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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
21 janvier 2011

Robert Vendredi 11 Novembre 1977 premier week-end

Robert Vendredi 11 Novembre 1977 premier week-end

 

Le 11 Novembre, cela veut dire cérémonies et pour nous la bleusaille, l’occasion pour nous de montrer et de démontrer notre savoir-faire pour la première fois.

Cette fois nous n’iront pas bien loin. Salon même ou dans les villages aux alentours.

Avec une vingtaine d’autres, toutes brigades mélangées, j’ai la chance de me retrouver à la cérémonie qui se déroule au cimetière de Salon. 

Pourquoi la chance ? Parce qu’il y a vingt ans, Mossieur Richard y a fait lui aussi sa première cérémonie. Et c’est heureux que je marche dans ses pas.

Et puis ce monument n’est pas comme les autres. Ce n’est pas une statue, c’est une sculpture à même la paroi rocheuse et son auteur est inhumé au pied de son œuvre. 

Pendant les différents discours des personnalités présentes, j’ai le temps de détailler l’ouvrage de pierre. Je ne suis hélas pas sensible à l’art en général. Mais ce “sublime réveil” me met mal à l’aise. Pourquoi réveiller ces hommes qui ont fini de souffrir ? Ne peut-on pas les laisser à leur repos éternel ? Pour moi qui pense qu’il y a un après où tout est calme et paix  pourquoi revenir dans cet avant fait de souffrances et d’horreur ? Enfin les artistes ont des idées bizarres et je ne suis pas un artiste et n’en serais jamais un. 



Une heure une.

Mon sac est bouclé et je piaffe déjà au milieu de mes camarades de brigade. L’un d’eux s’amuse à me voir consulter ma montre toutes les secondes…

- Hé t’as quoi là ?

- Hâte d’être dans le train pour Aix. Hâte de retrouver ma chambre, enfin ce qui me sert de chambre dans ma famille d’accueil.

Ghislain se penche vers moi.

- Tu as le temps, je le prends aussi et il n’est qu’à quatorze heures trente.

 

Et c’est un peu en tirant la gueule que je vais avec les autres avaler mon steak frites qui me reste un peu en travers car ayant fait rapidement le calcul, je ne pourrai revoir Richard et Gisou que ce soir, vers dix huit heures… ces six heures vont me sembler longues, mais longues…

Et avec ma chance habituelle, le train est annulé et avec Ghislain nous ne partons qu’à quinze heures trente.

 

Enfin heureusement que ma condition de militaire me permet de ne payer que vingt-cinq pourcent du billet et que Richard continue à me donner de l’argent de poche, sinon ce week-end ne serait resté qu’un rêve…

 

A Aix avec Ghislain nous nous donnons rendez-vous pour dimanche soir. Là, je fais connaissance avec sa femme qui l’accueille comme un poisson pourri. Je ne comprends pas pourquoi il ne l’envoie pas paître lui aussi. Car ce n’est pas de sa faute franchement si la SNCF annule des trains. Mais, j’apprécie qu’elle me propose de me déposer devant l’école.

 

Là… personne !

Bon, j’ai les clefs.

La porte à peine refermée derrière moi, je laisse tomber mon sac et les yeux fermés, je reste quelques minutes à humer l’odeur de l’appartement. Je m’en remplis les poumons.

Si quelqu’un m’avait vu, il se serait demandé si je n’étais pas un peu marteau. Ainsi debout, immobile, les yeux fermés, savourant ce plaisir presque enivrant d’être ici.

Par contre, ils sont où ?

En attendant leur retour, je vais me changer, troquant mon uniforme pour un bermuda et un sweat et faire tourner le lave-linge.

Dans la chambre des petites, il n’y a plus de lit à barreaux mais seulement un lit superposé. Ce qui m’amuse c’est de voir la famille nombreuse de poupées en chiffon de Coco trôner sur le lit. Je plains un peu Fanfan d’avoir à la supporter.

Dans l’autre chambre, rien n’a changé mais au moment où je referme ma main sur le journal intime de Véro, j’entends le bruit de la clef dans la serrure et je me précipite dans le bureau où, assis sur le canapé, je fais mine de lire.

 

- Qu’est-ce que tu faisais ?

Posant le livre dont je n’ai pas lu un seul mot… Je me lève avec Coco au bras pour embrasser Gisou.

- Bin rien, je lisais. Vu son regard je comprends qu’elle n’est pas dupe. Mais je te jure que si.

- Qu’est-ce qu’il y a Gisèle ? Alors mon grand, ton séjour au gniouf1 t’a plu ?

- Bah c’est une chambre en plus spartiate.

Si Richard s‘éloigne déjà, Gisou elle, me passe en revue avec un petit regard critique.

- Tu as grandis mais pas épaissi. Ils te nourrissent aussi mal qu’au lycée ?

- Oh non, j’ai droit à deux entrées, deux fromages et deux desserts si je veux et celui qui sert, finit par bien me connaître et me sert des assiettes avec deux fois le contenu des autres. Mais tu sais, je crois qu’il faudra que tu t’y fasses.

Au regard qu’elle me jette. Je comprends qu’elle ne s’y fera jamais.

- Le repas est prêt. Au moins ici, tu mangeras à ta faim.

La laissant rejoindre Richard. Moi c’est dans la chambre des filles que je suis Véro.

- Tiens ça tombe bien que tu sois là, j’ai interro en maths lundi et j’y pige que dalle.

- Ah ! Ce n’est… que pour ça que t’es contente de me voir ?

S’appuyant sur son bureau, debout une jambe repliée, son pied posé sur sa chaise et un crayon à la main qu’elle mâchouille. Véro me sourit amusée.

- Et pourquoi devrais-je être heureuse de te voir ?

Je fais une moue innocente.

- Je ne sais pas... Je ne t’ai pas manqué ?

- Et pourquoi m’aurais-tu manqué ?

Coco toujours dans mes bras, me saisit le visage et me force à la regarder.

- A moi, tu m’as manqué.

Je frotte mon nez au sien, ce qui la fait rire.

- Ah bin voilà, ça fait plaisir. Au moins, j’ai manqué à quelqu’un.

Fanfan qui est venu s’asseoir sur le lit du bas. Maintenant, devenu le lit d’Yvy, se lève et se colle à moi, m’entourant la taille de ses bras.

- A moi aussi, tu m’as manqué.

Yvy qui n’a pas bougé, soupire.

- Ouais, à moi aussi. Mais pas vos disputes avec Véro alors essayez de ne pas vous disputer ce week-end.

Véro alors plisse les yeux et son crayon s’envole vers moi, je l’intercepte puis retour à l’envoyeuse qui se baisse, laissant ce dernier passer par la fenêtre ouverte. Et bien sûr pour madame c’est moi le fautif.

- Hé, non ! Mais t’es vraiment con toi ! Et je fais comment maintenant ?

Appuyée à la fenêtre, Véro se penche, je me colle derrière elle ayant posé Coco sur le lit l’entourant de mes bras.

- Ce n’est pas une excuse pour se suicider.

Elle se retourne. Elle est coincée entre la fenêtre et moi, son visage à quelques millimètres du mien. 

Dans la cour il y a encore des élèves et… Gâche, qui lève la tête. Je me recule très vite. Bordel, il est temps que je me trouve une copine moi !

 

- Je vais chercher un truc en bas !

La porte de l’appart claque derrière moi.



Évidemment Gâche a déjà ramasser le crayon. Il me le tend.

- Où est ton uniforme ?

- Dans le lave-linge. Et je ne vois pas pourquoi chez mon tuteur, je serais obligé de le garder.

 

- Pas trop dur Salon ?

- Les deux premiers mois, oui. Maintenant ça va.

Le crayon à la main, je reste à papoter avec le capitaine qui semble content de me voir. On a bientôt tous les anciens troisièmes autour de nous. Ils sont en première cette année et dire que j’ai leur âge.



Le ventre bien plein, je m’étends, les mains croisées derrière ma nuque, les jambes allongées sous la table.

Coco me grimpe sur les jambes, me forçant à les replier et face à moi, pose sa tête contre ma poitrine.

- Ah non, si tu veux rester, tu ne suces pas ton pouce.

Richard et Gisou qui font la vaisselle se retournent pour nous regarder puis après avoir échangé un sourire nous tournent à nouveau le dos.

- Dis-moi garçon, tu ne veux pas nous aider en l’essuyant et en la rangeant ?

- No soucis, mutti.

J’essaie de virer Coco. Mais cette dernière ne l’entend pas comme ça et se mettant debout sur mes cuisses, s’installe ensuite sur mes épaules. Heureusement que Gisou ne l’a pas vu faire sinon elle aurait eu une crise cardiaque.

Bref, avec mon habituel fardeau, je récupère le torchon dans le petit placard et m’attelle à la tâche, posant la vaisselle sur la table.




- Bon viens ici toi. Au dodo la vilaine fille.

- Non ! Veux rester avec lui.

- Je viendrai te faire un bisou.

Et telle une suppliciée que l’on mène à l’échafaud, je la vois s’éloigner dans les bras de son père. Criant silencieusement et tendant les mains vers moi au-dessus de son épaule.



- Tu sais... Tu as manqué à tout le monde, même à Véro.

La pile d’assiettes dans les mains, je reste stupidement à regarder Gisou s’éloigner dans le couloir à la suite de son mari.



Ils sont tous les deux devant les infos à la télé.

Je veux m’incruster entre eux. Avec Richard, pour le fun, nous nous battons un peu, mollement. Gisou me chatouille, je m’écroule au sol en riant. Richard s’écarte. J’ai gagné. J’suis bien.



La montre de Richard en bipant me réveille en sursaut. Cela les fait rire tous les deux.

Richard me tape sur la cuisse.

- Tiens remplace-moi. Vas éteindre la lumière des chambres des filles.

 

J’ouvre d’un coup leur porte.

- Bou !

- On t’a entendu arriver l’éléphant.

- T’es pas drôle Véro !

Yvy me jette un regard blasé au-dessus de son livre.

- C’est tout elle ça.

- Bon alors tu seras la seule à avoir un bisou.

Je m’assieds à côté d’Yvy qui me montre son carnet à dessins. Je ne peux pas m’empêcher de penser à Anaïs.

Une ombre me fait lever la tête mais Véro enlève la sienne.



Dans l’autre chambre, Fanfan dort déjà, la tête posée sur un gros livre sur les animaux que je lui enlève et pose ouvert sur son bureau.

J’éteins la lumière après un bisou à Coco qui comate pouce à la bouche.

 

Si je retourne dans le salon c’est pour leur souhaiter une bonne nuit avant d’aller me coucher aussi. Mais dans mon lit, je ne reste pas seul longtemps.

- Chut ! Dis rien, faut que je te raconte. J’ai une amoureuse.

Allongé sur le ventre, je me redresse sur les coudes et la regarde.

- Quoi ? Corinne Granier, une, je veux dormir et tu dois rester dans ton lit. Et deux, les filles, elles ont des amoureux pas des amoureuses.

Allongée sur le côté, la couette ne laissant que le sommet de sa tête sortie, elle la secoue violemment.

- Y a pas de garçons dans mon école alors on se marie entre nous.

Je me laisse tomber, le visage dans mon oreiller.

- De mieux en mieux. Rappelle-moi… tu as quel âge ?

Elle ne me répond pas à ma question mais m’en pose une en retour.

- Et puis, c’est quoi un amoureux ?

Elle m’épuise…

- Coco vas te coucher !

- Je suis couchée ! C’est comme toi et Véro quand vous vous embrassez ?

Je lève la tête la fusillant du regard.

- Hé ! J’embrasse pas Véro.

Elle tire la paupière basse de son œil droit avec son index.

- Oui, oui, je te crois. C’est pas ce qu’elle dit à ses copines en tout cas.

Là, ça commence à m’intéresser.

- Corinne Granier ou tu me racontes tout ou j’appelle Papa. Dans le noir, je discerne un grand sourire. Bon, alors j’appelle Maman.

Je l’entends soupirer et elle repousse la couette pour sortir son bras droit.

- Pfff t’es pas drôle. Le matin c’est elle qui m’emmène à l’école et elle y va avec Béatrice et c’est «Robert, il m’a embrassé» à chaque fois.

Si ça pouvait être vrai.

- Mais c’est une vraie mytho cette fille ! Dis-moi Coco comment je ferais pour l’embrasser tous les jours alors que je suis à Salon ?

Je crois que j’ai donné matière à réfléchir à la petite cervelle rousse qui se tait.

Ouf je vais pouvoir dormir ! Je me recouche.

D’un coup elle se redresse et s’assied sur les talons.

- Tu sais que je sais lire ?

- C’est bien et moi…. tu sais que je dors ?

- Même pas vrai sinon tu ne parlerais pas. Écoute : «Il était une fois trois petits cochons. Ils vivaient dans une jolie maison avec leur maman. Ils s'appelaient Nif-nif, Naf-naf et Nouf-nouf.»

Je me retourne et me redresse. Elle suit du doigt les mots dans son livre.

Je tends le bras et attrape un livre au hasard sur la bibliothèque. L’ouvre puis le pose sur le sien.

- Super ! Maintenant, lis celui-là !

……………………………………………………………………………………………………….

 

- «Il était une fois trois petits cochons. Ils vivaient dans une jolie maison avec leur maman. Ils s'appelaient Nif-nif, Naf-naf et Nouf-nouf.»

- Stop ! Pose ce livre. Et viens ici.

Son geste me surprend. C’est presque violemment qu’elle m’a enlevé le petit album cartonné et soulevé pour me mettre debout et me traîner jusqu’à son bureau.

Je me débats, je ne veux pas la fessée.

- Je referai pas ! Je referai pas !

Je tente de m’enfuir. Je continue à me débattre, d’essayer d’enlever sa main de mon poignet. Elle s’arrête, surprise à son tour. Elle aussi un peu effrayée je pense par ma réaction.

- Arrête, mais arrête. Calmes-toi. Elle me tient à deux mains et me secoue doucement. De quoi as-tu peur ? De moi ? J’ai arrêté de me débattre et la regarde prêt à m’enfuir à nouveau. Je voulais juste t’asseoir sur mes genoux pour que nous lisions ensemble un autre livre. Je te lâche, voilà ! Regarde, tu le connais celui-ci ?

Je secoue la tête.

Sur son bureau un pile d’une dizaine de grands livres neufs attendent qu’elle les recouvre. Elle prend le premier et me le montre. Sur la grande couverture rouge, un drôle de dessin d’éléphant.

La dame qui m’a fait si peur c’est la directrice de l’école de Caths. C’est aussi la maîtresse de la classe des grands où est Caths.

Moi, je n’ai pas le droit d’être là mais depuis deux ans, je suis l’électron libre de cette école et je crois qu’elle m’aime bien même si elle me fait peur. Faut dire qu’elle est aussi large que grande, toute habillée de noir avec des lunettes noires elles aussi. Elle crie beaucoup et elle tape sur les doigts des enfants pas sages et distribue facilement des fessées. Mais moi, elle ne m’a jamais tapé jusqu’à maintenant.

Je monte donc sur ses genoux et elle ouvre le livre à plat sur la table devant nous.

Cette fois, l'éléphant est dans sa voiture et salue avec son chapeau.

- Tu sais ce que c’est comme animal ?

- Oui c’est un petit éléphant et il s’appelle Babar.

- Ah donc tu le connais déjà.

- Non, c’est écrit là !

Du doigt, je lui montre le mot écrit en gros. Mais comme elle recommence à pincer les lèvres et à avoir l’air mécontente, je me tiens prêt à filer.

Elle tourne la page et me montre les mots en bas de la nouvelle page.

- Tiens, lis ça.

Alors là, je suis OK !

- Dans la grande forêt un petit éléphant est…

En plus, je ne connais pas ce livre.

Lentement, suivant les mots de mon doigt, je lis. Je suis tout à ma lecture. Je ne fais plus attention à ce qui m’entoure, tout comme tout à l’heure quand elle m’a surpris assis sur le tapis, les jambes allongées, l’album posé dessus.

Je lis à haute voix car je ne sais pas encore lire autrement et parce que comme ça, j’ai l’impression que quelqu’un me raconte une histoire. J’aime ça qu’on me lise des histoires. Même si ce n’est pas des histoires comme quand c’est papa le journal.

Dans la classe autour de nous, les autres enfants se sont tus et m’écoutent.

Je sursaute et me tais à mon tour lorsque Madame Karfelden se met à parler.

- Vous voyez, vous devriez avoir honte, les enfants. Il a deux ans de moins que vous et lui, il sait lire.

J’affiche d’abord un grand sourire, très fier de moi. Mais ce dernier disparaît devant l’air furieux de Caths derrière son bureau au premier rang.

J’ai quatre ans et elle six.

…………………………………………………………………

 

- Ah non ! celui-là je sais pas le lire.

Je le referme en souriant et le remets à sa place. Lui enlève l’album des mains et lui mettant un bisou sur la joue, la force à s’allonger dans mes bras.

- C’est pas grave. Je t’apprendrai. Mais maintenant, dodo !























1prison

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