard, tout en conduisant, d’une main, me fait mettre les pieds au sol puis j’ai l’impression d’être un petit chien lorsqu’il a ensuite ce geste qu’ont beaucoup d’adultes de caresser la tête des plus jeunes. Je repousse sans douceur son bras et m’assieds en lui tournant le dos. 

- Oh désolé ! De quoi avez-vous parlé ?

- D’avions.

Je continue à compter…

- Oh ! Et c’est tout ?

- Il voulait que je dessine ma famille mais je ne pouvais pas et encore moins moi. D’une, parce que j’arrive pas à dessiner de personnages et parce que je n’ai plus de famille.

- Entraînes-toi.

Je me tourne vers lui, de quoi il cause ?

- M’entraîner à quoi ? A avoir une famille ?

Je me regarde amusé.

- Mais non, à dessiner des personnages.

- À quoi ça va me servir ?

- À devenir meilleur en dessin.

- Quel intérêt ?

Il secoue la tête avec cet air dépité que je lui connais bien. Mais si je le déçois tant que ça, pourquoi il persiste à s’occuper de moi ? Par devoir ?





- Tu joues à quoi ? Ils vont bientôt éteindre.

Claude, déjà en pyjama, la main gauche posée sur mon bureau, la droite sur mon épaule, regarde la feuille de dessin sur laquelle j’ai gribouillé des bonhommes informes.

- Je ne joue pas, faut que j’apprenne à dessiner. Tu crois que le prof d’art plastique du collège acceptera de m’aider ?

- Demandes-lui... ou à Xavier qui dessine pas trop mal. Ou alors... aux prochaines vacances, viens demander à Anaïs.

- Ah, ah, trop drôle !


















Publicité
Publicité
Commentaires
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 628
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
Newsletter
0 abonnés
Publicité