Robert Jeudi 2 Octobre 1975 parrain et filleul, oups !
Robert Jeudi 2 Octobre 1975 parrain et filleul, oups !
Même quand je suis au milieu de mes collègues de classe, je ne peux m’empêcher de surveiller les copains de Maxime du coin de l’œil. Ce type a réellement remplacé Desmongeot dans mes angoisses, même alors qu’aujourd’hui qu’il n’est plus élève ici.
Pour l’instant, ils sont de l’autre côté de la cour et je n’irai pas les chercher.
Devant moi, un Kharré1 est en train de nous expliquer que ce soir, il viendra faire une inspection de nos chambres. Mais je n’arrive pas à m’expliquer comment un mec qui devrait avoir honte (d’après moi.) d’avoir redoubler se permet ainsi de faire son petit chef. Enfin, je ferme ma gueule, de toute façon je serai dans mon tort. Mais ça me gonfle. En plus, vu ma taille et son courage, c’est sur moi qu’il va se défouler, je pense. Surtout qu’hier j’ai refusé de lui refiler le biscuits et le chocolat que Firmin nous avait distribué pour le goûter, et s’il n’y avait pas eu D’Aureilhan, j’aurais bouffé autre chose que le chocolat.
C’est que moi, je les apprécie cette barre de chocolat et ces deux biscuits. Ce n’est pas grand-chose et ça ne me remplit pas le ventre mais ça permet d’attendre dix-neuf heures et le repas du soir.
Pour l’instant seuls les sixièmes et les cinquièmes sont en train de passer devant la porte de la cuisine récupérant, l’un après l’autre leur dîme. La classe des quatrième fait déjà la queue et les troisième s’y préparent mais alors que font ces troisièmes devant ce groupe de sixièmes.
Mon instinct de proie, me dit qu’il y a un truc de pas normal.
- Hé les mecs regardez Trudeau et Mongeot. Qu’est-ce qu’ils font ?
Le Kharré me bouscule et je perds l’équilibre. Autret me retient par la manche.
- De quoi tu te mêles le minus ?
Xavier se met entre lui et moi.
- Ces sixièmes sont nos filleuls, il a raison de s’inquiéter pour eux. (Me prenant par le poignet, il me tire.) Viens on va voir.
- Heu Xav, ce sont pas les petits que je surveillais mais Trudeau qui a pris le relai de Lorenzo.
- Ah c’est vrai ça que t’as pas de… Ah mais si ! Maintenant t’en as un. Puisque t’as pris le lit de Tramoni t’as aussi pris son filleul.
- Hein ? Quoi ? C’est quoi encore cette histoire de lit avec son filleul ?
Là Nevière s’arrête et me fixe comme si je venais de le frapper puis pique un fou rire. Je me sens de plus en plus largué.
Derrière moi Claude et deux autres qui nous ont suivis se mettent aussi à rire.
- T’es trop con, mec. Heureusement qu’on doit pas se fourrer nos filleul dans notre lit, on serait mal. Xav veut simplement dire que le filleul d’Alexandre maintenant c’est le tien.
Oh ! Et ça rime à quoi exactement d’être parrain ? Car soyons franc, j’ai rien écouté du tout lors de la cérémonie.
Nous voyant arriver, les deux troisièmes se barrent.
Mes collègues se dirigent chacun vers leur filleul. Claude me pousse vers un sixième, bien évidement, largement plus grand que moi.
- Salut ! C’est toi le filleul d’Alexandre ?
Le garçon opine de la tête.
- Pourquoi ? Qu’est-ce que t’en as à fiche ?
Je soupire. Me redresse au max et bombe le torse, mais je me sens ridicule.
- Parce que à partir de maintenant, je le remplacerai en tant que parrain.
Il a d’un coup l’air absolument dépité.
- Et bin, je suis sûr de ne pas avoir de goûter jusqu’à la fin de l’année.
D’un coup, je sais ce que trafiquaient les copains de Lorenzo.
Je l’abandonne et cours rattraper mes deux ex-tortionnaires qui viennent de prendre place dans la queue pour recevoir leur pitance.
- Hé Mongeot, je comprends mieux pourquoi t’es un gros tas de graisse. En plus de votre part, vous vous tapez le goûter des sixièmes que vous rackettez. Mais aujourd’hui c’est la dernière fois, vous allez maigrir les mecs, je vous le promets.
Leurs camarades de classe les regardent en souriant et se mettent à chuchoter. Je l’ai dit suffisamment fort pour que même Firmin m’entende ainsi qu’une bonne part des élèves présents dans la cour autour de nous.
Eux par contre n’ont pas réagi et Trudeau me tourne même le dos. Cela m’est égal. Je sais qu’il m’a entendu.
Au loin, je vois Gâche s’approcher, je retourne vers mon groupe et celui des sixièmes.
Mon filleul s’appelle Hector, Hector Malliol et je sens qu’entre nous ça va être compliqué…
- Au moins avec mon autre parrain je savais qu’il pourrait me défendre et m’aider.
- Ah ! Parce qu’il t’a aidé contre Trudeau et Mongeot ?
- Non, mais je ne lui avais rien dit.
- Et à moi non plus. Pourtant je te jure qu’ils ne viendront plus vous racketter.
- Tu parles ! Ils avaient l’air d’avoir drôlement peur de toi.
- Crois ce que tu veux je m’en tape.
- Bob ça va être à nous.
Je rejoins les autres pour récupérer notre du.
Lorsque je passe devant Firmin, il me donne deux barres et quatre biscuits et me fait un clin d’œil.
La récrée est presque terminée et je me dirige lentement vers mon rang. Mais avant, je bifurque pour passer devant Hector à qui je donne sa part. D’abord surpris, il l’air ravi.
- Merci !
- Dis ça au cuistot.
Gâche est debout devant notre rang. Je me place à côté de Nevière, nous allons bientôt monter en cours.
- Rien à me dire Weisembacher ?
- Non mon capitaine.
A côté de moi, Xavier regarde ses souliers, moi je décoche à notre brave cerbère un grand sourire.
1Élève redoublants de spé.