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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
7 janvier 2010

Caths lundi 21 juillet 1975 Camerrer

Caths lundi 21 juillet 1975 Camerer



Dimanche midi, la mère de Catherine a invité le père Camerer à manger. 

Il arrive très très tard puisque la messe finit à onze heures et qu'après il doit encore se taper toutes les jérémiades des grenouilles de bénitier qui sont pourtant venues se confesser le samedi et même certaines tôt le dimanche matin.

Comme Catherine refuse de sortir de sa chambre, il vient l'y rejoindre.

- Bonjour Catherine, m'autorises-tu à entrer dans ta chambre ?

- Si je dis non, vous entrerez tout de même comme tous les autres.

- Je ne suis pas tous les autres, je suis le père Adrien Camerer et si tu ne veux pas que nous parlions, je n'insisterai pas.

Contrairement aux autres, il lui paraît sincère. Avant de répondre elle l'observe. Il est debout au milieu de la porte, tout droit, tout en noir de la tête au pied.

« Le père corbeau » comme disait Robert qui en avait un peu peur. Elle me demande quel âge il peut avoir.

- Je veux bien que vous entriez si vous me dîtes quel âge vous avez et si vous me promettez de ne pas me parler de religion.

Elle le voit sourire en baissant la tête comme s'il allait se mettre à rire puis il pose la bible sur la commode du couloir avant d'entrer dans ma chambre dont il ferme la porte derrière lui.

- Certains disent «ce que femme veut, Dieu le veut», étant son serviteur j'écouterai les vœux de celle que tu es devenue trop tôt peut-être. En tout cas merci Catherine pour ta confiance et ce sera comme deux amis que nous parlerons. Je peux ?

Il lui montre le bout de son lit. Elle lui dit oui de la tête et il s'assied, le dos bien droit appuyé au haut panneau de bois sculpté qui forme le pied du lit.

Elle s'aperçoit alors qu'il a les yeux bleus pas aussi bleus que Robert, plutôt du genre délavé comme un vieux tissu qu'on a laissé traîné au soleil. C'est la première fois qu’elle y fait attention, avant ce n'était pour moi qu'un vieux qui passait son temps à nous sermonner.

- Alors comme ça vous voulez être mon ami ?

- Crois-tu que tu puisses être amie avec quelqu'un qui a trente-quatre ans de plus que toi ?

- Pour moi l'âge n'est pas le problème. C'est l'hypocrisie et le mensonge ambiant qui me dérangent. Et si vous vous dîtes vraiment mon ami, dîtes-moi si c'est vrai ou pas que Robert est mort ?

- Et pour toi, est-il mort ?

- Je ne l'ai pas vu mort. Ce sont mes parents qui le disent et comme ils me mentent tout le temps...


- Catherine, je te dirais seulement que tu dois toujours garder espoir et ne jamais renoncer. Die... La Vie t'amènera des surprises : certaines bonnes et d'autres mauvaises mais jamais, jamais tu ne devras perdre espoir.  
 

 

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3 janvier 2010

Robert jeudi 17 juillet 1975 Toujours un garçon !

 Robert jeudi 17 juillet 1975 Toujours un garçon !



Une douleur lancinante au niveau de mon sexe me réveille, je veux y porter la main car mes poignets et mes chevilles sont attachés.

Je suis couché sur le dos, dès que je bouge, j'ai l'impression que l'on m'en arrache la peau. Je veux crier mais quelque chose dans ma bouche m’en empêche. Juste au-dessus de ma tête un appareil émet des sons en continu ou des sifflements à intervalles réguliers. J’ai aussi très mal à la tête.

Je réalise que je suis à l’hôpital, mais je ne comprends pas pourquoi.

Et cette douleur !

Je m’agite. Je veux m’asseoir mais je suis bien trop bloqué. Je remarque un tube qui sort du creux de ma clavicule. Lui me brûle. J’en ai aussi un au bras gauche. Mais qu’est-ce qui a bien pu m’arriver ?

Une infirmière attire mon regard en m’appelant par mon prénom. Elle disparaît pour revenir au bout d'un temps qui me semble durer un siècle, avec ce que j’identifie comme un médecin.

- Bonjour mon petit, content que tu reviennes parmi nous.

Revenir ? J'étais parti ? Et je serais parti où d'après eux ? Surtout ficelé comme je le suis.

Je bouge les bras pour leur montrer mais ils ne semblent pas comprendre. Je renonce. Ce qui m'importe c'est qu'ils m'enlèvent de ce lit de fakir qui me bousille le dos.

Et voilà, cette fois ils disparaissent tous les deux.

Je comprends que je dois prendre mon mal en patience. Je me laisse aller à somnoler, je n’ai que ça à faire. Et puis, si je ne bouge pas, mon dos me lance moins.

On me touche, une peur indicible m’envahit, je me réveille en hurlant en silence. J’ai toujours ce maudit tube en bouche.

Ce sont deux infirmières différentes, avec le même médecin

- Là, là, calme... Nous n'allons pas te faire de mal. J'enlève l'oreiller le temps de t'ôter le tube que tu as dans la gorge, puis je te le remettrai, là, sois sage, ne bouge-pas !

C'est très désagréable, mais je me laisse faire, je n’ai pas le choix de toute façon. Et puis après je pourrai parler et leur demander pourquoi je suis là.




- Tu as mal ?

Tiens c’est vrai, la douleur a plus ou moins disparu.

- Non, là, ça peut aller. Tout à l’heure oui, j’avais très mal. Pourquoi est-ce que je suis là ? Pourquoi suis-je attaché ?

Il a l’air surpris. 

- Tu ne te souviens pas ?

Bin non puisque je le lui demande, pas très fut fut le toubib.

- Non !

Mon regard va de l’un à l’autre. 

- Le docteur t’expliquera, dors tant que tu peux, le temps passera plus vite pour toi, d’accord ? Et dès que tu as mal, tu m’appelles. Je te mets la sonnette dans la main droite.

L'infirmière me relève la tête pour me remettre l'oreiller, immédiatement mon dos m’arrache presque des larmes et je cherche à voir cette fameuse sonnette. Mais ce que je vois c’est mon torse puis mon ventre et surtout mon bas-ventre.

Je suis nu mais la moitié inférieure de mon ventre et mon entrejambe sont recouverts de gazes d’où sortent deux tubes. Et des genoux à mon cou pratiquement, mon corps a pris une couleur allant du noir au violet clair zébré de noir et je suis devenu un hérisson car j'ai sur tout le corps des petits fils noirs durs dressés.

L’infirmière doit sentir que je m’affole, elle me plaque sur le dos.

- Qu’est-ce que j’ai ? Mais répondez moi ? Et là d’un coup, tout me revient, en un flash rouge. Je ne suis plus un garçon, c’est ça ? Il l’a fait ? Il m’a tout coupé ? Non, je ne veux pas !

Je hurle, je me débats.

La douleur revient, intense, intolérable.

Je ne sais pas ce qu’ils m'injectent mais tout redevient noir.

…………………………………………………………………

Il est là devant moi, immense, il n’y a que lui, je ne vois que lui.

Son bras se lève et s’abaisse.

“Tu n’as pas le droit de vivre !”

Je hurle.

J’aimerais partir, j’aimerais m’enfuir mais je ne peux pas.

Je suis attaché.

Ses mains brillent dans la nuit, phosphorant à la lumière de la lune.

Et toujours cette douleur.

Et toujours ces coups.

“Tu n’as pas le droit de vivre !”

Ses paroles résonnent, rythmant les coups et mes cris.

Je veux fuir, je veux vivre.

J’ai le droit de vivre.

Je veux qu’il s'arrête.

“Je t’aime mon fils !”

Non, non, tu ne peux pas, je ne peux pas être ton fils !

Lâche-moi ! 

Et toujours ce bras qui se lève, qui s’abaisse et toujours cette douleur. 

…………………………………………………………………

Je me réveille à nouveau, je suis toujours sur le même lit mais ailleurs, dans une chambre, seul.

Je suis toujours attaché. J’essaie de me contorsionner mais cela ne fait qu’accentuer la douleur de mon dos. Je dois trouver sa fameuse sonnette, j’appuie dessus de toutes mes forces et avec frénésie. Une infirmière entre, lentement, trop lentement à mon goût.

- Détachez-moi ! Vous n’avez pas le droit de m’entraver comme cela. Je veux savoir ce qu’il m’a fait, ce que j’ai ! Et j’ai mal, j’ai mal.

Je sanglote.

- Bon tout d’abord mon petit, tu vas te calmer. Regarde-moi, plus tu t'agites, plus tu auras mal, alors ne bouge plus. je te détacherai lorsque tu seras plus calme. Tu es un véritable tsunami. Même endormi, tu te tortilles comme un petit vers, c’est pour cela que nous t’avons attaché, non pour te punir mais pour ton bien pour que tu ne te fasses pas mal.

La femme qui me parle avec un très fort accent alsacien, est blonde, ses cheveux tirés en arrière, avec un visage rond assez doux mais elle m’est de suite antipathique et je me mets à la détester.

- j’ai soif.

Elle me fait boire une gorgée d’eau.

 

- Voilà, je reviendrai tout à l’heure t’en redonner. Et si tu es calme à midi, je te détacherai les bras pour que tu puisses manger. Je pense que le docteur Péret viendra te voir cet après-midi comme tous les jours depuis que tu es avec nous.

- Depuis combien de jours ?

- Nous en sommes déjà au matin de ton troisième jour. Elle me laisse, je la regarde sortir.

Je la déteste de me laisser.

J’ai encore soif, très soif. Faim non.

Je redresse ma tête autant que je peux pour regarder mon ventre mais je ne vois qu’un tas de gazes et mon dos me lance. Je dois encore attendre, je finirai bien, malheureusement, par savoir ce qui me reste. Et elle a raison, il faut que je dorme et tenter de ne pas y penser.

J'ai dû m’endormir.

Une jeune femme d'une vingtaine d'année pas plus, habillée d’une blouse rayée rose pose un plateau sur la table. Elle me sourit en me voyant réveillé puis regarde ma fiche au pied de mon lit.

- Bonjour Robert, c’est ça ? Tu as faim je pense, je vais t’aider à manger un peu.

Elle redresse ma tête de lit pour que je sois en position semi-assise, met la table au-dessus de moi, au-dessus de mon ventre. J’ai déjà repéré la salade de betterave, et quand elle soulève le cache et que je vois le poisson, je secoue la tête.

- Je ne veux pas manger, je n’ai pas faim. J’ai soif, je veux juste boire.

- Allons, allons, un garçon comme toi a besoin de manger pour devenir un homme fort et costaud.

Elle approche la fourchette avec du poisson, je m’éloigne au maximum. Elle ne me propose que du riz, mais dessus il y a de la sauce dans laquelle nage le poisson, je secoue la tête. J’ai trop faim, je mange les betteraves. Au dessert, c’est une poire au sirop, j’accepte ainsi que le fromage, du camembert semble-t-il.

Elle me donne ensuite, seulement, à boire.

L’ infirmière de tout à l’heure revient.

Elle voit que je n’ai mangé que je n’ai pas touché au plat principal.

- Qu'est-ce que c'est que ça, tu es un petit peu difficile ? Un petit capricieux. Elle rapproche la table et tente, elle aussi. Juste une bouchée de poisson et un peu de riz. Tu ne veux pas me faire plaisir ? Elle me bloque le visage d'une main et force mes lèvres avec la fourchette qui me pique et me blesse la gencive, les dents restant serrées. Je me débats. Je ne la déteste plus, je la hais.  Allons, allons, il faut que tu manges.

Le goût même léger me révulse, j'ai un haut le cœur, elle abandonne.

Je me penche au-dessus de l’assiette et crache le grain de riz resté entre mes lèvres.

La femme à la blouse rose repart avec son plateau. Je réclame à boire. L’infirmière me présente un demi verre d’eau.

- S'il vous plaît, détachez-moi au moins une main.

- C’est le docteur qui décidera, si tu es sage mais franchement…

Avant de partir, elle me propose de l’eau, lorsqu’elle pose le verre contre mes lèvres, je fais exprès de lui faire pencher davantage. L’infirmière jure car si j’ai pu avoir plus d’eau, le reste s’est répandu sur mon torse et mes pansements. Et c’est énervée que je la vois s’éloigner. 

J’ai toujours très soif et je commence à en avoir marre qu'on me dise d'être sage comme si j'étais un tout petit bébé.





Je somnole lorsque le docteur Péret entre.

- Salut bonhomme, comment vas-tu aujourd’hui ? Tu sais que tu nous en as fait une de ces peurs ?

- J’ai quoi exactement et pourquoi je suis attaché ? Et pourriez-vous fermer cette porte ?

- Pendant que je suis là, je vais te détacher, après je verrai avec l’interne, d’accord ? J’apprécie de pouvoir m’asseoir, mon dos , mes fesses me lancent. Je me contorsionne autant que je peux, pour toucher mon dos. Sous mes doigts, un pansement qui va du cou aux fesses qui elles sont nues et sous mes doigts je sens les stigmates laissés par la ceinture de mon père. Par contre, quand je veux toucher à mon gros paquet cadeau, il me retient la main. Non bonhomme. Si tu veux que ça guérisse bien n’y touche pas. Ils ont mis six heures à tout recoudre, normalement tout sera comme avant, du moins il me l’a promis. Je pense que le chirurgien devrait passer te voir, ce soir ou demain. Je te sais intelligent alors soit patient.

La porte s'ouvre sur l'infirmière.

- Pourquoi cette porte est-elle fermée ? Dans ce service, les portes doivent rester ouvertes. De plus, Monsieur, qui vous a autorisé à le détacher ?

- Je suis son médecin.

- Vous êtes interne ici ? non . Alors vous n'avez aucun droit pour décider ce qui doit être fait ou pas. Allons, donne-moi ton bras.

Je m’éloigne tant que je peux, agrippant de ma main les barres du lit opposées à elle.

- Non !

- Et bien on va voir qui décide, mon petit.

Je me débats, je suis à deux doigts de la mordre. J'ai mal à nouveau et je me mets à pleurer de douleur et de rage.

- Non, non, nooooon.

Le docteur Péret se met entre elle et moi.

- Attendez, laissez ce gamin, allez chercher un interne, il décidera. 

Elle me lâche et furieuse sort de la chambre, il ferme la porte derrière elle. J'ai mal, je me laisse glisser vers le fond du lit malgré la râpe dans mon dos, pour ne plus avoir les jambes droites, les plier, les bouger.

Le docteur Péret soupire et m'enlève aussi les bracelets de chevilles. Doucement car chaque geste m'est douloureux, je bouge les jambes.

La porte va claquer contre le mur lorsqu'elle l'ouvre.

Je sursaute, effrayé, je voudrais me mettre en boule, mais je ne peux même pas.

Elle semble proche de l'apoplexie quand elle voit mes jambes libres. Mais ne dit rien car un médecin la suit.

- Bonjour collègue, comment vas-tu ? Alors c'est toi, celui qui nous l'a amené ? Mademoiselle Meyer, faîtes donc confiance au docteur Péret. Personnellement, je lui confierais ma vie sans problème.

- Docteur s'il vous plaît.

- Oui bonhomme.

Il doit avoir à peu près le même âge que le docteur Péret.

- J'ai quoi exactement ?

- Ah ça c'est l'urologue qui répondra à ta question lorsqu'il passera te voir.

A dix-huit heures, on me laisse manger sans aide, ma soupe, mon poulet, ma purée, ma tranche de gruyère et ma compote. Cela me change des repas de la maison.

Le docteur Péret ne part que quand j’ai fini de manger mais sans avoir réussi à m'obtenir un drap pour me couvrir..

Dans la soirée, l’infirmière vient me prendre elle-même la température, surveillant que je garde bien le thermomètre en bouche suffisamment longtemps en l'y tenant.

Puis elle éteint la lumière, je m’endors assez rapidement malgré une soif inextinguible.

Deux infirmières me réveillent en me remettant les bracelets aux poignets puis aux chevilles. J’essaie de résister, de les supplier rien n’y fait.

- Désolé mon petit, tu bouges beaucoup trop quand tu dors, tu te fais du mal sans le vouloir.

- Pitié, je ne dormirai plus s'il le faut mais non pas ça. L'une des deux sourit, l'autre ricane, elle, je ne l’aime déjà pas, elle me fait peur. J'ai mal, vous n'auriez pas un truc ? Elle reste un moment à me regarder puis touche à mon paquet cadeau. Ah bin tiens quelle bonne idée !!! Je pousse un cri de surprise, ça la fait sourire. Mais vous êtes une pourriture, je vous dis que j'ai mal et vous faîtes en sorte que j'ai encore plus mal.

Très contente d'elle, elle sort et éteint la lumière sans fermer la porte. Même si je sais qu'elles ne reviendront pas, je pleure en appelant pendant un moment.















 



27 janvier 2010

Robert mercredi 4 septembre 1975 cauchemars

 

Robert Jeudi 4 septembre 1975 Aix cauchemars

 

Je m’assieds sur mon lit.

J’ai froid, je remets de l’ordre dans mes draps et couverture et m’en recouvre.

Je ferme les yeux mais les ré-ouvre de suite.

Je m’assieds à nouveau, secouant la tête et me frottant les yeux.

Comment fait-on pour enlever de son esprit ces images, ces sensations, cette douleur qui se rappelle à moi à chaque instant.

Je veux oublier !

Je m’allonge et commence à tenter de faire le vide dans mon esprit. Le docteur Péret m’a dit : tu fixes ton esprit sur le bout de tes orteils. Mes orteils mais par lequel commencer ? Et si je pense à tous en même temps… je m’arrête, ça me stresse, je n’y arrive pas.

 

Je suis allongé sur le dos, mes bras le long de mon corps mais cela me rappelle mes jours et mes nuits d’hôpital alors je les croise sur la poitrine puis me mettant sur le côté, je me roule en boule, en coinçant bien le drap autour de moi comme un cocon sécurisant. Mais quelques secondes après, j’ai l’impression qu’il m’étouffe tel un linceul.

Dans l’obscurité, le souffle des autres enfants autour de moi me font penser au sien, à sa respiration lorsqu’il s’est approché de moi.

Je sursaute lorsqu’un de mes camarades pousse un cri dans son sommeil, je me demande si lui aussi, certains de ses souvenirs viennent le torturer nuit après nuit.

Pourquoi ne puis-je pas oublier ses coups, ses gestes, pourquoi doivent-ils, nuit après nuit, venir me hanter ?

 

Me revient alors le doux souvenir de la voix douce de ma sœur qui chantait pour moi lorsque blotti contre elle, tout le reste s’effaçait... j’oublie alors, momentanément mes cauchemars... fredonnant en silence avec elle, les paroles de cette berceuse alsacienne.



 

 



 



 



 

9 février 2010

Véro mercredi 8 Octobre 1975 les garçons de la piscine

Véro mercredi 8 Octobre 1975 les garçons de la piscine



Véronique a remarqué que le garçon passe moins de temps dans l'eau, beaucoup plus à plonger.

A chaque fois que leurs regards se croisent, il a un grand sourire.

Là, il plonge avec son copain puis font la course qu'il ne gagne jamais d'ailleurs.

Isabelle a entendu qu'ils s'appelaient Claude et le petit Robert. Ils sont apparemment dans la même classe, elle hallucine, il fait la moitié de son copain en taille.

Elle prend son courage à deux mains. Il est debout dos à l’eau, sur une borne pour plonger, Véronique s’approche de lui.

- Salut ! On peut faire la course avec vous ?

Lui aurais-je fait peur ? Il tourne la tête vers elle, surpris et la regarde en ouvrant de grands yeux. Ils sont trop, trop beaux, Véronique craque définitivement. Mais elle le voit dégringoler dans l'eau comme un sac d'os en faisant un grand plat qui l'éclabousse d'une grande gerbe d'eau. Elle pose ses genoux sur le bord de la piscine. Lorsqu'il émerge, elle lui tend une main, il refuse en secouant la tête, grimace en nageant vers l'échelle. elle le suis des yeux lorsqu’il s’éloigne vers les vestiaires. Il a le tibia tout écorché, il saigne, il s'essuie avec sa serviette. Lorsque son copain passe devant nous, se dirigeant aussi vers leur vestiaire, elle ne peut s'empêcher, de l'interpeller ennuyée de voir l’autre blessé.

- Ça va ? Je m'en veux, c'est à cause de moi d'une certaine façon qu’il s’est fait mal, tu m’excuseras auprès de lui ? Vous viendrez demain ?

Le Claude a des petits yeux bruns sous de fortes arcades, ceux du petit sont bleus lavande, grands, expressifs. Soulignés par un sourire que je ne saurais définir, mais si, si... Il a des lèvres fines, bien dessinées et des petites dents bien blanches. Bref ! Il est irrésistible comme son sourire.

- Oui, bien sûr et demain il va sauter du dix mètres.

Mais déjà il accélère pour le rejoindre



Le soir même, Véronique met les points sur les «I» avec Isabelle. Elle n'emmène plus aucune copine avec nous à la piscine. Désormais ce sera leur chasse gardée.

Elle ne veut pas qu'au bahut on lui casse les pieds avec ça. 

9 février 2010

Véro jeudi 9 Octobre 1975 plongeons

Véro jeudi 9 Octobre 1975 plongeons


Jeudi soir à dix-sept heures trente, Isabelle et Véronique sont en maillot sur le bord de la piscine mais ils arrivent qu’à dix-huit heures au moment où elles décident de s’en aller.  Car à  force d'être dans l'eau,elles ont  l'impression d'avoir la peau de deux petites vieilles. Et Isabelle ne supporte plus les regards et sourires des garçons qui, certains font exprès de les frôler.

- Véronique si le blond s’approche encore une fois, il va prendre ma main dans la figure.

Mais cette dernière ne l’écoute plus et saute dans l’eau. Et… Oh… Son bonnet se détache tout seul. Et bizarrement, elle ne s’en aperçoit qu’une fois remontée.  Elle le sent plonger juste à côté d’elle, pour remonter en tenant la pièce du délit entre ses mains.

Assise sur le bord du bassin, Véronique laisse Isabelle le lui remettre. Les deux beaux yeux sont dans l'eau à ses pieds, levés vers elle au-dessus d’un doux sourire. Son copain s'accroupit à côté d’elle.

- Bob vient, Joliot t'attend.

Il rejoint l’échelle en nageant sous l’eau. 

Isabelle et Véronique à la nage vont jusqu’au bord du bassin, là où elles peuvent bien regarder les plongeurs.

C'est apparemment la première fois qu'il monte sur le plongeoir. C'est plutôt comique à voir. 

- Dis-moi petite soeur, plutôt que te moquer de lui, si tu allais lui montrer le bon exemple ?

- Tu n’as qu’à y aller toi !

Isabelle la regarde en soufflant.

- Non parce que je n’ai pas envie de me ridiculiser. Et parce que moi, je ne me fous pas de lui.

Véronique ne lui répond rien mais elle aimerait bien. Elle aimerait bien avoir le courage de monter toutes ces marches et de là-haut au moins avoir le courage de sauter. Alors elle se tait et croise les doigts et de tout son coeur le soutient.

Lorsqu’il monte avec son copain sur le plus haut, j’ai de la peine pour lui. Il vient jusqu’au bord puis recule. On le voit parler à Claude. Puis tous les deux s’approchent du bord. Et ils sautent ensemble, il a les yeux fermés, la main de Claude dans son dos.

Le prof l’aide à sortir du bassin puis lui parle.  Véronique aimerait bien entendre ce qu’il lui dit. Lui il la fixe, elle a l’impression qu’il tremble. Il serre les poings. Elle lui sourit. Il rougit un peu, opine de la tête puis va jusqu’à l’escalier des plongeoirs. Son copain est déjà monté. 

- Tu vois Véro, lui au moins il sait plonger.

- Oui Isabelle mais on dirait un néandertalien et il grassouillou.

- T’es dure ! Et il n’est pas gros mais musclé.

Véronique éclate de rire ce qui fait se retourner le prof et la majorité des élèves, alors Isabelle se lance pour une longueur et sa sœur la suit. Mais les deux suivent quand même le plus jeune des deux garçons qui est arrivé tout en haut.

Il s’approche du bord du plongeoir, se prépare bras levés puis recule pour revenir et d’un coup, plonge. C’est bête mais Véronique est fière de lui.

A dix-huit heures quarante-cinq la piscine ferme, le repas de l'école est à dix-neuf heures. Alors avec Isabelle, elles décident de partir à la demie.

Mais Véronique est de mauvaise humeur. Elle est frustrée de ne pas avoir pu lui parler. Elle n'a pas envie de se sécher les cheveux dans le vestiaire, elle le fera à la maison. Isabelle la prévient que maman va nous gronder et comme Papa sera déjà là, sûrement, qu'il va en rajouter.

Elle les déteste tous !

Elle fourre sa crinière emmêlée dans son bonnet et sort. Isabelle viendra quand elle voudra, elle l'énerve cette madame la sainte nitouche parfaite.

Passée à peine la porte du vestiaire, elle bute sur les deux garçons.

- Pourquoi êtes-vous parties si vite ?

La surprise la tétanise.

La porte s'ouvre derrière Véronique sur une Isabelle tout aussi étonnée. Son expression lui provoque un fou rire qu’elle lui communique. Et l'expression maintenant toute aussi ahurie des mecs n'est pas faite pour la calmer. Mais derrière eux, la piscine commence à se vider.

Ils ne sont plus du tout seuls.

- Bon et bien alors à demain, si cela vous tente.

Les deux filles sont incapables de parler et leur répondent par un signe de tête.

Véronique a mal au ventre tellement elle rit, elle s'assied dehors sur le banc juste devant la porte.

Les élèves qui passent devant elles sourient et chuchotent entre eux.

Elles ont l'air de deux folles mais elles s’en fiche. Véronique s’en fiche. Il lui a parlé.

Elles arrivent toutes échevelées et quasi hystériques à l'appartement. Où elles sont accueillies par leur mère qui commence par rouspéter pour leurs cheveux mouillés puis semble amuser de leur voir ainsi.

Véronique la laisse même lui brosser les cheveux ce qui n'était plus arrivé depuis longtemps.

Papa nous interroge sur notre hilarité mais certaines de ses questions raniment notre bonne humeur.

- Et bien, mesdemoiselles allez vous calmer dans votre chambre, vous viendrez manger quand vous serez moins excitées. Mais Véronique avant de s’éloigner entoure le cou de son père et l’embrasse en riant. Alors il se tourne vers sa femme qui les regardent en souriant. Tu m’expliques ?

- Elles sont adolescentes…






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19 février 2010

Véro samedi 25 Octobre 1975 les Alpes

Véro samedi 25 Octobre 1975 les Alpes



Vers trois heures du matin, Véronique qui a du mal à dormir, entend sa mère se lever.

Elle l’imite donc de suite et jette sur Isabelle ses vêtements.

- Debout ! Dépêche-toi, Maman est déjà dans la cuisine. 

Isabelle pas d’accord se retourne dans son lit, faisant tomber au sol sa robe que sa sœur ramasse et pose au pied de son lit. 

Alors Véronique allume la lumière et l’autre fille remonte ses draps par-dessus sa tête..

- Mais éteins, je dors moi !

Alors essayant d’imiter la voix du serpent dans le dessin animé de Walt Disney : Le livre de la jungle” qu’elles aiment toutes les deux, il lui susurre à l’oreille.

- Non, tu te lèves, tu te souviens : les Alpes, Papa, Robert.

Elle a dû trouver les mots justes car Isabelle se lève et s’habille, un grand sourire aux lèvres.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les voilà dans la cuisine. Et cela semble amuser leur mère.

- Et bien mes amours, que vous arrive-t-il, vous êtes tombées du lit ?

Isabelle lui répond en l’embrassant.

- Mais non, nous avons juste hâte de revoir papa et d'être là-haut.

- Ce ne serait pas plutôt notre jeune invité que vous avez hâte de voir ? Moi, cela m'effraie un peu , avoue-t-elle en les fixant. 

- Meu non ! Qu'est-ce que tu vas t'imaginer là, maman ? Tu crains quoi ?

Vu leurs sourires, elle n'a pas trop l'air de croire Isabelle mais de son côté, elle ne répond pas à sa question. Et l’ado se dit que les adultes sont bien bizarres parfois.

Et puis pourquoi faut-il emporter tant de choses ? Chacun de leurs départs en vacances ressemble à un vrai déménagement. Et tous ces sacs de vêtements. Il n’y a pas une machine là-haut ? Et elle, elle jetterait facilement les anciens vêtements de Corinne au lieu de les stocker dans le grenier du chalet. 

La réponse habituelle de leur mère horrifie à chaque fois Véronique  : “Pour les futurs bébés.” Car elle, elle ne veut plus de petite sœur et Isabelle est bien d’accord avec elle. Leurs parents ont assez d’enfants ! Stop franchement, stop ! 

Et toute cette bouffe. Il n’y a pas de magasins là-haut ? Et elle passe sur la laine et le tissu que sa mère a achetés spécialement pour les remonter au chalet. Incompréhensible pour elle !

Enfin la voiture est pleine et la remorque aussi. Avec Isabelle, elles sont devenues des pros pour fixer la remorque à la voiture mais leur mère les agace à repasser derrière elles et elles trouvent ce manque de confiance vraiment vexant.

C’est Isabelle qui s’occupe de Corinne pour la descendre telle quelle en pyjama enfin en grenouillère. Et pour ne pas qu’elle pleure, le truc c’est de lui mettre un biberon dans le bec puis hop dans les bras.

Véronique, elle doit se charger des deux autres. Françoise, quand elle lui montre le biberon auquel elle a droit exceptionnellement et elle est debout dans la seconde.

Pour Yvi, elle doit être plus persuasive comme avec Isabelle… car elle ne veut pas se lever. Mais le même miracle se produit lorsque Véronique prononce le mot magique : Robert. Yvette ouvre de grands yeux et sa grande sœur n'a même pas besoin de l'accompagner, elle va toute seule à la voiture.  Ce qui impressionne vraiment leur mère.

Isabelle remonte pour aider  Véronique à faire les lits des petites car leur mère veut laisser la maison propre et rangée. Mais les lits franchement ! Pas faits, au moins ils s’aéreraient…

Comme il est très tôt, la route est pour ainsi dire vide.

Elles aiment bien voyager seulement avec leur mère car elles chantent sur tout le trajet. Avec Isabelle, elles échangent deux fois de place. Pour avoir un coffre plus grand, leur mère a rabattu la dernière banquette et Corinne est soit sur les genoux d’Isabelle, soit sur les siens.

Alors elles se relaient pour l'avoir sur elles ou pour être assise à l'avant à côté de leur mère.

Elles arrivent vers neuf heures. Papa est déjà debout, il coupe du bois en buvant son café. Maman le gronde car il est en tee-shirt malgré le froid.

Joignant les mains, il se moque d’elle avant de l’embrasser.

- Pitié Gisèle, je ne le ferai plus ! Vous avez bien voyagé ? Un bisou, mes amours ?

Leur mère tout en lui répondant les transforme en mules avec tous ces sacs à transporter.

- Oui, ça roulait bien et les filles ont été très sages, elles m'ont même bien aidé. Mais, tu es seul ?

Bon, lui aussi elle le transforme en mule, enfin dans son cas ce serait plus en baudet.

- Oui et non, je l'ai laissé dormir. J'en ai des choses à te raconter, mais faudra t'accrocher. L'homme que je suis, a parfois eu du mal. Enfin... Là, il est dans notre lit. En tout cas il n'est pas de tout repos le gamin.

Véronique, elle, a hâte qu’il se lève, s’ils veulent, elle peut aller le réveiller. Mais elle n’ose pas le proposer.

- C'est-à-dire ? Violent ? Brutal ?

Lui ? elle est folle ? Il est tout doux comme un chaton.

- Non simplement pas facile de dormir dans la même pièce que lui, enfin tu comprendras vite. Mais leur père s’arrête de parler et la regarde soupçonneux. Qu’est-ce que tu attends jeune-fille ?

- Rien, rien.

Véronique file à l’intérieur, de toute façon, elle a entendu tout ce qu’elle avait à entendre.

Leurs voeux sont exaucés, pendant dix jours ils seront H24 ensemble.

 

15 avril 2010

Caths Dimanche 30 Mai 1976 fête des mères

Caths Dimanche 30 Mai 1976 fête des mères



- Tach. Poussinette réveille-toi.

Catherine ouvre difficilement un œil sur une Typhaine tout sourire. 

- Qu’est-ce qui se passe?

- Rien de bien grave rassure-toi.

Rien de bien grave. Donc il se passe quelque chose. Cette fois la jeune femme est bien réveillée.  

- Roberta ?

C’est Michka qui lui répond rassurante.

- T’inquiète-pas, elle est dans son berceau à deux pattes. Elle lui montre Dan qui se balance d’un pied sur l’autre, un bébé couché sur son avant-bras comme une petite lionne sur une branche d’arbre. Assieds-toi ! Voilà, bien installée ?

Calée, dos au mur contre des coussins, Catherine se demande bien ce qu’ils peuvent bien tous lui vouloir. Les filles assises autour de moi, ont l’air amusées donc pas de mauvaise nouvelle à m’annoncer… quoique…

A nouveau, l’inquiétude recommence à faire surface.

- Thib tu peux venir !

Monsieur alors vient me poser un plateau sur les genoux. 

Dessus, un de nos grands verres en plastique avec une rose dedans. Un bol avec un chocolat fumant nappé d’une montagne de chantilly et autour pleins de petits palmiers en forme de cœur.

Devant le bol un bébé découpé dans un carton rose, avec dessus, marqué au feutre blanc : «Bonne fête maman !» Roberta.

 

Alors elle se met à pleurer tellement elle est touchée… mais aussi parce que dans quinze jours personne ne lui souhaitera une bonne fête des pères.

27 janvier 2010

Robert Jeudi 4 septembre 1975 élections

    Robert mercredi 4 septembre 1975 élections



- Messieurs, nous allons donc procéder aux élections des délégués de classe.

Je me tasse sur mon siège, pas envie d’être délégué.

Mes voisins se penchent vers moi, très synchrones.

- T’es le plus jeune, tu vas être élu d’office.

Je lève la main.

- Weissenbacher, je note que vous vous présentez.

- Monsieur, j’ai droit à un discours, non ?

Il sourit amusé.

- Hum, oui, normalement, mais cela nous fera perdre du temps.

Je joins les mains. Il soupire et me fait signe de venir au tableau.

- Alors voilà ! Votez pour moi car de vous tous, je suis le plus beau mais surtout le plus fort en tout.

Je me tais car ils font un tel chahut que je dois hurler pour être entendu. Le prof me regarde en fronçant les sourcils puis se lève.

- Silence ! Au prochain signe d’irrespect envers l’orateur, ce sera dix pages, avez-vous compris ? Continue !

- Nous ne nous connaissons pas encore mais sachez que mes qualités sont aussi mes défauts. Je suis honnête et franc, je ne sais pas mentir donc sachez que lorsque nos professeurs m’interrogeront, je ne saurai cacher vos travers ou vos fautes aussi minimes soient-elles. Que je suis un bosseur, le travail ne me fait pas peur et plus on m’en donne, plus j’en redemande donc je ferai toujours en sorte que nos professeurs nous poussent à nous dépasser bien au-delà de nos limites qu’elles soient physiques ou intellectuelles. Ne sommes-nous pas les futures élites de notre très chère nation à laquelle plus tard, nous comptons donner nos âmes comme nos vies. Alors votez pour moi et je vous entraînerai tous dans mon sillage d’exception.

Les mecs sont rouges de rage. Le prof me fixe.

- Tu joues à quoi ?

Je lui fais un grand sourire innocent.

- A rien monsieur, je veux qu’ils sachent que grâce à moi, cette classe deviendra un exemple pour les siècles futurs.

Je sens qu’il se retient de rire.

- Les siècles, carrément.

Très droit, je soutiens son regard.

- Oui monsieur.

Il semble dépité.

- A ta place ! Non, attends, puisque tu es debout. Distribue les papiers puis tu les ramasseras.

Lentement, je donne un papier à chacun de mes camarades.

Trois me demandent d’épeler mon nom.

-W.E.I.S.E.N.B.A.C.H.E.R.

- ...

- Si tu veux je te l’écris.

- …

Après avoir posé mon propre bout de papier sur mon bureau, je vais jusqu’au tableau et y écris mon nom et mon prénom puis retourne à ma place avec un grand sourire et le pouce levé.

Je ne connais aucun de ces gars, ah si, il y en a un qui me gonfle déjà : Marion Garrot.



Je passe avec la poubelle et chacun y jette son bulletin puis je viens la vider sur le bureau du prof qui fait signe à deux élèves de venir. Nguyen pour marquer les résultats sur le cahier de jour et Jussieu pour les marquer sur le tableau. Ce dernier efface mon nom du tableau.

L’épouillage commence :

- Garrot Marion.

- D’Aureilhan

- Nguyen

- Nevière

- Weissenbacher…

J’ai envie de mourir, quel est le con ? Bon, je n’ai qu’un vote, ouf ! Nevière l’emporte avec dix votes et Nguyen avec sept votes. Semblerait que le vote n’étonne pas le prof, les deux meilleurs élèves.

Pour l’instant…

Mais je refuse d’être délégué ! Je l’ai été pendant six ans, j’en ai ma dose.

Je félicite mon voisin qui semble blasé.

- Septième année…



Passons aux remplaçants…







10 mai 2010

Caths mercredi 4 Août 1976 Salon.

Caths mercredi 4 Août 1976 Salon.



- Dan, pourrait-on s’arrêter, j’ai envie de faire pipi.

- Pisse dans une bouteille.

- Oh merci Thib, mais j’ai une meilleure idée, ouvre la bouche.

- Ah non ! Michka et Thib, vous êtes dégoûtants, changez de langage les filles, vous avez un bébé qui vous écoute, vous imaginez ses premières paroles ?

Michka lève les yeux au ciel.

- Tach, ta fille, elle pige que dalle. Dan pitié, je vais exploser.

- Ouais, ouais, mais il faut encore que je puisse. Oh ! Tach cela te dit de voir des avions ?

- Pourquoi ?

Michka sourit en regardant Catherine.

- Dan, ce ne sont pas les avions qui l’intéresse c’est ce qu’il y a dedans. Je fais semblant de mordre Michka qui me repousse. Non, arrêtes, ne me fais pas rire sinon, je ne pourrai pas me retenir.

Typhaine surenchérit.

- Dan, moi aussi j’aimerais bien que l’on s’arrête.

- Oui, oui, on va s’arrêter, voilà messieurs dames.

- On est où ?

- En bout de piste de la base d’Orange. Tach avec un peu de chance, tu verras des avions décoller.

- Tu connais ?

- Non, j’étais en Allemagne pour mon service.

 

Qu ‘est-ce que cela fait du bien de pouvoir se détendre les jambes.

Mais Dan me tend un bébé gigoteur qui n’a pas tété depuis trois heures et se fait entendre. Celle-là, pour la faire dormir, faut rouler.

J’ai tellement peu envie de rester assise que je lui donne le sein tout en marchant.

- Tach, un sandwich ?

- Oh oui et à boire.

- Dan, je sais ce qui manque dans ton carrosse, un frigo.

- Et je le mets où ? Sur le toit ?

 

Typh me suit et me tend un sandwich dans lequel je mords avidement.

- Merde t’ai filé le mien.

- Et c’est grave ?

- Non, si tu devais me rendre malade ce serait fait depuis longtemps. Dan, quand doit-on arriver à Marseille ?

- Ce soir, nous dormons ici, je suis mort. Demain soir je pense. Tiens, je regardais la carte et si tu veux Tach, nous pouvons passer par Aix, comme ça, on essaiera de voir l’école du papa de Roberta.



11 mai 2010

Caths jeudi 5 Août 1976 Marseille.

Caths jeudi 5 Août 1976 Marseille.

 

Comme me l’a promis Dan nous passons devant le lycée militaire d’Aix.

Il est bien sûr fermé, je ne peux même pas en entrevoir l’intérieur.

 

 

Deux heures plus tard, nous nous garons près du terminal des bateaux pour la Corse.

 

Les billet coûte une fortune à Dan, presque la totalité de sa paye du mois.

Je me dis que je vais vite perdre les kilos que Roberta m’a fait prendre.

Le bateaux sur lequel nous devons prendre place ne part que demain matin.

Nous décidons alors d’aller visiter la ville.

 

 

Je veux voir le David et Thib veut nous montrer où il a fait ses classes de la seconde à la terminale.

- Mais tu as quel âge ?

- Vingt deux ans !

Bin ça alors, moi qui lui donnais seize ans grand max.

Un bahut privé hors de la ville, dans une immense pinède, où il était interne et n’en sortait que pour les vacances. Ses parents voyageaient beaucoup et ne voulaient pas s’encombrer de lui.

Jusqu’à tard dans la nuit, même une fois revenus près du terminal d’embarquement à la Joliette, il nous raconte les trois années que les autres élèves ont transformées en véritable enfer. Dans ce qu’il raconte je retrouve des parallèles avec ce que Robert pouvait vivre. Mais la grosses différence réside dans le fait que lui il ne se battait pas, ne se révoltait pas mais attendait que ça passe. Je n’aurais pas pu !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3 octobre 2010

Robert Mardi 8 Février 1977 la bouteille

Robert Mardi 8 Février 1977 la bouteille



Jérôme passe avec la bouteille dorée devant chaque élève de la classe et chacun y va d'un billet de dix francs. Je sors mon portefeuille. Claude m'a expliqué que cette bouteille ne circulait que lorsque l'un d'entre nous fêtait ses dix-huit ans, et ce cadeau était si spécial que nous devions obligatoirement y mettre au moins dix sacs. Jérôme passe devant moi sans s'arrêter et j'en vois certains se mettre à rire. Henry me tape sur l'épaule.

- Eh ! L'abruti, elle est pour toi celle-là !

- Mais, je ne vais pas avoir dix-huit piges, juste seize.

- Bin ouais, mais avec toi, nous sommes bien obligés, tu es du genre chiant mec !

Le prof arrive, Jérôme s'assoit, la bouteille disparaît mais je vois Monsieur Deschamps lui glisser un billet de dix en passant.

Parfois pour certains, le jour de son anniversaire, les mecs, le lui souhaitent en gueulant en son honneur lors du repas de midi et en le bombardant de bouffe comme ce fut le cas pour moi, l'an passé. Mais pourquoi cette année, aurais-je droit à la bouteille ?

A l'intercours Jérôme finit par me lâcher une explication.

- Tu auras tes dix-huit ans à Salon ou ailleurs, nous ne pourrons donc pas t'offrir CE cadeau qui est la tradition de la maison. Alors nous nous sommes dit, te connaissant, qu'il te serait tout de même utile alors voilà.

- Et c'est quoi ?

Mais Jérôme s’est retourné et se penche à nouveau sur son cahier. Gabriel à côté de moi est ma future proie mais il n’est pas coopérant.

- Tu verras. Fiche-moi la paix !

Du coup je me lève pour aller cuisiner celui que je juge le plus susceptible de me répondre.

- Allez Claude, lâche le morceau.

- Tu verras ! Moi j'y ai eu droit l'année dernière et franchement je ne suis pas prêt de l'oublier, tu verras ce n'est que du plaisir ! Un truc dont tu rêves comme nous tous.

Il se met à rire et me fait un clin d’œil. 

Mais de quoi peuvent bien rêver tous les garçons ? D’une fille ! Mais les filles ça ne s’achète pas, mais alors quoi d’autre ?

2 février 2010

Robert Mercredi 17 septembre 1975 bizuth

Robert Mercredi 17 septembre 1975 bizuth1

 

Lorsque j’arrive au mess, je m’aperçois que mes camarades sont en tenue de combat.

- Qu’est-ce que tu fous en bleu ?

- J’ai pas de tenue comme la votre et puis on ne m’a rien dit.

Je commence à déjeuner lorsque la porte du mess s’ouvre sur de jeunes militaires en grande tenue. Leur apparition est accueillie par un concert de Tusss admiratifs.

Firmin ferme la porte de la cuisine . C’est mauvais signe.

Ils s’avancent jusqu’aux tables des profs où ils sont accueillis avec de grands sourires et de larges poignées de mains.

Mais sur leur chemin, notre table et celle de nos collègues de l’autre côté de l’allée, se sont retrouvées pilées. Mon bol fini dans l’estomac d’un biffin2 qui ensuite me fait me lever et m’entraîne derrière lui en me tenant par derrière, plus ou moins soulevé par la ceinture de mon pantalon et par le col de mon blouson. Position inconfortable et douloureuse.

Arrivé devant Gâche, il me soulève et me pose à plat au sol devant Gâche puis pose son pied sur mon cou.

- C’est quoi ce truc bleu ?

C’est Lorient qui répond :

- il est logé avec les troisième, il n’a pas perçu de treillis dans son paquetage.

- Lorient, Lorient, tu mériterais qu’on t’emmène avec eux.

Ils se mettent tous à rire, moi non et je serre les poings. Quand il me lâchera je lui volerai dans les plumes à cet espèce de con.

- Je l’emmène moi-même réparer cet oubli.

- Non, je m’en charge, comme ça je ferai parler ce moustique.

Et la seconde d’après je suis tel un sac de patates jeté sur son épaule. Mais je n’apprécie pas ce traitement et me débats.

- Arrêtes ou je vais devenir méchant.

Alors là, c’est pas en me demandant comme-ça que j’obtempérerai.

- POSEZ-MOI !

Il me pose mais sur le comptoir des garde-mites.

- Une tenue verte pour ce truc.

Je saute au sol mais il me récupère plus ou moins au vol et plaque au mur un main sur ma gorge.

- Stop ! Et on pourra causer, OK ? (Je ne bouge plus, il me repose au sol, je frotte ma gorge.) T’es un taupin3 ?

- Oui.

- T’as quel âge ?

- Quatorze.

Une des fourrière nous tend une tenue complète qu’il saisit.

- A poil ! Habilles-toi et grouilles que tu nous fous en retard.

J’obéis en fixant les trois femmes derrière lui. Madame Calliop, les fait entrer dans son bureau.

Je tremble.

L’autre devant moi affiche un sourire que je n’aime pas.

 

Les autres élèves de ma classe attendent déjà en rang dans la cours, les mains sur la tête. Garrot et Lecam font des pompes.

- Alors le minus on doit l’embarquer aussi ?

- Oui, il fait parti de cette bande de lopettes.

Ils nous font monter dans le bus qui nous attend devant la porte de l’école.

Lorsque nous passons devant Monsieur Cohen, il arrête deux des jeunes officiers avec qui il semble se prendre la tête…

Enfin, ce n’est pas mon problème, le mien c’est de me coucher jambes écartées dans l’allée centrale du bus, la tête posée sur le bas du dos de celui qui me précède. Celui qui me suit prenant la même position, ceci, car sinon nous n’entrons pas dans la longueur du bus.

Un mec me soulève la tête que j’avais posé de côté et me la positionne bien la face, le nez contre la couture du pantalon.

Nous ne restons pas longtemps ainsi car le trajet n’est pas long, nous avons juste fait le tour du lycée pour aller derrière gymnase.

 

 

Lorsque nous revenons au lycée, il fait déjà nuit.

Même si nous sommes tous complètement crevés et boueux, nous sommes tous contents d’être encore en vie après notre journée de bizutage menait sur un train d’enfer par nos aines ayant quitté l’école en juin. Dans deux ans ce sera notre tour de martyriser «gentiment» les petits nouveaux.

Gâche m’accompagne jusqu’à mon lit pour m’éclairer le temps que je me mette en pyjama.

- Laisses tes vêtements sales devant ton armoire. (il hausse le ton pour être entendu par les autres.) si la moindre chose disparaît ou est abîmée, c’est tout le dortoir qui se fera cranter et aura affaire à moi.

 

 

Je crois que je n’avais pas autant apprécié mon lit et aussi bien dormi depuis longtemps, même si mes rêves furent assez boueux et sportifs.

1Élève de première année de prépa

2Militaire de l’armée de Terre

3Élève de classe préparatoire

5 octobre 2010

Robert samedi 12 février 1977 Et flûte !

Robert samedi 12 février 1977 Et flûte !



Les niveaux collège ont déjà presque tous évacué les lieux, et il n’en reste plus beaucoup à côté du second cycle et des prépas.

Il gèle et en plus le Mistral s’infiltre partout et j’ai l’impression que mes doigts sont tailladés par mille petites lames de rasoirs incrustées dans la corde avec laquelle je hisse le drapeau pour les couleurs.



Dans le couloir, devant la salle de collage, même plus d’une demi-heure après j’ai du mal à tenir mon classeur qui tombe au sol dans un fracas abominable, libérant toutes ses feuilles. Les vomissant d’un jet sur bien trois mètres.

Mes deux camarades sur les nerfs, sursautent et cela déclenche chez eux un fou rire nerveux qui résonne dans le vide glacial de couloir mortel1.

Je me laisse tomber à genoux et m’empresse de ramasser le contenu du classeur quand... par le plus grand des hasards, à mon grand désarroi. Claude et deux collègues ouvrent les portes de droite du couloir et Lorient une de celles de gauche provoquant un courant d’air qui fait se soulever les légères pages. Les transformant en un nuage d’étourneaux s’élevant en une sorte de petite tornade devant la porte que le professeur choisit d’ouvrir juste à cet instant, d’un geste vif provoqué par sa volonté de faire évacuer la salle d’examens par les trois élèves qui les ont déçu par leurs erreurs et leur lenteur à répondre.

Assis sur mes talons, je regarde sans un geste, étant dans un état d’absolue désespérance, mes légers aéronefs improvisés s’engouffrer dans la salle de classe comme mus par une même volonté de me fuir. Et ce, sous les yeux ahuris de l’homme et des trois ados qui stoppent net leur progression hors de la pièce.

Puis d’un coup, plus de vol, plus de bruit mais sept regards braqués sur moi qui de mon côté embrasse la situation en me disant que je n’ai plus qu’à me faire hara-kiri.

Heureusement l’homme, un professeur venant d’un autre lycée de la ville, civil celui-ci, est pris d’un énorme fou rire et se penche pour lui-même se mettre à m’aider, immédiatement suivi par toutes les autres personnes présentes.



- Bon alors nous allons pouvoir commencer. Ça va mon petit ?

- Oui je vous remercie monsieur de m’avoir aidé.

- Mais c’est normal et puis, tu avais un air si pitoyable et si désemparé, assis au mieux de cet envol de papiers sauvages que je n’ai pu qu’avoir pitié de toi mais attention maintenant c’est fini la pitié alors dis-moi : ………….





Bizarrement en arrivant dans ma chambre à midi, je suis accueilli par un Marion hilare qui veut savoir si c’est dur de dompter un troupeau de feuilles sauvages, et me montre mon bureau où trône un classeur neuf.





- Tu nous accompagnes jusqu’à la gare ?

- Oh c’est vrai que je peux sortir, je vais demander à Gâche.

 

Ce dernier me dit qu’il n’y a pas de souci et me note sur la feuille de sortie. Lorsque je m’éloigne, il me rappelle. Je me retourne.

- Weisembacher, n’emmenez pas de classeur avec vous, avec ce Mistral, on ne sait jamais.

Je souris mais je me dis que je vais en entendre parler pendant longtemps.






- Ah tu es là. Je t’ai cherché, tu étais où ?

Assis au milieu de mon lit, les jambes écartées, un pied pendant de chaque côté de ce dernier, je trie l’énorme paquet de feuilles toutes mélangées pour pouvoir ensuite les ranger dans le nouveau classeur.

- T’as pas demandé à Gâche ? J’ai accompagné Claude et Marion jusqu’à la gare.

- Heureux de ta nouvelle liberté ?

Richard s’est assis à cheval sur ma chaise en face de moi.

- Oui, c’était assez grisant. J’ai enfin réalisé avoir vieilli et ça m’a fait bizarre.

Nous restons un instant sans parler puis il se lève et range la chaise sous mon bureau.

- Mets tout ça dans ton sac, tu finiras au chalet. Puis lorsque tu seras prêt rejoins nous à l’appart, tu dors avec nous ce soir comme ça nous pourrons partir tôt. Enfin si tu veux venir avec nous bien sûr.

Pour toute réponse, je me lève et sors mon sac de l’armoire.




1 Petit clin d'œil au couloir de la mort de Saint Cyr...

12 novembre 2010

Robert lundi 11 Avril 1977 Lundi de Pâques

Robert lundi 11 Avril 1977 Lundi de Pâques

 

- Monte ton sac et ce carton à l'appartement puis redescends pour m'aider à remonter autre chose. Le vieux professeur qui sort du hall de l’immeuble vient vers nous. Richard me fait passer derrière lui puis le salue. Bonsoir Monsieur Duchamp. Hé oui, avec six enfants, chaque départ et retour de vacances sont de vrais déménagements.

- Ce garçon est de votre famille?

Il me fixe, ce qui semble agacer Richard.

- Je suis son tuteur.

Monsieur Duchamp s’éloigne.

- Ah oui, j'en avais entendu parler, bonne soirée mon colonel. Bonne soirée mon petit.

- Bonsoir Monsieur.

- Bonne soirée à vous aussi. Richard s'est arrêté de fixer la bâche sur la remorque enfin vide mais nous regardons le professeur de français s'éloigner. Puis il se tourne vers moi. Tu vois ce gars, il est marié, père de famille et s'il a tout fait pour être prof ici c'est parce qu'il aime les petit garçons.

- Comment tu le sais ? Et je ne suis plus un petit garçon.

Son regard me fait taire. Je verrai dorénavant autrement ce vieil homme.



- Allez les gamins à la douche puis dodo. Je commence à mettre mes chaussures mais Gisou me tenant par l'oreille me fait me redresser. Ça vaut aussi pour toi.

- Il y a un verrou à la porte ?

Elle me regarde puis doucement en souriant, elle se penche vers moi.

- Ou tu vas te doucher sans râler ou je demande à mon homme d'enlever la porte de la salle de bain pendant ta douche et de te laver lui-même.

- Vous n'avez pas le droit.

Cette fois, je me suis redressé face à elle.

- Dans cette maison, le droit c'est moi !

Je serre les poings.

- C'est dégueulasse.

Elle continue à sourire.

- Moins que l'odeur que tu dégages.

Purée, mais j'en ai marre qu'on me dise sans arrêt que je pue.

- Moins que vous, les rouquines.

Même si, je ne l'ai pas dit fort, du moins, je pensais ne pas l'avoir dit fort, elle m'a entendu et s'est arrêtée, se retourne vers moi et la claque résonne elle, si fort qu'elle fait apparaître six têtes aux différentes portes de la maison.

- Alors moi, je n'étais pas sérieuse, toi tu es méchant. Prends ton sac et du vent !

- Je suis désolé, je n'aurais pas dû et je ne le pensais pas.

Mais Gisou tient la porte ouverte et me fait signe de sortir.

 

Dans la chambre, Marion est déjà là, il est en civil, assis sur le lit et me tourne le dos. Il brandit le post-it au-dessus de sa tête.

- Hé merci pour les petits oiseaux, c'est adorable mais le mot de Gâche l'est beaucoup moins. Ça ne t'aurait pas tué de porter ton sac avec le mien, non ? Toi, tu ne pars pas, tu n'as pas de train à prendre.

Je lâche mon sac et lui arrache le bout de papier et dévale les escaliers. 

 

Gâche est dans la cour et accueille les petits qui arrivent.

- Mon capitaine ! je lui tends le petit carré de papier jaunepar dessus la tête de deux sixièmes qui me regarde bizarrement.. Ce n'est pas Garrot qu'il faut punir mon Capitaine, c'est moi. Je lui avais planqué son sac de linges, du coup comme il était à la bourre pour son train, il n'a pas pu le porter à laver. J'ai délibérément voulu le faire punir mais je réalise maintenant que ce n'est pas juste alors je viens vous voir pour être puni à sa place.

L'homme me détaille de la tête aux pieds.

- Où est ton uniforme ?

- Je viens d'arriver, je ne suis pas encore passé au fourrier.

- Et bien dépêche-toi d'y aller avant qu'ils ne ferment.



Il y a deux garçons avant moi quand j'y arrive.

- Bonjour Madame.

- Bonjour jeune homme.

Dans la grande pièce, de grands sacs blancs s'alignent sur le sol. Elle me fait signe d'aller chercher le mien. Je le trouve rapidement, à côté, il y a celui de Garrot, je le prends aussi.

- Il vient d'arriver, je lui remonte, merci et bonne soirée madame.

 

Dans la chambre, il vide son sac de voyage avec cette nonchalance qui me met hors de moi.

- Tiens ton linge !

Il se tourne et son regard va de son lit où trône le gros boudin blanc, à moi qui ai déjà vidé le mien et commence à ranger son contenu dans mon armoire. Dans le même temps, je me dessape et enfile mon uniforme.

Je ne m'arrête pas mais m’énerve de le voir me fixer sans bouger.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? J'suis pressé, Gâche m'a dit de retourner le voir.

Je claque la porte de mon armoire et calot en main, je redescends. Il a disparu, je le trouve en train de bourrer sa pipe dans le couloir de leurs chambres, en compagnie de Caprais et Lorient.

Je me mets devant eux et les salue. Ils me regardent puis regardent Gâche qui soupire.

- Qu'est-ce que tu veux encore ?

- Je suis passé récupérer mon sac et celui de Garrot, j'ai rangé ma chambre et je reviens vers vous comme vous me l'avez demandé mon Capitaine.

Je le vois soupirer. Tirer sur sa pipe puis soupirer à nouveau en fixant les deux caporaux.

- Je ne t'ai rien dit de tout ça. Tu vois ces deux sixièmes avec leurs sacs plus grands qu'eux ? Vas les aider et monte te coucher, tu es épuisant mon petit. Je reste, étonné, à les regarder sans trop comprendre. Alors, tu attends quoi, qu'ils soient montés ?

 

Les deux petits ne comprennent pas et sont même un peu effrayés quand je leur arrache leurs sacs des mains mais sont souriants quand je les laisse à l'entrée de leur dortoir.

- Merci major !

Quant à moi, arrivé dans la chambre, je finis de ranger le contenu de mon sac kaki, prépare mon sac de cours pour le lendemain après-midi en essayant de comprendre le comportement de Gâche.

- Merci ma petite femme pour mon sac.

Sans un mot, j'enlève ses bras de mon cou et fais mon lit puis me couche. Lui, n'a pas bougé de devant mon bureau.

- Purée mais bouge ton fion, j'suis HS moi. Et éteins la lumière espèce de rouquin qui pue !

Mais là, je me mords la lèvre, rejette mes couvertures, attrape ma serviette et me précipite sous la douche pour pouvoir pleurer sans témoin en massacrant mes phalanges sur la céramique. 

3 décembre 2010

Robert vendredi 3 juin 1977 chevallissime suite

Robert vendredi 3 juin 1977 chevallissime suite




Deux heures de sommeil, pour moi, ce n'est pas suffisant.

Et quand je dis deux heures, je suis large car une heure serait plus juste parce que, énervé,  je n’arrivais pas à m’endormir.

 

C'est Marion qui retrouve le stylo… en marchant dessus.

La plume est tordue mais il écrit et... il coule.

Je déteste Gâche. Et là, je sais que je ne suis pas le seul.



Petit déjeuner vite avalé, je fini de copier avant d'aller en cours.

Je demande à Jussieu de me pincer s'il me voit piquer du nez. Il ne s'en prive pas.

 

A midi, je me rappelle que je devais faire trois tours de cours. Je prends le risque de miser sur un oubli aussi de Gâche. Le soir, c'est lui qui passe éteindre.

- Weissenbacher, demain six tours !

Il n'avait pas oublié.

8 février 2010

Robert Jeudi 2 Octobre 1975 parrain et filleul, oups !

Robert Jeudi 2 Octobre 1975 parrain et filleul, oups !

 

 Même quand je suis au milieu de mes collègues de classe, je ne peux m’empêcher de surveiller les copains de Maxime du coin de l’œil. Ce type a réellement remplacé Desmongeot dans mes angoisses, même alors qu’aujourd’hui qu’il n’est plus élève ici.

Pour l’instant, ils sont de l’autre côté de la cour et je n’irai pas les chercher.

Devant moi, un Kharré1 est en train de nous expliquer que ce soir, il viendra faire une inspection de nos chambres. Mais je n’arrive pas à m’expliquer comment un mec qui devrait avoir honte (d’après moi.) d’avoir redoubler se permet ainsi de faire son petit chef. Enfin, je ferme ma gueule, de toute façon je serai dans mon tort. Mais ça me gonfle. En plus, vu ma taille et son courage, c’est sur moi qu’il va se défouler, je pense. Surtout qu’hier j’ai refusé de lui refiler le biscuits et le chocolat que Firmin nous avait distribué pour le goûter, et s’il n’y avait pas eu D’Aureilhan, j’aurais bouffé autre chose que le chocolat.

C’est que moi, je les apprécie cette barre de chocolat et ces deux biscuits. Ce n’est pas grand-chose et ça ne me remplit pas le ventre mais ça permet d’attendre dix-neuf heures et le repas du soir.

Pour l’instant seuls les sixièmes et les cinquièmes sont en train de passer devant la porte de la cuisine récupérant, l’un après l’autre leur dîme. La classe des quatrième fait déjà la queue et les troisième s’y préparent mais alors que font ces troisièmes devant ce groupe de sixièmes.

Mon instinct de proie, me dit qu’il y a un truc de pas normal.

- Hé les mecs regardez Trudeau et Mongeot. Qu’est-ce qu’ils font ?

Le Kharré me bouscule et je perds l’équilibre. Autret me retient par la manche.

- De quoi tu te mêles le minus ?

Xavier se met entre lui et moi.

- Ces sixièmes sont nos filleuls, il a raison de s’inquiéter pour eux. (Me prenant par le poignet, il me tire.) Viens on va voir.

- Heu Xav, ce sont pas les petits que je surveillais mais Trudeau qui a pris le relai de Lorenzo.

- Ah c’est vrai ça que t’as pas de… Ah mais si ! Maintenant t’en as un. Puisque t’as pris le lit de Tramoni t’as aussi pris son filleul.

- Hein ? Quoi ? C’est quoi encore cette histoire de lit avec son filleul ?

Là Nevière s’arrête et me fixe comme si je venais de le frapper puis pique un fou rire. Je me sens de plus en plus largué.

Derrière moi Claude et deux autres qui nous ont suivis se mettent aussi à rire.

- T’es trop con, mec. Heureusement qu’on doit pas se fourrer nos filleul dans notre lit, on serait mal. Xav veut simplement dire que le filleul d’Alexandre maintenant c’est le tien.

Oh ! Et ça rime à quoi exactement d’être parrain ? Car soyons franc, j’ai rien écouté du tout lors de la cérémonie.

 

 

Nous voyant arriver, les deux troisièmes se barrent.

Mes collègues se dirigent chacun vers leur filleul. Claude me pousse vers un sixième, bien évidement, largement plus grand que moi.

- Salut ! C’est toi le filleul d’Alexandre ?

Le garçon opine de la tête.

- Pourquoi ? Qu’est-ce que t’en as à fiche ?

Je soupire. Me redresse au max et bombe le torse, mais je me sens ridicule.

- Parce que à partir de maintenant, je le remplacerai en tant que parrain.

Il a d’un coup l’air absolument dépité.

- Et bin, je suis sûr de ne pas avoir de goûter jusqu’à la fin de l’année.

D’un coup, je sais ce que trafiquaient les copains de Lorenzo.

Je l’abandonne et cours rattraper mes deux ex-tortionnaires qui viennent de prendre place dans la queue pour recevoir leur pitance.

- Hé Mongeot, je comprends mieux pourquoi t’es un gros tas de graisse. En plus de votre part, vous vous tapez le goûter des sixièmes que vous rackettez. Mais aujourd’hui c’est la dernière fois, vous allez maigrir les mecs, je vous le promets.

Leurs camarades de classe les regardent en souriant et se mettent à chuchoter. Je l’ai dit suffisamment fort pour que même Firmin m’entende ainsi qu’une bonne part des élèves présents dans la cour autour de nous.

Eux par contre n’ont pas réagi et Trudeau me tourne même le dos. Cela m’est égal. Je sais qu’il m’a entendu.

Au loin, je vois Gâche s’approcher, je retourne vers mon groupe et celui des sixièmes.

 

Mon filleul s’appelle Hector, Hector Malliol et je sens qu’entre nous ça va être compliqué…

- Au moins avec mon autre parrain je savais qu’il pourrait me défendre et m’aider.

- Ah ! Parce qu’il t’a aidé contre Trudeau et Mongeot ?

- Non, mais je ne lui avais rien dit.

- Et à moi non plus. Pourtant je te jure qu’ils ne viendront plus vous racketter.

- Tu parles ! Ils avaient l’air d’avoir drôlement peur de toi.

- Crois ce que tu veux je m’en tape.

- Bob ça va être à nous.

Je rejoins les autres pour récupérer notre du.

Lorsque je passe devant Firmin, il me donne deux barres et quatre biscuits et me fait un clin d’œil.

La récrée est presque terminée et je me dirige lentement vers mon rang. Mais avant, je bifurque pour passer devant Hector à qui je donne sa part. D’abord surpris, il l’air ravi.

- Merci !

- Dis ça au cuistot.

 

 

Gâche est debout devant notre rang. Je me place à côté de Nevière, nous allons bientôt monter en cours.

- Rien à me dire Weisembacher ?

- Non mon capitaine.

A côté de moi, Xavier regarde ses souliers, moi je décoche à notre brave cerbère un grand sourire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1Élève redoublants de spé.

12 décembre 2010

Robert dimanche 10 Juillet 1977 Saint George

Robert dimanche 10 Juillet 1977 Saint Georges




Hier j’ai traîné de mon lit au bureau, au lit d’Isabelle, au salon. Puis à nouveau à mon lit, au salon, à la chambre des petites où j’ai appris le nom de toutes leurs poupées et peluches. Puis à nouveau, à mon lit, au salon, etc…

Bref je n’ai pas mis le nez dehors et suis resté en caleçon toute la journée sauf pour manger où j’ai enfilé un des shorts que j’ai vite enlevé ensuite.

Plusieurs fois, j’ai vu Gisou avoir envie de me dire quelque chose mais pour finalement ne rien me dire.

Par contre Véro ne quitte plus mes shorts.

Ce matin, après un petit déjeuner pris en slip, je suis allé me préparer à affronter le dragon.

Mais j’ai eu la surprise de voir Richard passer dans son bureau avec son sac et sans un mot mettre mes tenues de guerre dedans. 

Je suis déjà prêt à partir avec mes rangers, pantalon de treillis et chapeau de brousse.

Il a du mal à rester sérieux.

- Saint George m’aide à charger la voiture ?

- On y va !

Ce n’est qu’au dernier voyage que Gisou me voit.

- Tu vas où comme ça ?

Je fais celui qui ne comprend pas.

- Bin avec vous.

Richard passe devant moi et m’embarque avec lui.

- Gisou nous sommes pressés. La voiture et la remorque sont prêtes . Nous n’attendons plus que vous. Tiens garçon descend encore ça et vas t’asseoir.

- Je peux aller à l’arrière avec Isa et Véro ?

- Pour que vous vous disputiez ?

Les deux filles qui ne sont pas encore descendues, se collent à moi et tous les trois, croix de bois, croix de fer, nous jurons ensemble que non.



Et aussi incroyable que cela puisse paraître, nous tenons parole. Bon nous n’avons pas promis d’être calmes et plusieurs fois, les parents nous demandent de la mettre en sourdine.

Il faut dire que nous nous sommes trouvé un terrain d’entente : refuser les diktats de Gisou. Mais surtout, surtout Isabelle m’a appris quelque chose qui m’a laissé sans voix et qu’elles m’ont fait jurer de ne dire à personne. Et ce secret là, même à toi mon petit cahier, je ne te le dirai pas !



Debout devant la table en bois de l’aire d’autoroute, comme les autres, j’attends que Gisou me donne mes sandwichs. Mais lorsqu’ elle leur en a donné deux à tous, elle referme la glacière.

- Et moi ?

- Toi ? Qui es-tu ? Vas te changer et je te les donnerai.

Je hausse les épaules. Si elle croit que je vais capituler aussi facilement, elle rêve.

- Pas grave, je mangerai ce soir. Richard je peux avoir les clefs de la voiture, s’il te plaît ?

Je le vois soupirer, se tourner dos à sa femme et me tendre non seulement les clefs mais un de ses sandwichs.

- Merci !

Quelques minutes plus tard, je vois arriver Isabelle qui pose à côté de moi un sandwich coupé en deux.

- Papa a réclamé tes sandwichs. Maman a d’abord refusé mais il lui a dit que ce serait une bonne punition pour toi. Et s’il en a attaqué un, l’autre il nous l’a partagé en nous faisant signe de te le porter. Mais fais gaffe qu’elle ne te voit pas les manger.

- Il m’a donné un des siens.

Elle ouvre de grands yeux.

- Oh ! Il est malade ?

- Je ne sais pas.





Au chalet, ma tenue fait rire les grand-parents et Rémy. Sylvie, elle, dit juste à sa sœur que cela peut être normal pour un garçon de mon âge de préférer ce genre de tenue à un short comme un petit garçon.

- Mais Papy et nos hommes sont tout l’été en short.

- Oui petite sœur mais ce sont des hommes faits, ils n’ont plus rien à prouver. Lui, il n’est plus un petit garçon et pas encore tout à fait un homme alors il a besoin de s’affirmer.



De cette discussion je n’en saurai jamais rien mais à part le fait que je ne remis mes grosses rangers que de rares fois mais que j'ai vécu en kaki pendant deux mois et Mamy dut les recoudre de nombreuses fois…














27 janvier 2011

Robert samedi 17 Décembre 1977 avant goût.

Robert samedi 17 Décembre 1977 avant goût.

 

 

Voilà !

Les quinze jours de ski à Ancelle sont terminés.

Nous sommes sur les rotules mais contents.

En rang, nos sacs à nos pieds, un dernier salut puis chacun se dirige vers son week-end.

Dédé et Momo resteront là. Ils ont décidé qu’après avoir vidé et lavé tout leur linge, ils allaient dormir jusqu’à demain. Comme cinquante pour cent de la promo.

Moi le break m’attend sur le parking.

Je pensais que ce serait Richard mais non c’est Gisou.

 

- Ça va, pas trop fatigué ?

- Pas plus que d’habitude.

- Tu as sacrément bronzé.

- Il faisait beau. Richard et les filles ne sont pas venues ?

- Je suis partie à cinq heures, à cette heure là, ils dormaient tous.

- Désolé. J’aurais aussi pu attendre.

- Mais non. Tu sais. j’ai l’habitude de me lever tôt et de peu dormir.

- Oui mais tout de même.

- Aller ne sois pas désolé et raconte moi plutôt. Ah oui j’oubliais. Tu as déjeuné.

- Oui, il y a deux heures, on s’est arrêté et on a eu droit à du café et des madeleines.

- Et ça t’a suffit ? (En guise de réponse, je fais la grimace.) attrape le panier derrière toi et mange.

- Merci, mais j’aurais pu attendre la maison.

- Stop, arrêtes. Tais-toi et manges. Ça me fait plaisir à moi aussi surtout si tu me dis que c’est bon.

- Vu que ça ne risque pas d’être du poisson, ça ne peut que être bon car tout ce que tu cuisines est trop bon.

Elle ne répond rien. Elle conduit en souriant. Je me penche et dépose un bisou sur sa joue.

- Arrête gros nigaud, tu vas nous faire avoir un accident !

 

 

 

- Ils vous ont fait dormir dans des igloos, ils sont fous !

- Non c’était géant. On a du d’abord les construire. Je me suis bien amusé. Par contre la pauvre Momo, le froid c’est pas pour elle.

- Tu l’aimes bien cette fille ?

- Bon je t’arrête de suite, c’est une copine, une amie, pas plus. Pourquoi tu ne me demandes pas, par exemple... si j’aime bien André ?

- Mais oui pourquoi pas, tu sais moi, je ne suis pas mon homme. Cela me serait bien égal que tu sois amoureux d’un garçon. Olivier, il m’a toujours présenté TOUS ses copains et il a toujours tenu compte de mon avis.

- Mais non ! Mais ça va pas ? J’suis pas Olivier moi.

- Oh pardon si je t’ai froissé.

- Tu ne m’as pas froissé. C’est juste que… j’suis un homme, pas un femme. J’ai pas… (Je dirais qu’elle m’a plus gêné qu’autre chose en émettant l’idée que je puisse avoir des vues sur un garçon. Beurk, non ! Mais je ne sais pas comment l’exprimer en restant poli.) Gisou une fois pour toute, je n’aime pas les garçons mais André et Momo sont mes meilleurs amis, d’accord ?

 

Elle ne dit rien.

Nous disons plus rien jusqu’à Aix.

Je comate les derniers kilomètres.

 

A l’appart les filles déjeunent.

Moi je vais me noyer dans un bain bouillant où je commence à m’endormir.

- Maman elle dit que l’on risque de se noyer si on dort dans la baignoire.

- Gisou ! Viens faire sortir Coco de la salle de bain ! ( Bon j’aurais mieux fait de me taire car moins de deux minutes plus tard, j’ai toutes les femelles de la famille devant la baignoire.) Pourquoi il n’y a pas de verrou à cette porte ? SORTEZ !

- On l’a enlevé lorsque Véronique s’est enfermée pour la seconde fois.

- Merci Véro ! Maintenant sortez ! Pitié, sortez ! Sortez ou la prochaine fois où vous vous laverez j’entrerai.

- Fais ça et je te….

Gisou, tenant Véro par le bras, la pousse avec ses sœurs dehors.

- Aller ouste, sortez qu’il va attraper froid.

- Le froid je m’en fiche mais j’aimerais qu’on me respecte.

Véro repoussant sa mère surprise, rentre la tête dans la salle bain.

- Y a rien de respectable chez un mec !

Le savon la loupe d’un cheveu.

- Ça suffit vous deux ! Et toi mademoiselle Corinne vous êtes punie, venez avec moi.

J’entends en souriant les cris de la gosse s’éloigner vers la cuisine.

Bon maintenant l’eau est froide et j’en ai marre.

Assis sur le rebord de l’immense cuve, après l’avoir nettoyée, je la rince.

Je vois la poignée de la porte s’abaisser doucement.

- Véro c’est trop tard.

Elle l’ouvre en grand.

- T’es chiant ?

- Moi ? Hé, c’est moi, la victime dans l’affaire.

- Tout de suite les grands mots.

- Tu dois t’ennuyer quand je ne suis pas là. Tu n’as personne à enquiquiner.

- Ouaip ! Avec les petites c’est moins drôle.

Lorsque je passe devant elle pour aller dans le bureau m’habiller, je lui laisse la serviette qu’elle vient de m’enlever des reins.

- Tu es trop prévisible jeune fille.

- Toi, t’es plus drôle.

- Tu viens avec moi voir ton père ?

- Non merci, je me le supporte TOUS les jours. Et pourquoi tu y vas ? Tu le verras bien assez tôt ?

- J’ai besoin de fric, je vais lui en soutirer.

- Hum, là tu m’intéresses… si je peux lui en soutirer aussi par la même occasion.

- Bin tu vois quand tu veux… et cet apm1 tu viens avec moi faire les magasins du centre ville.

- C’est une bonne idée les gamins, je viendrai avec vous !

J’éclate de rire devant l’expression d’abord désespérée puis furieuse de Véro.

- Maman t’es gonflante, on a envie d’y aller solo.

- Non... moi je veux bien. ( Je chuchote à l’oreille de ma rouquine préférée. Quoique, préférée, pas sûr !) Si elle vient, je lui ferai tout payer…

- Avec toi, ça fonctionnera. Pas avec moi.

- Les gamins vous dites quoi ?

- Rien mutti. J’expliquais à Véro qu’il fallait qu’elle soit plus gentille avec vous.

 

Pour pouvoir accéder à la porte de l’appart je dois porter la furie qui veut me frapper, me mordre, me pincer (ça elle y arrive.) et je passe sur ce qu’elle me promet oralement de me faire subir.

 

 

- Mon capitaine !

- Tiens t’es encore là, toi ?

- C’est le week-end.

- Et l’uniforme ?

- C’est le week-end et je ne suis pas un conscrit donc l’uniforme n’est pas la norme.

IL sourit et me pose la main sur l’épaule.

- Rappelle-moi deux, trois trucs . Ta solde s’élève à ?

- Grosso modo trois cents francs.

- Et tu as déjà fait ton service ?

- Non mais, je…

- Il n’y a pas de mais, tu n’es pas un conscrit car engagé mais hélas pour toi dans ta période de service et donc l’uniforme se doit d’être une seconde peau pour toi. Et donc en tant qu’officier d’un grade supérieur au tien car je ne pense pas que tu aies déjà quatre ou cinq galons dorés ou pire des étoiles, je te préviens que la prochaine fois que je te vois sans uniforme je te mets au trou. Et tu sais comme moi, que seule l’autorité qui a donné la punition peut la lever. Mais ça, j’ai entendu dire que tu le savais puisque tu y as déjà goûter. Donc au-revoir, retournes d’où tu viens !

Au début de son monologue, je souriais, comptant blaguer en lui tenant tête.

Mais là, autour de moi, les élèves ne se gênant pas pour y aller en commentaires. C’est, sur un regard haineux que je tourne talons pour remonter à l’appart.

 

 

- Tu es déjà de retour ? Il a dit qu’il venait aussi.

- J’en sais rien Gisou, je ne l’ai pas vu.

Dans la chambre, je vire ma tenue civile

- Tu comptes aller où ? ( Comme réponse je souffle. Ma chemise et ma cravate mise, je m’assieds sur le lit pour enfiler chaussettes puis pantalon.) Je répète, tu vas où ?

- Voir Richard.

- Et il te faut être en uniforme pour ça ?

- Si je ne veux pas finir au gnouf, oui !

- Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire ?

- Demande à Gâche qui a décidé une fois de plus de me gâcher la vie.

Elle me suit dans l’entrée et pendant que je lace mes souliers, elle enlève son tablier, enfile ses ballerines tout en défaisant son chignon et se recoiffant en laissant ses cheveux demi-libres. J’ai arrêté de bouger pour la regarder faire.

D’un coup, ce n’est plus la même femme.

- Pourquoi, tu me regardes comme ça.

- Heu… pour rien.

- Bon, tu es prêt ? Allons-y !

 

Elle me fait sortir devant elle et referme la porte des caves derrière nous.

- Oh mais il fait frais, j’aurais du prendre une veste.

Gâche est toujours debout devant la porte des locaux administratifs.

Très droite, elle se place entre nous deux et ouvre la porte après un :

- Capitaine !

- Ma colonelle !

M’attrapant par le bras, elle me pousse à l’intérieur et referme la porte derrière elle en la faisant claquer.

- Ce gros balourd m’exaspère !

Cette fois, j’ai du mal à me retenir de rire malgré son regard fâché. Dehors, à travers la double porte vitrée, je vois Gâche sourire, amusé.

Tiens, même là, elle ne toque pas. Il fronce les sourcils en nous voyant.

- Ma chère femme, qu’est-ce qui t’amène ?

- Ton gros balourd.

- Oh ! Et deux choses : je t’ INTERDIS de l’appeler ainsi et deux qu’est-ce qu’il fait en uniforme ? (Lorsque je lui ai tout raconter, il se met à rire.) Il n’a pas totalement tort et en même temps pas totalement raison. En tout cas il a gagné. il voulait sûrement te voir en uniforme. Et sinon qu’est-ce qui t’emmènes ?

Je voulais lui parler mais avec Gisou à côté ce n’est plus pareil.

- Tu viendras avec nous cette apm en ville ?

- Bien volontiers. Et c’est tout ? (Je fais la grimace et torture mon calot.) Dis moi Gisèle et si tu nous laissais ? Nous viendrons dans une petite heure. Et puis, comme vous voulez aller affronter la foule dans les magasins, autant que l’on mange tôt, non ? Le soleil se couche tôt en plus en cette saison. (Il s’est levé et approché d’elle. Et tout, en la raccompagnant à la porte qu’il ouvre. D’un doigt, il range une mèche folle derrière l’oreille de Gisou puis sa main redescend pour saisir la sienne. Je regarde leurs doigts se chercher et se joindre. Leur baiser est rapide. Il reste à la regarder s’éloigner comme il le faisait avec moi. Debout jambes écartées, mains derrière le dos, visage impassible. J’aimerais être télépathe pour connaître ses pensées.) Alors ? Que voulais-tu me demander d’autres ?

- Rien de spécial, simplement être un peu seul avec toi.

Il sourit et se met à à ranger son bureau.

- Ce fut comment ce stage de ski ?

- Oh super bien. Il y a….

 

 

 

Finalement j’ai gardé l’uniforme. Je vois toutes les filles et les femmes me regarder en souriant. Le regard des hommes est différent. Chez certains, parfois une teinte de nostalgie et chez d’autres presque de la haine. Je préfère celui des femmes.

 

Dans ma tête le listing des membres de la famille s’affiche avec une croix ou pas derrière. Selon si j’ai ou pas un cadeau pour elles. Et mon dernier week-end en centre ville de Salon m’y a bien aidé mais a aussi vidé mon escarcelle.

Bref !

- Richard tu pourrais m’avancer des sous que je te rembourserai.

- Et tu me les remboursera quand ?

- Le mois prochain.

- Le mois prochain tu n’auras plus de revenus puisque t’es viré de Salon.

- Quoi ?

Ma peau mâte a du, sur le coup, prendre une teinte cireuse. Gisou tape sur le bras de son mari.

- Tu es méchant ! Et toi, arrête de prendre tout ce qu’il te dit pour argent comptant. Viens, montre-moi le pantalon qui te plaît.

- Heu, ce n’est pas pour un pantalon.

- Ma très chère Gisèle. Durant ces quatorze prochains mois encore il n’a plus besoin d’avoir sur ses fesses que les pantalons de son uniforme.

- Oui compte là-dessus.

- Que je compte sur quoi mon garçon ? Que tu n’en mettes pas ? Il est vrai qu’avant toi, je ne connaissais personne pouvant traîner autant en slip que toi.

Deux jeune filles passant à côté de nous à ce moment là, ont un immense sourire en me regardant.

- Richard voyons !

Merci Gisou ! Des fois je pense que Richard le fait exprès de me mettre dans l’embarras, une sorte de sadisme ou une façon de se venger de tout ce que je peux leur faire endurer.

 

 

 

 

- En fait cet après-midi tu n’as rien acheté.

- Bin non. Entre vous qui me colliez et ton père qui s’est foutu de moi pour tout, j’ai passé une super après-midi. Sors de ma chambre !

- C’est pas ta chambre, c’est le bureau de Papa.

- Fais-moi en plus, comprendre que je n’ai pas de place à moi ici et ma journée se finira en beauté.

Je lis couché sur le lit, ne conservant que le tee-shirt et le pantalon de l’uniforme, j’ai juste enlevé le pull cravate et chemise. Mais que je compte bien les remettre pour le repas et demain dès que je sortirai de cette pièce.

Véro se laisse tombée à côté de moi.

- Tu lis quoi ?

Je la regarde. Elle a l’air sérieuse.

- «Préparation au brevet élémentaire des sports aériens V : Aérodynamique et mécanique du vol». Je l’ai déjà lu mais je…

- Non mais je te le demandais pour te faire plaisir car je sais que tu ne lis que des trucs barbants.

Elle se tourne et couchée sur le dos croise ses mains sur son ventre. Ses yeux fixent le plafond. Je ferme le livre et la fixe elle. Je m’assieds sur les talons.

- Qu’est-ce que t’as ?

- Moi ? (elle me regarde trente secondes puis refixe le plafond.) Rien. J’ai jamais rien, je m’emmerde. Ma vie est d’une lenteur, d’une inutilité sans borne.

- Encore deux ans et avec ton bac tu pourras te casser…

- Deux ans… c’est trop long. Je t’envie.

- Moi, ça fait deux ans que je t’envie. Tu as la vie dont je rêverais.

- T’es pas fini, toi ?

- C’est aussi ce que les mecs à Salon me disent tout le temps.

- Et qu’est-ce que tu m’envies ?

- Ton père, ta mère, ta famille quoi. Tu ne réalises pas la chance que tu as.

- Hum qu’est-ce que vous faites tous les deux enfermés ici.

- On cause Gisou. On cause. Râles pas. Pour une fois où elle ne me tape pas dessus.

Véro se redresse avec un grand sourire que je connais que trop.

- Oh ça, cela peut s’arranger !

Mais je suis déjà derrière sa mère.

- Gisou protège-moi !

Elle secoue la tête.

- Vous deux ! (Je passe mes bras au-dessus de ses épaules et mets ma joue contre la sienne. Elle les enlève, se tourne pour me regarder en souriant.) Oh toi ! Aller passe devant. A table ! Et toi, la brute, vas chercher ton père et tes sœurs.

 

 

 

 

 

 

 

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1Après Midi

31 janvier 2011

Robert dimanche 25 Décembre 1977 Noël 3

Robert dimanche 25 Décembre 1977 Noël 3

 

J'attrape le truc qui me secoue et le bascule sur le lit puis me couche sur elle.

- Lâche-moi, tu m'écrases.

- Fallait pas me prendre pour un prunier.

Je me recouche. Elle lève la tête les yeux fermés.

- Je peux les ouvrir ?

- Oui, pourquoi tu pourrais pas ?

- Maman m'a dit que je je ne devais pas te regarder si t'avais pas la couette sur toi.

- Dis-moi, Yvy fait-il chaud dans cette pièce ?

- Oh non ! Tu fais comment pour survivre ?

- Sous la couette il fait chaud, tu viens m'y rejoindre ? Je soulève légèrement la couette.

Elle se met debout et disparaît dans les escaliers en courant.

 

 

- Debout !

Je m'assieds sur le bord du lit en grognant.

- Il est huit heures, c'est trop tôôôt !

Je me prends mes vêtements sur la tête.

- Tu m'énerves, habilles-toi ou tu vas te retrouver en-bas dans ta tenue actuelle.

Je souris et le fixe.

- Chiche !

- Emmerdeur ! On a pas le temps, en bas, tout le monde t'attend.

La porte s'ouvre d'un coup sur un mini truc roux qui me fonce dessus.

- Le Papa Noël mis plein de cadeaux sous le sapin !

Derrière débarquent Véro et les jumelles.

- Oups !

Véro se tient au chambranle de la porte et se fait percuter par les deux autres boulets.

Moi, je serre Coco contre moi, dos à moi,entre mes jambes.

- Je te préviens Richard à ma prochaine visite, je viens avec un verrou et un radiateur !

Ce dernier se met à rire et referme la porte et poussant les trois zonzons.

 

Cinq minutes plus tard, je descends en portant un Coco

- Ah enfin ! Tu te prends pour une star pour te faire attendre comme ça ?

- Mais Mammema je suis pas une stars, je suis un Tsar !

- Toujours aussi modeste mon petit.

- Pourquoi être modeste quand on est moi ?

 

Coco me tire la manche.

- Viens, le cadeau pour toi est trop lourd.

Je la laisse m'entraîner. Le paquet est non seulement lourd mais aussi assez encombrant.

- C'est quoi ? Des briques ?

- On t'aidera à le monter dans ta chambre.

Pas de ruban mais des mètres de papiers. Un papier collant après l'autre, je l'ouvre. Oh un poêle à bois ! Cool !

- On a pensé que ce ne sera rien pour toi de monter des bûches au second.

- Tant que ma chambre n'est plus un congélateur, moi ça me va.

 

- C'est une blague Papa ?

- Pourquoi on a toutes droit au même cadeau merdique que lui ?

- Mais il n'est pas merdique du tout, moi je le trouve formidable. Et puis Marthe, des poêles Gaudin en fonte et céramique ça a du coûter un bras. Mais bon tu aurais peut-être préféré une poupée ou un nounours.

Vu le regard que je viens de me prendre, je pense que je l'ai vexée.

 

En attendant, j'abandonne mon cadeau pour aller me chercher un mug de café mais je ne suis pas encore dans la cuisine que toutes les filles hurlent mon nom.

- Posez-le sur le poêle.

En fait là, j'ai la même sensation qu'il y a un an, ne pas être à ma place. Le mug dans une main, la cuillère dans l'autre, je touille en les regardant.

Il y a les parents assis sur le canapé ou leurs fauteuils, les filles entassées sur le grand tapis et à côté de l'escalier, il y a... MON poêle avec à côté des cadeaux, j'en compte six. Peut-être est-ce ma faute mais là, mon tas est à l'extérieur de tous les groupes.

Il n'y a plus de cadeaux sous le sapin, ils parlent tous en même temps, je suis seul dans la cuisine. Je porte le mug à mes lèvres mais le café ne les atteint pas.

Mon regard croise celui de Richard qui tourne la tête vers Papapa qui se tourne vers moi. Ils se lèvent, synchrones.

Mon mug est sur l'évier, plein.

Moi, j'ai mis mes baskets.

Peut-être mon inconscient qui m'a fait oublié les cadeaux. L'école puis le Piège, un Monde impersonnel où je peux me noyer, où je suis entouré et seul, où je dois donner le meilleur et le pire de moi car je sais que l'on me déteste pour mon "meilleur".

Ici, je me sens en cage, en représentation, hors et sous leurs regards, leurs attentions.

La pente est raide pour monter à la chapelle, j'ai l'habitude de courir sur du plat.

La porte est ouverte, je la pousse.

Dedans des gens discutent devant l'autel.

Je me signe et cherche une place dans l'ombre, je fais semblant de prier puis je me surprends à Lui parler comme quand j'étais petit.

Au loin, je vois le vieux curé s’approcher.

Soutane noire, il me fait penser à un Camerer de petite taille et plus vieux. Il me regarde, je baisse les yeux, pas envie de parler.

Une main se pose sur mon épaule.

- Dans le confessionnal de-suite !

Je le suis.

En fait, je suis content, j'ai besoin de parler, de poser mes questions à haute voix. De répondre à d'autres questions.

Il n'a pas ouvert la petite fenêtre. Il n'a pas la même voix que Camerer, ne s'énerve pas comme lui.

Il me dit :

- Vas ouvrir tes cadeaux, dis juste merci et accepte d'être heureux car ça, c'est toi aussi. Tu as le droit d'être aimé et heureux.

En fait courir dans une descente c'est craignos.

Devant la maison, il y a une coccinelle jaune, celle de Michel. Qu'est-ce qu'elle fait là ? On ne devait pas aller chez eux ?

J'enlève mes baskets.

Personne dans la cuisine.

Je verse mon café dans une petite casserole que je fais chauffé trente secondes puis de nouveau dans mon mug.

Les parents ont l'air de ne pas avoir bougé. Les filles ont disparu, seule Coco monte un circuit de train en bois sous la table.

Pourquoi "sous la table " ?

Je vais embrasser Isabelle et l'empêche de se lever du rocking-chair, on dirait une baleine échouée, puis son mec.

- Tu sais que ton jeans est troué ?

Je lui montre mes mains.

- J'ai les stigmates. (Et là, déclenchement du plan hors sec. Heureusement j'ai fini mon café car Mammema m'enlève mon mug et je me bat contre Gisou qui veut m'enlever mon pantalon pour voir mes genoux.) Stop ! Je vais bien, tu t'arrêtes, je ne suis pas en sucre.

- Oh cette voix, il où mon petit frère avec sa voix aigu et son accent à couper au couteau ?

Je regarde Isabelle. D'abord surpris puis je l'embrasse à nouveau et lui glisse : Merci !

 

Je redescends cinq minutes plus tard en short, saisis mes cadeaux et vais m'asseoir entre Sylvie et Gisou.

- Allez-y, faites-vous plaisir !

 

Coco m'aide à arracher les papiers des paquets pendant que Gisou tente sans succès de me faire hurler avec son alcool à 90° sur mes paumes.

- C'est quoi ?

- Un walkman Coco, comme ça je pourrais écouter des enregistrements tout en courant. Merci Mon colonel !

Je prends une claque sur la tête qui me fait rire.

- Et ça ?

- Rhôô non ! Qui a osé ? C'est un affront que je ne pardonnerai jamais !

Derrière moi, Rémy se met à rire.

- Ouvre l'autre.

Coco s'acharne sur un papier plastifié qui lui résiste, je l'aide, laissant des traces rouge d'éosine dessus. Un boîte en bois contenant une bouteille d'hydromel.

- Purée Rémy, entre ça et vouloir me faire apprendre l'alsacien, tu t'es surpassé.

- Il fallait bien, vu le niveau des cadeaux de ton père et de Papy.

J'ai envie de lui dire que je préfère les cadeaux des deux autres, mais n'en fais rien car il m'a fait rire.

Je glisse dans le walkman, une cassette pour apprendre le swahili et mets le casque sur mes oreilles.

- Moi, moi, moi !

Je le mets sur la tête de Coco qui fronce le nez, tire la langue puis me le rend.

- Y comprends rien !

On se met tous à rire.

Je me laisse aller en arrière, la tête renversée sur le dossier du canapé, je croise le regard de Richard, sérieux. Je lui souris, je ferme les yeux. Je suis bien, je suis heureux, ici c'est chez moi ! C'est MA famille, j'y ai ma place. Et dans dix-huit mois et bien, on verra bien !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 août 2010

Robert dimanche 7 Novembre 1976 Sans moi !

Robert dimanche 7 Novembre 1976 Sans moi !



Les vacances sont loin derrière nous…

Assis à mon bureau dans notre classe, durant l’heure d’étude obligatoire, j’écoute en les jalousant Claude et Greg discuter avec Jacques assis devant moi, de ce qu’ils vont faire cet après-midi.

- Tu viens te balader avec nous cette après-midi ?

- Sous la pluie, bof. Et le dimanche tout est fermé et y'a même pas de filles re-bof !

Morvan et Bex s’invitent dans la discussion.

- Nous on va voir le nouveau film de Jackie Chan

- Ça déjà c’est plus intéressant, faut que je vois combien il me reste.

De la fenêtre de la salle de classe, nous assistons au retour de ceux qui sont allés à l’office religieux. Information intéressante qui nous indique que l’heure de la bouffe approche.

- Hé les gars, le 11 c’est jeudi, après on fait le pont ou il y aura cours ?

- Faut demander aux profs.

Je lève le bras gauche tout en continuant à griffonner oui oui griffonner mon devoir de science appliquée.

- Oui Monsieur Weissenbacher. 

Je me lève comme il se doit. Ce n’est pas parce que Monsieur Logent est sympa qu’il ne faut pas respecter les règles. Pour parler on lève la main puis on attend sagement et on se met debout pour prendre la parole. Il me sourit amusé puis soupire et je n’ai pas le temps de parler, qu’il fait déjà la question et la réponse. 

- C’est pour savoir pour un pont éventuel ?  Alors je vous pose d’abord cette question : qu'y a-t-il d’indiqué sur le tableau à la vie scolaire ?

J’aurais dû me taire. Soit c’est indiqué et je vais me prendre une soufflante car je n’ai pas surveillé le tableau. Soit il n’y a rien d’indiqué et donc nous ne faisons pas le pont et pareil mais en plus je vais me prendre une leçon de chose sur le fait que nous sommes ici pour bosser pas pour être en vacances.

Petit coup d’œil de trois cent soixante degré, tous ont le nez sur leur cahier. Cool la cohésion !

Avec un sourire penaud et mal à l'aise, je m'avance à répondre.

- Je n'ai rien vu d’écrit.

- Je vous laisse deux minutes chrono en main pour aller vérifier.

- Sans courir ?

Il me montre son poignet.

Sortir de la classe, se farcir les cent mètres de couloir en marche rapide. Descendre les trois étages sur la rampe en priant qu’il n’y ai pas Gâche. Traverser la cour sous la flotte. Admirer un tableau quasi vierge sauf une indication : «pont du 10 novembre 18h au Lundi 15 novembre 8h, reprise des cours.»

Refaire le chemin inverse sans courir, remonter les trois étages cette fois sur mes pieds. Devraient installer un ascenseur ! Et être accueilli par un prof qui ne lève même pas son nez des copies qu’il corrige.

- Allez-y, dîtes à vos camarades ce que vous avez lu.

- «Pont du 10 novembre 18h au Lundi 15 novembre 8h, reprise des cours.»

Une exclamation de joie contenue sort des vingt élèves présents.

- Je crierais volontiers victoire avec vous… Imaginez-vous à ma place. Quatre jours sans avoir à vous supporter. Quel bonheur ! Bon messieurs rangez vos affaires.



Transformés en préservatifs géants avec nos superbes ponchos bleus, nous nous mettons en rang. Comme le nombre d’élèves est réduit, nous entrons plus vite dans la cantine.

Nous avons le droit de poser nos impers sur les tables vides.



J’aime bien le dimanche car des fois, les profs viennent s’asseoir à la table des élèves. Du coup il y a plus de bruits que les autres jours.

Mais là d’un coup plus un bruit. Je le cherche du regard. Il est où ce con ?

- Vous cherchez quelque chose, Weissenbacher ?

L’enflure, j’ai failli avoir une crise cardiaque. Les autres éclatent de rire. Richard, lui sourit, content de lui. Il me pose une main sur l’épaule une seconde puis passe à la table suivante puis finit par s’asseoir en face de Gâche.

Lorsque nous sortons, il ne pleut plus.

Richard est reparti avant nous, il a laissé la porte de la cave ouverte mais un autre locataire entre chez lui et ferme la porte derrière lui.

Je passe seul devant Monsieur Cohen qui me montre son listing.

- Je n’ai pas ton nom.

- Monsieur Logent a fermé la porte de la cave, je vais juste chez mon tuteur.

Monsieur Cohen sourit et me fait signe de passer.

Évidement juste là, il se remet à déluger. Je soulève le col de ma veste en râlant. Je sens l’eau me couler dans le cou.



La porte de l’immeuble est ouverte tout comme celle de l’appart.

J’enlève, souliers, calot et veste mais elle, je ne sais pas quoi en faire car elle goutte. Je vais la poser sur une chaise de la cuisine.

- Mon Dieu mais tu es trempé comme une soupe, enlève-moi vite tous ces vêtements et sèches-toi.

- Non c’est bon, je ne vais pas fondre.  Je vois arriver Isa avec le sèche-cheveux. Non, pas le foen où je m’en vais de suite.

- Alors enlève ces vêtements mouillés.

Je finis emballé dans un plaid sur le canapé avec les filles qui regardent un dessin animé. Derrière moi, Gisou me frotte tellement la tête que j’ai l’impression qu’elle va être plus efficace que le coupe-tifs pour me rendre chauve.



Richard semble surpris de me voir là.

- Ah t’es enfin là, toi ? Alors je prends deux ou trois billets pour Lyon ?

Ma réponse est claire et nette.

- Sans moi !

Mais pas au goût d’Isabelle.

- Non, tu viens avec nous, Souraya et Leila veulent te voir.

- Bin j’irai un jour tout seul, sans vous.

Véro se redresse et se fait menaçante.

- Dis oui ou…

- Tu crois que tu me fais peur ? La claque sur ma cuisse résonne dans le salon et me laisse une marque rouge. Aïe !

Gisou tenant Véro par le bras la sort du salon.

- Véronique disparaît ! Va dans ta chambre, je ne veux plus te voir. Ta violence m’exaspère.

- Mais Maman il l’a mérité, il n’a qu’à venir avec nous.

Je me redresse pour lui lancer.

- Si vous étiez plus gentilles avec moi, je ne dirais pas non, mais vous me brutalisez tout le temps.

Isabelle se met à rire et se moque de moi.

- On te brutalise ? Pauvre petit bébé. Pauvre petit bouchon fragile.

Richard prend Isabelle par le bras et la fait aussi se lever.

- Allez ouste, toi aussi, vas rejoindre ta sœur, que l’on passe une après-midi calme. Elle y va en râlant. Bon donc deux billets, tu ne regretteras pas de rester au lycée ?

Gisou revient seule s’asseoir sur son fauteuil.

- Richard pourquoi ne viendrait-il pas dormir ici, la chambre des grandes sera libre.

Mais le colon a déjà décidé pour moi.

- Parce qu’il préférera rester avec ses copains plutôt qu’enfermé ici avec nous.



Quand je retourne à la chambre pour me coucher, Marion m’accueille sèchement. Ça me change de d’habitude et de la météo. Mais je me demande bien quelle mouche l’a piqué.

Enfin je m’en fous, le week-end prochain, je profiterai des parents sans les deux emmerdeuses. Le bonheur !


























20 janvier 2011

Caths mercredi 2 novembre 1977 premier jour

  Caths mercredi 2 novembre 1977 premier jour



La jeune femme s'approche de l'homme appuyé au mur à côté de la porte du vestiaire des infirmiéres et le prend par le bras et se moque de lui gentiment.

- Alors "mademoiselle l’infirmière", c’était comment ce premier jour en maternité ?

Pour réponse, elle a droit à un grognement.

Elle se met à rire.

Dan se tourne vers elle.

- Et toi, en oncologie pédiatrique ?




Ils n’ont pas fait un pas dans l’appartement qu’ils sont assaillis de questions.

 

- Stop ! D’abord je veux un bisou de ma poupée. Mais la poupée dans les bras de son esclave lui refuse le bisou. Et bien tant pis je vais aller pleurer dans mon bain.

 

Allongée dans l’eau chaude, elle observe le grain de beauté en relief qu’elle a sur sa cuisse droite, se demandant si elle ne va pas se le faire enlever.

La porte s’ouvre sur Dan et la poupée toute nue qu’il tient sous les bras et qui, plus il l’approche de l’eau, plus elle lève les pieds puis les jambes. Nous rions tous les deux.

Mais une fois dans l’eau, elle s’allonge sur sa mère, se tournant et se retournant nullement dérangée de se retrouver parfois la tête totalement immergée avec ses cheveux s’étalant à la surface tels une nappe de pétrole mouvante.

- Maman !

Avec Dan nous sommes surpris, cette chieuse a attendu dix-neuf mois pour dire ce mot si doux. Elle se redresse alors et la saisissant elle la serre contre elle et l’embrasse.

- Non ! Téter !

Déçue, elle se laisse aller en arrière à nouveau et sa sangsue se met à son activité préférée.

Dan est sorti.

Elle caresse le dos nue de sa poupée, savourant le bonheur de la sentir pleine de vie.

………………………………………………………………………………………………………….

Au fur et à mesure qu’ils passent d’une chambre à une autre dans ce service d’oncologie pédiatrique à Necker où elle va faire mon premier stage d’un mois, son cœur se serre devant ces visages d’enfants.

 

Dans la dernière chambre, un ado les accueille tout sourire.

- Alors Robert comment vas-tu ce matin ?

Son cœur fait un bond à l’annonce de ce prénom.

- Ça va, j’attends l’orthopédiste.

L’infirmière chef, soulève le drap sous lequel la jambe du garçon s’arrête au-dessus du genou.

- Ah c’est vrai, c’est aujourd’hui que tu essaies ta prothèse.

- Oui et normalement la semaine prochaine je vais pouvoir sortir. Tu veux bien expliquer à mes nouveaux élèves pourquoi tu es parmi nous.

- Alors j’ai eu un ostéosarcome que l’on m’a diagnostiqué à temps mais cette saloperie m’a bouffé une jambe mais le doc m’a dit qu’avec la prothèse je pourrais à nouveau faire du foot. Bon je ne peux plus rêver d’aller jouer au PSG, mais pourquoi pas dans une équipe paralympique.

- Et oui, car nous avons là un vrai champion.

Il rougit et baisse la tête avec un sourire gêné puis la relève fièrement.

- Bon c’est vrai que je me démerde pas trop mal.

L’infirmière en chef lui range une mèche rebelle retombée sur ses ses yeux.

- Sur les vidéos de tes matchs moi j’ai vu un vrai champion. Mais là je te promets d'essayer de venir assister à tes premiers pas.



Dans le couloir, une fois la porte refermée, son sourire a disparu. 

- Il en a au maximum pour quelques mois, car son ostéosarcome a déjà atteint ses poumons et son foie. Mais nous n’avons pas encore le courage de lui dire. Et ses parents nous l’ont interdit. Il sort demain, ils le ramènent chez eux, ils ne veulent pas qu’il meure à l’hôpital.

Deux filles s’éloignent vers les toilettes.  Catherine, elle sent mes larmes couler, discrètement elle les essuie.



Ce soir, juste avant de quitter le service, j’ai aidé la chef à lui poser une nouvelle perfusion, le gamin discutait avec son père de l’éventuelle arrivée du joueur Luis Fernandez au sein du PSG.

Il n’a plus de veine de bras accessible alors elle le pique dans une veine de la cuisse.

…………………………………………………………………………………………………………

 

Catherine surprend sa fille en glissant dans la baignoire de façon à immerger mon visage. Elle ne veut pas qu’elle la voit pleurer.






15 octobre 2010

Robert Samedi 26 février 1977 quel cinéma !

Robert Samedi 26 février 1977 quel cinéma !

 

Assis à mon bureau, j'écoute les copains décider de notre sortie du samedi.

- Bon alors on va voir lequel ?

- La panthère rose.

- Non les mecs, le film d'horreur.

- Pfff un film d'horreur c'est pas cool !

- Prends Robert à côté de toi !

Je tente de frapper Garrot mais Claude retient mon poing, et en me ramenant à mon bureau, donne son opinion.

- Alex a pas tort un film d'horreur c'est chiant sans fille par contre je pense qu'il doit y avoir des filles à draguer avec un film drôle.

 

Deux heures plus tard, à l’entrée du cinéma, Claude récupère les sous pour les huit billets et nous voilà, bientôt à suivre l'ouvreuse qui nous rend à chacun la moitié de notre billet.

- Et les garçons, au moindre souci, on vous met dehors, compris ?

Huit enfants de chœur lui répondent.

- Mais on est toujours sage madame.

Vu la tête qu'elle tire, elle n'y croit guère et on se met tous à rire. La salle est déjà dans le noir pour les pubs.

- Chut !

 

Ce cinéma a un petit balcon où nous montons tout en mettant une main contre le mur car l'escalier n'est pas allumé, ce qui lui donne un attrait supplémentaire.

Il y a déjà deux couples d'amoureux plus occupés à s'embrasser et à se peloter qu'à regarder les pubs. Les quatre sont des adultes, on leur fout la paix.

Par contre, lorsque la lumière se rallume, mon regard est de suite attiré par une tignasse rousse dans le parterre. Alors deux doigts dans la bouche et je fais hurler la trentaine de spectateurs.

Véro lève la tête, me voit et immédiatement coule dans son fauteuil, style suis pas là ! Ça, elle ne me le fera pas à moi. Derrière et devant les six filles, les places sont vides. Ni une, ni deux, je descends, immédiatement suivis par les copains. Claude nous suit en maugréant.

- On va se faire virer les mecs.

Les copains s’asseyent autour d’elles. Moi je gicle la fille qui est à côté de Véro et qui essaie de me résister...

 

- Véro, c'est qui ce mec ?

- Mais pousse-toi, laisse-moi me mettre à côté de ma copine. Alors essaierais-tu de me fuir ?

La fille finit par s’asseoir devant nous, vite entourée par Max et Jacques.

Celle de l’autre côté de Véro se tourne vers les deux collègues assis derrière elle.

- Vous êtes des élèves de l'école militaire ?

Sa copine assise un peu plus loin, fait une grimace et une réflexion qui nous chagrine et nous fait réagir.

- Ma mère dit que vous êtes tous des voyous et que c’est pour ça qu’on vous y a envoyés.

On entend un homme dire qu'il faut appeler l'ouvreuse. Claude lui répond.

- Hé, on ne fait rien de mal.

La lumière s’est éteinte et le film commence.

- La ferme les gamins, taisez-vous !

Je passe un bras derrière Véro qui le repousse.

- Je croyais que j'étais ton petit copain ?

- Ferme-la, ce ne sont pas les mêmes filles.

Je glisse dans son oreille.

- Je te rappelle que je n'ai aucun problème de mémoire mais que c’est toi qui l’as dit à Justine.

Une lumière m'éblouit d'un coup.

- Toi, viens avec moi !

Je ne suis absolument pas d’accord.

- Hé, je ne fais rien de mal, je suis avec ma copine.

Cette fois, elle éblouit Véro.

- C'est toi sa copine ? Il ne t'embête pas ?

- Non madame.

Elle s'éloigne.

- Merci !

Je l'embrasse sur la joue et remet mon bras droit sur ses épaules, elle ne le repousse pas, au contraire, elle se rapproche de moi. Autour de nous se joue en silence un jeu de chaises musicales, je ne cherche même pas à savoir qui fait quoi. Je suis dans mon propre espace-temps, elle a pris ma main gauche dans les siennes.

Lorsque la lumière se rallume, on est toujours à l'identique et si j'ai vu tout le film et bien ri, je regrette qu'il soit si court.

Des promesses de se revoir s'échange autour de nous, puis à peine sortis, nous nous mettons à courir le cœur en berne, pour arriver au portail à l'heure. Mais tous, nous n'avons qu'une hâte : être à samedi prochain.




17 mai 2010

Gisou samedi 23 Août 1976 mélancolie

Gisou samedi 23 Août 1976 mélancolie




Gisèle étend ses jambes et se redresse un peu. Elle laisse son regard glisser au loin sur les pics blancs, sourit puis soupire.

Dans quelques jours, il nous faudra une fois de plus quitter notre petit paradis pour retourner nous enfermer dans notre triste petite vie quotidienne.

Dans quelques jours plus de siestes, surtout que Coco n’est pas une grosse dormeuse. Ah celle-là ! Vivement qu’elle aille mettre la révolution ailleurs que chez nous. En parlant de révolution l’autre jour, l’autre asticot en brûlant son cahier m’a bien fait rire. En tout cas moi, je savais qu’il irait jusqu’au bout de sa punition. Et ensuite quand Papy lui a demandé ce qu’il en avait retenu et qu’il lui a récité la divine comédie en latin, il nous a tous laissés sans voix. La mémoire de ce gosse est vraiment prodigieuse. Ah si je pouvais n’en avoir que le dixième.



Et zut ! je n’ai pas vu que cette bobine de fil était presque vide, je vais voir si j’en ai une autre sinon, je finirai l’ourlet de la blouse de Françoise demain après le marché.

Que la Terre peut-être basse. Qu’il est donc pas agréable de vieillir.

Gisèle laisse à l’ombre de l’arbre son cher petit pliant sans pied sur lequel elle est si bien. Elle sourit en pensant à son mari pour cette merveilleuse trouvaille.

Malgré les volets et les fenêtres grandes ouvertes, la grande pièce est fraîche par rapport à dehors mais elle a envie d’encore profiter au maximum de la nature, de ses odeurs et du magnifique paysage avant de devoir se retrouver à nouveau entre quatre murs.

Et surtout profiter de ce silence seulement troublé par des chants d’oiseaux. Vivement la retraite ! Elle se surprend à rire de sa bêtise. Elle a encore une bonne vingtaine d’années avant que Richard ne prenne sa retraite. Quant à elle… a-t-on déjà vu une mère de famille nombreuse à la retraite ?

 

Dans la grande pièce silencieuse le gamin lit assis sur le rocking chair.

- Tu n’es pas dans ta chambre ?

Il lui sourit en secouant la tête.

- Un vrai sauna là-haut.

Elle sort la grosse boîte de fils bleus et croise virtuellement les doigts pour qu’il y en est encore de la même nuance. Oui ! Elle est sauvée.

Il s’est levé pour venir regarder dans le placard. Il prend la grosse bonbonnière transparente remplie de boutons et la soulève à hauteur de son visage, les regarde.

- Pitié, ne la casse pas ! On y passerait la soirée à tout ramasser.

Il fait semblant de la faire tomber. Gisèle fait semblant d’avoir eu peur. Il se met à rire. Il est content de sa blague. 

Tous les garçons ados sont-ils comme lui ? Souvent, il a encore un comportement d’enfant. Véro à côté, semble déjà plus mûre malgré son effroyable caractère. Lui, il faut tout lui dire sinon, il ne fait rien. Si, il lit ! Je crois que s’il pouvait, il ne ferait que ça.

Il pose la bonbonnière, l’ouvre et plonge la main dedans et remue les boutons.

- Ça t'amuse ?

- C’est rigolo. Il y en a des trop beaux comme celui-là.

- Parce que c’est du nacre. Donne-moi le. Normalement ils ne se rangent pas là-dedans car ils sont fragiles. Je lui montre la grosse boîte à cigares en bois où nous rangeons les boutons en nacre.

- Maman aussi avait une boîte à boutons mais elle était moins grosse. Quand j’en perdais un, elle le remplaçait par un de taille équivalente mais rarement pareil. J’avais honte, ça faisait moche.

Je l’embrasse sur la tempe, j’aime pas le voir triste. 

- Tu veux bien ranger les boîtes s’il te plaît ?



Cette fois, elle a pris deux bobines, elle espère avoir fini cette blouse ce soir.

Il la suit, son livre à la main. Il se couche à côté d’elle, sur le ventre, son livre à plat devant lui.

Cinq minutes qu’il n’a pas tourné de page. Elle saisit son livre. Il sursaute et la regarde surpris.

- Viens me faire un câlin. Elle tapote ses cuisses, il a un sourire gêné. Elle le fait se coucher sur le dos, la tête sur ses jambes. Qu’est-ce qui ne va pas ? Je te trouve trop calme, trop sage. Son sourire se transforme en un sourire mutin mais s’efface rapidement pour laisser place à un visage trop sérieux. Tu m’expliques ce que tu as ?

Il secoue la tête. Il se tourne vers elle, colle son visage à au ventre de la jaune femme. Elle sent son bras la ceinturer et il remonte ses jambes contre lui.

Elle sent son souffle à travers sa légère robe en coton. Elle n’ose plus bouger. Elle est d’abord gênée. Elle reste les deux mains en l’air puis piquant l’aiguille dans le tissu épais de la blouse, elle pose le tout à côté d’elle.

Elle se trouve ridicule, les mains ainsi dans les airs. Mais elle ne sait qu’en faire.

Il a les yeux fermés et sa respiration est régulière.

Ses cheveux ont un peu poussé depuis sa dernière coupe qui doit dater d’au moins cinq mois. Il ne peut même plus se les coiffer en brosse. Richard voulait l’emmener chez le coiffeur, elle lui a interdit. Il y retournera de toute façon dès son retour à l’école.

Ses cheveux sont doux sous ses doigts. Bien plus épais et drus que ceux des filles. Un peu comme ceux de Richard.

Elle ferme alors elle aussi les yeux et ses pensées s’envolent vers l’homme qu’elle aime et qui doit dormir là-haut dans leur lit.

Le garçon en se retournant la fait sursauter. Elle l’avait presque oublié. Sa tête sous sa main, n’était plus la sienne.

Maintenant elle sait qu’il dort profondément. Allongé sur le dos, en étoile de mer, il semble si confiant, si abandonné.

En presque un an, il a tellement changé et en même tant si peu.

Il a grandi. Son corps surtout a changé. Ses jambes sont moins fines, on sent poindre des muscles noueux sur ses cuisses et ses mollets comme sur ses bras. Son torse aussi s’est développé surtout au niveau des épaules, ça c’est la natation. Il n’a plus un corps d’enfant mais pas encore un corps d’adulte.

Son visage s’est légèrement durci et en même temps s’est rempli. Il n’a plus ces orbites creusées par la dénutrition et le manque de sommeil, ce qui l’adoucit.

Elle laisse son doigt glisser le long de l’arrête de son nez. Il n’est plus aussi droit et fin qu’avant et moins pincé. Elle sent et on discerne une légère bosse vers le haut, juste entre les yeux. J’interrogerai Richard pour savoir s’il s’est blessé à la boxe.

Je n’aime pas ce sport. D’ailleurs pour moi ce n’est pas un sport.

Ses joues sont encore glabres tout comme son torse et son ventre. Ses jambes sont un peu plus poilues. Il est brun et sa peau est vite plus foncée que n’importe lequel d’entre nous. Elle émet le vœu qu’il ne devienne aussi velu qu’un homme des cavernes.



Elle se redresse en prenant mille précautions pour ne pas le réveiller puis se remet à l’ouvrage car c’est bien beau de rêver mais il lui faut finir sa couture.



L’ombre à côté d’elle, lui fait lever les yeux vers l’apparition qui lui donne le sourire.

- Viens, il te laisse une petite place là !

C’est amusée qu’elle voit Richard poser sa tête contre mon ventre et prendre la même position que le gamin tout à l’heure.

- J’suis jaloux !

- Chût : N’importe quoi ! Tu n’as aucune raison !

Il se redresse sur un coude. Nous échangeons un baiser.

Malgré ses jambes qui s’en ressentent de leur immobilité forcée. Elle est bien avec les têtes de ses deux hommes sur elles.












13 décembre 2010

FIN DU PREMIER LIVRE

iCI SE FINIT LE PREMIER LIVRE;

LA FIN DE L ENFANCE;

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