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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
13 février 2010

Véro Mercredi 15 Octobre amoureuse d'un sourire

Véro Mercredi 15 Octobre amoureuse

Véronique a des devoirs et des leçons pour le lendemain. Si jamais sa mère s'en aperçoit, elle est cuite alors elle n'a rien marqué dans son agenda mais sur une feuille du cahier d'anglais, comme ça si elle veut vérifier, elle peut !

Et évidemment, elle veut vérifier.

Isabelle joue franc jeu, elle ! Et obtient de pouvoir travailler après le repas.

Dans les escaliers, elle lui dit son exaspération devant ces traitements de faveur. Isabelle rit et se met à courir pour stopper net après avoir ouvert la porte du bâtiment. Véronique la percute surprise.

- Eh ! Ne t'arrête pas comme ça !

Puis elle comprend en voyant Claude

- Salut ! Nous commencions à nous demander si vous viendriez ?

Isabelle lui explique.

- Nous finissions à dix-sept heures aujourd'hui et le temps de rentrer à pied, de goûter, de persuader notre mère…

Il a un geste de la main pour lui montrer qu’il s’en tape de ses explications.

- Ok ! Ok ! Pas besoin de t'excuser, ce n'est pas grave. ?

Ils sont en uniforme avec à la main, une serviette et leur maillot. Ils n'ont pas pris le temps de se changer, ils devaient être aussi pressés qu’elles de venir. Robert est si petit qu’il semble se cacher derrière son copain. Il doit sûrement être timide. Bon il doit penser la même chose de Véronique qui reste sagement derrière Isabelle.

Il y a beaucoup de monde ce soir.

Comme eux leur parlent, d'autres élèves viennent eux aussi parler aux deux filles. Contrairement à Isabelle, Véronique aime bien, elle trouve ça grisant, elle a  l'impression d'être une reine avec sa cour.

Mais d'un coup il y a moins de bruit et les garçons s'écartent.

Leur père vient d'apparaître, il est toujours en uniforme mais pieds nus. Vite, elles nagent jusqu'à l'autre bord du bassin. Surtout qu'il ne leur parle pas.

Elles entament  une série de longueurs en gardant leurs distances avec les deux garçons et en surveillant leur père.

Il discute avec monsieur Joliot, il est dix-huit heures trente, il est temps de partir et dans le vestiaire filles, il ne viendra pas. Robert discrètement s'arrête sur le bord de la piscine à côté de Véronique avant de plonger.

- Vous partez ? Vous nous attendez dehors.

- Oui devant la porte de notre immeuble.

Même Isabelle opte pour se sécher les cheveux plus tard, Véronique me moque d'elle et en réponse, elle la tape avec sa serviette. Véronique commence à rire. Sa sœur lui saute dessus et lui met la main sur la bouche.

- Non, pitié, si tu commences à rire nous n'allons plus pouvoir nous arrêter, pitié !

C'est dur mais Véronique y arrive plus ou moins, mais Isabelle aussi ne peut s'empêcher de glousser en me regardant. Si Papa était là, il dirait : «Ce sont bien des filles ces deux nouillettes.» De penser à ce dernier les calme de suite. Si jamais il l'apprend, elles seront  punies jusqu'à leurs dix-huit ans et même après.

Véronique avec milles précautions ouvre la porte qui donne sur le bassin, elle ne l'y vois plus ! Vite l'autre porte : là non plus !

Les deux garçons sont déjà dans l'entrée de la piscine. Sont rapides eux au moins, plus qu’elles.

Elles leur passent devant en leur faisant signe discrètement de les suivre.

Dès qu’elle a ouvert la porte de la cave de leur bâtiment qui est aussi celle qui donne sur l'école, ils s'y glissent avec elles.

Dehors il fait encore bien jour, mais ici c'est la nuit presque totale.

Aucun de nous n'ose parler, Robert est devant Isabelle et moi face au grand.

Je suis sûre d'être toute rouge.

Un bruit de pas puis une clef dans la serrure. Nous les poussons au fond des couloirs qui partagent la cave en deux. Ils essaient de se faire les plus petits possible. Isabelle est avec le grand. Véronique a entraîné le petit en le tirant par le poignet, le dos collé à moi, ma main droite à plat sur sa poitrine, je le sens respirer. Il est tout chaud, j'ai le nez dans ses cheveux, il sent le chlore, pas étonnant, il sort de la piscine. Il est encore en tenu d'été, une simple chemisette très fine. Il pose sa main sur la mienne, j'ai un frisson, elle est toute douce et chaude.

La lumière des escaliers s'est allumée.

La partie cave est éteinte, pourvu que celui qui vient d'entrer ne vienne pas ici. En fait ils sont deux, il y a papa et monsieur Douillet le prof d’anglais. Nous entendons les portes des appartements se refermer.

- Ouf ils sont partis ! Nous avons eu chauds. Si le colon nous avait vus, je crois que nous aurions passé un mauvais quart d'heure.

Le garçon s'est tourné vers elle, malgré l'obscurité, elle a l'impression de voir ses yeux. Il la force à lâcher son sac et jette sa serviette dessus. Elle le devine plus que je ne le vois : il lui sourit. Elle sent sa main frôler son visage, il lui enlève le bonnet, ses cheveux lâchés s'étalent en une lourde masse rousse sur ses épaules.

- Ils sont trop beaux. Tu sais que t’es belle. Il colle son visage dans son cou, il la chatouille mais elle n’ose pas bouger. Tu sens bon.

Ils entendent les deux autres rire et chuchoter doucement. Il hausse les épaules.

Comme la dernière fois, il passe sa main dans ma nuque et attire son visage vers le sien. Ses lèvres sur celles de Véronique sont tendres. Il est le premier garçon qu’elle embrasse, et lui ? Combien de filles a-t-il déjà embrassé ? Il paraît si jeune. Elle le laisse faire encore cette fois. Elle ne sait pas quoi faire de mes mains, ah si ! Tenir les siennes ! 

La sonnerie d'appel du repas retentit, ils doivent vite partir. Isabelle leur ouvre la porte, à peine s'en éloigne-t-elle que l'on toque, c'est Robert, il a oublié sa serviette qu'il vient récupérer sur mon sac. Il court. Il sourit toujours. Sa main frôle celle de Véronique.

- Vite Véro, ils doivent se poser des questions là-haut, qu'allons-nous leur raconter ?

Elle n’en a aucune idée. L’angoisse leur provoque  un début de fou rire, il manquait plus que ça.

Nous poussons à peine la porte que déjà Papa sort du salon, il est toujours en uniforme.

- Vous sortez d'où ? La piscine est fermée depuis plus d'un quart d'heure. Vous n'êtes pas prête d'y retourner ! Filez dans votre chambre, je viendrai vous voir tout à l'heure, vous avez intérêt à avoir une bonne excuse.

Le problème c'est que nous n'en avons pas !

Isabelle va mettre leurs affaires dans la machine dans la cuisine, elle revient avec du fromage et une pomme.

- Tiens j'ai pu chiper ça. On leur dit quoi ?

- La vérité et puis flûte ! On était avec des mecs, on a fait l'amour comme des bêtes et puis voilà.

Sa sœur ouvre des yeux horrifiés, Véronique explose de rire. Elle est déjà en chemise de nuit, assise sur son lit.

Ce n'est pas leur père qui vient leur faire la leçon mais maman, nous sommes punies jusqu'à nouvelle date. Plus de piscine bien sûr. Elles savent ce que cela veut dire : leur père ne leur adressera plus la parole jusqu'à ce que nous allions de nous même nous excuser, nous aplatir devant lui.

- Isabelle ?

- Oui !

- Je crois que je suis amoureuse d'un sourire.




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16 février 2010

Robert Vendredi 24 Octobre 1975 Colmar tribunal

Robert Vendredi 24 Octobre 1975 Colmar procès

 

Je pense qu'il l’a fait exprès mais nous arrivons en retard au tribunal.

Les portes de la salle d'audience sont déjà fermées.

Maître Patelin nous attend dans la rue sur le côté du tribunal et nous fait entrer par une petite porte qui nous emmène dans une pièce spacieuse avec des murs et un plafond recouverts de dorures.

Un immense bureau trône au milieu, les murs sont couverts du sol au plafond, pourtant hauts, de bibliothèques remplis de gros livres et de dossiers. Dans un coin, une petite échelle de bois suspendue au rail chromé qui court tout le long des murs presque au ras du plafond.

Çà doit être rigolo de l’utiliser comme dans les films.

La juge nous y attend avec deux autres personnes.

Aucun des trois adultes ne me calcule, je suis invisible.

S’ils disent bonjour au colon et lui serrent la main, à moi non. Faut avouer que s’il n’y avait pas sa main sur ma nuque, je ne serais pas arrivé jusqu’à là et j’affiche une mine peu avenante.

Je me sens l’âme d’un condamné à mort que l’on mène à l’échafaud. Enfin, je le regrette presque… au moins tout serait enfin fini.

L'avocate nous ouvre une porte d'où je peux voir face à moi, tous les bancs où sont assis ceux qui sont partie prenante dans l'affaire.

J'ai la nausée et un haut le cœur, le colonel accentue la pression de ses mains sur mes épaules.

- Tiens-toi droit ! Malgré le silence, c'est à peine si je l'entends tellement il l'a murmuré. Je lui obéis mais évite de regarder mon père assis à la droite de son avocat. Derrière lui, ma mère et mes sœurs. 

Le colon doit me pousser pour que j’avance… lentement, un pied après l’autre. J’ai l’impression qu’ils collent au sol et pèsent deux tonnes chacun. Je dois faire un effort monstrueux pour les déplacer. 

Maître Patelin s’écarte pour me laisser passer devant elle. Je m'assieds à sa gauche sur la chaise devant laquelle le colon m’a poussé. Je l'entends ensuite s'excuser avec un ton de voix impératif auprès du docteur Péret pour qu’il lui cède sa place derrière moi. Je me tourne pour le regarder. Il a enlevé ses lunettes. 

- Tourne-toi et tiens-toi droit !



- Madame le juge !

Ils se lèvent tous pour ensuite s’asseoir de nouveau. Les deux fois, le colon doit me tirer par la veste pour que je fasse pareil.

J'ai mis mon cerveau sur off comme lorsque mon père me frappait.

Je ne veux rien ressentir, rien dire. "Caths, Caths, Caths... " Je sens à nouveau une main sur mon épaule. Je réalise que je me balance d'avant en arrière.

L'avocat de mon père s’assied. Maître Patelin se lève après avoir pris un papier dans son dossier et s'approche de la juge pour le lui tendre.

Un bout de papier photo attire mon regard, j'ouvre le dossier. Devant moi une liasse de photos dépassent d'une grande enveloppe brune.

Maître Patelin se précipite pour m'empêcher de les prendre mais j'en ai déjà vidé son contenu sur la table devant moi. Je bloque ses poignets lorsqu'elle veut ramasser les photos.

- Vous y touchez, je vous... !

Je ne sais pas ce que je lui ferai, sûrement rien ou peut-être si, je ne sais pas…

Surprise, elle s’immobilise puis recule, regardant la juge qui lui fait signe de ne pas intervenir.

Je fais une pile des photos puis l'une après l'autre, je les détaille.

Je suis sidéré et capté malgré la nausée qui me submerge. Sur les photos, c'est moi.

J'y suis une sorte de cadavre sur un drap blanc rougi. Mon dos rayé, strié sur toute la largeur et la hauteur, des fesses à la nuque, des plaies longues, où les diverses strates de la peau se voient. Mon visage, les lèvres explosées et l'arcade ouverte à deux endroits. Mes poignets où il manque des lambeaux de peau. Mon ventre, ma poitrine, ce qui n'est aujourd'hui que des cicatrices, sont sur ces photos, de multiples petits cratères d'où perle du sang. Puis mon sexe : mon gland ne tenant que par un bout de peau, et toujours ces multiples petits cratères. Une de mes bourses, ouverte en deux. Pourtant je suis là, aujourd'hui, vivant et entier.

Je regarde mon père impassible. Une vague de haine m'envahit mais je me tourne vers le colon. Il est debout. Il a dû se redresser quand j’ai pris les photos, voulant peut-être comme l’avocate, m’en empêcher mais a, lui aussi, suivi l’injonction de la juge de me laisser continuer. Il me fait oui de la tête, répondant à ma question muette. Comment sait-il ce que je lui demande ? J’en sais rien mais son oui, me libère.

Lentement, je range les photos dans l'enveloppe que je remets dans le dossier. 

Je regarde Maître Patelin.

- Merci maître !

Puis je me lève et regarde la juge.

- Maître Patelin, asseyez-vous s'il vous plaît. Robert, tu veux bien répondre à mes questions ?

- Oui, madame la juge.

Maître Patelin s'assied. Je vois l'autre avocat faire mine de se lever, un geste impérieux de la juge le fait se rasseoir.



14 février 2010

Véro Lundi 20 octobre 1975 lecture

Véro Lundi 20 octobre 1975 lecture

 

 

Papa m'a confirmé ce que l'autre animal m'a dit dimanche, à la bibliothèque du bahut, ils ont des livres en anglais et il a enfin accepté que je puisse aller en emprunter un ou deux.

Je vous laisse deviner qui a la charge de la bibliothèque ? Un amateur de bouquin, évidemment.

C'est Maman qui m' accompagne.

Je reconnais des garçons vus à la piscine. Pour la plupart, je les préfère habillés.

Mr Davis me laisse seule devant le rayon adequa avant de retourner parler avec Maman. Je vois Robert entrer dans la pièce avec une énorme pile de livres tous identiques, il ne m'a pas vu. Il se dirige d'abord vers monsieur Davis, puis vers un rayon derrière le mien. Lorsqu'il me voit, un immense sourire éclaire son visage. Moins d'une minute plus tard, il passe derrière moi pour me glisser un bout de papier dans la main.

-Tiens, mets ça dans ta poche.

- Je n'en ai pas.

- Bin, débrouille-toi !

Je saisis le papier en regardant autour de nous et le glisse dans ma manche en priant pour qu'il ne tombe pas.

- C'était toi avant hier sur le rebord de la fenêtre ?

- Oui. Ça m'a fallu deux jours de consigne, mais bon, ce n'est pas grave comme ça j'ai le temps de t'écrire.

- Je suis désolée, je n'ai rien pour toi.

- Oh que si. Son sourire me fait peur. Il entend quoi par là ? Tiens celui-là est très facile à lire. Vous verrez mademoiselle c'est une très jolie histoire. Un petit garçon que son grand-père emmène pêcher.

Monsieur Davis vient de passer derrière nous.

- Oh merci c'est gentil. Mais la pêche ce n'est pas trop mon truc. Vous n'auriez rien sur les chevaux ?

Là, il me regarde comme si je venais de dire une énorme bêtise. Puis met une main sous son coude et de l'autre main se frotte le menton en me faisant plein de grimaces comme s'il se creusait la cervelle.

- Tu as de ces goûts ! Tu ne veux pas plutôt une histoire d'avions, de guerre ou de chevaliers ? Oui les chevaliers ils ont des chevaux. Il me tend un autre livre : Yvanohé !

- Déjà lu en français.

Il prend un air dégoûté puis effondré.

- Essaye Emingwhay tu verras c'est très facile à lire.

- Je te revois quand ?

- Je suis consigné jusqu'à vendredi. J'essayerai d'aller à la piscine. Sa main effleure la mienne. Tu sais ce que j'aimerai ?

- Vu ce que tu m'as écris dans la lettre de l'autre jour, je crains le pire.

Il me regarde puis s'éloigne pour revenir.

- Je dois partir. J'ai juste envie de pouvoir être avec toi. C'est tout. Ce serait déjà beaucoup, non ? Tu imagines le rêve si nous pouvions partir toutes les futures vacances de la Toussaint ensemble ? Bye à vendredi.

Sa main effleure encore la mienne. Je vais voir Mr Davis avec le livre.

- C'est le petit Weisembacher qui te l'a conseillé. Il est gentil ce petit. Il ne t'a pas manqué de respect j'espère.

- Oh non monsieur. Il m'en a conseillé d'autres mais, ou je les avais déjà lus en français, ou c'était des livres de guerre.

- Ah ! Tu sais, ici nous formons l'esprit de futurs militaires.

...................................................................................................................................

J'aime pas lire en anglais. Mais je me force. Pour lui ! C'est idiot ce livre a du passer entre les mains de centaines et de centaines de garçons mais j'ai l'impression qu'il porte son odeur. Lorsque Maman vient éteindre la lumière, je le mets sous mon oreiller.

Et puis maintenant je connais son nom de famille : Weisembacher. Plus tard je serai madame Weisembacher. Cela sonne bien !

 

 

18 février 2010

Véro vendredi 24 Octobre 1975 Aix les Alpes

Véro vendredi 24 Octobre 1975 Aix les Alpes



Au lycée, les notes de Véronique ont baissé.

Il faut dire qu’elle passe toutes ses journées à rêver. 

Elle n’en peut plus d'être amoureuse.

Et là, en plus, elle ne l'a pas revu depuis lundi car il est parti en voyage avec papa et maman refuse de nous dire où ils sont allés.

Véronique n'aime pas quand son père n'est pas là, Maman non plus, du coup c'est leur oncle Olivier qui est venu passer quelques jours chez eux.Mais hélas il est reparti hier soir. Il avait un avion pour Tombouctou. 

 

Elle le trouve tellement beau, normal, il ressemble à Maman et comme dit Papa : “Gisèle c’est la plus belle femme au monde”. Bon c’est un peu normal puisqu’ils sont jumeaux. Qu’est-ce qu’elle aurait aimé avoir un jumeau ou une jumelle elle aussi. 

Le truc c’est que son père et son oncle ne s'entendent pas beaucoup et elle ne comprend pas pourquoi. Car franchement, elle et ses sœurs trouvent absolument génial et si gentil ! 

Quand il est là, c’est lui qui s’occupe d’elles. Il les accompagne à l’école et vient les chercher même si elles sortent à des heures différentes comme cet après-midi où il est venu attendre Véronique à quinze heures puis les petites à seize heures trente et enfin Isabelle à dix-huit heures. Véronique est très fière de son oncle surtout que les filles de sa classe le trouvent aussi très beau.

Et puis ce que Véronique aime aussi c’est que contrairement à sa mère, son oncle est toujours de bonne humeur.

Là, il nous a ramené des souvenirs des USA et du Japon.

Comme il est pilote civil dans une grande compagnie aérienne, il voyage dans le monde entier. 

A sa sœur, il ramène à chacune de ses visites, des petites poupées en costume folklorique,et elle va de suite les ranger sur l’étagère vitrée dans le bureau de Papa. Alors il la suit et comme d’habitude lui dira : “Houla, il t’en manque encore plein !” et ils se mettront à rire tous les deux. Véronique a plusieurs fois demandé pourquoi il disait ça et sa mère ne répond jamais, elle devient juste rêveuse et sourit avant de changer de sujet.

Par contre, elles vont encore entendre leur père rouspéter quand il rentrera puis avec leur mère, ils se disputeront avant d’aller s’enfermer dans leur chambre pour se réconcilier. Je crois que maman les a mis dans son bureau rien que pour ça, même si elle dit que c’est à cause de Isabelle, qui petite, les lui volait et les abîmait.

Demain elles montent au chalet, Véronique a hâte de revoir ses cousines surtout les jumelles. Maïté moins c’est madame je donne des ordres et ça, Véronique ne supporte pas. Elle leur a plus ou moins tout raconté au téléphone mais en vrai ce sera encore mieux car elles n'auront pas leurs dragons cerbères de mères derrière elles à les écouter. Les jumelles sont jalouses parce qu'elles ne sont jamais sorties avec un garçon. Et hier, quand je leur ai dit que je l'avais même embrassé, elles étaient folles. 

Maman a fini tous les bagages et leur a demandé à Isabelle et elle de l'aider demain matin. Les autres dorment déjà.

- Mes beautés, il faut que je vous dise : demain au chalet, nous aurons un invité. Vous vous souvenez du gamin dont papa est le tuteur, et bien nous l'aurons pour les vacances. Alors si vous pouviez être très gentilles avec lui ce serait bien car c'est, d'après votre père, un brave gamin qui a beaucoup souffert. Et qui sait, vous pourriez peut-être devenir amies avec lui ?

Si leur mère savait...

28 avril 2010

Caths Lundi 5 juillet 1976 emménagement bis repetita

Caths Lundi 5 juillet 1976 emménagement bis repetita

 

- Bonjour Maty

- Ah vous tombez bien, j'ai des choses à vous donner. Venez avec moi à la cave. Mais vous laissez ici le bébé à l'un d'entre vous. Non pas toi Dan, j'aurais besoin de tes muscles. Michka par exemple.

- Maty, si tu as besoin de bras alors c’est Thib qui restera

Nous abandonnons donc Thib qui tire la gueule avec Roberta dans les bras et nous nous tassons dans l'ascenseur

La cave de Maty est une vraie caverne d’Ali Baba.

- On m'a donné des lits pour vous. Il y a un lit double et quatre lits en quatre vingt dix.

- Alors Maty le soucis c'est que si celui en cent quarante, on te le prendra volontiers, les autres bof.

- Attends Tach on peut s'en servir comme canapé, même si on a pas de matelas à mettre dessus ni de salon.

- Vous savez mes lits sont complets : bois, sommiers et matelas et on m'a promis des draps.

- Ah oui bonne idée Typh, et pour ce qui est du salon, on peut utiliser n'importe quelle pièce.

- Vous les prendrez quand ?

Nous nous regardons indécis.

- Alors là, on ne sait pas,

- je pense que Dan et Michka viendront seuls sinon il n'y a pas assez de place dans le camion.

- En parlant de votre camion, ce n'est pas très sécuritaire de voyager comme ça, couchés à l'arrière, ni très licite.

- Oui bin Maty on fait avec ce qu'on a, OK ?

- Oh moi, je dis ça pour vous, un camping-car ça ne vous plairait pas ?. Et sinon, vous avez fait transférer vos adresse à votre appart.

- Nous préférons garder notre boîte postale. Quant à ton idée de camping-car, on y a déjà pensé mais nous n’avons pas les moyens. Déjà parfois nous devons choisir entre l'essence et la bouffe, alors acheter un camping-car...

Maty nous regarde avec un air totalement désespéré mais garde son avis pour elle.

 

 

A l'appart, Thib regarde la télé avec un bébé qui en écrase au creux de son bras. Après s'être lavé les mains Maty lui prend Roberta.

- Ta fille sera une géante. Son père était grand ?

- Robert grand ? Oh non ! Juste son périmètre crânien, et encore même pas, il avait tout de tout petit, même sa saucisse.

- Catherine voyons !

Je hausse les épaules, je ne fais que dire la vérité.

 

 

 

 

Après le repas, nous repartons une fois de plus les bras pleins de vêtements pour Roberta mais aussi pour nous ainsi que de couches.

Tout ça, ce sont des choses qu'elle récupère gratos à droite et à gauche.

- Bon Tach. Faudra tout de même lui dire un jour à Maty que toutes ses fringues, c'est gentil. Mais on ne les met pas car ce n'est pas du tout notre style.

- Oui mais j'ai peur de lui faire de la peine.

Dan me passe les bras autour des épaules.

- Oui mais on en fait quoi ?

- La prochaine fois qu'on va manger à l'armée du salut, on leur laisse.

- Et si c'est là qu'elle les a trouvé ?

Nous venons juste de sortir de l'immeuble.Je m'arrête net et manque de me retrouvée aplatie au sol avec Roberta par Dan surpris par cet arrêt brutal.

- Tiens prend Roberta. Et vous donnez-moi toutes les fringues que vous ne voulez pas.

 

Les bras chargés, je remonte chez Maty.

- Ma chérie que ce passe-t-il ?

- Alors je suis revenue car je dois être honnête avec toi. Je suis remontée pour te rendre tous ces vêtements et j'en aurais encore beaucoup d'autres à te rendre. Tu sais, nous t'aimons énormément mais... comment dire... c'est comme tes lits, on a dit qu'on les prendrait mais en fait, non. A l'appart finalement nous dormons tous ensemble dans la même chambre. Même les garçons. Dès fois on s'isole, seul ou à deux mais la nuit nous dormons tous ensemble et c'est comme ça que je veux Roberta grandisse. Elle n'aura pas de père mais elle nous aura tous les cinq autour d'elle.

 

D'abord Maty ne dit rien. Je pose le contenu de mes bras sur le canapé et embêtée, je ne sais quoi faire. Puis Maty a un immense sourire.

- Ma merveilleuse fille. Là c'est moi qui suis surprise. La seule chose que je veux c'est que toi et Roberta soyez heureuse, alors si c'est comme ça que vous voulez vivre et bien je vous soutiendrai. Tu peux compter sur moi et merci pour ta confiance et ton honnêteté et désolée de vous avoir fait supporter mes propres angoisses. Aller file rejoindre ta fille et tes amis mais d'abord embrasse-moi.

Je lui fis un long, très long câlin où nous restâmes dans les bras l'une de l'autre. Puis je la quitte contente, la conscience allégée d'un poids.

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3 juin 2010

Caths mercredi 22 septembre 1976 Paname

Caths mercredi 22 septembre 1976 Paname

 

 

- Maty c’est moi. Catherine pousse la porte de l’immeuble et la tient ouverte devant les trois autres. Allez, entrez, je vous veux avec moi. Vous êtes ma force.

 

 

 

Maty les attend sur le palier et sans même leur dire bonjour se précipite pour prendre Roberta des bras de sa mère.

- Oh ma toute belle, ma toute mignonne. Tu as déjà tellement changé.

Tiph ferme la porte derrière elle.

En premier, les filles mettent une machine à tourner. Maty pense qu’il en faudra au moins quatre donc ils resteront pour la journée.

- Maty, on va se doucher.

- Oui, oui, faîtes. Elle a grossi, non ? Quand vous aurez fini, on lui donnera un bain et nous la pèserons. Tu as vu que ses yeux s’assombrissent, je pense qu’elle ne gardera pas ses yeux bleus.

- Évidemment, ils seront violets comme ceux de son père et si tu l’observes bien elle de très très longs cils comme lui.

- Oh ! Il avait le gène d’ Alexandria, tu sais que c’est très rare chez un homme ?

- Je ne connaissais pas le nom mais oui. Quand je te disais qu’il était exceptionnel.

 

- Tu as reçu tous tes cours du CNED, tu vas devoir te mettre au travail ma fille. Si tu veux, je peux trouver une place pour ta fille à la crèche. Jacqueline m’a dit qu’elle se débrouillerait.

- Maty, je ne resterai pas ici. Je vais les prendre et je les travaillerai dans le camion. Ils m’aideront. Typhanie a un bac C et Michka, un DEUG de philo, alors bon. Maty ne dit rien mais Catherine voit bien qu’elle n’est pas d’accord. Je continuerai à recevoir mes courriers ici donc tu pourras vérifier si je travaille ou pas.

- Et vous comptez aller où et vivre de quoi ?

- On louera nos bras. Déjà là, on va aller faire les vendanges et après nous verrons. Et nous mettrons des sous de côté pour cet hiver. Il nous faut déjà acheter des vêtements pour elle, car le neuf mois lui est trop petit, je dois lui trouver du un an.

- Vas voir dans la chambre d’ami, il y a déjà un gros carton en un an, après tu prends ce que tu veux, le reste, je le rendrai à l’hôpital.

- Je ne veux que des pyjamas, c’est ce qui est le plus pratique. Des chaussettes, des bodys et des vestes. Et des combinaisons pilotes pour mettre dessus. Mais je passerai dans des Emmaüs pour en trouver des pas chers, t’inquiètes.

- Sinon faudrait que tu appelles ta mère.

- J’ai eu Papa, avant hier, ça suffira.

 

 

- Soixante-dix centimètre pour dix kilos, faut croire que ton lait la nourrit efficacement. Tu vas être une géante ma puce.

- Comme son grand-père.

- Ton père fait un mètre soixante-quinze.

- Je sais, je mesure trois centimètres de plus que lui. Je parle du père de Robert qui lui, doit faire deux mètres.

 

9 septembre 2010

Robert lundi 20 Décembre 1976 vacances 3

Robert lundi 20 Décembre 1976 essayages



Me posant ses mains chaudes et larges sur mes épaules, Daddy interroge les mutter.

- Ce garçon a-t-il une chemise blanche ?

- Non Daddy, nous devons lui acheter toute la tenue.

Il me fait tourner vers lui.

- Robert. Veux-tu  être habillé comme moi pour Noël ?

- Oui, pourquoi pas.

M'en fiche moi, de comment je serai habillé. Sauf que l'année dernière, j'étais trop jaloux de Claude dans son smoking.





Debout dans le magasin, j’en suis à mon sixième aller-retour devant les trois femmes, non, quatre avec la vendeuse, qui commencent à s’impatienter.

- Alors, elles te plaisent ? Elles te vont bien ?

Je les regarde affichant une moue dubitative, ai-je le droit de dire non ? Cela fait dix magasins de chaussures où nous entrons, où elles demandent s'ils ont tels mocassins avec frange et pampilles et nous ressortons, la réponse étant négative. Je ne comprends pas pourquoi cette obsession. En plus, vu le prix qu'elles coûtent, j'ai intérêt à ne plus changer de pointure et ça... Vu qu'en un an, j'en ai déjà changé quatre fois, je dirais que c'est mal barré. Enfin... Je préfère me taire. Comme m'aurait dit mon père : "T'es pas pieds nus, sois content !"

- Oui, oui, c'est bon, elles ne me font pas mal aux pieds. Et puis, c'est quoi ces chaussettes avec lesquelles j'ai dû les essayer ? Mais…

Gisou me fait taire d’un geste d’impatience.

- Oui, qu'est-ce qu'il y a ?

- J'aurais préféré des baskets .

- Nous irons plus tard dans un magasin de sport.

La vendeuse qui commençait à s'éloigner, s’arrête et se retourne.

- Oh mais nous vendons aussi des chaussures de sport.

Mais Gisou lui répond en me fusillant du regard.

- Merci mademoiselle, pour l'instant nous ne vous prendrons que celles-ci.

- Bien madame. Il les garde ?

- Oh non !

Je les enlève donc, les chaussettes aussi, que je dois rendre à Mamie Sophie. Et donc, pourquoi les acheter si je ne dois pas les porter. Décidément je ne comprends pas.



Par contre, le magasin suivant me plaît mieux et je commence à prendre goût à ce genre de courses.

- Je peux avoir un smoking pour les réveillons ? J'ai droit à trois sourires narquois. OK, OK, pas grave.

Mamie Sophie me pince la joue comme si je n’avais que trois ans.

- Tu verras, ta tenue éclipsera tous les smokings.

Hum, je me demande de quoi elle parle mais comme je sens que je ne le découvrirai quoi qu'il arrive que le vingt-quatre alors je me tais.

Et puis pour l’instant hélas, je m'habille toujours au rayon enfant et ça me gonfle au plus haut point. Mais où de toute façon, il n’y a pas de smoking .

Et aussi, le fait qu'elles choisissent pour moi sans me demander mon avis.

- Allez, viens essayer tout ça.

Ah oui, et aussi les séances d'essayage avec Gisou, une horreur ! Quand elle est seule, elle choisit la plus grande cabine et s'assied dedans pendant que je m'habille, me déshabille, m'habille, me déshabille. Quand je l'ai raconté à Véro, elle m'a dit qu'elle faisait pareil avec elle. Maintenant, quand je lui ai dit que je voulais bien remplacer sa mère, je me suis fait taper, pourtant j'étais sincère.

- Ça y est ?

- Non ! Mais oh, le rideau ! 

Peine perdue, je renonce et en plus là, elles sont trois.

Le douze ans m'est trop court mais me va bien à la taille. Dans le quatorze ans je nage et il m’est trop long. Finalement seul le jeans en douze ans me va bien mais il n'est pas à leur goût. Pour finir, je me retrouve avec deux pantalons en quatorze ans à qui elles feront des ourlets et... mon jeans que m’offre Mamie Sophie avec un sweat à capuche avec Snoopy et son bonnet de pilote assis sur sa niche, dessiné dessus. Ah oui et la fameuse chemise blanche.



- Hé ! Pourquoi, lui, a-t- il eu droit à un jeans ?

- Véronique, on ne va pas revenir là-dessus ? C'est un garçon, toi, tu es une fille, tu ne mets pas de pantalon.

- C'est dégueulasse !



Je laisse s’éloigner la mutti puis, vais gratter à la porte de la chambre où crèchent les filles.

- Véro, viens voir.

Je recule d'un pas, vu la brusquerie avec laquelle elle l'ouvre.

- Tiens, si tu veux l'essayer mais je ne crois pas que tu rentres dedans.

- Et en plus, tu me fais remarquer que je suis grosse ?

- Non, non, c'est moi qui suis petit et maigre.

- Hum !

Mon jeans disparaît avec elle.












13 septembre 2010

Robert lundi 27 Décembre 1976 l'écharpe.

Robert lundi 27 Décembre 1976 vacances 9 l'écharpe.



- Aïe !

Purée il fait mal le coin de ma grosse encyclo sur l'aéronautique.

- Qu'est-ce qui t'arrive encore ?

La tête de Richard apparaît au-dessus de moi.

- Je me suis cogné au coin d'un de mes bouquins.

J’entends des rires venant du coin des filles.

- La culture c'est dangereux.

- Tout à fait Isa !

Et l'autre, il pourrait être le père Lapalisse.

- Mets-les sous le lit.

- Mais Richard, ils sont déjà sous le lit.

- Et bien arrête de t'agiter.

Hum, il veut que je lui cause des personnes qui s’agitent dans une chambre remplie d’enfants ?

- Comme si je le faisais exprès. Richard je peux te poser une question ?

Je l’entends soupirer.

- Oui, tente.

- Je pourrais offrir quoi à Daddy et Mamie et à Olivier.

Je l'entends souffler et Gisou pouffer. Bon, OK,  il y a un prénom que je n'aurais pas dû prononcer.

- Tu peux pas attendre demain pour tes questions à la con.

Gisou immédiatement dans la sanction.

- Véronique demain tu seras punie.

- Mais Maman tu sais quoi, il est trois heures, on est déjà demain.

Je rigole comme les filles et j’entends Gisou grommeler un truc incompréhensible et Richard me répondre enfin.

- Rien et maintenant dort.

Merci Richard, merci beaucoup !

- Cool tu m'aides beaucoup. Aïe !

- Qu'est-ce qui t’arrive, encore ?

A travers sa voix je sens qu’il est exaspéré.

- Je me suis pris le mur.

Et voilà, maintenant ils rigolent tous. C'est pas drôle franchement, je sais que je ne suis pas gros mais sur le dos mon bras gauche touche le mur et le droit est sous le lit, je voudrais les y voir à ma place !




M’étant levé largement après les autres, je déjeune seul assis sagement à la table de la salle à manger, en compagnie de la grand-mère qui lit un papier, en mettant puis en enlevant ses lunettes au moins une dizaine de fois. J’ai envie de lui demander si elle ne veut pas que je lui lise mais je n’ose pas.

- Mamie Sophie, je peux vous demander quelque chose ?

- Oui mon garçon.

- Pour une écharpe, il faut combien de pelotes ?

- Cela dépendra de sa longueur. Quatre à six, pourquoi ?

- Pour rien, comme ça.

Elle me suit du regard quand je sors de la pièce pour porter mon bol dans l’évier.




Je finis par trouver les mutter dans la salle de bain avec Coco.

- Gisou, tu dois sortir faire des courses aujourd'hui ?

- Non, pas spécialement, pourquoi ?

- Alors puis-je sortir seul ?

- Pour pouvoir t'enfuir en courant ?

Je fais la grimace, je sens qu’on va me le ressortir pendant longtemps.

- Meuh non. Je veux aller voir un truc.

- Et on peut savoir quoi ?

- Non, j'ai juste envie de savoir le prix de quelque chose pour savoir si j'ai assez pour me l'acheter ?

Elle laisse Sylvie au prise avec un démon roux qui refuse qu’elles lui brossent sa tignasse.

- Et je peux savoir ce que c'est ? Je secoue la tête en regardant par terre. Si je le lui dis, elle va se moquer de moi. C'est quelque chose d'interdit ? D'interdit ? Je la regarde étonné ? Comment ça interdit ? De quoi elle parle ? Elle sourit. Bon vu ta réaction ce n'est pas ça. 

Sylvie lui donne un coup de coude léger et prend le relais.

- Un truc cochon ?

- Quoi ? Je fais non des mains devant moi. Non, non, ça va pas ? Je souris alors en pensant que je n'ai pas besoin d'en acheter, vu ce qui circule déjà dans les chambres à l’école, puis je secoue la tête avec l'air le plus dépité que je peux faire et m'éloigne. Pas grave !

Dans la chambre, les filles jouent aux mille bornes. Moi je me laisse tomber sur le lit des parents sur le dos. Je m'emmerde !

 

Retour dans la salle à manger, peut-être que mamie Sophie pourra m’aider si elle est comme Mammema à collectionner les pelotes.

- Mamie Sophie, vous auriez de la laine à me donner ?

- Oh oui sûrement. Mais pourquoi faire ? Quelle bêtise as-tu encore derrière la tête ? Mais pourquoi faut-il toujours qu'ils pensent tous que je vais faire des conneries, c'est pas possible ça ! Lassé, je lui fais signe de laisser tomber. Elle m'attrape par la main et m'attire vers elle. Attends, je ne voulais pas te vexer, reste ! Aide-moi à me lever. Voilà, merci ! Maintenant viens, je vais te montrer mes réserves mais chut ! Daddy se repose.

Leur chambre est dans la pénombre, il est dix heures. Daddy fait sa sieste du matin, il ronfle. Il est sur le côté, son bras nu sur le drap et la couverture.

Mamie met un doigt sur sa bouche. Tiens, je sais qui a appris ça à Gisou.

Elle ouvre les deux portes pliantes du placard qui est à côté de leur lit. Fermées j'ai l'impression de voir un éventail géant.

Devant moi, sur trois étages de un mètre de long sur soixante centimètres de profondeur, des cubes en tissu avec dedans des pelotes de laine. Dans chaque cube, une couleur différente.

Le tartan de Daddy est vert, bleu et jaune. Je sors les trois cubes correspondants. Je fouille et trouve mon bonheur, je les pose sur le lit et range les cubes.

Je chuchote :

- Vous auriez un crochet ?

- Oui, pour aller avec cette laine ?

J'opine de la tête, elle m'en tend un en bois. Je lui montre le fauteuil devant la fenêtre.

- Je peux rester sur ce fauteuil ?

Elle fait une drôle de tête.

- Dans le noir ?

- Ça me suffira, je veux surtout rester seul, tranquille.

- Oui, si tu ne réveilles pas Daddy.

- Promis ! Je croise deux doigts. Juré !

- Robert je peux te demander quelque chose à mon tour ?

- Oui.

- Ne me vouvoies plus, d'accord ?



Lorsque Daddy se réveille, je vois qu'il reste un moment à m'observer. Moi, mon écharpe s'allonge. Mes rayures n'ont pas toutes les mêmes largeurs mais c'est voulu.

- Elle sera pour qui cette écharpe ? Pour toi ?

Comme un débile je secoue la tête, mais dans la pénombre et sans lunette, me voit-il ?

- Non, c'est un cadeau.

Bin si, il y voit, et même bien…

- Oh ! Elle est aux couleurs de notre clan, je vais être jaloux de celle à qui tu vas l'offrir.

Cette fois, je souris… s’il savait…

- C'est pas pour une fille, elles me gonflent.

A son tour de sourire amusé.

- Oh ! toi aussi tu n'aimes pas les filles, il le sait Richard ?

Quoi ? Heureusement qu’il n’a pas pu voir la tête que j’ai fait. Enfin si sûrement.

- Hein ? Oh non, non, j'aime les filles, mais celles qui sont dans cet appartement, ce sont des saloperies.

Il se met à rire.

- Peux-tu me donner mon peignoir ? Je m'habillerai plus tard. Peux-tu ouvrir les volets s’il te plaît ?

Il fait très beau dehors, je me penche un peu pour regarder le jardin en bas de l'immeuble. Un peu plus loin, j'aperçois un grand jardin public.

- Quand on était petites, on allait jouer avec ta mère et Olivier dans ce parc, c'est là-bas qu'on a entendu les sirènes annonçant la mobilisation en trente-neuf. Sylvie a mis sa main sur ma tête et s'est collée à moi puis me tire en arrière. Ferme cette fenêtre que Papa n'attrape pas froid. Qu'est-ce que tu faisais ici ?

Je me suis vite assis sur la laine et mon tricot.

- Je lisais.

Elle me regarde surprise.

- Sans livre ?

Grand sourire et vite je dois inventer un truc, n’importe quoi.

- Je l'ai fait tomber par la fenêtre.

- Cours vite le chercher.

Je fais signe que je m’en fous.

- Non, je ne l'aimais pas.

Mon mensonge ne prend plus…

- Bon, là je vais m'énerver, qu'est-ce que tu me caches ? Mets-toi debout et vite.

Elle me prend par le bras pour me faire lever mais je lui résiste.

- Non, je veux juste rester là avec Daddy.

Ce dernier décide d’intervenir.

- Sylvie s'il te plaît, veux-tu bien sortir, j'aimerais bien m'habiller et mon vieux corps ne sera pas un beau spectacle pour une jeune femme comme toi.

Elle me tient toujours par le bras.

- Toi, dehors avec moi.

Daddy s’énerve.

- Mais laissez-le donc un peu tranquille ce gamin. Pourquoi êtes-vous toujours sur son dos, oh la la que vous m'épuisez ! Dehors, allez dehors. Il referme la porte derrière elle. Et bien garçon, une bonne chose de faîtes, tu peux continuer tranquillement ton ouvrage et ce n'est pas Mamie Sophie qui cafardera, sois tranquille. Et comme ça, toi et moi, on va pouvoir faire un peu plus connaissance.

A midi, Daddy me garde à côté de lui à table et on continue à discuter en anglais. Il m'a appris des gros mots en gaélique que je compte bien sortir à Gâche lorsqu'il me gonflera et… comme il ne comprendra pas… il ne me punira pas. Par contre, quand avant le repas du soir, j'en sors un à Véro, c'est Olivier qui me déquille un baffe. Et hélas Daddy le soutient.

- Thanks my son and you, go to bed.

- But I'm hungry.

- Go to your bed !

En tout cas, le soir pour le repas, Daddy a une belle écharpe autour du cou, dont il refuse de donner la provenance.




1 octobre 2010

Robert Samedi 29 janvier 1977 glace fondue !

 Robert Samedi 29 janvier 1977 glace !

 

 

La porte de la cave est ouverte et derrière la baie vitrée, Véro me fait signe

Robert Samedi 29 janvier 1977 glace !



La porte de la cave est ouverte et derrière la baie vitrée, Véro me fait signe de monter.

Tant pis pour la piscine.




Je referme sans bruit la porte derrière moi.

Me déchausse tout en jetant des regards à droite et à gauche. Je lance un : 

- B'jour !

Dans la grande glace murale qui orne le mur juste à côté de leur porte d'entrée, je détaille l’ado qui me fait face.

Seize ans bientôt, et trente centimètres de plus, en presque deux ans... ma taille me convient, je me sens de mieux en mieux dans ma peau. Et je commence à apprécier mon physique et ma musculature naissante que je travaille presque quotidiennement dans la salle adjacente à la piscine du lycée.

Cela commence même à se ressentir à travers l’attitude vis à vis de moi des autres garçons. Bon, le fait que sache de mieux en mieux me défendre aussi, merci les cours de boxe. Et surtout auprès de la gente féminine, même si Gisou m’a douché en parlant de l’attrait de l’uniforme, pfff !.

Le truc qui m'énerve le plus, c'est ma tronche, je ne l'aime pas. En dehors de mes grands yeux violets, le reste c'est bof ! Bon, j'suis content de ne pas avoir un gros pif comme Marion ou Vivien, bon, lui il a un pif de nasique, il est hors concours.

Et pour l’instant qu’un ou deux tout petits boutons.

 

Véro me saute dessus par derrière.

- Maman veut savoir si tu veux venir avec nous faire des courses.

- Heu oui.

Gisou vient m'embrasser.

- Ah ! C'est bien ce qui me semblait de t'avoir entendu. Et bien alors allons-y. Et puis on en profitera peut-être pour t'acheter des pantalons. Car la dernière fois, avec Mamy au chalet, on a vu qu'on en avait plus à ta taille. Ou on en met deux comme toi dedans. Ou ils sont trop courts. Et puis Isabelle nous garde les petites. Elle ouvre la porte du salon où Isabelle assise à la grande table devant livre et cahier. N'est-ce pas Isabelle ?

Isabelle ne daigne pas lever la tête.

Véro me glisse à l'oreille :

- Elle est punie, ne me demande pas pourquoi, je ne sais pas. Mais hier soir, c'était OK corral dans le bureau de Papa, ça gueulait tout azimut !

Je vais jusqu'à Isa et lui fais un bisou.

- Tu veux que je te ramène quelque chose ?

Elle me rends le bisou et murmure : 

- Ouais, des parents moins cons.

Elle m’amuse.

- Aïe, tu crois que ça existe ?

Richard me sort de l'appart par le bras.

- Laisse-la, elle n'a qu'à pas sécher les cours.



Dès que nous sommes arrivés dans le grand magasin, j’ai décidé que c'était moi qui poussait le chariot, Gisou et Véro le remplissent, Richard me zonzonne avec un nouveau concours d'entrée dans une grande école où il m'a inscrit.

- Mais moi, ça ne m'intéresse pas.

- Tu vas le passer, vois ça comme un entraînement et puis comme ça, si tu ne peux pas entrer cette année à Salon, tu auras tout un panel d'écoles où aller pendant un an.

Je secoue la tête et hausse les épaules.

- Si j'y vais pas cette année, je pars aux US et je deviens pilote là-bas.

-  Hum,tu n'oublies pas un truc ?

Je le regarde qui sourit amusé.

- Non quoi ?

- Tu es mineur.

Je souffle.

- T'es pas drôle. Elle a raison Isabelle.

Il fait un geste éloquent de la main.

- Oh elle !

Et il a un air tellement désabusé que je ne peux m’empêcher d’être amusé. 

- Robert, viens ! J'ai un livre cool à te montrer.

D’un coup Véro me prend par la main et me tire jusqu'au rayon des livres juste au moment où Gisou se décide à quitter le rayon lessive.

- Regarde, il est génial celui-là.

Je lis le résumé sur la quatrième de couverture.

- C'est un polar, non ? Je n'aime pas. Je lui colle "Le Grand cirque." dans les mains. Ça c'est du livre, avec pleins de combats d'avions en plein ciel et puis c'est de l' Histoire avec un grand «H» .

- Oui, mais moi, je m'en fous. Viens, on rejoint les parents.

Cette fois, elle me tient les deux mains, me pique mon calot et le met sur sa tête.

Hum, à quoi elle joue ? Richard fronce les sourcils en nous voyant revenir, Gisou aussi.

- Gisou, je peux passer au rayon déo, j'en aimerais un.

Cette idée semble lui plaire.

- On va le choisir ensemble, sinon tu peux mettre le même que Richard.

Elle est folle ? Ça lui arrive de réfléchir ?

- Non, si j'ai le même que lui, ça va encore plus jaser et puis... j'suis toujours pas lui.

Oups qu’ai-je dis… Richard me fixe interloqué.

- Les gamins disent quoi sur toi ?

- Rien, rien,  Richard, des conneries sans importance.

Il n’a pas l’air convaincu, heureusement, Véro nous bouscule en se précipitant pour saisir plusieurs flacons.

- C'est moi qui te le choisis.

Et je dois me battre contre elle qui veut m'asperger de tous les déos en spray qu'elle trouve même ceux de femme. Je finis par me planquer derrière Richard

- Véronique ou tu te calmes ou tu finis les courses en me donnant la main.

- Mais Papa !

Je jette rapidement un spray dans le chariot et récupère ma place pour le pousser, pratiquement couché dessus. Je rejoins Gisou plongée dans la contemplation du rayon eau de toilette homme.

- Montre-moi celui que tu as choisi. Oh mais tu cocottes !

Elle agite sa main au niveau de son visage.

- Ouais, grâce à Véro, je pue pire qu'une vieille dame.

Elle a d’abord l’air surprise puis pouffe.

- Ah tiens donc. Je dirai ça à Mammema.

- Mais non ! Mamy c'est l'exception qui confirme la règle, j'aime trop être avec Mamy, elle sent trop bon. Gisou me regarde bizarrement. Jalouse ? J'abandonne le chariot pour, passant par derrière la prendre dans mes bras. Toi aussi tu sens trop bon.

Derrière moi, Richard glousse comme une fille.

- Bien rattrapé garçon !

Véro a pris ma place mais me fait signe qu'elle me le rend mais lorsque je pose la main sur la barre. Elle pose sa main dessus et se glisse devant moi en montant sur la grille qui sert à poser les packs de bouteilles d'eau.

- Aller pousse esclave !

Elle aussi sent bon... trop bon. J'ai ses cheveux dans la figure. Je les respire. Je les mange. Qu'est-ce qu'elle peut être envahissante. Mais je pourrais rester comme ça vitam eternam.

Elle colle sa joue contre la mienne pour me parler à l’oreille.

- Si on était pas en public...

- Tu ferais quoi ?

- Je ne sais pas moi, c'est toi l'homme.

Je tique sur le fait qu'elle m'ait dit que j'étais un homme et non un pervers dégénéré, un bébé débile ou autre tendre qualificatif. C'est pas d'elle ça. Serait-elle malade ? Ou alors...

Je regarde subrepticement autour de nous et remarque vite un groupe de filles qui semblent nous suivre en se disant des messes basses. Lorsqu’elles surprennent mon regard, elles s’engagent dans un rayon avant le nôtre.

- Ah, ah, ce sont tes copines là-bas ?

Elle tourne la tête dans tous les sens comme si elle cherchait quelque chose.

- Ah bon, lesquelles ? Où ? me répond-t-elle avec un grand sourire que je connais que trop…

Puis j’ai une idée.

- Et si nous sortions attendre les parents sur le parking ?

Sa réaction est immédiate.

- Oh oui ! J’ai eu la bonne idée de me reculer, m’évitant ainsi de prendre sa tête dans la tête. Pa, nous aimerions vous attendre à la voiture, tu nous passes les clefs ?

- Tous les deux ? Je ne sais pas. Franchement, vu votre comportement depuis cinq minutes…

Lâchant le chariot, mains dans les poches de mon pantalon, je fixe le bout de mes souliers.

- Oh ! c’est juste le comportement stupide de deux ados qui s’ennuient...

- Et bien mon bonhomme, voilà qui a le mérite d’être franc ! Et vous vous ennuierez moins dans la voiture ?

Véro répond avant moi.

- Oui, il y a des cartes à l’arrière.

Petit partage de regards entre les parents et il nous tend les clefs du break.

- Bon, alors voici les clefs !

Nous nous éloignons sans montrer trop d’empressement. Je donne un coup de coude au truc roux à côté de moi.

- Véro, ils font comment pour se parler sans se parler ?

Elle se tourne vers moi, l'air surprise.

- Hein ? Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?

Depuis que nous avons quitté les parents, je surveille discrètement les copines de Véronique qui bien évidemment nous suivent.

Je m'arrête.

- Tes potes nous suivent, on leur cause ?

Elle se tourne vers moi, avec ce petit air buté qui m'amuse toujours.

- Hé ! Pourquoi ? Tu veux faire leur connaissance ?

- Je ne sais pas, ce sont des filles, bref des proies pour le prédateur que je suis.

Et je fais mine de lui sauter dessus les mains en forme de serres, au-dessus d'elle. Elle sourit et glisse doucement ses doigts entre les miens. Là, je suis vraiment inquiet.

- OK ! Mais faut que tu saches, que j’ai... j’ai dit que je sortais avec un mec et en vrai, je n’arrive pas à en trouver un...

- Ah, bon ? Parce que je ne suis pas un mec moi ? Elle sourit et me donne un smack. J'espère que les parents sont loin. Cela te dit une glace, mademoiselle ?

- Tu as les sous ?

- Oui et même pour tes cops si tu veux... j’ai envie de faire leur connaissance et les parents sont loin d’avoir fini et si en sortant, s’ils nous voient avec elles, ils ne nous enquiquineront pas...

Elle hausse les épaules, me fait une grimace et me laissant seul à faire la queue à la petite cafétéria, elle va inviter les trois donzelles qui jouent les surprises. Ce qui a pour effet de m’énerver grave, mais je n’en laisse rien voir. Ce sont des filles après tout.

Je prends une glace au chocolat pour moi et à la fraise pour elle. Les autres prennent... comme moi.

Nous nous installons à une table à l'entrée de la cafétéria de manière à pouvoir surveiller l'arrivée des parents.

Véronique colle sa chaise à la mienne, je garde un bras sur ses épaules. Angèle, Béatrice et Lucie la regardent comme si elles la voyaient pour la première fois. Mais en fait, c’est moi qui ne la reconnais pas. Où est passée la brute qui dit encore plus d'horreur que moi ?

Je blague. Je lui dis dans l'oreille ce que m'inspire ses copines. Elle sourit mais reste silencieuse. Sa main gauche me broie juste le genoux. 

Est-ce parce qu’elles sont intimidées ou parce que ce sont tout bêtement des filles mais je trouve qu’elles n’ont pas beaucoup de conversation. A part mes poser des questions sur mon lycée et sur moi. Bon celles-là comme d’hab j’élypse, j’aime pas parler de moi. Elles se taisent. Il me faut avouer que moi même je ne sais pas trop de quoi leur causer. 

- Et plus tard vous comptez faire quoi ?

Béatrice ne sait pas… deux ans c’est trop loin pour savoir, peut-être la fac de lettres si faut en faire une. Lucie veut aller à l’IUT de Saint Jérôme en chimie. Et Angèle, aimerait ENA, son rêve devenir présidente. Là j’ai du mal à me retenir de rire. Une femme président, et puis quoi encore ?   

Je n’enlève mon bras que lorsque je vois apparaître Richard dans mon champ de vision.

- Il y a tes parents ma puce.

Je me lève et vais les rejoindre pendant que Véro prend congé de ses copines.

- Bon les filles à lundi au lycée.



Le retour est silencieux, à peine entrés dans la voiture, nous nous appuyons chacun contre une fenêtre… Gisou derrière le volant, nous observe dans le rétroviseur et pose sa main sur celle de Richard avant de nous désigner discrètement. Il se tourne vers nous.

- Vous êtes bien calmes, vous vous êtes disputés ?

Je me redresse pour lui faire face, étonné.

 

- Non, Richard, pourquoi ?

Véro, elle, n’a pas bronché. Gisou l’interroge à son tour.

- Des copines à toi Véronique ?

Cette fois, elle se tourne vers ses parents. Moi je retourne à ma fenêtre.

- Oui Mam, je leur ai présenté Robert qui a eu la généreuse idée de nous offrir une glace.

Richard amusé, m’observe dans la petite glace du pare-soleil.

- Et bien bonhomme, tu as gagné à la loterie ?

Il se croit spirituel ? Je lui réponds cette fois sans le regarder.

- Non Richard, je pensais bêtement que tu me rembourserais.

 

Après le dîner, je file dans la chambre de Véro et Isabelle qui est retournée bouder sur son lit, pour éclaircir un peu les choses.

Mais d’abord je m’autorise à embêter Isa en me laissant tomber sur elle. Elle commence par râler puis accepte de réagir en riant. Coincé maintenant entre elle et le mur, je capitule.

- Isa, elle est comment au lycée, Véro ?

- Comment tu veux que je sache, j’suis pas dans sa classe. Pourquoi qu’est-ce qui c’est passé cet après-midi ?

Je lui raconte même si Véro pas d’accord est descendu de son lit pour me frapper puis s’est contentée de s’asseoir au pied du lit de sa sœur.

Isa semble assez surprise et avoue ne pas être au courant.

Je me redresse et m'assois entre les deux filles face à Véro.

- Bon maintenant je veux savoir, tout ce que tu as inventé sur toi et moi ? C’est qui ces filles ?

Je découvre alors que la Véro, si extravertie à la maison, n’a pas vraiment d’amies au lycée. Les autres élèves l’y considèrent comme la bêcheuse de service et ces trois petites garces l’emmerdent en permanence, transformant sa vie au lycée en enfer. Et surtout, elles sont arrivées à faire accepter à Ma Véro qu'elle est trop moche pour sortir avec un garçon... et là, j’hallucine. Je ne peux m’empêcher de lui dire que certains de mes camarades sont raides dingues d'elle et me jalousent ouvertement de pouvoir l’approcher. Quant à mes propres sentiments, elle ne les connaît que trop. Ce qui fait glousser l’autre dinde sur qui je me retourne et bourre de coups de poing tellement forts qu’elle se met à rire. 

Quant à l’autre mocheté, je la prends par la main et la traîne devant le grand miroir de l’entrée. Là, je l’oblige à s'y regarder... 

- Non mais franchement tu t’es vue ? Si toi t’es moche, alors tes trois copines, faut leur coudre un sac sur la tête. C’est là que je m'aperçois que ses parents se sont levés du canapé et appuyés au chambranle de la porte, nous observent. Et je leur lance énervé. Mais dites-lui qu'elle est belle !

Ils se regardent interloqués. Mais avant qu’ils n’aient pû dire quoique ce soit, Véro pique un fard et repart s’enfermer dans sa chambre. Quant à moi, je hausse les épaules. Leur souhaite une bonne nuit en enfilant mes chaussures, puis rejoint Claude dans sa chambre. Il est seul, Greg n'est pas là. Je lui raconte mon après-midi. Son commentaire est laconique.

- Laisse tomber ce sont encore des histoires de nanas tout ça !




de monter.

Tant pis pour la piscine.

 

- B'jour !

Je m'admire dans la grande glace murale qui orne le mur juste à côté de leur porte d'entrée.

Seize ans bientôt, et trente centimètres de plus, en presque deux ans... ma taille me convient, je me sens de mieux en mieux dans ma peau. Et je commence à apprécier mon physique et ma musculature naissante que je travaille presque quotidiennement dans la salle adjacente à la piscine du lycée.

Cela commence même à se ressentir à travers le regard des autres (bon, le fait que sache de mieux en mieux me défendre aussi, merci les cours de boxe.) et surtout danscelui de la gente féminine (même si Gisou m’a douché en parlant de l’attrait de l’uniforme, pffff !).

Le truc qui m'énerve le plus c'est ma tronche, je ne l'aime pas. En dehors de mes grands yeux violets, le reste c'est bof ! Bon, j'suis content de ne pas avoir un gros pif comme Marion ou Vivien, bon, lui il a un pif de nasique, il est hors concours.

Et pour l’instant que un ou deux tout petits boutons.

 

Véro me saute dessus par derrière.

- Maman veut savoir si tu veux venir avec nous faire des courses.

- Heu oui.

Gisou vient m'embrasser.

- Ah ! C'est bien ce qui me semblait de t'avoir entendu. Et bien alors allons-y. Et puis on profitera peut-être pour t'acheter des pantalons. Car la dernière fois, avec Mamy au chalet, on a vu qu'on en avait plus à ta taille. Ou on en met deux comme toi dedans. Ou ils sont trop courts. Et puis Isabelle nous garde les petites. N'est-ce pas Isabelle ?

Isabelle assise à la table de la grande pièce, livres et cahiers devant elle, ne lève même pas la tête.

Véro me glisse à l'oreille :

- Elle est punie, ne me demande pas pourquoi, je ne sais pas. Mais hier soir, c'était OK corral dans le bureau de Papa, ça gueulait tout azimut !

Je vais jusqu'à elle et lui fais un bisou.

- Tu veux que je te ramène quelque chose ?

- Ouais, des parents moins cons.

- Aïe, tu crois que ça existe ?

Richard me sort de l'appart par le bras.

- Laisse-la, elle n'avait qu'à pas sécher les cours.

 

 

Je pousse le chariot, Gisou et Véro le remplissent, Richard me zonzonne avec un nouveau concours d'entrée dans une grande école où il m'a inscrit.

- Mais moi, ça ne m'intéresse pas.

- Tu vas le passer, ça t'entraînera et puis comme ça, si tu ne peux pas entrer cette année à Salon, tu auras tout un panel d'écoles où aller pendant un an.

- Si j'y vais pas cette année, je pars aux US et je deviens pilote là-bas.

- Tu n'oublies pas un truc ?

- Non quoi ?

- Tu es mineur.

- T'es pas drôle. Elle a raison Isabelle.

- Oh elle !

- Robert, viens ! J'ai un livre cool à te montrer.

Elle me prend par la main et me tire jusqu'au rayon des livres juste au moment où Gisou se décidait à quitter le rayon lessive.

- Regarde, il est génial celui-là.

- C'est un polar, non ? Je n'aime pas. (Je lui colle "Le Grand cirque." dans les mains.) Ça c'est du livre, avec pleins de combats d'avions en plein ciel et puis c'est de l' Histoire avec un grand «H» .

- Oui, mais moi, je m'en fous. Viens, on rejoint les parents.

Cette fois, elle me tient les deux mains, me pique mon calot et le met sur sa tête.

Hum, à quoi elle joue ? Richard fronce les sourcils, Gisou aussi.

- Gisou, je peux passer au rayon déo, j'en aimerais un.

- On va le choisir ensemble, sinon tu peux mettre le même que Richard.

- Non, si j'ai le même que lui, ça va encore plus jaser et puis... j'suis pas lui.

- Les gamins disent quoi sur toi ?

- Rien Richard, des conneries sans importance.

- C'est moi qui te le choisis.

Et je dois me battre contre Véro qui veut m'asperger de tous les déos en spray qu'elle trouve même ceux de femme. Je finis par me planquer derrière Richard

- Véronique ou tu te calmes ou tu finis les courses en me donnant la main.

- Mais Papa !

Je jette rapidement un spray dans le chariot et récupère ma place pour le pousser, accoudé dessus. Je rejoins Gisou plongée dans la contemplation du rayon eau de toilette homme.

- Montre-moi celui que tu as choisi. Oh mais tu cocottes !

- Ouais, grâce à Véro, je pue pire qu'une vieille dame.

- Ah tiens donc. Je dirai ça à Mamy.

- Mais non ! Mamy c'est l'exception qui confirme la règle, j'aime trop être avec Mamy, elle sent trop bon. Gisou me regarde bizarrement. (Jalouse ? J'abandonne le chariot pour, passant par derrière la prendre dans mes bras.) Toi aussi tu sens trop bon.

Derrière moi, Richard glousse comme une fille.

- Bien rattrapé garçon !

Véro a pris ma place mais me fait signe qu'elle me le rend mais lorsque je pose la main sur la barre. Elle pose sa main dessus et se glisse devant moi en montant sur la grille qui sert à poser les packs de bouteilles d'eau.

- Aller pousse esclave !

Oui, elle aussi sent bon... trop bon. J'ai ses cheveux dans la figure. Je les respire. Je les mange. Qu'est-ce qu'elle peut être envahissante. Mais je pourrais rester toujours comme ça.

- Si on était pas en public...

- Tu ferais quoi ?

- Je ne sais pas moi, c'est toi l'homme.

Je tique sur le fait qu'elle m'est dit que j'étais un homme et non un pervers dégénéré, un bébé débile ou autre. C'est pas d'elle ça. Serait-elle malade ? Ou alors...

Je regarde subrepticement autour de nous et remarque vite un groupe de filles qui semblent nous suivre en se disant des messes basses. Lorsqu’elles surprennent mon regard, elles s’engagent dans un rayon avant le nôtre.

- Ah, ah, ce sont tes copines là-bas ?

- Ah bon, lesquelles ? Où ? me répond-t-elle avec un grand sourire que je connais que trop...

- Et si nous sortions attendre les parents sur le parking ?

- Oui pourquoi pas ? Pa, nous aimerions vous attendre à la voiture, tu nous donnes les clefs ?

- Tous les deux ? Je ne sais pas. Franchement, vu votre comportement depuis cinq minutes...

- Oh ! c’est juste le comportement stupide de deux ados qui s’ennuient...

- Et bien mon bonhomme, voilà qui a le mérite d’être franc ! Et vous vous ennuierez moins dans la voiture ?

- Oui, il y a des cartes à l’arrière.

Petit partage de regards entre les parents et il nous tend les clefs du break.

- Bon, alors voici les clefs !

Nous éloignons des parents.

- Véro, ils font comment pour se parler sans se parler ?

- Hein ? Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?

Je surveille les copines de Véronique qui bien évidemment nous suivent.

Je m'arrête.

- Tes potes nous suivent, on leur cause ?

Elle se tourne vers moi, avec ce petit air buté qui m'amuse toujours.

- Hé ! Pourquoi ? Tu veux faire leur connaissance ?

- Je ne sais pas, ce sont des filles, bref des proies pour le prédateur que je suis.

Et je fais mine de lui sauter dessus les mains en forme de serres, au-dessus d'elle. Elle sourit et glisse doucement ses doigts entre les miens. Là, je suis vraiment inquiet.

- OK ! Mais faut que tu saches, que j’ai... j’ai dit que je sortais avec un mec et en vrai, je n’arrive pas à en trouver un...

- Ah, bon ? Parce que je ne suis pas un mec moi ? (Elle sourit et me donne un smack. J'espère que les parents sont loin.) Cela te dit une glace, mademoiselle ?

- Tu as les sous ?

- Oui et même pour tes cops si tu veux... j’ai envie de faire leur connaissance et les parents sont loin d’avoir fini et si en sortant, ils nous voient avec elles, ils ne nous enquiquineront pas...

Elle hausse les épaules, me fait une grimace et me laissant seul à faire la queue à la petite cafétéria, elle va inviter les trois donzelles qui jouent les surprises. Ce qui a pour effet de m’énerver grave, mais je n’en laisse rien voir. Ce sont des filles après tout.

Je prends une glace au chocolat pour moi et à la fraise pour elle. Les autres prennent... comme moi.

Nous nous installons à une table à l'entrée de la cafétéria de manière à pouvoir surveiller l'arrivée des parents.

Véronique colle sa chaise à la mienne, je garde un bras sur ses épaules. Angèle, Béatrice et Lucie, la regardent comme si elles la voyaient pour la première fois. Mais en fait, c’est moi qui ne la reconnais pas. Où est passée la brute qui dit encore plus d'horreur que moi ?

Je blague. Je lui dis dans l'oreille ce que m'inspire ses copines. Elle sourit mais reste silencieuse. Sa main gauche me broie juste le genoux. Je n’enlève mon bras que lorsque je vois apparaître Richard dans mon champ de vision.

- Il y a tes parents ma puce.

Je me lève et vais les rejoindre pendant que Véro prend congé de ses copines.

- Bon les filles à lundi au lycée.

 

Le retour est silencieux, au départ assis bien collé à elle, j’ai tôt fait de me détacher pour m’accoler à la fenêtre...

- Vous êtes bien sages, vous vous êtes disputés ?

- Non, Richard, pourquoi ?

- Des copines à toi Véronique ?

- Oui Mam, je leur ai présenté Robert qui a eu la généreuse idée de nous offrir une glace.

- Et bien bonhomme, tu as gagné à la loterie ?

Il m'observe dans le rétroviseur central, je lui fais une grimace.

- Non Richard, je pensais bêtement que tu me rembourserais.

Après le dîner, je file dans la chambre de Véro et Isabelle qui boude toujours sur son lit, pour éclaircir un peu les choses.

- Bon maintenant je veux savoir, tout ce que tu as inventé sur toi et moi ? C’est qui ces filles ?

Je découvre alors que la Véro, si extravertie à la maison, n’a pas vraiment d’amies au lycée. Les autres élèves l’y considèrent comme la bêcheuse de service et ces trois petites garces l’emmerdent en permanence, transformant sa vie au lycée en enfer. Et surtout, elles sont arrivées à faire accepter à Ma Véro qu'elle est trop moche pour sortir avec un garçon... là, j’hallucine. Je ne peux m’empêcher de lui dire que certains de mes camarades sont raides dingues d'elle et me jalousent ouvertement de pouvoir l’approcher. Quant à mes propres sentiments, elle ne les connaît que trop.

Devant son air étonné, je la prends par la main et la traîne devant le grand miroir de l’entrée. Là, je l’oblige à s'y regarder... et si elle, Véro, n’est pas jolie alors les trois autres sont de vrais cageots.

C’est là que je vois que ses parents se sont levés du canapé et appuyés au chambranle de la porte, nous observent.

- Mais dîtes lui donc vous, à votre fille qu’elle est trop belle !

Ils se regardent interloqués. Véro pique un fard et repart s’enfermer dans sa chambre. Quant à moi, je hausse les épaules. Leur souhaite une bonne nuit en enfilant mes chaussures, puis rejoins Claude dans sa chambre. Il est seul, Greg n'est pas là. Je lui raconte l’après midi. Son commentaire est laconique.

- Laisse tomber ce sont encore des histoires de nanas tout ça !

 

2 octobre 2010

Richard Samedi 5 février 1977 une visite inattendue.

Richard Samedi 5 février 1977 une visite inattendue.

 

On toque à la porte, Richard soupire, quoi encore ? Le laissera-t-on aujourd'hui, cinq minutes tranquille ? Mademoiselle Dionis ne devrait pas avoir le samedi de congé.

- Oui entrez.

- Mon colonel, une famille, du moins une maman demande à être reçue.

- Ils n’ont pas de rendez-vous , je ne reçois pas.

- Elle dit être la mère du jeune Weisembacher et venir d'Alsace.

Là, Richard lève la tête et regarde son capitaine.

- Bon, je vais la recevoir mais j'espère que ce n'est pas une blague douteuse.

- Franchement, je ne crois pas mon Colonel.

Le capitaine referme la port. Richard se lève pour regarder par la fenêtre. Là-haut pas de Gisou, normal, elle est à la compétition de judo de Véronique. Son regard se porte alors vers le portail.

Le capitaine revient accompagné de deux femmes aussi grandes que lui malgré leur talons plats Les deux femmes serrent frileusement le col de leur manteau par un geste désespéré de s'abriter du mistral qui souffle fort cet après-midi.

Il n'a plus de doute. Il les reconnaît. C'est bien la mère et la sœur aînée de Robert. D'ailleurs en parlant du loup, il voit sortir le gamin et deux de ses collègues et traverser la cours en courant. Le sous officier les a vu aussi. Le coup de sifflet les arrêtent net et ils continuent en marchant.

Les deux femmes les regardent sans réaction. Comment peuvent-elles ne pas le reconnaître ? Même si, il vrai, que l'enfant est devenu un ado qui tend vers l'homme et qu'il a bien changé.

La porte s'ouvre sur elles, Richard s'avance et leur serre la main puis sort avec son subalterne dans le couloir.

- Vous me le ramenez mais qu'il attende ici.

- Bien mon colonel.

 

- Mesdames, que puis-je pour vous ?

- Nous aimerions le voir. Dans cinq jours, il aura seize ans, et deux ans pour le cœur d'une mère c'est long. De plus, il doit avoir bien changé.

- Vous savez que le juge vous a destitué de votre autorité parentale et a prononcé un jugement d'éloignement à votre égard et celui de votre mari ?

Les deux femmes se regardent puis la mère baissent la tête, la mine accablée. Richard comprend ce qu'elle peut ressentir mais a-t-il le droit de passer outre un jugement ?

- Je suis sa sœur, le jugement d'éloignement ne me concerne pas, m'autoriseriez-vous à le voir ?

- Effectivement mais à une condition, qu'il en ait envie. Alors oui. Sinon, je vous permettrez de le voir, mais de loin.

- Mais pourquoi ? Je ne lui ai pas fait de mal ?

- Il faut que vous réalisiez mademoiselle, que lorsque j'ai récupéré Robert, il hurlait toutes les nuits. Aujourd'hui il dort paisiblement. Lorsque je l'ai emmené à Colmar pour le procès, j'ai du me battre physiquement avec lui pour l'y forcer, mais j'ai réussi à gagner sa confiance et j'aimerais aujourd'hui ne pas avoir à tout refaire.

On toque à la porte.

- Oui ! (Le capitaine Gâche apparaît.) Ah, d'accord ! Attendez-moi, j'arrive. Nous allons être fixés. (Il se lève et fait signe à la jeune femme qui allait le suivre de se rasseoir.) J'y vais seul ou pas du tout. (Elle se rassoit. Il sort mais ne ferme pas la porte.) Ah ! Garçon, j'aurais une question à te poser suite à un coup de téléphone. Si à l'occasion de tes seize ans, je t'offrais la possibilité de revoir ta mère ou ta grande sœur qu'en penserais-tu ?

L'ado n'hésite pas une seconde, sans baisser les yeux.

- Je refuserai mon colonel.

- Même pour ta sœur ?

- Parce qu'elle s’est mise entre moi et mon père ? Parce qu’elle parfois essayer de me protéger ou de me défendre ? Non ! Même le capitaine Gâche l'aurait fait. (Ce dernier secoue la tête en lui souriant, l'ado le regarde et lui rend son sourire.) Pas elles ! Donc non ! Le passé doit rester du passé.

- Bien, tu peux retourner au CDI à moins que le capitaine estime qu'un tour de cours te calmera de courir lorsque tu n'en as pas le droit. (L'ado fait la grimace puis prend un air suppliant.) Capitaine, je vous le laisse.

Richard referme la porte derrière lui, stoppant le bruit des pas qui s'éloignent. Il s'approche alors de la fenêtre et invite les deux femmes à le rejoindre d'un geste de la main. Devant celle-ci, passe le capitaine se dirigeant vers le bâtiment suivant où se situe le CDI. Plus loin, l'ado s'est élancé pour un tour de piste. Sa foulée est souple et rythmée.

- Il a pris trente centimètres et trente bons kilos. Il est major chaque mois, ce qui veut dire qu'il est toujours le meilleur en tout même en sport ce qui n'était pas son fort à son arrivée. Il pratique l'athlétisme et plus particulièrement la course à pieds et son but est de devenir marathonien. A la piscine, alors qu'il ne savait pas nager en arrivant, il se débrouille très bien et excelle en plongeon. Et surtout, il a repris confiance en lui et en ses capacités et cela, ce fut le plus dur. Il est encore un chien fou, mais je commence à le voir arriver à canaliser sa violence.

L'ado a disparu, les deux femmes se retournent vers Richard et lui tendent la main qu'il serre.

- Merci. L'année prochaine, il compte faire quoi ?

- Tout dépendra de son obtention ou non de la dérogation pour être admis à l'école de l'Air de Salon, ce dont on doute honnêtement. Sinon il hésite entre la fac de mathématique à Marseille ou Saint Cyr ou encore Polytechnique mais l'Armée en elle-même ne l'intéresse pas spécialement.

Il va avec elles jusqu'au Portail que Madame Cohen referme derrière elles puis cette dernière rejoint le colonel.

- C'est la mère du petit ?

- Oui.

- Il lui ressemble beaucoup, il a ses yeux. A-t-il voulu la voir ? Moi, j'aurais été lui, j'aurais refusé.

Richard regarde sa concierge s'éloigner.

Lui, il aurait accepté. Peut-être, lui aurait-il dit le fond de sa pensée... mais surtout... il lui serait tombé dans les bras.

Richard soupire. Mais Je suis un sentimental, pas le gamin.

 

 

12 novembre 2010

Caths Jeudi 14 Avril 1977 1 an

Caths Jeudi 14 Avril 1977 1 an



- Viens ma jolie Suzette.

Catherine se tourne vers sa mère qui porte Roberta dans ses bras.

- Sucette ?

- Non Suzette.

Mais pourquoi, pourquoi d’où elle sort ce prénom ?

- Maman son prénom c’est Roberta ou à la rigueur Danielle.

- Va pour Danielle mais Roberta, jamais !

Catherine n’en peut plus. Dan lui fait signe de laisser tomber mais elle n’est pas du tout d’accord.

- Tu sais que ce n’est pas TA fille ?

Sa mère la fixe sans comprendre.

- Et alors?

- Et bien puisqu’elle ne sera jamais Roberta pour toi, je t’interdis dorénavant de la toucher. La fillette passe donc des bras de sa grand-mère récalcitrante aux siens puis dans ceux de Dan. Tiens, et tu surveilles bien qu’elle ne la prenne plus.

Sa mère lève les yeux au ciel mais attend qu’elle se soit éloignée pour tenter de la récupérer mais son porteur sans s’arrêter suit la jeune femme jusque dans la salle à manger où toutes les deux familles Lutz et Weissenbacher sont réunies pour les un an de la petite fille autour d’un immense gâteau rose avec une énorme bougie rose avec la forme du chiffre un plantée au milieu.

Même Maty est là. Elle est venue de Paris avec eux. Assise à côté du siège auto. D’abord mal à l’aise, elle leur a avoué à l’arrivée avoir apprécié le trajet, même la nuit où elle a dormi avec eux à l’arrière.

Le retour, elle le fera en train dans quinze jours car eux, ils seront loin.

 

Catherine est contente que ce soit lui qui porte l’héroïne du jour car elle se tortille comme un petit ver pour qu’on la pose au sol.

- Regarde mon amour, tout le monde est là pour toi… Son regard s’attarde sur le visage de chacune des personnes présentes. Mais pas le plus important, ton petit papa qui ne te verra pas souffler ta première bougie.

Annie ne peut s’en empêcher…

- Tu y étais vraiment obligée ?

- Rappeler l’absence de son père et donc de ton frère ? Oh oui et je le ferai chaque année, tiens-toi le pour dit ! Bon si nous revenons fêter ses annis avec vous ce qui est loin, très loin d’être sûr.

Annie soupire.

Au fond de la pièce, les jumelles se tiennent serrées dans les bras l’une de l’autre. Pfff quelles hypocrites !



La bougie est éteinte mais juste à côté la trace de deux petites mains qui se sont enfoncées dans la ganache rose.

- Tu aurais pu la tenir correctement.

L’homme grogne.

- C’est pire qu’une anguille ta fille.

Heureusement la robe en tulle et taffetas est de la même couleur que le gâteau mais pas la chemise de Dan, ni son visage. Et nous rions tous quand elle s’est arrêté de se lécher les mains pour vouloir lui lécher le nez.



Comme à chacun de nos séjours, Maman ressort notre vieille chaise haute et veut y ficeler la gamine qui hurle.

Mais cette fois elle réveille son cousin. Ce qui fait, enfin, réagir le père du bébé, qui sort la gamine, et… avec elle sous un bras, va remiser l’engin de torture dans l’arrière boutique.




Catherine s’accroche au bras de son père

- Papa, il est délicieux ton gâteau et elle a l’air comme tout le monde de se régaler.

Il embrasse sa fille sur le front.

- Vous repartez vraiment ce soir ?

- Tu veux vraiment que je finisse par égorger maman ? Enlevant la petite des mains d’une de ses tantes, elle lui colle dans les bras. Tiens, profite d’être son Papapa d’amour. Mais attention je surveille, si tu la refiles à l’autre, ce sera fini ! On part de suite !



Sur le canapé, des dizaines de paquets s’amoncellent. Debout devant, dubitative, elle les regarde presque désespérée.

Maty vient se mettre à côté d’elle et fait la même constatation.

- Vous n’allez pas pouvoir tout prendre.

- C’est pour ça que j’avais dit : «pas de cadeaux !» Il n’y a que toi et Papa qui m’avez donné des sous. Tu sais quoi ? Je ne les ouvre même pas ! Gérard et Annie les mettront de côté pour leur propre gamin. Maty saisit un sac en papier et en sort une petite robe avec un sourire amusé. Tu vois. Ça aussi, j’avais dit : «pas de robe.» Personne ne m’écoute. C’est comme la stupide robe dans laquelle elle l’a déguisée.

- C’était celle que tu portais pour tes un an.

- Oui je me doute, je portais presque la même pour mes quinze ans et j’en aurais eu une autre presque identique si j’avais fêté mes seize ans ici. D'ailleurs, j'ai évité à Roberta de devoir porter celle de mes quinze ans en la jetant avant mon départ… Enfin bref ! Si tu savais comme j’ai hâte de repartir.



Depuis un moment, la gamine passe du rire aux larmes sans arrêt. Et se frotte les yeux.

La grand-mère veut la prendre des bras de son porteur.

- Donne-la moi que j’aille la coucher dans le lit de bébé là-haut.

Catherine s’intercale entre eux.

- Naan, naan, naan, pas touche toi. Viens avec maman mon bébé d’amour. Dan, il est où le pyjama qu’elle avait en arrivant ?

- Je l’ai mis au sale.

Je soupire et tout en ouvrant la robe dans le dos de sa fille, elle monte l’escalier vers la salle de bain, suivie de Typh portant le sac avec le matériel de change et la grand-mère. Elle couche le bébé sur la haute table à langer du petit Martin puis attrapant la main de Typh, la pose sur son ventre. Le temps de repousser sa mère hors de la salle de bain et d’en fermer la porte.

- T’es pas gentille avec ta mère.

- Parce qu’elle l’est avec moi .

Typh n’a pas envie d’argumenter et se contente de secouer la tête. Catherine ne lui demande de toute façon pas d’être d’accord avec elle. Elle s’en fout de son avis !

Assises côte à côte sur la baignoire, leurs deux têtes collées. Elles regardent en silence Roberta téter, les yeux fermés. Elle n’a pas faim, elle a mangé une part énorme du gâteau par rapport à sa taille de bébé. Elle a juste besoin de ce moment de calme pour se détendre et s’endormir. Sa petite main tient fermement le doigt de Typh.

- J’ai envie d’avoir mon propre bébé moi aussi.

- Bin vas-y, qu’est-ce que tu attends ?

- Faut un père pour ça.

- Pfff c’est accessoire ça.




Assise dans un fauteuil, elle regarde son père dormir avec sa petite fille couchée sur lui.

Tout le monde est parti.

Sur la table, elle trie d’un côté ce qu’elle veut emmener et de l’autre ce qu’elle laisse, la majeure partie.

Annie et mes frangins font tampon entre sa mère et elle.

Maintenant qu’ils sont seuls, la tension n’est plus électrique, elle est orageuse.

Il est temps qu’on parte.

Michka se charge d’emmener les choses au camion et de leur trouver une place.

Maty me serre dans ses bras.

- Vous revenez vite.

- De toute façon en juin j’ai le bac. Donc tu nous supporteras au pire en juin.

- Ce sera avec un grand bonheur. Sers-toi de l’appareil photo, je développerai les pellicules.

- Oui Maty, oui, promis.



Harnachée dans son siège-auto , Roberta continue de dormir. De toute façon, ils ne vont pas bien loin. Il est vingt heures. Le camion posé dans le coin d’un champ à la sortie de Munster, ils se préparent pour la nuit, tous contents finalement que cette journée se soit bien passée.

 

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5 juin 2010

Caths Vendredi 24 septembre 1976 dis maman !

Caths Vendredi 24 septembre 1976 dis maman !

 

Depuis quelques minutes je me bats avec l’espèce d’asticot qui se tortille pour se libérer de la prison de mes mains.

- Mais arrête de bouger Roro, j’arrive pas à fermer ta couche. T’es un vrai démon ma fille.

Une ombre s’étend sur elle et elle se met à sourire. Il n’essaie plus de s’échapper mais maintenant donne de grands coups de reins en pédalant comme une folle de ses petites jambes.

Je lui enfile avec difficulté le bas de son pyjama puis la retourne sur le ventre avec l’espoir de fermer les trois boutons du pont maintenant fermé le bavolet sur ses fesses.

Dan se laisse tomber sur le dos à côté de nous.

Je ris en entendant les amortisseurs couiner.

- Un jours faudra qu’on l’emmène au garagiste.

- Roberta ?

Elle l’a prise et posée sur son torse. Je m’avance sur les genoux et finis de fermer le dernier bouton.

- Non, la titine. Je trouve qu’elle grince de plus en plus.

- Pour ça, il me faudrait des sous.

- Je sais.

Il se redresse et couche le mini monstre sur ses cuisses, sa tête sur ses genoux. Elle rit à chacune de ses grimaces. Je pose ma tête contre l’épaule de l’homme. Elle s’arrête de rire et son visage se transforme, et elle se met à pleurer.

- Ah non ! Voilà ce que tu réussis à faire, sors qu’elle ne te voit plus.

Dehors Michka me prend dans ses bras.

Bientôt des rires résonnent à nouveau.

Je reprends ma place à côté de lui, suivie par les deux autres filles.

D’un coup elle s’arrête. Nous fixe à tour de rôle. Surpris nous interrompons notre séance de grimaces.

Puis comme si elle nous crachait un gros mot à la figure.

- Ta ta ta ta !

Nous explosons de rire à notre tour. Elle ne s’arrête plus.

- Ta ta ta ta…

Une vraie mitraillette.

Alors prenant sa petite main dans la mienne.

- Maman, dis maman !

- Ta ta ta…

- Roro, mama mama.

Son visage redevient sérieux, me fixant. Ses petits traits se crispent et ses doigts serrent les miens.

- Bon bin je sens que ça ne va pas sentir bon dans peu de temps. (Le ton désespéré de Dan, nous fait rire. Mais le regard de ma petite bonne femme reste fixé sur moi. Sa bouche s’ouvre, se ferme, se déforme. Ses yeux se plissent.) Ah non ! Tu vas encore réussir à la faire pleurer. T’es épuisante !

- Da da da da…

Je secoue la tête en souriant.

- Oui mon amour. Ma ma ma ma… dis maman.

- Pa pa !

Si trois fous rires accueillent ce mot inapproprié, moi je m’enfuis pour aller pleurer...

 

3 janvier 2011

Robert Lundi 18 Juillet 1977 les hommes….

Robert Lundi 18 Juillet 1977 les hommes….



La porte de ma chambre s’ouvre lentement.

- 114. je m’arrête bras tendus et tourne la tête. C’est Coco. Elle referme la porte puis vient s’asseoir sur les talons à hauteur de ma tête. Je reprends mes pompes. 115, 116… Montes sur mon dos. Je ne supporte plus le bruit de succion sur son pouce. Elle sourit en l’enlevant. Elle va devoir se tenir et je n‘entendrai plus ce bruit… 208, 209…

 

Je descends avec elle assise sur mes épaules.

Mammema s’approche de moi.

- Ah elle était avec toi. On la cherchait.

- Et j’y peux quelque chose ?

D’abord surprise, elle semble triste.

- On ne te reproche rien gamin. Nous allons bientôt manger, ne remonte pas. Après le repas, tu te laveras.

- Je voulais aller faire du vélo.

Elle passe le doigt dans une nouvelle déchirure de mon pantalon.

- Alors... on en a discuté. Entre midi et dix-sept heures, voire dix-huit heures, tu restes dans la maison, il fait trop chaud.

Non, pourquoi ? J’ai besoin de sortir, de bouger, de tuer mon corps pour calmer mon cerveau, pour anesthésier un peu, un tout petit peu, mes nerfs…

- Je mets un chapeau ou une casquette.

Je souffle car elle fait non de la tête..

Coco se penche et croise ses mains sous mon menton en posant le sien sur mon front.

- Je suis ton chapeau.

Sylvie qui vient d’arriver sourit.

- Coquine !

Je la pose au sol, elle file en courant dans le jardin, je l’y suis.

Dehors les pater sont assis sur leurs chaises-longues sous le cèdre.

- C’est vrai que je suis consigné tous les après-midi dorénavant ?

Les trois lèvent la tête vers moi. Richard me montre le ciel.

- Pourquoi consigné ? Cet après-midi, je voulais aller voler, il y a des petits cirrus sympas là-bas. Tu veux venir avec moi ?

- Ouais. Mais pou…

Il se redresse brusquement.

- Arrêtes de suite ! Ne joues pas les martyrs s’il te plaît.

- Je ne joue…

Papapa se moque de moi.

- Richard tu devrais avoir honte de martyriser ce gosse franchement.

Je fais demi-tour et colle un coup de pied rageur dans les graviers. Je n’avais pas vu les filles couchées un peu plus loin au soleil, en maillot sur une couverture.

- Aie !

Maïté se redresse en me jetant un regard noir.

- Oh pardon ! Vous avais pas vues. Qu’est-ce que vous faites ?

- On bronze. Viens avec nous.

Je secoue la tête. C’est bien une occupation de fille ça : bronzer ! Je vois qu’il en manque une. 

- Elle est où, Isa ?

- Michel est venu la chercher ce matin. Ils vont habiter ensemble et ils sont allés visiter un appart.

J’enfonce mes mains au fond de mes poches et laisse échapper un : 

- Quelle chance !

Yvy opine de la tête.

- Ouais, hein ? Elle ne se tapera plus les parents.

Véro grogne pas convaincue.

- Oui mais Yvy, elle va devenir la bonniche d’un mec, à voir si c’est mieux.

Les jumelles et Maï hochent gravement la tête. Pourquoi sa boniche ? Il ne va pas la payer.

- Elle va pas être sa bonne mais sa femme. Lui, il bossera pour ramener le fric et elle, ben, elle s’occupera de la maison et des enfants.

Je me suis accroupi à côté d’une des jumelles.

Maintenant, elles me fixent toutes comme si je venais de dire une incongruité.

Maï se redresse et me fixe.

- Moi plus tard, je bosserai et mon mec restera à la maison. Tu resterais à la maison si ta femme, elle, veut aller travailler ?

Je hausse les épaules.

- Je serai pilote et je ne me marierai jamais.

- Et le jour où tu tomberas amoureux d’une jolie fille.

Elle me gonfle avec ses questions à la con.

- J’aime déjà une fille et si elle veut aller bosser cela me sera égal, vu qu'on n'aura jamais d’enfant.

Elle pouffe.

- Ah oui ta fameuse Cath. Et tu nous la présentes quand ? Parce que moi j’suis sûre qu’elle n’existe pas.

Richard qui vient d’arriver derrière moi, ne me laisse pas le temps de lui répondre.

- A table les enfants ! Et si Maïté, sa Catherine, existe bel et bien mais pour nous la présenter, il faudrait déjà qu’il la retrouve. Et toi, tu viens ici !

Il saisit Coco accroupie à côté de moi, imitant absolument tous mes gestes, qu’il soulève en la jetant en l’air.

Je me redresse, le suis et m'assois à table.

Richard pose Coco à côté de son oncle. Elle manifeste son désaccord à coup de décibels puis se laisse glisser au sol pour venir à côté de moi sur le banc. Elle se tait en se mettant debout puis me prends la tête entre ses mains pour me forcer à la regarder.

- Si tu ne retrouves pas ton amoureuse, tu te marieras avec moi, hein ?

J’ai une moue amusée et blasée.

- J’serai un vieux monsieur quand tu auras l’âge de te marier.

Véro qui s’assied en face de nous, interpelle sa petite sœur.

- Robert n’exagère pas tout de même. Mais tu sais Coco quand tu seras devenue grande, tu ne l’aimeras plus car tu t’apercevras qu’il est aussi bof que tous les autres mecs.

Gisou craque.

- Véronique ton langage ! Et mon dieu pourquoi as-tu donc cette aussi horrible vision des hommes. Ils ne sont pas tous ignobles, regardes ton père.

Richard affiche un air béat qui me donne envie de rire.

- Merci ma chérie.

Je regarde Véro lever les yeux au ciel et les jumelles se mettre à rire. Je croise les doigts sous la table en espérant que Caths ne soit pas devenue aussi conne qu’elles.








2 août 2010

Caths mercredi 27 Octobre 1976 études (pas fini )

Caths mercredi 27 Octobre 1976

 

(a+b)² = a² + ab + b² 

- Non ! Recommence !

- Mais si c’est ça : (a+b)² = a² + 2ab + b² puis (a-b)² = a² – 2ab + b² et enfin (a+b) (a-b) = a² – b².

- Ah là oui !

- Je n’y arriverai jamais !

- Mais si, maintenant on attaque les exos.

- Nooooonn ! Je me laisse tomber sur le dos, je voudrais bien les bras en croix mais comment je suis assise dans le camion, il n’y a pas la place.

- T’en as marre ?

- Oui !

- Well, we will resume tomorrow but now we speak english

- I tired!

- C’est toi qui me fatigue. Tu comptes l’avoir sans bosser ton bac ?

- Tu vois c’est ça que j’aimais avec l’autre patate, avec lui tout semblait si facile.

- Désolée de ne pas être lui.

- Ne sois pas désolée. (assises sur les talons face à elle, je lui tiens les mains.) Je suis tellement heureuse de t’avoir comme amie. A part Robert je n’avais jamais eu de véritable amis. Les autres filles me considéraient comme un peu spéciale et étaient jalouses car j’avais tous les garçons à mes pieds, alors que j’en ai jamais voulu qu’un. Enfin bref reprenons...

 

 

 

 

 

 

 

9 décembre 2010

Robert mercredi 6 juillet 1977 dernier rendez-vous

Robert mercredi 7 juillet 1977 dernier rendez-vous



C’est Gisou qui m’emmène à Sainte Marguerite. Elle me laisse à l’entrée de l‘hôpital. J’ai des tickets de bus pour les rejoindre à la plage à côté de la statue de David. Les filles veulent aller se baigner.

D’après moi, il fait trop chaud pour aller à la plage, j’ai hâte d’être au chalet.



Son bureau est plein sud, la ventilation tourne à plein régime, je suis sûr que son faible ronronnement régulier arriverait à m’endormir.

Comme d’habitude, il vient me chercher sur ma chaise en face du bureau des infirmières secrétaires.

Ce mec, il ne doit pas aimer s’acheter des fringues car à chaque fois que je le vois il a une chemisette blanche et un pantalon beige. Ou alors il les a en plusieurs exemplaires. Là, il fait chaud, il a tombé la veste. Plus tard, j’aurai plein de fringues toutes différentes mais assorties et classes.

- Ah Robert ! C’est la première fois que je te vois sans uniforme.

- C’est les vacances et j’ai fini mes études là-bas.

Il s’assied derrière son bureau et prend son bloc qu’il pose comme d’habitude sur sa cuisse posée croisée sur son autre cuisse. Et d’une heure, il ne bougera plus. Comment fait-il ?

- Ah oui ! Alors sais-tu où tu vas en septembre ? Quelle fac as-tu choisis ?

- Je suis accepté à Salon.

Il semble content pour moi. Pourquoi, peut-être heureux de ne plus me voir.

- Bravo ! Félicitations, tu as donc eu la dérogation ?

- Oui, signée du ministre des armées lui-même.

Le silence s’installe, ça arrive souvent, s’il ne me pose pas de question, je me tais, je ne sais jamais quoi lui raconter.

- Heureux ?

- Oui.

Je sais que ce mot ne lui suffira pas.

- Ce oui me semble un peu tristounet, le futur te fait peur ?

- Un peu. Mais c’est surtout dur de quitter les copains. C’était la première fois que je n’étais pas rejeté.





A l’arrêt de bus, pas de bus. Je décide d’y aller à pied… Je regarde le plan et en gros, repère le chemin à parcourir.

 

Je me suis perdu deux fois mais finalement je suis au pied du David. Je sais maintenant pourquoi Véro et les autres voulaient absolument venir à cette plage…

 

Mes baskets à la main, je parcours la plage et repère enfin le parasol bleu et vert de Gisou.



- Ah te voilà, ça s’est bien passé ?

- Oui.

Je m’assieds à côté d’elle, les jambes repliées, je tiens mes orteils dans mes mains, un peu penché en avant, le front sur mes genoux.

- Et bien on ne dirait pas.

Si elle pouvait m’oublier ce serait cool.

- Si, si, je suis juste un peu fatigué.

- Il t’a gardé plus d’une heure, cette fois.

Je soupire.

- Non. Je suis venu à pied et je me suis perdu.

- Mais pourquoi ? je t’avais indiqué le bon bus.

Je soupire à nouveau. J’ai envie de partir m’asseoir ailleurs.

- Je te rendrai les tickets de bus.

- Je m’en fiche vraiment de ces tickets, c’est à toi que je pense. Dépêche-toi de te déshabiller et d’aller les rejoindre.

J’suis pas venu pour me baigner, j’ai même pas mis de maillot.  Je tourne la tête pour la regarder.

- Richard, il va venir ?

- Non, il travaille, pourquoi ?

Je repose mon front sur mes genoux. Je m’emmerde. 

- Comme ça… Vous rentrez dans combien de temps ?

Je me risque à la regarder discrètement. Elle a posé son livre. Assise sur son petit pliant en toile, sans pied, elle me fixe.. Je détourne le regard.

- Tu ne comptes pas te baigner ?

Je hausse les épaules. Putain on est en plein soleil et j’aime pas le soleil.

- Je ne sais pas. Je lève la tête et regarde autour de nous puis me remet le front contre mes genoux. Il y a trop de monde.

- Enlève au moins ton tee shirt, tu es trempé.

Je sens sa main se glisser dans mon dos et commencer à le soulever. Je m’éloigne d’elle. C’est justement ce que je ne veux pas enlever mon haut et que tous ces gens voient mon dos. Qu’ils voient le monstre que je suis.



- Aaaaaah ! Pourriture !

Je suis debout et rapidement je sors mon portefeuille de la poche arrière de mon pantalon. Ouf ! Il n’est pas mouillé.

Je le lance à Gisou qui le reçoit sur les genoux. 

Je cours alors après Véro qui a laissé tomber le seau qu’elle m’a vidé dessus.

Je la rattrape au moment où elle rentre dans l’eau. Je lui tombe sur le dos, lui maintient le visage sous l’eau, contre le sable. Elle se débat. Une main me saisit par le bras, je me redresse, la lâche mais ma main qui la tenait se transforme en un poing qui finit dans la figure du gars venu défendre Véro qui se redresse. Isabelle me saisit par le bras et Fanfan m’enserre la taille de ses bras. Véro vient se mettre devant moi. Le sable sur son visage et ses cheveux brille comme des milliers de perles.

- T’es belle !

Je l’ai chuchoté à ses cheveux et c’est sorti involontairement. Elle se met à rire. Elle se retourne sur le gars qui hurle.

- Toi, ta gueule, t’as récolté ce que tu es venu chercher !

Il y a plein de gens qui nous entourent. Dans l’histoire, j’ai paumé ma casquette. 

- Et merde, elle est où ?

Je veux la chercher mais Isabelle me pousse hors de l’eau, les gens s’écartent. Moi qui voulait passer inaperçu…

 

Gisou est debout et nous tend les serviettes.

- Et bien je crois que l’on va rentrer plus tôt que prévu finalement. Quelle mauvaise idée j’ai encore eu. Vous deux, vivre avec vous n’est vraiment pas un plaisir. Toi tu te déshabilles avant de rentrer dans la voiture.

Yvy arrive en tirant Coco qui pleure, non qui hurle son désaccord. Elle me tend ma casquette et pose les autres seaux, pelles et râteaux dans celui utilisé par Véro.

Je prends Coco dans mes bras emballée dans sa serviette.

- Pardon ma Coco !



Gisou a peur de voir débarquer les flics mais aussi que je me fasse taper par les copains de celui que j'ai frappé.



- Monte devant !  Elle s’assied derrière son volant. Je m'assieds sur la serviette qu’elle a posée sur mon siège. J'ai enlevé mon pantalon que je pose sur mes jambes. J’ai honte. Je suis en slip blanc dans la rue. Enlève ton tee shirt, tu vas tremper le dossier.

- Non !

Elle a commencé à sortir du créneaux mais s’arrête et me fixe.

- Tu auras le dos contre le siège, personne ne le verra. Je fais la grimace mais lui obéis. D’habitude ça n’a pas l’air de te déranger qu’on les voit. Je fixe la route. Je n’ai pas envie et ne sais pas comment lui expliquer qu’ils ne sont pas tous le monde. Eux, leur famille, c’est eux… Ils me connaissent, c’est comme les copains du bahut. Tu sais mon lapin qu’il va falloir que tu vives avec jusqu’à ta mort alors tu vas devoir t’y habituer.

 

Derrière les filles dorment ou font semblant. Moi je regarde par la fenêtre pour ne pas lui montrer que je suis à deux doigts de pleurer. Elle ne peut pas comprendre.

 

A Aix je suis le premier à sortir de la voiture et aussi le premier à être à l’étage dans la salle de bain où je m’assieds dans la baignoire sous le jet d’eau froide.



Elle ne rentre pas, elle toque juste.

- Robert, tes sœurs veulent aussi se dessaler.

J’arrête l’eau et me drape la serviette autour des reins. J’ai mes vêtements dans le bureau et que le couloir à traverser. Gisou m’attend et me pousse dedans puis referme la porte derrière nous. Elle me tient par les épaules, je me tortille pour qu’elle me lâche. Arrête de bouger et viens par là. Elle me fait mettre dos à la fenêtre. Lorsque sa main glisse sur mes cicatrices, j’ai comme un courant électrique qui me vrille le ventre. Je t’ai fait mal ? Je secoue la tête Tu me fais confiance ? Bon… comme dit le proverbe, «qui ne dit mot, acquiert.», je vais voir pour essayer qu’elles s’atténuent. Maintenant habille-toi et file rejoindre tes copains, mais d’abord passe dans la cuisine prendre ton goûter.

 

J’abandonne la serviette par terre puis file sans passer par la case cuisine. Tout en ouvrant la porte, j’ai saisi mes baskets que je ne mets qu’une fois assis sur les dernières marches, en bas dans la cave en face de la porte qui donne sur la cour, sur mon monde… à moi.














10 décembre 2010

Robert jeudi 7 juillet 1977 Prise de tête

                     Robert jeudi 7 juillet 1977 Prise de tête



Depuis une semaine Richard me réveille à 7 heures et vient courir avec moi tous les matins et j’ai obtenu qu’ensuite nous faisions aussi quelques longueurs à la piscine avant de rentrer déjeuner. Ensuite, il me laisse libre de mes journées.

Habituellement je les passe assis par terre dans un coin du CDI. 

A midi je mange avec Firmin et Jules. J’avoue que je fuis plutôt Gisou. Et l’après-midi rebelote sauf si Richard décide de venir m’emmerder en décidant que je ne peux pas rester à lire H24.

Là par exemple, je l’ai entendu entrer et parler au prof de garde. Alors depuis tout à l’heure, je joue au chat et à la souris avec lui, passant de rayon en rayon en me rapprochant de plus en plus vers la porte pour pouvoir m’enfuir en courant. Je rampe presque en surveillant ses pieds sous les bibliothèques. Ne me relevant que pour me projeter plus loin.

Plus quelques mètres et à moi la liberté. Et merde, je ne le vois plus.

- Tu joues à quoi ? Gisou t’attend pour aller avec toi faire des courses.

- Je ne veux pas y aller. J’ai besoin de rien.

Il avance, je recule.

La porte n’est plus qu’à un mètre.

Je suis dehors !

Enfin plutôt contre Gâche. Purée il arrivera toujours à me pourrir la vie celui-là !




- Tiens, je te le ramène mais mets-lui une laisse où il va jouer la fille de l’air.

Je fais semblant de me mettre un collier puis de me pendre avec. Il sourit amusé. Pas Gisou. Du coup cette fois, j’enfonce mes poings dans mes poches et tire la gueule, le dos appuyé à la porte.

- T’inquiète mon amour. Je crois qu’il a compris que je suis moins gentille que toi. Oh la la, c’est quoi cette tête d’un pied de long ?  Ah c’est vrai. On a pas le droit avec eux d’exprimer notre désaccord ou notre mécontentement.Tiens prends ces paniers pour les descendre dans la voiture.

Isabelle appuyée au mur, nous observe depuis le début.

- Je peux venir aussi ?

Je fais oui de la tête l’accompagnant d’un large sourire langue pendante comme un petit chien attendant son sucre.

- Non ma chérie, c’est juste lui et moi.

Et me voilà poussé dans les escaliers avec ses paniers dans les mains, lançant des regards désespérés à Richard et Isabelle qui ont du mal à ne pas rire.

A dix-huit heures, nous sommes de retour avec de quoi tenir un siège au niveau bouffe.

Des kilomètres de tissu, laine et autres trucs dans ce style. Des cahiers de vacances pour chacune des filles que j’ai choisis moi-même. Privilégiant ceux que je trouvais les plus durs et les moins amusants.

Et pour moi, le contenu de la liste fournie par Salon plus un sac à dos et un sac de voyage. Elle veut absolument m’acheter une valise mais il m’a suffit de lui dire en regardant le sol : « Ouais elle me rappellera celle que j’avais en arrivant il y a deux ans.» Pour qu’elle change d’avis. Oui bon, je sais c’est dégueulasse mais pour ma part, je n’ai aucun regret.

Dans un magasin de fringues très chics, on se dispute car elle veut encore m’acheter des shorts et moi je refuse net. Arrivé à la caisse je m’aperçois qu’elle les a encore, je les lui arrache carrément des mains pour aller les mettre dans le rayon.

- Bon alors je repose aussi ces deux jeans.

Je m’en fous, je n'ai pas eu le droit de les choisir. Je hausse les épaules.

- Si tu veux et tout le reste :  4 tee shirts blancs unis, polos blanc et bleu ciel, pulls col V blanc et bleu marine, chemisette blanche., aussi si tu veux, je m’en fous.

La caissière et la cliente derrière nous, semblent amusées.

Bin oui plaignaient la elle, et faîtes moi comme d’habitude endosser le mauvais rôle.

- Pas facile les ados aujourd’hui.

Oh et puis flûte, je la plante là, elle et ses fringues débiles pour l’attendre adossé à la voiture.

- On rentre, tu m’épuises.

- J’avais pas besoin de ces fringues par contre d'une bonne paire de baskets oui. Les miennes me sont un peu petites.

Cette fois c’est elle qui soupire.

Le passage dans un magasin de sport fut rapide et silencieux. Elle en profite pour m’y acheter deux shorts… blancs de tennis.




Les filles nous tournent autour pendant que Gisou déballe les achats. 

- Maman pourquoi il a des jeans lui ?

- Véronique, tu ne recommences pas.

Si elle croit la faire taire aussi facilement, elle rêve.

- Non mais c’est vrai quoi. Pourquoi lui et pas nous ?

Gisou m’a mis mes fringues sur les bras, je trie les deux shorts et fait tourner Véro vers moi.

- Véro tu veux des shorts ?

Elle secoue la tête et me regarde bras croisés avec un air pincé.

- Pourquoi des shorts ? M’en fous de tes shorts, ce sont des jeans que je veux.

Mais je les lui fourre dans les mains de force.

- Tiens, je te file quand même ces deux shorts gratos, de toute façon, je comptais les jeter au vide-ordure. Je vois Gisou avoir un début d’attaque. Et je te jure que dès que je peux, je t’offre un jeans.

Fanfant se suspend à mon bras et je dois récupérer les deux jeans inextrémistes qu’elle a fait tomber.

- A moi aussi ?

- Oui Fanfan à toi aussi.

 

Je m’éloigne vers ma chambre et lui laisse dans les mains, les deux shorts de tennis que Gisou m’a achetés et que je ne mettrai pas ! Marre de ses shorts, je ne suis plus un gamin.

- Robert regarde !

Je me retourne et pique un fou rire quand je vois Véro qui a mis un de mes short par-dessus sa robe et Fanfan aussi et prenant des poses de pin up.

Les deux me passent devant le nez en courant, fuyant une mutti furax. Je préfère mettre moi aussi, une porte entre elle et moi.



Au repas Véro vient avec le dit short et une chemisette avec des petites cerises brodées dessus, nouée au-dessus du nombril. Son père sourit en la voyant.

- Tu es très jolie la miss.

Heureusement qu’il n’a pas vu le regard de Gisou.



Assis au bureau de Richard, j’écris lorsqu’elle entre. Je ferme mon cahier et le glisse sous le bureau.

- Où sont les vêtements que je t’ai achetés ?

- Rangés.

- Faut que je les lave et te les marque.

- A part les jeans et les tee-shirts, je n'emmènerai pas les autres.

- Nous verrons. Elle fouille le sac pour y prendre ce qu’elle veut. Il n’y a qu’un jeans ou est l’autre ?

Je lui montre la chaise.

- Je veux le mettre demain.

- Fais trop chaud pour un pantalon long.  Elle le prend. Je vais éteindre, viens te coucher.

Je glisse mon cahier sous mon oreiller avec ma montre.

- Sur le bureau.

Ma montre se retrouve sur le bureau.

Elle sort sans m’embrasser.

Je récupère ma montre et sans faire de bruit, je me lève et glisse mon cahier entre deux livres. Je sais que cette nuit, elle reviendra.









21 janvier 2011

Robert samedi 5 Novembre 1977 rêveries

  Robert samedi 5 Novembre 1977 rêveries

 

Je sursaute en entendant mon nom.

- Weissenbacher, vous êtes bien silencieux. Seriez-vous malade ?

Tous les autres élèves me fixent dans un silence monacal.

- Non monsieur. Je rêvais, j’avoue.

Ma franchise je devrais l’oublier parfois.

- Donc mon cours ne vous intéresse pas ?

Et je me rattrape comment moi, maintenant ?

- Si, monsieur. Bien sûr que si.

Sa question suivante me fait sourire.

- Dîtes-moi êtes-vous croyant ?

- Oui monsieur.

Enfin, je crois…

- Très bien. Ne vous a-t-on pas appris que le mensonge fait partie des péchés capitaux ?

Gnia gnia gnia, on dirait Camerer. Qu’est-ce qu’il veut que je lui dise le petit bonhomme mal fagoté dans son costume en velours marron ? Que son cours je pourrais le faire à sa place ?

- Désolé monsieur, mais mon esprit est resté entre ciel et terre depuis hier. Alors oui je rêvais de renouveler cette expérience.

Derrière moi, j’entends des : « Un malade, ce mec !» «Non, je suis comme lui.» «Et mec dégage des PN et fais para. Avec les vrais hommes.» «Qu’est-ce à dire ? Qu’on en est pas ?» Je souris, le prof non. Il aurait mieux fait de me laisser à ma rêverie pour une fois où je ne l’emmerdais pas avec mes questions.

Le «schlack» de sa règle sur le bureau ramène le silence.

- Décidément cette année, dans cette promo que des gamins de maternelle. Weissenbacher deux jours qui prennent effet immédiat. J’ai envie de tout envoyer balader mais je retiens mon geste. Vous êtes un sacré fouteur de merde dans votre genre.



25 janvier 2011

Robert samedi 3 décembre 1977 Golf

    Robert samedi 3 décembre 1977 Golf




Le Zeff, alias Sous-Lieurenant L’Oiseau, alias mon parrain, se tient debout derrière moi.

J’entends les portes des casiers se fermer, les cadenas cliquer. Je vois mes cinq colocataires pressés de sortir de la chambre.

Je ne bouge.pas

Mon sac ouvert à mes pieds attend le reste de ce que je compte ramener à Aix. Je pense que je vais devoir le vider.

Je soupire.

Pourquoi ne dit-il rien ?

- Bon, tu attends quoi ?

Il est si proche de moi que je sens son souffle dans mon cou.

Je me retourne. Presque mon nez touche presque le sien.

Il sourit ce con, les bras croisés.

- J’ai l’honneur de vous rendre compte de ce que je ne sais pas ce que vous attendez de moi mon lieutenant.

D’abord surpris, il se met à rire.

- Fous moi tout ça dans ton placard et suis-moi.



Semblerait que je n’aille pas assez vite à son goût, il me tire en arrière, se saisit des chaussettes que j’ai en main, les jette au fond d’une étagère à sa hauteur. Enfonce mon sac à l’étage du bas et l’enfonce en s’aidant de son pied puis ferme la porte et le cadenas.

- As-tu mangé ?

- Oui mon Lieutenant.

Il lève les yeux au ciel.

- Moi, non. Tu as cinq minutes, il met en route son chrono. Pour me rejoindre au mess en tenue BUC complet.

Une bouffée de haine me fait serrer les poings.

Je le hais.

Je n’ai pas d’autre choix que de lui obéir.

Adieu Aix.

Je rouvre mon placard…







Mon couvre-chef dans la main, je me mets debout à côté de sa table.

Il lève les yeux vers moi, regarde son chrono, quatre minutes quarante deux, il l’arrête et sourit.

A la table derrière moi, des troisièmes années se mettent à rire.

- Tiens on dirait qu’il y en a un qui va servir de larbin.

- Ce n’est pas aujourd’hui le début du tournoi de golf ? L’Oiseau y participe, non ?









Debout devant la voiturette où j’ai chargé le gros sac avec les putters de mon parrain, je fixe ce dernier déjà assis sur le siège passager.

- Qu’est-ce qui t’arrive ?

Je pose mon couvre-chef à l’arrière puis m’assieds à mon tour.

Pas de clef.

Il se met à rire et appuie sur un gros bouton vert.

Il n’y a que deux pédales, une pour accélérer, enfin si on peut appeler ça accélérer et une pour freiner.

J’appuie sur cette dernière et le piaf à côté de moi a juste le temps de mettre les mains devant lui et, hélas, ne se mange pas le plexiglass devant lui.

- Pardon mon lieutenant.

Je dois reconnaître un truc à ce mec, il peut être le pire des cons mais il est bon joueur, il se met à rire.





Il va sans dire que je suis le seul con en uniforme,  L’Oiseau porte, lui, la traditionnelle tenue de golfeur.

Parmi les autres joueurs, des étrangers dont un écossais en kilt.

Mais aussi le Commandant de l’école dans la même tenue que mon parrain. Quand il passe à côté de moi, il s’arrête, s’appuie sur son putter et sérieux, me dévisage. Je me mets au garde à vous, mal à l’aise. Il se met à rire puis pose une main sur mon bras.

- Repos gamin, repos.

Puis je le regarde s’éloigner secoué par un rire que d’autres partagent rapidement avec lui en me regardant.

Je soupire, l’année va être longue mais longue, aussi longue que cette journée.

Je glisse mes pompes sous le radiateur de la chambre et mes chaussettes dessus. En respectant bien les plis de mon pantalon, je le pose devant sur le dossier d’une chaise.



Mon cher parrain se met à rire et je remonte mon boxer.

- Il n’est pas mouillé, lui ?

- Non, mon lieutenant.

Il s’assied à califourchon sur la chaise de Yakama et accompagne ses dires d’un geste las.

- Oh là, laisse tomber le «mon lieutenant». T’es allé becqueter ?

- Non.

Sa voix claque derrière moi.

- Non, mon lieutenant ! Cinquante pompes pour t’apprendre la politesse.

Je souffle mais j'ai déjà les mains au sol.

- Un, deux...

Il se met à rire.

- Habilles toi et viens.

Mais je continue.

- Quinze, seize, dix-sept…

Sa chaise percute le bureau de Yakama. Je suis debout dans l’instant, dos contre l’intérieur de mon armoire.

- J’t’ai dis quoi ?

- De m’habiller… mon lieutenant.

Mais il me tire par le bras pour m’éloigner de mon armoire.

- C’est quoi ce bordel ?

Je le regarde avec des envies de meurtre, vider l’étage où il a balancé mes chaussettes puis mon sac qu’il vide au sol.

Il s’écarte, me fixe puis me fait signe de venir ranger mais surtout ne s'écarte pas.

Je me glisse devant lui.

J’ai fini, je recule.

- Tu comptes venir manger dans cette tenue ?



Mais quand arrive le moment de mettre mes souliers, je réalise qu’ils sont encore trempés mais ai-je le droit de rester pieds nus ?

- Merde c’est vrai, mets-toi en kaki et affole-toi l’poussin !.



Quand je claque la porte de mon armoire, je l’entends soupirer.

- Putain, on a failli attendre !



























5 décembre 2010

Robert mardi 14 juin 1977 le mur 2

 

Robert mardi 14 juin 1977 le mur 2

 

Dans maintenant moins de quinze jours, à nous les vacances.

Assis sur le lit de Marion nous préparions le dernier devoir sur table du trimestre. Je le vois faire la grimace. Antoine et Damien se tiennent à l'entrée de notre chambre.

- Non les gars, c'est non je ne vous couvrirai plus, au contraire si vous vous cassez cette nuit, j'irai direct chez le croquemitaine.

- Attends tu ne peux pas nous faire ça. Dans quinze jours on rentre chez nous pour de bon, tu ne te rends pas compte toi. Tu ne sais pas ce que cela veut dire d'être amoureux.

- Mais si Antoine il sait ce que ça veut dire. Regarde sur son oreiller, son grand amour l'attend. Ce mec, il pourrait ce les faire toutes et il n'y a que les bouquins et les études qui l'intéresse.

- Ouais faudrait le disséquer pour voir si tout fonctionne normalement chez lui.

Je retiens Marion d'une main. Debout entre son lit et le mien, il remet ses lunettes qu'il venait de poser sur sa table de chevet.

- Hou la la, j'ai failli avoir peur du garde du corps de sa seigneurie.

- Retournez dans votre chambre, Lorient va bientôt venir éteindre les lumière.

Les deux garçons après quelques gestes obscènes m'obéissent. Il s'éloignent sûrement lassés de non réaction.

- Purée mais il est passé où le mec qui leur aurait rentré dedans il y a quelques mois ?

 

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- Il a vieilli. Non il veut simplement finir cette dernière

année.

Debout devant mon bureau, face à la fenêtre, je range le classeur dans mon sac quand mon regard est attiré par un mouvement dans la cour. Gâches ! Qu'est qu'il fiche là encore ?

La porte des deux abrutis est une fois de plus fermée contrairement au règlement qui la veut ouverte sauf si la chambre est vide. Je fais exprès de l'ouvrir brusquement et claquer. La lumière y est déjà éteinte et je discerne les vêtements bien rangés sur les chaises. Je commence à sourire quand je me souviens que moins de deux minutes auparavant devant notre porte, je les ai vus en survêtement.

Dans les lits, oreiller et traversin simulent un corps assoupi. Dans un mouvement de rage j'arrache tout et me retourne pour partir à leur recherche quand je bute dans quelqu'un qui allume la lumière.

- Oups consigné à faire des corvées jusqu’aux vacances et même au-delà, quel alléchant programme.

- Mon Capitaine, j'allais justement venir vous chercher.

- Vous ? En délateur ? Non je ne peux le croire. Vous connaissez je pense l'adresse de leurs petites copines.

- Non, Mon Capitaine.

- Très bien alors nous attendrons donc ensemble leur retour. Gâches se penche par la fenêtre restée ouverte. Ainsi ils passent par l'extérieur. Ces messieurs n'ont donc rien inventé de bien nouveau. La lumière du couloir et des chambres s'éteignent simultanément. Cette fois mon garçon je les aurais. Vous allez me refaire le lit de Grondin et vous y coucher. Mais avant vous aller faire en sorte que l'on vous

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croit en train de dormir dans le votre.

Il me tend les oreillers supplémentaires qui avaient gonflé les couvertures du lit quelques minutes auparavant.

- Eh qu'est-ce que tu fais ? Non, ne fais pas le con, ne fais pas le mur pour les retrouver, c'est toi qui vas te faire pincer. En quelques mots j'expliquai la situation à Marion qui a du mal à garder son sérieux. Non, mais il croit qu'ils vont tomber dans le panneaux ?

Je hausse les épaules, je n'ai pas le choix de toute façon.

 

Couché sur le côté, sous la couverture je meurs de chaud avec une irrépressible envie de bouger.

Devant moi, je ne le vois pas mais devine Gâche assis à califourchon sur la chaise derrière la porte grande ouverte. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'il n'a pas pensé que les deux occupants de cette chambre tiqueraient en la voyant ouverte.

Doucement je jette un regard à ma montre : seulement minuit.

Dans cinq heures trente seulement elle sonnera.

Dans le couloir un bruit de pied nus me fait sourire. Une envie pressante a jeté l'un de mes camarades à bas de son lit. Moins de deux minutes plus tard, le même bruit nous apprend son retour. Le silence revient à nouveau troublé par le même style de bruit cinq minutes plus tard suivit il va sans dire par le retour.

Une envie de fou rire commence à monter lorsque le même manège se fait entendre pour la vingtième fois. Je vois alors le capitaine se redresser dans l'ombre pour sortir de la chambre.

3

Immédiatement pratiquement deux silhouettes se glissent dans la chambre en passant par la fenêtre. J'abandonne le lit bien chaud à son véritable propriétaire puis passant à mon tour par la fenêtre je rejoins ma propre chambre en marchant sur l'étroite corniche qui fait le tour du bâtiment en passant en-dessous de toutes les fenêtres de l'étage. Plaqué contre le mur, je ne peux m'empêcher de m'imaginer comment serait l'élève dont le pied glisserait. L'image macabre me fait fermer les yeux et un frisson aussi bien du au mistral soulevant ma veste de pyjama qu'à cette vision me glace et m'empêche momentanément de continuer.

- Bob! Dépêche-toi couillon. Qu'est-ce que tu attends ?

Marion me tend la main que je saisis puis m'aide à sauter sur les tomettes rouges du sol de notre chambre qui me paraissent étrangement chaudes sous mes pieds.

- C'est toi qui a manigancé tout ça ?

- Non c'est Claude et Michel. Enfin surtout grâce à Michel qui est réellement pris de courante et du coup Claude a eut l'idée géniale d'en profiter. Il a envoyé Jean-Jacques chercher les deux abrutis et les prévenir. Mais maintenant couches-toi vite.

Je ne me fais pas prier malgré l'angoisse de savoir comment Gâches réagira en voyant que nous avions réussi à déjouer sa surveillance.

 

 

5 décembre 2010

Robert mercredi 15 juin 1977 le mur 3

 

 

 

Robert mercredi 15 juin 1977 le mur 3

 

Cinq heures trente, la sonnerie de ma montre a le don de me réveiller et provoquer en moi une onde de peur mêlée d'une incroyable joie.

Mes pieds touchent le sol à l'instant même où la lumière s'allume dans toutes les chambres provocant une bordée

de jurons de tous ceux qui n'aurait dû se lever qu'une heure plus tard. La voix du capitaine calme mon hilarité surtout lorsqu'il passe devant notre porte en poussant les deux compères en pyjama devant lui et me prenant par le bras me joint à eux pour une descente des escaliers sans douceur.

 

 

Debout au garde à vous entre Grondin et Charcot, j'attends le retour du capitaine et du colonel.

Dehors, nous entendons le capot crier des ordres à notre section qui passe du pas de courses au pas de gymnastique tournant sans fin autour de la cour. Lorsqu'ils passent devant le bâtiment le capitaine leur crie de faire halte . Nous entendons alors plusieurs fois nos camarades répondre en criant : « Non mon capitaine. » Puis la course de nos malheureux compagnons reprend.

 

J'en veux aux deux garçons debout à côté de moi.

J'ai froid, j'ai faim mais surtout je leur en veux de faire trinquer des gars qui n'y sont pour rien, enfin si, de leur avoir une nouvelle fois sauvé la mise.

J'ai envie de faire un pas en avant et de tout avouer.

J'ai sur les lèvres la phrase qui absoudrait tout les autres. Mais je ne peux pas.

 

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Je ne peux ainsi jeter ainsi aux orties la confiance que Richard place en moi ainsi que celle de ceux qui cette nuit se sont mouillés pour nous éviter de nous faire pincer. J'aurais dû aussi mouiller au moins deux gars en plus de moi : celui qui était allé les prévenir et Michel, quoique Michel lui il était réellement malade et pourtant ce matin, il est comme les autres en train de tourner. Je serre les poings, impuissant, une rage folle au tripes, .

 

Finalement vers quinze heures nous sommes relâchés. Aucun d'entre nous n'a mangé et c'est le ventre vide que nous devons plancher sur un devoir de quatre heures.

En guise de repas du soir, nous goûtons une nouvelle fois aux graviers de la cour pendant une petite heure avant de nous retrouver jusqu'à l'heure du coucher enfermés dans une salle de cours où nous devons cette fois discourir par écrirt sur l'absurdité désespérante de devoir défendre un geste désespérant par son absurdité. En gros sur le tableau Gâches a écrit : minimum 10 pages ! Nous avions quatre heures.

Le retour en chambres est silencieux.

 

Nous étions mi-juin. Grondin et Charcot jurèrent qu'ils ne feraient plus le mur.

 

Cinq jours plus tard, Gâches alla les cueillir avec des gendarmes aux domiciles de leurs petites copines respectives, donnés par un indicateur inconnu que même si je ne l'approuvais pas, je remerciai secrètement. Nous ne les revîmes plus.

5 janvier 2010

Richard vendredi 18 juillet 1975 proposition

Richard Vendredi 18 juillet 1975

 

Gisou essuie la sueur qui coule sur son front. Se servant de sa large capeline, elle s'évente.

C'est pile l'heure où la maison ne donne pas encore d'ombre sur la longue table en rondins qui trône dans le jardin, et où le grand cèdre ne l'abrite plus non plus, de l'ardeur du soleil estival.

Elle boit une gorgée de la limonade encore fraîche contenue dans le grand verre presque vide posé à côté de la pile de queues de rhubarbe qu'elle épluche depuis une heure.

Cette année, la récolte a été bonne et la mère de son homme pourra faire de la confiture pour tout l'hiver. Elle pourra même en offrir à ses propres parents.

Son esprit s'envole vers eux, il y a trop longtemps qu'elle ne les a pas vu. Son père lui manque, il faut qu'elle pense à l'appeler pour prendre de ses nouvelles. Elle en a reçu par son frère mais ce n'est pas pareil, elle voudrait entendre sa voix.

Elle arrête son ouvrage pour rester un instant le nez en l'air, la main sur sa capeline, scrutant le ciel à la recherche d'un tout petit point noir perdu dans l'immense ciel bleu.

- Richard, sois prudent, reviens-moi entier. Je t'aime mon bel oiseau.

Elle sait qu'il ne peut l'entendre de là-haut dans son maudit planeur avec son père.

 

Derrière elle, la sonnerie stridente du téléphone retentit.

Elle se lève en repoussant avec force le fauteuil de jardin qui refuse de reculer, bloqué par les graviers. Sa main se referme sur le bord de la lourde table, l'empêchant de suivre le mouvement du meuble qui se couche sur le dos. Elle se précipite alors vers la fenêtre ouverte où une seconde sonnerie déchire le silence. ( Oh non pitié, ne me réveille pas Coco... j'ai eu tellement de mal à l'endormir. ) Elle perd une de ses pantoufles en feutre en sautant pour se jucher sur le rebord du grand bac en béton où poussent les gros rhododendrons bleus de Mamie. En se projetant au maximum en avant, du bout des doigts, elle saisit le combiné alors que commence la troisième sonnerie. Inconsciemment, elle grimace et mime le geste de vouloir atténuer le bruit.

- Allô !

- Puis-je parler à Monsieur Granier ?

- Oui, bien sûr, lequel ?

- Pardon ? Il y en a plusieurs ?

- Oui le père et ses deux fils.

- Oh ! Monsieur Granier a déjà deux fils ?

- Mais attendez, vous êtes qui à la fin ? Gisou en équilibre instable sur le bout des orteils commence à s'énerver.

- Oui désolée, que je suis donc impolie. Madame Malatuffe, du service social à l'enfance. Je m'occupe du placement des enfants.

- Oh bonjour Madame, je pense donc que c'est à mon mari, Monsieur Granier Richard que vous vouliez parler.

- Oui voilà, tout à fait. Mais madame, j'ai plaisir à parler avec vous aussi. Je téléphonais juste pour vous avertir que j'ai peut-être un enfant pour vous et donc, que vous me disiez quand l'on pourrait se voir. Gisou a l'impression que son cœur va s'arrêter. 5Elle serre d'avantage le combiné et doit s' agripper au rebord de la fenêtre prise d'un vertige.) Allô ! Vous êtes toujours là ?

- Oui, oui, nous pouvons descendre quand vous voulez, nous pouvons être à votre bureau demain matin à huit heures, si vous voulez ?

Au bout du fil, la voix semble amusée.

- Non, non, lundi après-demain ce sera très bien , j'ai un créneau vers quinze heures, cela vous convient-il ?

- Tout à fait, je vous en remercie.

 

Son cœur bat à rompre.

Gisou n'entend pas le petit clic.

Elle se tourne, se retourne, le nez en l'air à la recherche du petit point noir dans le ciel, mais celui-ci semble avoir disparu.

Elle saute en bas de son perchoir en oubliant qu'elle tient toujours en main le combiné du téléphone. Et au lieu de le lâcher, elle s'y raccroche d'avantage, se sentant déséquilibrée. Elle entraîne ainsi à sa suite le lourd boîtier qui vient claquer contre le mur avec un bruit sec, son fil en se tendant renverse le petit guéridon faisant tomber au sol le gros aquarium rond contenant l'ancienne collection de billes des jumeaux. Il explose en les libérant en un bruit doux et régulier de cascades puis de roulement sur le sol en bois.

 

Son beau-frère est le premier en bas et empêche les gamines de descendre.

- Aller voir par le balcon.

Avant de se précipiter lui-même dehors.

 

Gisou assise sur le gravier, lève les yeux vers des têtes toutes aussi rousses qu'elle.

- T'as fait quoi Maman, t'as voulu sortir par la fenêtre ?

 

 

 

 

 

 

 

7 janvier 2010

Richard Lundi 21 juillet 1975 proposition suite

Richard Lundi 21 juillet 1975 proposition suite



- Ah Monsieur et Madame Granier, je vous en prie, entrez, merci d'être venus si vite.

- Mais c'est nous qui vous remercions. Avec mon mari nous pensions devoir attendre des années.

- Et oui, parfois la Vie réserve d'agréables surprises. Là c'est un hasard malheureux qui met sur votre chemin un gamin de quatorze ans dont les parents vont être déchus de leur autorité parentale.

L'homme et la femme se regardent, elle cherche la main de son homme.

- Hum et pourquoi ?

- Le père a lardé le gamin de coups de couteau et l'a mutilé. Quant à la mère, on lui reproche de ne pas avoir réagi et de n'avoir jamais protégé son fils. Et ses filles, car il semblerait qu'il avait l'habitude d'abuser de ses filles également.

- Mutilé ? Quelle horreur, pauvre bébé.

L'assistante sociale sourit en entendant Gisou.

- A quatorze ans on n’est plus un bébé mais un ado.

- Oui je sais, j'ai une fille qui a presque cet âge et une de dix-sept ans. Le pire des âges. Et mon mari dirige une école militaire où il n'a que des garçons entre onze et vingt et un ans.

- Oui je sais et c'est là où justement le hasard intervient. Cet enfant fait partie de ces gamins dits surdoués. Il a réussi en juin son bac C avec une mention très bien avec vingt et un sur vingt et vous Monsieur Granier avez accepté son intégration en maths sup dans votre établissement. Et c'est pour cela que j'ai de suite pensé à vous comme tuteur légal pour ce jeune.

Madame Malatuffe s'arrête de parler pour observer le couple qu'elle a devant elle.

Tous les deux, la petite quarantaine. 

Tous deux assis bien droits sur leur chaise. 

Elle, rousse, une petite robe de la même couleur que ses yeux, sac à main, ceinture et escarpins assortis d'un vert un peu plus foncé. 

Lui, arrivé avec des Ray-ban vert foncé qu'il a retirées lorsqu'il est entré dans le bureau. Son crâne rasé indique le militaire. Il présente un visage impassible et carré ou contrairement à celui de sa femme ne se lit aucune émotion.

Pourtant depuis le début, leurs gestes, leurs regards échangés montrent un couple uni et en parfaite harmonie où, aucun des deux ne parle pour l'autre.

C’est lui qui prend la parole en premier.

- Pour ma part je veux bien signer et m'engager auprès de cet enfant mais j'aimerais que vous nous expliquiez d’abord, à quoi justement cela m'engage exactement. Et si c'est vrai que ce n'est pas tout à fait ce que ma femme espérait mais je sais aussi que si dans la Vie, tout ne se déroule pas toujours comme nous le désirons. Sinon, nous ne serions pas là, devant votre bureau cet après-midi, n'est-ce pas ?

Une bonne heure plus tard, l’assistante sociale les raccompagne jusqu’à la porte. Elle est contente, elle sait intuitivement qu’ils reviendront.

- Écoutez, réfléchissez-y toute la semaine car ce n'est pas une décision qui se prend à la légère et on se revoit lundi prochain pour signer les papiers. Cela vous va-t-il ?  



Le grand-père descend la dernière marche donnant sur la grande pièce du rez -de -chaussée du chalet où la petite pendule au-dessus de la cheminée indique vingt-deux heures vingt quatre.

- Bon, voilà, toutes vos gamines sont couchées, vous avez donc latitude à nous expliquer cette histoire d'adoption.

Richard se lève du rocking-chair chair et force sa mère à s'y asseoir à sa place avant d'aller jusqu'à la cheminée y prendre un panier en osier d'où sortent des aiguilles à tricoter avant de lui poser sur les genoux.

- Je laisse Gisou le faire puisque c'est son idée à elle ! Maman tu veux de la tisane ?

- Oui, je veux bien. Lorsqu'il vient lui poser la tasse sur la table à côté d'elle, elle le retient pour lui poser un baiser sur la joue. Merci mon fils.

Alors sans bruit, il va jusqu'au grand escalier où il monte quatre marches avant de s'y asseoir, puis de s'y allonger en fixant l'étage supérieur.

Le silence se fait, seules les aiguilles de la grand-mère cliquettent. En haut, un très léger bruit de porte qui s'ouvre et de pas le fait sourire.

- Ne m'obligez pas à monter. En haut la porte se referme. Elles essaient vraiment tous les soirs, c'est incroyable ça ! Rémy, on ne pourrait pas penser à un système de miroirs ?

- Oui mais alors elles pourraient aussi voir ce qui se passe au rez-de-chaussée.

- Oui possible.Ou plus cher des caméras.

- Et faudrait aussi un terminal pour les voir tes caméras.

- Mon cher frère, tu me fatigues.

Gisou soulève le bébé presque endormi pour le changer de sein et essuie la goutte de lait au coin de ses lèvres.

- En fait il ne s'agit pas vraiment d'adoption mais d'offrir un foyer à un enfant en manque de famille. M'occuper d'enfants est tout de même mon métier et ma passion donc pourquoi ne pas en faire profiter un enfant ?

- Vous en avez pas assez ? dit Rémy en soupirant.

Sylvie, sa femme lui pose la main sur le bras, lui faisant ainsi comprendre de se taire.

- En fait, c'est vrai qu'à l'origine je ne pensais qu'à l'adoption. Je rêve c'est vrai d'un petit garçon, et plutôt un bébé qu'un enfant. Et oui Richard, je sais, il ne remplacera pas Rodolphe et ce n'est pas là du tout le but de ma démarche. On sent que sa voix faiblit. Après Rodolphe justement, cinq filles et deux fausses couches d'enfants mâles, j'ai renoncé à l'espoir de nous donner un héritier.

Richard se lève d'un bond en maugréant. On le sent énervé. Il se dirige vers la grande table en bois massif et se saisit d'une part de brioche qu'il enfourne entièrement et d'un mug dans lequel il se sert de la tisane, puis tournant le dos aux autres, va se mettre debout devant une des grandes fenêtres.

Son frère s'est levé et est allé le remplacer dans les escaliers.

- Gisèle, je t'ai déjà mille fois dit que mes filles me suffisaient, que vous me suffisez. Je n'ai pas besoin d'un héritier, ça rime à quoi franchement ? Et zut, Maman, tu essaieras de lui expliquer toi en tant que femme, moi, j'y renonce. Il vide son mug et après l'avoir posé sur la table, va s'asseoir à côté de son frère sur les escaliers mais ne s’allonge pas, reste replié comme sur lui-même. Bref, là, j'ai accepté d'être le tuteur d'un gamin qui sera élève dans mon école. Il a quatorze ans, une sorte de surdoué dont les parents ont été déchus de leur autorité parentale car le père a attenté à la vie de son fils et la mère l'a laissé faire. Il se tait. Peut-être s’attend-t-il à ce que sa femme reprenne la parole. Mais non. Alors il continue. Il s'agira donc simplement de le surveiller tout en veillant sur lui jusqu'à ses dix-huit ans et donc rien qui nous engagera vraiment car à sa majorité nous serons dégagés de toute responsabilité envers lui. Et franchement cela m'arrange car je ne me vois pas ramener un gamin boutonneux dopé à la testostérone et sûrement presque aussi grand que moi au milieu de mes fofolles.

Son frère lui tape sur l'épaule.

- Je compatis frangin, mais pendant les vacances, tu en feras quoi ?

- Colo, stages etc... je verrai. Et à seize ans, travail d'été.

Leur père se lève et s'avance vers eux. Ils se lèvent pour le laisser passer.

- Bon et bien, moi je vais me coucher mes petits gars. Mais Richard, ne vous mettez pas les tripes à l'envers à l'avance car s'il le faut, ta mère et moi serons là pour vous aider. Même si je sais que vous gérerez très bien comme d'habitude.

Ses deux fils l'embrassent en même temps et le regardent monter avant d'aller s'asseoir chacun à côté de leur femme.

Puis Richard prend le bébé et se promène avec lui dans la pièce pendant que Gisou commence à ranger et à débarrasser. Sylvie la rejoint et l'aide. Bientôt les quatre montent se coucher derrière la grand-mère, Rémy en dernier pour éteindre la lumière.




14 janvier 2010

Robert vendredi 1er Aout 1975 l' AS

Robert Vendredi 1er Août 1975 l' AS

 

Quelqu'un ouvre les volets sans bruit.

- Bonjour mon garçon.

- Bonjour Madame.

Madame Péret vient me déposer un baiser sur le front. 

- Habille-toi vite et descends déjeuner, en bas il y a quelqu'un qui veut te parler.

Je vais pour lui obéir immédiatement mais me rappelle que je suis tout nu et attends qu'elle soit sortie pour me lever, pressé de découvrir qui vient me voir.

Je suis sûr que c'est Caths, cela ne peut être que Caths. mais pourquoi n'est-elle pas venue me réveiller elle-même ? Je compte bien lui en faire le reproche. Mais je suis tellement heureux. Enfin !

 

Hélas, ce n'est pas Caths qui est en pleine conversation avec le docteur Péret. Ce n'est autre que la vieille sorcière d'assistante sociale que j'ai déjà vu à l'hôpital. J’ai presque envie de pleurer tellement je suis déçu. J’en veux aussi à madame Péret de m’avoir fait cette fausse joie et de m’avoir laissé espérer.

Une tasse de café dans la main gauche, la vieille  décortique miette par miette le morceau de strudel qu'on lui a servi sur une petite assiette. On dirait un oiseau avec un mini bec crochu.

- Ah te voilà, au moins maintenant tu es habillé mais tu aurais pu faire l'effort de te coiffer.

Mon regard va du docteur Péret à la sorcière. J'hésite entre remonter dans la chambre ou aller donner un coup dans la tasse pour qu'elle s'ébouillante.

Le docteur me fait signe de venir m'asseoir à côté de lui. Ce que je fais tout en continuant à la fixer elle.

J’ai faim, je veux prendre une part de strudel mais l’autre folle m'attrape le poignet puis éloigne le plat de moi. Hé, ho ! Pourquoi ?

- Quelles sont ces manières mon petit ? Ton père t'aurait-il coupé la langue que tu ne demandes pas la permission avant de te servir ?

- Non, il m'a juste coupé la queue mais ça vous le … Je croise le regard horrifié de Madame Péret revenant de la cuisine avec un plateau. Je rougis, je n’aurais pas dû répondre comme ça mais elle m’a provoqué. Je fais un sourire timide à madame Péret. Désolé mais je...

- Non, non, chut ! Je ne t'ai jamais entendu parler comme ça avant. Tu me déçois. Cette fois, je baisse la tête, penaud. Tiens, mange au lieu de dire de vilaines choses.

Elle pose devant moi le plateau avec un gros bol de chocolat fumant, des biscuits encore chauds et du gâteau à la pomme.  Puis s'assied à côté de moi.

Les trois me regardent manger sans un mot. J’ai presque fini, quand elle se lève et se penche vers moi.

- Finis le strudel si tu veux.

Je ne me le fais pas dire deux fois. J'engloutis les deux dernières parts. Toujours ça que la sorcière n'aura pas même si les derniers morceaux sont durs à avaler.

- Tu as vraiment des manières détestables, l'école militaire te fera un bien fou.

Gnia gnia gnia et votre gueule alors ? Elle, surtout est détestable.

Madame Péret revient avec une brosse à cheveux et essaie de discipliner mes poils crâniens.

- Il faudra que je te les coupe un peu avant ton départ.

- Oh, laissez donc, là-bas, ils vont le tondre, ça lui rafraîchira les idées à ce petit voyou.

- Robert est loin d'être un voyou. Je le connais depuis sa naissance, c'est un garçon gentil, poli et travailleur. J'ai une envie folle de lui faire un doigt d'honneur à l'autre vieille harpie, je me contente d'adresser un grand sourire à mon avocat. Tu as encore faim ?

- Non Madame.

Je me lève, prends le plateau où je dépose aussi dessus le plat vide du strudel et les deux tasses du docteur et de la sorcière, puis le porte dans la cuisine.

Pour rien au monde, je ne veux faire de peine à celle qui a toujours été gentille avec moi. Quand mon père me battait, c'est dans ses bras que je venais me faire consoler ou soigner.

Quand j'arrive dans la salle à manger j'entends : soins, cicatrices. Cela m'énerve de les voir parler de moi dans mon dos comme si cela ne me concernait pas.

- J'expliquais jeune homme, que le 29 Août, je viendrai te chercher à dix heures pour t'emmener en train à Aix en Provence pour te confier à ton tuteur légal qui ne sera personne d'autre que le directeur de l'école. O non ! C’est elle qui va m’y emmener ? Je ne pourrais pas y aller tout seul ?  Je lui ai parlé au téléphone, il n'a pas l'air commode, il saura vite te mettre au pli.  Elle se lève et commence à se diriger vers la porte. Ah oui, le juge a décidé que tu ne devais plus, en aucun cas entrer en contact avec aucun membre de ta famille, ni avec cette petite traînée de Lutz. Madame Péret pose sa main droite sur mon bras puis m'entoure le torse de son bras gauche, m'attire à elle et me serre contre elle. De toute façon, cette petite traînée a été expédiée loin d'ici chez les sœurs. Là j’ai envie de lui sauter dessus. Caths n’est pas une traînée ! C’est ma femme ! Madame Péret me serre plus fort contre elle. A elle aussi, l'expérience de la discipline ne pourra être que bénéfique.

Elle serre la main au docteur mais n'a pas un regard pour moi ou Madame Péret.

Et c'est avec le cœur gros que je remonte dans ma chambre. Ma pauvre Caths punie à cause de moi.



7 février 2010

Richard mercredi 1 octobre 1975 fin de la partie 2

  Richard mercredi 1 octobre 1975 fin de la partie 2

 

Richard se laisse retomber en arrière.

- J'aime bien les journées qui commencent comme ça !

Gisou se  lève et enfile son peignoir.

- Aller, debout jeune homme, qu'une longue journée nous attend.

 

Richard arrête de se raser pour regarder sa femme disparaître entièrement sous l'eau pour rincer ses cheveux. Il pose son rasoir puis prenant appui sur les poings et les orteils sur les bords de la baignoire, il surplombe ainsi sa femme. Lorsqu'elle émerge, sa bouche se pose sur la sienne, elle ouvre les yeux, surprise mais de ses mains le repousse.

- Oh mon dieu Richard, je vais garder cette vision toute la journée dans ma tête.

- Et elle est si ignoble que ça ?

Son sourire parle pour elle.

- Je dois aller réveiller tes filles, allez ouste, pousse-toi !

 

Avant de sortir, Gisou tire son homme par l'oreille pour l'attirer à elle et lui dépose un smack léger, puis sa main caresse la hampe raide avant de faire claquer sa main sur une de ses fesses nues.

- Aie !

- Je t'aime mon homme !

 

Quand Richard arrive dans la chambre tout habillé, Gisou se brosse les cheveux. Il lui prend la brosse.

- J'aime tes cheveux ! Mais tiens. Il lui rend la brosse. À cause de toi, je suis déjà en retard.

- A cause de moi ? Elle se retourne en riant. Attends ! Elle lui redresse le nœud de cravate. Voilà ! Tu es très beau.

- Merci ! Sinon Mademoiselle Dionis me dirait encore : "Alors mon colonel, on a eu un réveil mouvementé ?"



Tous les garçons sont déjà en place pour le lever de drapeau. Il rend son salut à Gâche puis il fait signe au petit sixième d'y aller. Celui-ci empreint de sérieux passe devant chaque classe écrivant ce que le chef de classe lui crie.

- Troisième, deux absents !

- Gâche pourquoi deux absents ?

- Lorenzo à l'infirmerie et Weissenbacher aux arrêts.

- Encore ? Bon, je verrai ça tout à l'heure.



A peine a-t-il ouvert la porte que Madame Lang se précipite vers lui.

A chaque fois qu’il la voit, il se demande comment les gamins n'ont pas peur en la voyant. Une coupe au carré au ras des oreilles, des petits yeux fuyants, des oreilles si petites qu’elle semble presque ne pas en avoir et ses mains ? Oui il sait qu’elle a de l’arthrite, elle en parle et s’en plaint à chaque repas, mais tout de même, lui n’aimerait pas être touché par de telles mains toutes tordues.

- Bonjour ! Alors Lorenzo ?

Madame Lang lui serre la main.

- Deux points de suture, il les cumule. Sinon ça va, mais j'ai préféré le garder de peur qu'il ne se venge sur l'autre gamin que j'ai aussi vu et qui lui n'a rien.

- Vous savez ce qui s'est encore passé ?

- J'ai plus ou moins réussi à sortir les vers du nez des deux mais la conclusion c'est qu'il y en a un, le plus grand déteste le plus petit et le lui fait payer mais la raison de cette haine, impossible de savoir.

- Ouais comme chaque année. Mais cette fois, il semblerait qu'il soit tombé sur un os.

- Disons plutôt dans ce cas précis sur la barre du pied de lit du gamin puis sous ses phalanges et je préfère que ce soit lui que moi car le petit Pimousse, n'a pas fait semblant. Il est dans la chambre à côté, venez.

 

Lorsqu'il voit le colonel, le gamin sort de son lit et se met au garde à vous.

- Alors Lorenzo, je pense que l'on va annoncer une bien mauvaise nouvelle à vos parents. Les deux années précédentes vous aviez attendu le second trimestre pour terroriser un plus petit que vous. Mais là, il semblerait que vous l'ayez mal choisi. Et moi, je n'en peux plus. Vous êtes bon en classe et cela m'attriste de devoir me séparer de vous. Vous resterez à l'infirmerie jusqu'à l'arrivée de vos parents comme ça vous ne pourrez pas lui donner l'occasion de vous coller une autre trempe.



Lorsque Richard pousse la porte du couloir qui donne sur son bureau, sa secrétaire appuyée sur une main sur son bureau répond au téléphone. Il fixe la croupe ferme de la jeune femme moulée dans sa jupe bleu.

En l’entendant arriver, elle se redresse et se tourne vers lui.

- Ah mon colonel, vous avez l'air préoccupé ?

- Oui, je sors de l'infirmerie, préparez-moi le dossier de Lorenzo que j'appelle ses parents.

Elle lui sourit avec un petit air entendu.

- Vous devrez aussi appeler ceux de Tramoni, mon colonel car il vient de passer pour me dire qu'il démissionnait et voulait nous quitter.

L’homme semble déçu mais pas surpris.

- Lui aussi ? Décidément cette année c'est une année de paresseux. Et bien, préparez-moi aussi, son dossier mais vous me le convoquerez d'abord.

Là, c’est de la fierté quasi s’affiche sur le visage de sa secrétaire, puis de l’interrogation.

- Les deux dossiers sont déjà sur votre bureau et j'ai voulu y joindre celui du petit Weissenbacher mais je ne l'ai pas trouvé et d'ailleurs en y réfléchissant, je ne l'ai jamais vu passer.

Le colonel pénètre dans son bureau et s’assied dans son fauteuil.

- Normal, il est dans mes tiroirs et moi seul, peux m'en occuper.

Il la fixe et se demande si elle est surprise ou vexée ? Peut-être un peu des deux mais peu lui chaut.

- Oh !

Il ne lui laisse pas le temps d’ajouter quoique ce soit.

- Tiens d'ailleurs en premier faîtes moi amener ce gamin par Lorient.

- Bien mon colonel. Ah oui, je dois aussi vous annoncer que la chaudière du bâtiment C a définitivement rendu l'âme.

Richard soupire, dire que cette journée avait si bien commencé.

 

On toque à sa porte.

- Entrez ! Ah Firmin que vous arrive-t-il ?

- Nous n'avons pas reçu la commande de viande.

Le colonel fait claquer ses mains à plat sur son bureau.

- Et bien les gamins mangeront végétarien aujourd'hui et allez-vous plaindre au comptable, pas à moi.

- Oui, je sais, mon colonel mais vous, vous êtes plus efficace que lui au téléphone.

Richard soupire.

- Donnez-moi leur numéro.



Lorient fait entrer le gamin.

- Garde à vous !

La porte se referme sur Lorient pour s'ouvrir à nouveau mais cette fois sur Mr Vecchini, le comptable.

- Je peux vous parler ?

- Oui mais toquer aussi avant. Je viens.

 

Quand il revient, Mademoiselle Dionis lui fait signe de ralentir et de regarder dans son bureau. Ah merde, il l'avait oublié celui-là ! Toujours au-garde à vous,

Le gamin n'a pas bougé, juste ses doigts serrant son calot, bougent, faisant tourner ce dernier.

- Mademoiselle Dionis, venez, j'ai deux dossiers à vous donner.



Richard referme le dossier de Lorenzo et le tend ainsi que celui de Tramoni, à sa secrétaire qui sort en refermant la porte derrière elle. Bon maintenant, à nous deux, mon gaillard. Mais le téléphone sonne.

- Oui... Non, vous blaguez là ? J'arrive !

Et bien, mon petit, tu attendras encore.



Sa femme l’accueille fraîchement.

- Il est toujours dans ton bureau ?

Il soupire en se lavant les mains.

- Oui, je veux voir quand il craquera.

Elle semble horrifiée.

- Mais c'est de la torture mon cher mari.

Tout en s’asseyant à table, il la fixe.

- Ouais et bien écoutes, si tu voyais le visage de Lorenzo, tu ne le plaindrais pas.

Elle ne semble pas convaincue puis l’interroge.

- Lorenzo ce n'est pas celui qui a poussé deux gamins à démissionner l'année dernière.

Mais déjà elle ne l’écoute plus, ouvrant la porte de leur salon.

- Oui c'est bien lui et j'ai appelé ce matin ses parents pour leur dire que je le renvoyais. Tu sais ce qu'il a dit à Madame Lang qu'il allait égorger le gosse. Je plains ses parents, ce gamin finira en prison.

Gisou devant la baie vitrée observe la grande fenêtre du bureau de son mari.

- Et lui, tu vas en faire quoi ?

Il vient regarder, debout derrière elle.

- D'abord l'envoyer manger puis je vais le changer de chambrée. Le coloc de D' Aureilhan vient de démissionner, je vais lui octroyer ce lit. J'ai confiance en Aureilhan, il le protégera. 

Une demi-heure à peine plus tard.

- Bon et bien, j' y vais, ton repas était délicieux. Il va sortir de l'appartement quand il fait demi-tour. Chérie pourras-tu déposer une paire de draps, une couverture, un oreiller et une taie chez Madame Calliop qu'elle les marque.

- Comme si je ne savais pas le faire ?

- Oui, mais elle, je la paie pour ça mon amour.



Mademoiselle Dionis n'est toujours pas revenue de sa pause de midi et Lorient joue avec un stylo assis au bureau de cette dernière.

- Alors ?

- Il n'a pas bougé, il bat le record d' Andrieu.

Richard ferme la porte derrière lui, l'enfant frémit et les articulations de ses doigts blanchissent autour de son calot. Il va jusqu'à la fenêtre et voit Gisou debout derrière les rideaux du salon, du tissu dans les bras. Il secoue la tête. Ah celle-là ! 

Il se retourne et va s'asseoir sur le bureau face au gamin.

- Bon et maintenant, que fait-on de vous ?

Il est mûr à point. Une larme roule sur sa joue. Gisou a-t-elle raison, j'suis réellement un tortionnaire ?

- Pitié, mon colonel ne me renvoyez pas, je ne sais pas où j'irai sinon .

La voix aiguë de l’enfant est chevrotante.

- Te renvoyer ? T'inquiètes pas pour ça. Par contre tu déménages. Tu t'entends bien avec D' Aureilhan ?

Le gamin le regarde surprit puis renifle avant de répondre.

- Oui mon colonel, il est sympa.

Le colonel retourne derrière son retour, prend deux mouchoirs en papier dans un tiroir et va les donner à l’enfant qui a encore reniflé.

- Repos ! Et bien Le Caporal Lorient t'aidera à transporter tes affaires mais avant, vas voir le cuistot qu'il te donne à manger.

 

Il le regarde sortir puis ouvre le tiroir et en sort son dossier. Mademoiselle Dionis entre et vient se pencher sur le bureau. Il referme le dossier et le remet dans le tiroir. Son regard s'attarde sur le décolleté qui s'offre à lui. Et l'autre là-haut, elle ne doit pas en manquer une miette. Il soupire.

- Hum, oui, Mademoiselle Dionis, vous désirez ?




17 janvier 2010

Caths samedi 16 Août 1975 fuite

1975 Caths Samedi 16 Août fuite

 

La voix qui la réveille, elle ne la connaît que trop. Sa mère ne parle pas, elle crie et Catherine l’entend malgré les trois portes fermées entre elles.

- Non ! Elle rentre avec nous, c'est notre fille, pas la tienne.

- ...

- Non ! Elle ne va pas gâcher sa vie à cause d'un petit moins que rien qui l'a mise enceinte, Marie tu n'as aucun droit sur elle, nous oui, nous sommes ses parents.

 

Catherine  boucle rapidement son sac et se glisse sans bruit dans le couloir jusqu'à la porte d'entrée qu’elle fait claquer derrière elle.

Elle est très vite dehors, bousculant sans s’excuser un couple de petits vieux dans le hall d’entrée de l’immeuble et court à perdre haleine dans les petites rues qui zigzaguent devant elle.

Elle ne sait pas où elle va, elle veut juste mettre de la distance entre eux et elle.

Non ! Ils ne la ramèneront pas chez eux.

Dorénavant Paris sera sa nouvelle ville.

Dans la capitale, elle sait qu’elle pourra se perdre dans la multitude et passer inaperçue.

 

Elle leur en veut encore plus, ils ont dû prendre le premier train ou venir en voiture dès que Matie à raccroché hier soir.

Elle s'arrête enfin de courir.

Son cœur bat tellement fort qu’elle a l'impression qu'il va s'arracher de sa poitrine.

Elle pose sa main sur son ventre. Et si courir comme ça pouvait lui faire du mal. Quelle taille a-t-il ? Celle d'un pois chiche ? Elle le voit déjà grand dans ses bras, un petit garçon qui s'appellera Robert comme son père.

 

Elle s’arrête devant une grande église. Une dame en ouvre grand les portes et ses cloches sonnent. Il est six heures, elle voit des paroissiens entrer, elle les suit. Elle ne croit plus en Dieu, mais qui viendra la chercher dans une église pendant une messe ? Personne ! Surtout pas ses parents.

Cela fait longtemps qu’elle ne va plus à la messe sauf quand Robert y était de service en tant qu'enfant de chœur. Elle se mettait alors derrière une des colonnes et lui faisait des grimaces qui le faisaient rire et ça rendait fou le père Camerer qui le changeait dix fois de place durant la messe jusqu'au jour où il a arrêté son sermon pour venir vers elle alors elle est sortie précipitamment. Mais alors, quelle engueulade elle a pris le soir quand le père Camerer est venu à la maison. Elle n'a plus recommencé mais elle allait l'attendre à la sortie du presbytère.

 

Catherine choisit une place au fond de l'église dans l'aile de gauche, elle s'y met à genoux et pose mon front sur ses mains les yeux fermés. Il y fait frais, et l'ambiance y est apaisante. Une sorte de torpeur la saisit, elle ne pense plus à rien.

- Jeune homme ! Oh pardon jeune fille, tu vas bien ? Je te laisse prier à moins que tu aies besoin de parler ?

Le prêtre est tout jeune, il a de jolis yeux verts et un tout aussi joli sourire.

Elle pense encore au père Camerer qui lui a encore dit il y a peu : Dieu voit tout et sait tout. je décide d'être honnête.

- Oui et non mon père. Je me reposais surtout. Puis-je encore abuser de l'hospitalité de Dieu ?

Il lui sourit.

- Veux-tu venir te confesser pour voir si je peux t'aider ?

Pourquoi pas ? Elle a envie de parler, besoin de raconter ce qu’elle ne peut raconter ni à ses parents, ni à sa marraine. Et lui, avec ses jolis yeux verts, il est là pour ça, non ? De plus, il est tenu au secret.

 

Lorsqu'il sort, le prêtre ne lui dit pas  de réciter deux fois d'un truc et trois d'un autre. Il se contente de la bénir.

Elle sort aussi.

Elle me sent mieux d'un certain côté.

Parler lui a permis de remettre ses idées en place, il faut qu’elle retrouve Dan et ses copains.

Elle ne sait pas pourquoi mais quelque chose la pousse à lui faire confiance.

Elle récupère son sac et met rapidement de la distance entre ce curé, certes très mignon mais qui veut qu’elle reste et ça, c'est gentil mais non merci !

 

A midi, elle est au trou des Halles, je sais qu'ils y ont rendez-vous avec d'anciens copains. Mais hélas, il n'y a personne.

- Bonjour, vous connaissez Dan, Thib, Michka et Typh ?

Au bout d'un moment, elle en a marre de demander ça à tous les jeunes un peu dans leur style et décide de retourner vers Clichy. Elle surveillera le départ des parents et retournera chez Matie.

Puis son regard est attiré par un couple au coin d'une rue, ils sont habillés avec des grandes robes aux larges manches ornées d'étoiles. Il fait des tours de magie et elle joue de la harpe. Elle s'approche d'eux. La fille a un petit ventre rond.

- Merlin et Morgane ?

Les deux se tournent vers elle puis s’échangent un regard surpris.

- Oui et toi ?

Merlin s'approche d’elle et fait sortir un bouquet de fleurs de sa manche. Ça la fait sourire.

- Tach et je cherche Dan et les autres.

La fille s'arrête de jouer et se lève lourdement pour les rejoindre.

- Et tu leur veux quoi ?

Catherine est un peu surprise par son agressivité.

- Ils m'ont dit de les rejoindre ce midi aux halles mais ils n'y sont pas.

Son ton change alors.

- Ah ouais, mais c'est aux Halles de Rungis sûrement, Dan y bosse souvent.

- Ah, OK, merci !

 

Donc retour là où j‘ai fait leur connaissance. Avant de s’en aller, elle parle un peu avec eux. Pour le futur bébé, ils ont décidé de se “ranger” de peur de se le faire enlever. Catherine lorsqu’elle s’éloigne pose ses mains sur son ventre, elle réalise que même quand, il sera là, on pourrait le lui enlever et la peur la fait pleurer.

Deux heures plus tard, elle émerge de la station de métro et sourit car ils sont garés au même endroit que la veille.

- Hello ! Je peux me joindre à vous ?

Les trois semblent heureux de me revoir.

- Tu vois Michka quand je te dis que Dan est voyant.




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