Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )

21 mars 2010

Robert vendredi 6 février 1976 du poison

Robert vendredi 6 février 1976 du poison

 

C’est vendredi, et il y a du poisson à midi. Beurk ! Je mange les entrées, puis je déclare n’avoir plus faim et veux quitter la table. 

Mais Mammema n’est bien sûr pas d’accord du tout.

- Non, tu en manges un peu, c’est bon pour la mémoire !

Je souris.

- Ah oui ? Alors moi qui n’en ai jamais mangé, enfin si malheureusement. J’ai un frisson en pensant aux tendres méthodes de mon père pour que je mange le contenu de mon assiette. Pourtant, je suis celui qui a le plus de mémoire dans cette pièce, non ? Alors, on en reparlera !

- Pas d’excuses, je ne t’en sers pas beaucoup, tu goûtes pour me faire plaisir.

Je regarde Mammema en ayant un air aussi suppliant qu’elle.

- Pitié, je suis trop jeune pour mourir !

- Ah ! Parce que le poisson, cela t’est mortel, maintenant ? s’étonne Richard qui me regarde amusé.

- Oui, j’y suis allergique grave, je gonfle, je fais des boutons partout, je vomis, et pleins d’autres trucs affreux et après je meurs dans des souffrances monstrueusement atroces.

Tout en le disant, je le mime. Richard ne semble pas convaincu mais les filles me trouvent très drôle.

Mammema, qui s’est levée, se penche à mon oreille.

- Tu as vu le dessert ?

- Non.

- Alors, si j’étais toi, je mangerais au moins deux bouchées de poisson.

- Et c’est quoi, le dessert ?

- De la mousse au chocolat et de la chantilly.

Je mange un fourchetée de poisson piquée dans l’assiette de Papapa à côté de moi en faisant la grimace et multiples haut le cœur. Je me rattrape sur les haricots verts. Mais je me considère encore une fois martyrisé et incompris.



- Les gamins, si vous faîtes une heure de travail, on vous réserve une surprise.

Les filles ronchonnent comme d'hab et s'installent sur la table. Je ne bouge pas de par terre. Je suis adossé au mur qui borde la cheminée. Il y fait chaud, j'y suis bien. J'ouvre mon livre sur mes genoux et mon cahier dessus, 

j'écris mais ce n'est pas de la physique, ni rien d'académique. Dans le bouquin que je lis, le gars est commandé par des esprits alors ils les laissent le diriger et il se met à devenir prophète. Alors j'écris tout ce qui me passe par la tête.Je ferme les yeux, secoue la tête, ouvre les yeux, écrit alors ce qui  me passe par la tête. La page pleine, je relis et là me vient toute une histoire.

 

Pendant ce temps les parents tirent le canapé jusqu’à la table qui est elle-même reculée contre le mur. Pourquoi déplacent-ils tous les meubles ?

Rémy et Richard descendent ensuite deux grosses caisses en bois. Dessus il y a encore le nom de munitions pour des armes automatiques allemandes de la guerre de quatorze puis enfin une autre caisse, non pas longue mais rectangulaire et en hauteur.

 

- Les filles, vos parents vont tous nous tuer.

Elles se tournent vers moi.

- Tu dis n'importe quoi.

- Si Mathilde, les grosses caisses là-bas contiennent des balles de fusils militaires et celle-là, une mitrailleuse sur pieds.

Papapa, d’abord surpris, s’énerve.

- Purée Robert avec toi, tout devient compliqué. Pourquoi faut-il que tu saches lire l'allemand gothique ?

- Peut-être parce que mon géniteur était allemand.

Il soupire.

Richard et Rémy se mettent à rire et me font signe de m’approcher pour les regarder ouvrir la caisse toute en hauteur.

- Alors Robert, attention à trois, voici ta mitrailleuse. Un, deux, trois.

Oh ! c'est une sorte de vieux tourne-disque. Papapa y fixe un énorme pavillon qui ressemble à celui d'une grosse trompette tordue.

- Aller rangez vos livres et venez danser avec nous.

Il n'a pas besoin de le dire plusieurs fois.

Dans les caisses des vieux disques.

Danser, je n'en ai pas envie, alors je me propose d'être DJ mais ils refusent.

J'effectue alors un repli stratégique tout au fond de la pièce derrière la table pour qu'ils m' oublient mais c'est peine perdue.

A tour de rôle, Sylvie, Gisou et Mammema viennent me tirer de mon coin mais dès qu'elles me lâchent, j'y retourne. Elles envoient même les filles me chercher mais là ça tourne au vinaigre alors c'est Richard qui vient me chercher et me sort dans la cour.

- Bon alors, tu ne sais pas danser, ça tout le monde l’a bien compris. Mais tu veux toujours devenir un officier, un pilote n’est-ce pas ?

- Oui, mais ça n'a aucun rapport, y a pas la place pour danser  dans un mystère ou un mirage.

Je l’amuse et l’épuise en même temps.

- Oh si, mon petit. Tu ne seras pas toujours dans ton piège.1 Comment vas-tu faire danser la femme du grand pacha ? Comment vas-tu faire danser la femme du gouverneur si tu te retrouves en représentation de la France dans un pays étranger ? Crois-tu que ton boulot va s'arrêter à branler un manche ? Et bien, non ! Et puis le jour de ton mariage, qui va ouvrir le bal, ton père ?

- Je ne me marierai jamais. Et mon père s’il vient à mon mariage, je le bute.

- Ouais, ça, c'est encore à voir. En tout cas, là, si avant la fin de cet heure tu n'es pas allé demander à Mamie de t'apprendre à danser, tu es consigné dans ta chambre jusqu'à la fin des vacances et tu passeras les suivantes chez les Cohen à bosser avec Francis. C'est bien compris ? Je ne réponds rien. Danser, j'en ai pas envie. Danser c'est ridicule. Il n'a pas le droit de me forcer. Oh, oh ? As-tu bien compris ?

Buté, je fixe le sol. 

- Oui. Mais, je ne me marierai jamais.

- Tu feras ce que tu voudras. En attendant, sache que les hommes qui plaisent le plus aux filles, ce sont ceux qui dansent le mieux.

Gna gna gna, Et les filles sont franchement chiantes.



Si, je suis retourné dans mon coin ce n'est plus pour bouder, enfin si, un peu. C'est pour observer.

Depuis que l'on est revenu Richard passe les disques en revu, puis finalement en sort un, qu'il va montrer à Rémy.

La musique s'arrête, Papapa prépare le disque sur l'appareil. 

Rémy et Richard sont allés prendre les mains de leur femme respective et se sont positionnés chacun à un bout de la salle. Mammema, elle, a réuni les filles et les a entassées autour de moi.

La musique commence, c'est un tango.

Les deux couples s'élancent. Wahoo, qu'ils dansent bien. Ils se rejoignent au centre et les deux sœurs changent de partenaires puis s'éloignent jusqu'en bout de salle pour revenir au centre où elles retrouvent leur mari respectif. La danse finit non pas sur un classique renversé mais sur un long baiser langoureux qui fait hurler les filles.

- Pouah ! Beurk ! Dégoûtant ! Stop réservez ça à votre chambre !

Moi, je suis jaloux.

- Voilà, c'est comme ça que l'on a ouvert le bal à notre mariage.

Richard me fait un clin d'œil, Rémy fait la grimace.

- On était encore beaux et jeunes.

- Vous êtes toujours beaux.

Pourquoi j'ai dit ça moi ? Maintenant j'ai envie de disparaître dans un trou de souris car tout le monde rit autour de moi. Oh et puis zut, ce n’est que la vérité. En même temps, je suis triste, j'ai jamais connu de couples comme eux, avant. Je ne leur ressemblerai jamais.

Je passe sous la table pour m'enfuir à l'étage. Je m'enferme dans ma chambre et me réfugie sous ma couette, mort de honte.

Les filles ont trop de chance d'avoir des parents comme eux.



- Robert, ouvre-moi. Gisou essaie d'ouvrir la porte mais je me suis assis derrière en l’entendant monter et l'en empêche. Allez, laisse-moi entrer. Ne fais pas ton caractère de cochon.

J'essuie mon visage avec mon tee-shirt. Je ne veux pas qu'elle voit que j'ai pleuré.

Elle ne me laisse pas le temps de m'éloigner et me serre contre elle.

- Poussin qu'est-ce qui t'arrive ? Un jour, toi aussi, tu danseras avec une jolie fille. En tout cas, tu nous as fait très plaisir à Sylvie et moi. Du coup Papy et Mamie sont jaloux et veulent te montrer qu'eux aussi savent bien danser. Maintenant, viens, descends, je veux danser avec toi.

Je la repousse sans douceur.

- Non, je ne sais pas danser.

- Oh ça, ce n’est pas bien grave, je vais t'apprendre. Elle ferme la porte puis me prend par la taille. Mets tes mains là, voilà. Maintenant, comptes, tu verras ce n'est pas sorcier du tout. Non, c'est toi le garçon, c'est toi qui doit mener.

Je la repousse encore.

- Non, je n'y arriverai jamais !

- Tu arrives à marcher au pas ? Oui ? Alors, tu apprendras à danser. Aller, recommençons.



Quand nous redescendons, Véro danse avec son père et Isabelle avec son grand-père. Rémy lui, fait tourner Maïté alors que les jumelles se partagent Mammema et Sylvie. Elles sont presque aussi douées que leurs mères. J'ai honte, je veux faire marche arrière mais Gisou m'en empêche et me force à danser avec elle. Je m’emmêle les pinceaux, je lui marche sur les pieds. Je suis rouge de honte surtout qu’une jumelle se met à rire. J'entends juste le bruit d'une claque. 

Mammema remplace Gisou devant moi. Il faut que j'y arrive ! Je ferme les yeux et reste immobile, je dois arriver à me calmer et penser à tout ce que m'a dit Gisou. Je dessine dans ma tête le trajet que mes pieds doivent suivre. Je mène donc c'est à elle de me suivre et non à moi de faire attention à elle.

J'ouvre les yeux. Je suis presque aussi grand que Mamie. Je lui souris. Richard change de disque, j'attends. Je le regarde commencer avec Gisou. Rémy lui danse avec une des jumelles. Et Papy avec Sylvie. Bon, et bien puisqu'il le faut... Je ne regarde pas mes pieds, sinon je vais encore m'embrouiller.

- Bravo, voilà, tu vois tu commences à y arriver. Je suis sûre qu’avec un peu d’entraînement, tu y arriveras aussi bien que nous.

Je rougis, j'y suis plus ou moins arrivé mais jamais , non jamais je ne les égalerai et je suis content d'être en chaussettes sinon les pieds de Mammema seraient de la marmelade.

Coco veut danser avec moi. Avec elle, c'est plus simple, je la porte.




A  vingt-deux heures, j'embrasse Gisou pour lui dire bonsoir avant de monter dans la chambre.

- Merci et désolé pour mon mauvais caractère.

Elle ne dit rien mais son sourire est moqueur et je me sens rougir. J'ai honte, j'ai encore pas mal de boulot devant moi pour qu'elle ne puisse plus se moquer de moi.




1 avion

Publicité
Publicité
19 mars 2010

Robert Mercredi 5 février 1976 des araignées

Robert Mercredi 5 février 1976 des araignées



Oh que c'est cool de se réveiller dans sa propre chambre, pas de copain, pas de fille, pas de parents.

Normalement jusqu'à mes dix-huit ans, elle sera ma chambre, rien qu'à moi.

Je ne me lève pas de suite, je savoure.

Elle fait dix fois la taille de ma chambre à Munster.

Dans ma tête, j'imagine comment j’aimerais la décorer, l'aménager. Je la vois avec des bibliothèques pleines de livres.

Mais... j'en ferai quoi à dix-huit ans de tous ces livres ?

Cette pensée me mine le moral.

Me viens alors à l’esprit que je n’ai rien à moi vraiment, même mes fringues, soit je devrai les rendre à l’école, soit à eux car elles appartenaient avant aux paters. 

J’ai comme une boule dans la gorge et dans le ventre. Je rentre ma tête sous la couette. Roulé en boule j’essaie de penser à autre chose.

Tiens, quelqu'un m'a fermé les volets.

Pas cool, je dois, soit aller les ouvrir, soit aller allumer la lumière avant de pouvoir enfiler quoique ce soit et il fait froid. Et là, je repense à avant, à Munster, chez les parents, lorsque je devais monter le soir tout nu me coucher sous ma couette glaciale et le matin, sortir tout chaud de dessous mon duvet et descendre pieds nus l'escalier de pierre pour vite m'habiller en bas.

Je devine qui est venu pendant que je dormais. Les vêtements sur ma chaise ne sont plus les mêmes qu'hier.

C'est un verrou qu'il faudrait à ma porte. 

Dehors, la neige a remplacé la pluie. 




Toute la journée, je fais suer les filles avec le fait que moi, j’ai une chambre rien que pour moi et pas elles, donc qu’elles sont désormais les "bébés".

C'est Papapa qui craque le premier.

- Richard, Rémy, vous montez avec moi ? On a un lit à remettre à sa place !

Je suis couché par terre, à lire devant la cheminée, je me relève aussi sec pour leur emboîter le pas. Sylvie me force à retourner lire. Je subis en silence les moqueries des filles. Pour le coup, maintenant, c’est moi qui tire la gueule. Bon, je l’ai bien mérité. Ils font plein de bruits à l’étage, puis redescendent et la soirée continue. On me propose une partie de Risk, de Monopoly, je refuse poliment.

Papapa m’oblige à jouer aux échecs. Après un échec et mat qui le fout en rogne, je le fuis et me replonge dans mon livre.

- Papa, c’est quoi cette petite boîte ?

- Ah, celle-là, Mathilde surtout n’y touche pas ! Je l’ai trouvée sur le lit de Robert. Je ne sais même pas pourquoi je l’ai descendue. J’ai dû le faire machinalement.

Je regarde Rémy. Une boîte ? Quelle boîte ? Je n’ai pas mis de petite boîte sur mon lit. Je vais jusqu’à la table. C’est une boîte d’allumettes. Pourquoi et comment aurais-je eu une boîte d’allumettes ? Je la secoue, elle semble vide. J’aurais dû me méfier, surtout qu’il n’y a plus un bruit dans la pièce. La boîte à la main, la secouant toujours, je retourne au rocking-chair où j’ai laissé mon livre.

- Rémy, vous l'avez vraiment trouvée sur mon lit ?

- Qu'insinue-tu par  là ?

- Non, rien !

Je m’assois et la pose sur ma cuisse pour l’ouvrir de la main droite la tenant avec le coude gauche. Une flopée de mes petites bêtes chéries en sortent, certaines grosses comme ma paume. Je hurle, le fauteuil se renverse avec moi dedans. Je me redresse en me secouant. Je danse la gigue. Gisou est la première sur moi.

- Là, calme-toi ! Tu n’en as plus ! Pour me forcer à me calmer, elle me serre de force contre elle. Les autres sont tous morts de rire. Elle les fixe furieuse contre eux. Vous n’êtes que des crétins, il aurait pu se tuer. Richard, et toi aussi Rémy, vous me le paierez, je vous le promets. Franchement, quand est-ce que vous deviendrez adultes ! Allez, viens, montons. Je fais mine de m’arrêter au premier. Ta chambre n’est pas là-haut ? Je comprends alors que je me suis fait avoir comme un bleu. J’ai d’autant plus honte. Dans la chambre, rien n’a bougé. Allez, couche-toi et calme-toi. Demain, ça ira mieux.

- Demain, je veux rentrer sur Aix !

Elle sourit et, me tenant par le menton, elle me force à la regarder.

- Non, demain sera un autre jour. Ils ont été crétins, mais toi aussi.

- Ce n’est pas de ma faute si je ne supporte pas ces sales bêtes.

- Oui, peut-être, mais je pense à ta conduite de cet après-midi avec les filles. Honnêtement, je ne comprends pas comment elles ont fait pour se retenir de ne pas te sauter dessus au moins trois ou quatre fois, et franchement, je ne le leur aurais pas reproché. Tu as été infect. Je crois que c’est l’aventure de Mathilde qui les a freinées. Tu comprends ce que j’essaye de te dire ? Je hoche la tête. Je me sens encore plus bête. Tu as besoin d’aide pour te préparer ? Je secoue la tête. Alors, bonne nuit, mon garçon.

Elle m’embrasse puis sort.

Je suis content d’être seul, mais je fais tellement de cauchemars cette nuit-là que Richard monte au moins trois fois voir pourquoi je crie. Le matin, Rémy me demande si mon copain de chambre arrive à dormir avec moi comme voisin. En y réfléchissant, cela fait des siècles que je n’en ai plus fait. Mais là, ma nuit a été peuplée de grosses bêtes velues, enfermées avec moi dans une toute petite pièce noire dont je voulais sortir mais personne ne venait m’ouvrir. Je le lui raconte.

- Ton père, il t’enfermait souvent de cette façon quand tu étais petit ?

Je regarde Richard, surpris.

- Oui, lorsque j’étais tout petit, jusqu’à ce que je sache ouvrir la porte. 

18 mars 2010

Robert Mardi 4 février 1976 une chambre sans araignées

Robert Mardi 4 février 1976 une chambre sans araignée

 

D’habitude quand les parents se lèvent, soit ça ne me réveille même pas, soit je me planque sous ma couette, histoire qu’ils m’oublient.

Mais ce matin, c’est une toute autre histoire, j’ai une chambre à m’occuper. En plus j’y ai pensé toute la nuit. Je me suis même disputé avec moi-même. Si, si, je suis assez barré pour y arriver. A vue de nez, je dirais qu’elle mesure trois mètres sur six mais mon autre moi, disait qu’elle était beaucoup, beaucoup, beaucoup plus grande. Et j’avais envie de taper sur cet autre moi débile. Bref, voilà, quand je vous dis que je suis barge . 

Donc quand je commence à les entendre discuter en chuchotant, je me lève vite, je rafle toutes les fringues sur “ma” chaise et je descends.

En bas, il y a déjà les grand-parents.

Je m’habille vite sur le canapé en face de la cheminée, avant d’aller les voir.

- Bonjour, avez-vous bien endormi ?

Si la grand-mère me sourit, lui, il fronce les sourcils.

- Tu es bien matinal et bien poli, serais-tu souffrant.

- Non monsieur, je suis toujours poli.

Elle s’est levée et je sens sa main tenter de recoiffer mes épis.

- Il a raison Raoul, cet enfant est toujours poli.

- Hum, les autres matins, soit il s’est déjà battu avec au moins une des filles, soit il ne daigne venir dire bonjour qu’après s’être d’abord rempli le bec dans la cuisine.

J’ai d’abord envie de lui clouer son bec à lui, mais je me retiens. Tant que je n’aurais pas ma chambre rien qu’à moi, je serai un ange, je supporterai même les piques de Véro avec le sourire. Mais après…

Ce qu’il y a de bien d’arriver en premier, c’est que c’est pas à toi de dire bonjour c’est aux autres de le faire.

Richard m'énerve, il me prend pour une de ses filles, il me fait pareil qu’à elle. Il me claque une bise en me faisant des chatouilles. Je déteste ça… et j’suis plus un bébé !

Quant à Gisou, elle fait comme la vieille, elle tripatouille mes cheveux, mais elles ont quoi avec mes tifs ? Et Sylvie va faire pareil.

- As-tu un peigne ?

Quoi ? Moi ? Un peigne ? Et à quoi il me servirait ? Même petit quand j’avais les cheveux longs, je ne me suis jamais coiffé, je secouais la tête et… ça suffisait !

- Non, pas besoin !

- Voilà ma fille, pourquoi se coifferait-il ? 

Pourquoi il se marre  le grand-père ? 

Ho hé  ! Non ! Le retour de la grand-mère sur ma tête, j’ai fini de manger. J’essaie de m’échapper mais rien à faire et en soupirant je subis le peignage en règle, le visage tenu d’une main.

Je me débarrasse d’elle, puis je viens voir le grand-père et… avec un grand, un très sourire et une voix mielleuse, la main droite dans le dos, doigts croisés, l’angelot total même la coiffure.

- Papapa, quand monterons-nous, nous occuper de la chambre ?

Il fume dans son fauteuil devant la fenêtre. 

- Alors mon petit gars, mon fils a dit qu’il s’en occuperait donc ce n’est pas à moi que tu dois le demander.

Derrière moi la voix du colon se fait entendre puis celle de Gisou. 

- Tu me laisses finir de déjeuner et on s’en occupe mais tu devras mettre une paire de chaussettes et de chaussures.

Chaussettes donc hop, direction la chambre !

- Robert, tu restes ici ! Je m’arrête en bas des escaliers me demandant ce que j’ai bien pu faire de mal. Richard, tu te débrouilles avec ton frère, mais ce gamin n’est pas en état de faire de gros travaux.

Quoi ? Hé non mais qu’est-ce qu’elle raconte, je suis en pleine forme moi.  Je fais demi-tour et redescends sur la première marche. Je vois le colon lever les yeux au ciel.

- Gisèle n’exagère pas, tout de même, il ne va pas avoir à manier la truelle ou soulever des sacs de ciment. Il va juste devoir passer l’aspirateur et se servir d’un torchon et d’une serpillière, ça ne va pas le tuer.

- Et bien s’il ne s’agit que de ça, je vais le faire moi.

Je sursaute comme toutes les autres personnes présentes lorsque le colon plaque ses deux mains à plat sur la table puis se lève et se dirige vers moi.

- Non Gisèle ça suffit ! Je ne suis pas d’accord, il s’agit de sa future chambre, c’est à lui de s’en occuper ! Il me fait faire demi-tour puis me fait signe de monter. A nous deux bonhomme !



L’escalier ça va, les mutter le nettoient et le couloir aussi. Par contre la chambre c’est une autre histoire. Sa porte n’a pas été ouverte depuis au moins une cinquantaine d’années.

Et ma première épreuve est d’arriver jusqu’à la fenêtre et de l’ouvrir. 

La pièce n’est éclairée que par la lumière provenant de la petite fenêtre au bout du couloir et par les fentes des très vieux volets en plein bois que le temps a écorché en de multiples endroits. Je ne vois pas où je mets les pieds et parfois j’ai l’impression de marcher sur de petits morceaux de pain dur et le bruit me dégoûte. 

Richard est derrière moi. Il m’observe trente secondes, puis me double pour l’ouvrir lui-même ainsi que les volets.

- Tu as peur de quoi ?

Je fais signe que c’est sans importance.

- De rien, pourquoi ?

Juste à ce moment-là, un de ces immondes trucs plein de pattes se met à courir sur le mur à côté de moi. Je suis d’un bond hors de la pièce. Richard a un large sourire mi-moqueur, mi-étonné .

- Non, ne me dis pas que tu as la phobie des insectes ?

J’ai honte, tellement honte. Je dois me battre pour résister à l’envie de redescendre et d’aller me jeter dans le puits. Debout dans le couloir, je fixe le sol de la pièce où je ne vois rien d’autre que de la poussière. 

Il passe à côté de moi sans un mot et va chercher l’aspirateur du premier étage.

- Il faudra en acheter un pour cet étage si on commence à y ouvrir des chambres. Ces engins pèsent une tonne, trop pour te laisser ou laisser les femmes les monter ou les descendre tous les jours.

Une fois branché, il me tend le tuyau de l’aspirateur. Je le saisis mais reste sans bouger.

- Je te laisse, je ne pense pas que t’ai besoin de moi pour ça. Quand tu auras fini, descends demander à Mammema ce dont tu as besoin pour la suite.

Bientôt je suis seul avec ma peur.

Du pied, je mets en route la grosse bête qui va manger toutes les petites qui m’effraie tant.

Je progresse petit à petit en terrain hostile. De toute façon si je veux pouvoir y dormir je n’ai pas le choix. Mais j’ai toutes les trente secondes l’impression qu’une de ces bestioles me tombe dessus. 

J’ai presque fini mais je dois m’arrêter tellement je suis sur les nerfs.

 Il pleut, mais je sors tout de même dans la cour, je vais m’appuyer à la margelle du puits. 

Sylvie, qui est seule dans la cuisine, me voit passer et me suit avec un parapluie.

- Robert ? Où vas-tu ? Tu n’as pas l’air d’être bien, tu es tout blanc ? Tu es sûr que ton bras ne te fait pas mal ?

- Non, non, je vais bien… 

Elle vient mettre le parapluie au-dessus de moi.

- Donc maintenant tu comptes faire fondre ton plâtre  ? Cette idée me fait sourire. Ah ! je préfère ça, mais tu es franchement très pâle. Dis-moi ce qui t’arrive, que je t’aide, si je peux. Tu es sûr que tu n’as pas mal ?

- Non c’est bon, merci. Ça pue là-haut, j’avais juste besoin de prendre un peu l’air. Vous pourriez me donner ce qu’il me faut pour nettoyer après avoir fini l’aspirateur.

Je rentre avec elle puis remonte.

A midi, la pièce est nickel.

Suis pas peu fier de moi, j’ai tout fait tout seul.

 

 Les autres sont déjà à table. Je vais me laver les mains.

Gisou vient derrière moi.

- Attends, je t’aide !

Elle s’est armée d’un gant de toilette et, comme un tout petit bébé, je dois subir un lavage de la figure et du cou. Elle m’enlève le pull et m’aide à en enfiler un autre. Je râle... pour le principe.

C’est là que je vois Mathilde venir dans la cuisine chercher de l’eau. Derrière son pansement, une grande partie de son visage a pris une couleur violette. Cela s’étend en ailes de papillon sur les deux joues. J’ai envie d’aller la voir, de m’excuser, de lui dire quelque chose de gentil, mais cela reste bloqué au fond de ma gorge. Si nous étions seuls, peut-être ! Mais devant tout le monde, ah ça non, c’est au-dessus de mes forces.

Nos regards se croisent, c’est elle qui détourne le sien en premier.

Gisou m’emmène à table.



Dans l'après-midi, Richard et Rémy déménagent un lit dans ma nouvelle chambre alors que je suis encore en train de passer un liquide sur les murs en bois. 

Rémy revient avec une échelle et d’autres chiffons ainsi qu’une autre bouteille du produit puis sans un mot commence comme moi à en enduire les murs.

- Arrête de  m’admirer gamin sinon nous n’aurons pas fini ce soir.

 

Dès que nous avons fini et redescendu au mutter, les chiffons et les bouteilles vides, j’y monte mon sac de vêtements. Je n'ai pas encore d'armoire, il faudra qu'on en prenne une du garage, qu'on la nettoie et qu'on la monte. Mais ça risque d'attendre les vacances de Pâques, qu'il ne pleuve plus autant. Pareil pour une table ou un bureau. Je n'ose leur dire que je rêve aussi d'un gros fauteuil devant la fenêtre pour pouvoir lire tranquille.

Mais je suis heureux, maintenant je suis sûr d’une chose : aux prochaines vacances je viendrai de nouveau avec eux. Et puis Rémy m’a agréablement surpris.



Après manger, je n'ai qu'une envie : monter me coucher.

En guise de table de chevet, j'ai remonté une chaise qui me servira aussi pour y ranger mes vêtements le soir. J'y pose mon livre car je n'ai pas envie de lire et j'éteins vite la lumière.

Il y fait froid, très froid mais je m'en fous. Je me suis réfugié sous ma couette. Froide mais qui sent si bon. Tout comme les murs. Alors comme un jeune chiot, je me roule en boule, serrant bien la couette autour de moi tel un cocon protecteur.



Je n'ai pas fermé les volets. La lune, juste en face de la fenêtre, est un tout petit croissant. Je la fixe, je lui dis merci. Pourquoi à elle ? Je ne sais pas, j’ai besoin de le dire à quelqu’un.



D’un coup je me relève et m’agenouille à côté du lit.

- Merci Seigneur, de me permettre de rester avec eux, car pour cela je suis prêt à tout. Même à renoncer à tous mes rêves. Amen.








17 mars 2010

Robert lundi 3 février 1976 vacances 2

Robert lundi 3 février 1976 vacances 2



A midi, lorsque les jumelles voyant qu’ils allaient passer à table, décidèrent sans demander à personne de venir me réveiller.

Je suis à nouveau dans le lit des parents.

Ils ont une très grande couette. Elles me l’enlèvent.

Je me réveille complètement dans le pâté, assommé par les cachets contre la douleur, je veux me défendre mais j’ai oublié mon plâtre. Une des jumelles le prend en pleine figure et moi, je tombe du lit.

Lorsque les trois hommes arrivent, je suis sur le dos tenant comme je peux le plâtre entièrement fendu sur toute sa longueur. Quant à la jumelle, elle pleure aussi de l’autre côté du lit, ses mains devant son visage. Richard et Papy doivent retenir Rémy qui menace de me frapper. 

Du coup nous voilà de retour aux urgences, juste Sylvie pour Mathilde et Gisou pour moi .

Nous revenons vers dix-sept heures.  

J’ai un nouveau plâtre, et Mathilde, un beau pansement sur le nez. Cette fois, nous n’avons pas droit à du gâteau. Rémy semble calmé mais j'évite tout de même de passer trop près de lui.

Mammema prend sa petite fille dans ses bras le regard fixé sur moi qui me suis arrêté juste après la porte de la cuisine.

- Vous savez quoi, les gamins ? Nous aimerions passer des vacances sans disputes, sans bleus ni bosses et encore moins de passages aux urgences. Vous croyez que vous y arriverez ?

L’autre jumelle me montre de la main.

- C’est depuis qu’il est là, lui !

Ah ça, avant, elles n’avaient personne à emmerder.

- Hé, je dormais, vous êtes venues pour me violer.

Les adultes ne me croient pas et se moquent de moi.

- Fiston, tu n’en fais pas un peu trop, là ?

- Non Rémy, vos filles étaient en train de me tirer mon pantalon de pyjama.

- Même pas vrai, papa ! Marthe disparaît dans les escaliers et Mathilde, devant son père, n’en mène pas large. C’est vrai papa, je te jure, on voulait juste le réveiller pour qu’il vienne manger avec nous. On lui a juste enlevé la couette et... et... Voilà, c’est tout !

Ah quand même ! Maintenant les vieux ils ne rient plus.

- File là-haut jusqu’au repas avec ta sœur, nous en reparlerons. Au fait Richard, pourquoi est-il encore dans votre lit, lui ?

Le fait de continuer à dormir dans leur chambre me dérange aussi, il me faut l'avouer, alors j'ai une idée.

- Je peux dire ce que "lui", il voudrait ?

Rémy se tourne vers moi. Je fais prudemment un pas en arrière, je ne peux de toute façon pas reculer plus, je suis littéralement dos au mur, non dos au placard. Je me rappelle qu'il parlait de me tuer quelques heures auparavant..

- Dis toujours.

Je le fixe, j’hésite un peu. Mon regard passe des uns aux autres. 

- Justement, j’aimerais… Si je dois continuer à venir ici en vacances… J’hésite encore. J’espère ne pas me tromper. Avoir une chambre à moi où je dormirais seul.

Papapa n’est pas le seul à trouver l’idée excellente et il me propose de suite de nettoyer une des chambres inoccupées du second.

- Comme ça, il y en aura un qui sera occupé à quelque chose d’autre que de se taper dessus avec les jumelles ou Véro. Allez, viens avec moi fiston, tu vas d’abord choisir ta chambre.

Le deuxième étage est encore le royaume des araignées et autres joyeuses bestioles.

La répartition des pièces est grosso modo la même qu’au premier, sauf que là, il y a deux grands dortoirs et quatre minuscules chambres.

Sans hésiter, je choisis la première juste à côté de l’escalier. De toute façon, elles se ressemblent toutes.

- Et bien voilà ! On s'y mettra demain !





- Sur la table comme les autres ! Papapa m’enlève le livre des mains et me force à venir m’asseoir sur la chaise à côté de Marthe, puis pose mon sac devant moi. Tu liras quand tu auras fait une heure de travail comme les autres, c’est le minimum syndical, tu le sais.

À peine s’est-il éloigné que, traînant mon sac, je vais m’asseoir sur la chaise en bout de table, à l’opposé des filles à quatre mètres d’elles.

D’abord je me méfie d’elles. 

JEt ensuite j’ai besoin d’espace car j’ai toujours et encore ce putain de dessin à faire pour le cours de science appliquée. J’ouvre ma feuille et sors mon matos. Dans ma tête c’est simple, puis vient le moment de le mettre à plat et là…

Plus un bruit, je lève la tête. Elles me regardent toutes.

- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? En face de moi, Véro fait des grimaces en tirant la langue, fermant un œil, se tortille. Trop facile facile de se moquer d’un handicapé…

Elle se met à rire.

- Ouais handicapé du cerveau !

- Bouffonne !

- Débilos !

- Amoindrie du cervelet !

- Espèce de gnome

- Grognasses !

- Ça suffit ! Papapa lève de son fauteuil. Robert et Véronique, vous n’êtes pas là pour vous faire des compliments mais pour travailler. Si je vous entends encore, je vous dicterai Hernani jusqu’à l’heure du repas.

Marthe, le stylo dans la bouche, le fixe pensive.

- Pourquoi Hernani, Papy ?

- Parce-que, tu préfères autre chose ?

Maï prend le relais

- Non, mais t’as pas répondu à ma question.

- Maïté, veux-tu commencer avant les autres ?

- Non, c’est bon mais t’es pas cool !

- Je n’ai pas à être cool, je suis ton grand-père.

- Bin tu pourrais être un grand-père cool.

- Maïté ?

Pour une fois que ce n’est pas moi qui l’énerve, chacun son tour. 

- Mais Papy !

- Bon alors allons-y, prends ton cahier de brouillon. Il sort un vieux petit livre souple et marron de sa poche. Je commence avec toi.

Maï souffle mais se penche à nouveau sur son cahier.

- Non, c’est bon, c’est bon… Papy rejoint son fauteuil. Mais c’est vrai que t’es pas cool !

Oups ! Le mot de trop, il est de nouveau debout, l’œil méchant. Moi, comme les autres, on explose de rire.

- Cahier de brouillon pour tous !

Ah non ! Moi, j’ai mon dessin à faire et j’en chie assez comme ça. Mais je le surveille tout de même. Là, il tourne autour des filles, j’ai la paix pour un moment.

Malheureusement, il les abandonne pour me rejoindre. 

Il pousse mon sac et s’assied à côté de moi, les bras croisés sur la table, à observer ce que je fais. Je m’arrête et le fixe. Ai-je le droit de lui dire qu’il me déconcentre. En face Véro et les jumelles, me copient ou imitent Papapa. Que c’est bête une fille !

Brusquement il tape sur la table en les regardant et… me fait sursauter. Ma règle glisse.

- Hé c’est pas cool !

En face de moi, sept éclats de rire. Oups ! Je baisse la tête mais j’ai envie de rire aussi. Je n'ai pas fait exprès en plus mais il ne me croira jamais.

Il fouille mon sac. Hé non ! Ouvre chaque livre, chaque cahier… mon journal… il le referme sans plus. Mon carnet de correspondance. Ouverture au hasard, mes notes de décembre, de janvier. Revient en arrière, puis se met à rire.

- Oh bin ça, Richard, il l’a vu ?

Je secoue la tête sans le regarder. Il lit mes annotations sur le règlement de l’école et ça a l’air de le mettre en joie.

Moi, non. Même si… j’estime... qu’elles sont justes.

Justement, l'intéressé arrive. Oh non ! Richard vient poser ses mains sur ses épaules.

- Alors Papa, ça travaille ? Si tu veux aller faire la sieste à ton tour et rejoindre maman, moi j’ai fini la mienne je prends le relais.

Papapa se lève avec toujours dans ses mains mon carnet.

- Tu as pu dormir un peu ?

Je ne comprends pas leur clin d’œil et leur amusement.

- Nous dormir ? Tu rêves ?

Papapa lui tend mon carnet. J’aimerais disparaître.

- Tu as vu l’œuvre littéraire de ton animal ?

- Oui, hélas ! Quoi ? Je le regarde stupéfait, il a lu mon carnet ? Mais je ne lui ai jamais passé. Écoutes, il veut qu’on soit plus sévère ou plus cool selon, j’en ai pris bonne note, et d’ailleurs ça lui a déjà valu des points en moins sur sa moyenne pour le premier trimestre. Il me fixe. Et oui garçon, sans cette bêtise tu serais passé devant Nevière. C’est ballot n’est-ce pas ?




16 mars 2010

Robert Dimanche 2 février 1976 vacances 1

Robert Dimanche 2 février 1976 vacances 1



- Debout là dedans !

Joignant le geste à la parole, couverture et drap volent et je me fais mettre debout, enfin, heureusement qu’il ne m’a pas lâché sinon, je me mangeais le sol.

Je vois presque le moment où il va me traîner à moitié habillé dans le lycée, mais il se contente de me houspiller en tournant en rond dans la chambre.

Hier, j’ai déjà donné mon sac de linges sales, il ne reste plus que les draps, qu’il fourre lui-même dans mon sac qu’il saisit aussi sec et j’arrive à la voiture traîné par lui, les lacets non attachés, chemise et cravate juste enfilées, pull et blouson à la main.

Là, je réalise que j’ai oublié mon sac de cours. Je me retourne et pars en courant, lâchant tout dans le coffre ouvert.

En bas du bâtiment des dortoirs, un de mes lacets se prend sous la porte. Je tombe lourdement sur les premières marches d’escaliers. Je monte prendre mon sac, mais j’ai mal au bras gauche.

A mon retour, Richard, qui m’a suivi à la porte, me saisit par ce même bras. Je ne peux m’empêcher de crier.

- Qu’est-ce qu’il t’arrive encore ?

Il me lâche mais me regarde énervé.

- Je suis tombé et je me suis fait mal, je suis désolé !

Il soupire, je l’épuise déjà, on est mal parti, là.

- Bon et bien, nous verrons dans les Alpes.

Je monte à ma place à l’arrière.

Peu de temps après, Fanfan me donne un coup dans le bras. Je ne peux étouffer un cri.

- Maman, Robert y pleure.

Je réfute son accusation de rechef.

- Même pas vrai !

Gsou se tourne et je me plonge dans l’observation assidue du paysage qui défile.

- Richard, tu t’arrêtes à la prochaine aire.

Il a l’air ravi.

- Nous n’y arriverons jamais à ce rythme !

Sur l’aire d’autoroute, Gisou me force à sortir. Lorsqu’elle m’ausculte le poignet, je serre les dents.

- Richard, nous ne serons pas ce soir au chalet, je te le confirme. Il a au minimum une entorse. Tu t’es fait ça comment ?

Richard sort de la voiture et vient vers moi. Il a l’air tellement énervé que je recule devant lui et balbutie.

- Suis désolé, vous ne m’avez pas laissé le temps de lacer mes souliers, je suis tombé dans les escaliers.

Gisou s’interpose entre nous.

- Richard, laisse-nous. Il la regarde, surpris, hausse les épaules et se dirige vers les sanitaires. Toi, viens : tu vas t’asseoir devant, je vais monter à l’arrière.

Nous repartons. J’ai mal, mais c’est supportable. Je me colle à la porte, tenant mon bras avec ma main droite.

- Tu as si mal que ça ?

Richard semble moins énervé, maintenant, plutôt inquiet.

- Non, non, c’est bon, ça commence à passer.

Contrairement à d’habitude je n’arrive pas à dormir. Je ne tiens pas en place sur mon siège.

Vers Lyon, nous nous arrêtons pour manger à l’aire habituelle. Je reste dans la voiture. Gisou me passe mes sandwichs.

- En tout cas, son poignet douloureux ne lui a pas coupé l’appétit.

Il peut se moquer, j’ai toujours mal, mais je ne veux plus m’en plaindre. Richard me force, comme les filles, à aller pisser avant qu’on ne reparte : il ne veut plus d’arrêt avant le chalet. À mon retour, Gisou veut encore voir mon bras, je m’énerve et refuse en l’agitant en tout sens.

- Non c’est bon, j’ai rien. Ça va déjà mieux. 

Richard s’interpose entre nous et me fait asseoir puis ferme lui-même ma porte.

- Gisèle, on arrive bientôt. Laisse tomber, de toute façon, là on ne peut rien faire.

Au lavabo, j’ai remonté la manche de mon pull : à environ cinq centimètres au-dessus du poignet, j’ai une bosse, et le reste du bras a pris une teinte bleue.

Nous arrivons vers quatorze heures.

Les grands-parents sont déjà là. Je les embrasse en souriant, je laisse même en souriant Mammema me serrer contre elle, me recoiffer, comme si deux centimètres de poils crâniens pouvaient être coiffés… 

Mais Richard m’appelle et me tend deux sacs. Je ne peux m’empêcher de marquer un arrêt puis d’une main, de ma droite je fais mine de saisir les deux. 

- Alors maintenant, finis de me prendre pour un couillon,montre ton bras.

Papapa qui m’a suivi, ne comprend pas mais m’empêche de fuir lorsque Richard tente d’attraper mon bras et moi de l’esquiver.

- Non, j’ai rien…

Mon coude gauche percute Papapa qui est derrière moi et qui referme ses bras autour de moi. La douleur est fulgurante, je hurle, j’ai un haut le cœur, Richard s’éloigne sur le côté. Papapa me lâche et je m’écroule à genoux recroquevillé autour de ma douleur qui me transperce. 

- Mais qu’avez-vous donc encore fait à cette enfant ?

Mammema tente de me redresser, mais j’en suis incapable pendant un bon moment où elle et Gisou m’entourent de leurs tendresse et de leurs caresses. 

- Ce sont des brutes mais c’est lui le fautif, il refuse de nous montrer son bras et Richard avec sa douceur habituelle a dû vouloir le forcer et voilà ce que ça donne ces méthodes de soudards. Robert est tombé juste avant que l’on parte, encore une fois, si ce soudard ne l’avait pas rudoyé, on en serait pas là, n’est-ce pas ? Et donc, je pense qu’il a le bras cassé mais pour une raison que j’ignore il refuse de nous le montrer.

Mammema écarte sa belle-fille.

- Ça me rappelle hélas des souvenirs. Il est bien comme son père. Robert, poussin, relève-toi et montre-moi ton bras.

Dans les faits, c’est plus elles qui me remettent debout que moi qui me redresse mais bon nous dirons que je me relève et si Mammema me tient serré contre elle, Gisou en douceur réussi à regarder mon bras.

- Mamy je vais chercher les clefs de votre voiture, là, il n’y a plus à tortiller, c’est direction l’hôpital.

Mais je ne veux pas, tout sauf l’hosto. Je me débats et me dégage sans douceur de leurs bras.

- Non, non, je ne me plaindrai plus, faîtes-moi juste un gros pansement.

C’est leurs promesses de rester avec moi quoiqu’il arrive qui arrivent à me décider d’accepter.

Mais, est-ce les lacets montagneux, la douleur persistante, mes nerfs ou simplement les trois à fois qui force Mammema à s’arrêter pour me laisser sortir et décider Gisou à échanger de place avec moi en prenant ma place à l’arrière.

Aux urgences je recule devant l’infirmière qui veut me prendre le bras pour le regarder. Mammema se met derrière moi puis m’emmène avec elle, nous asseoir sur une des chaises de la salle d’attente. Là-bas au comptoir, Gisou s’entretient à voix basse avec l’infirmière de l’accueil qui plusieurs fois me regarde. Pourquoi ? Que lui raconte Gisou ?

Mammema assise à ma droite, me câline comme si j’étais un petit animal. La tête, le cou, le dos, sa main est douce mais j’ai un peu honte. Elle me parle, me chuchote de ces mots tendres de mère. D’abord je ne l’écoute pas, ne l’entends pas puis je me reprends. Je me redresse et la repousse… un peu.

- C’est bon Mammema, j’suis plus un bébé.

Elle sourit et ne me tient plus que la main en silence. Main que je dégage pour m’essuyer les yeux. Gisou revenue, me tend un mouchoir en papier.

- Ça va mieux ?

Mammema se moque gentiment de moi en répondant à ma place.

- Oui Gisou, ce n’est pas un bébé voyons.

J’évite de regarder Gisou qui s’assied à ma gauche, un peu en travers sur son siège, son sac sur ses genoux. Genoux qu’elle recouvre en arrangeant sa jupe juste avant de nettoyer les miens d’une main, essayant d’enlever la poussière des graviers du chalet. 

- Non mamie, bien sûr que non mais c’est le mien le nôtre, n’est-ce pas ?

Là, je lève la tête, la regarde pour lui répondre… je ne sais pas vraiment quoi, mais nier, nier être un bébé.

- Chut, ne va pas dire de bêtises. Son doigt sur mes lèvres, m’intime le silence, ses yeux rieurs contrastent avec son visage triste. Du revers de la main elle m’essuie sur la joue, je pense une humidité que je croyais disparue puis me sourit. Ils vont venir te chercher pour t’emmener faire une radio mais ne t’inquiète pas, quoiqu’il arrive je resterai avec toi. 

J’ai envie de jouer l’homme, de lui dire : “Non c’est bon, j’irai seul.” Mais je me tais et baisse le regard, ce serait tellement faux. Je ne veux pas y aller seul, rien que d’y penser, j’ai la nausée.



Le long des couloirs, elle me donne la main, refuse de me laisser entrer seul dans le tout petit vestiaire où elle m’aide à me mettre torse nu. Où, lorsque la porte vers la salle de radiologie s’ouvre, elle m’embrasse sur le front et je la vois s’asseoir sagement sur le petit banc.

 

- Ah oui, on ne peut pas louper que t’es un enfant battu, toi. Et ta famille d’accueil, ils sont gentils avec toi ? Quoi ? Je reste statufié devant l’infirmière qui soupire. Bon pose ton bras sur cette plaque. En tout cas tu ne t’es pas loupé ou est-ce eux qui t’ont frappé ?

- Non, non, j’suis tombé à l’école.

- Et pour ton dos, tu es tombé aussi ?

La femme me fait mal en le positionnant sur la sorte de lit. Je lui arrache des mains en poussant un cri puis je pense à celle qui a dû m’entendre et doit s’inquiéter. Je serre les dents. Elle, me faire du mal ? Elle, me blesser ? Non jamais !

-Vous êtes qui pour me parler comme ça ? Mon dos c’est mon père qui a essayé de me tuer et oui je suis tombé, vous entendez, je suis tombé et vous, vous êtes brutale et vous me faîtes mal !

De la salle vitrée mitoyenne, un infirmier sort et vient écarter la femme, puis se charge lui, en silence de s’occuper de moi. Alors même si j’ai mal, je prends sur moi.

 

Lorsqu’il ouvre la porte du petit vestiaire, Gisou se lève précipitamment, se jette presque sur moi, ses mains prennent possession de mon visage puis me serrent contre elle.

- Je t’ai entendu crier, tu as eu mal ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Ce n’est pas normal, que lui avez-vous dit ?

L’homme derrière moi s’excuse pour sa collègue, “maladroite” puis referme la porte sur nous.

Elle ne me met que ma chemise, renonce au tee shirt qu’elle gardera à la main et au pull qu’elle me pose sur les épaules. 

Sans un mot nous rejoignons Mammema qui a le droit de nous suivre dans le box lorsqu’ils viennent me chercher pour les soins.



- Et bien, tu en as de la chance d’avoir une maman si jolie, me glisse un des deux infirmiers en souriant.

Par contre ça ne m’empêche pas de gueuler même si j’avais pris la décision d’être fort… Lorsqu'à trois, aidés d’une infirmière, ils remettent les os en place. 

Et aucun n’arrive à empêcher Gisou de venir remplacer la jeune femme pendant tout le temps où ils me possent le plâtre. Et pour rien au monde j’aurais cédé la place à un autre, mon visage collé à elle, contre sa poitrine  où j’entends battre son cœur. Je me laisse bercer par cette musique et en oublierais presque où je suis.

Quand enfin, elle se recule je le regrette.

Cette fois on doit renoncer même à la chemise et elle m’enfile le pull dont elle a retourné la manche gauche à l’intérieur.

- Tu n’as pas trop mal ?

Bravement je dis non à Mamema mais je dois mal savoir mentir car elle refuse de sourire et à son tour m’entoure tendrement et m’embrasse.

- Et bien en voilà un, qui ne peut pas dire que sa mère et sa grand-mère ne l’aime pas.

Je rougis et fais oui de la tête. Il ne peut s’imaginer combien j’aurais aimé qu’elles soient vraiment ma mère et ma grand-mère et combien j’aurais aimé mériter cet amour que j’ai l’impression de voler.

 

Dans la voiture, Gisou essaie de savoir ce qui s’est passé dans la salle de radio mais je garde le silence et finit par renoncer. Jamais je ne lui dirai car je sais que cela lui ferait de la peine. 

Ils allaient passer à table lorsque nous arrivons au chalet. 

- Alors comment va le grand blessé ? Qui nous prive de la bonne cuisine de notre mère.

Sylvie qui est en train de servir n’est pas franchement ravie de ce qu’elle vient d’entendre.

- Et bien, monsieur mon très cher mari puisque ma cuisine ne vous convient pas, vous ferez disette jusqu’au prochain repas. 

Et elle enlève assiette, couverts et verre de devant Rémy qui se met à rire comme nous tous puis la suit jusqu’à dans la cuisine.

 

Papapa me fait signe de venir à lui.

- Alors ce bras ? Montre-nous un peu.

J’exhibe alors assez fièrement j’avoue, mon bras qu’un plâtre qui va presque jusqu’à l’épaule et à la moitié de mes phalanges, maintient plié.

- Ah oui tout de même. Papapa tape sur l’épaule de Richard goguenard. T’as réussi à faire plus fort que moi.

- Hé ! mais j’y suis pour rien, il s’est fait ça tout seul, comme un grand.

Gisou qui me forçait à remettre mon pull, se tourne vers lui.

- Richard, tu ne l’as certes pas poussé mais si tu avais eu ne serait-ce qu’un dixième de patience en plus, ce qui lui aurait permis de pouvoir lacer ses souliers, nous n’en serions pas là maintenant. Donc d’un certain côté c’est de ta faute. Et toi à table ! 

 

Lorsque, Rémy revient de la cuisine avec Sylvie. J’ai fini mon assiette de soupe et j’attaque avec bonheur mes coquillettes au fromage qui accompagnent une sorte de viande rouge en sauce.

Avant de s’asseoir, Sylvie passe derrière moi.

- Ça va mieux ton bras ?  

- Non, j’ai plus mal qu’avant mais comme je me régale avec ce que vous avez préparé, ça me le fait oublier.

J’ai alors droit à un baiser sur la joue.

- Tu vois Rémy, lui au moins il sait parler aux femmes.










Publicité
Publicité
15 mars 2010

Robert Samedi 1er février 1976 vacances 1

Robert Samedi 1 février 1976 vacances

 

Ce matin, lors du salut au drapeau quand passe le petit sixième, je crie :

- Prépa Sup, un absent.

Dernier jour avant les vacances et Clairaux est à l'infirmerie, hier il s'est mis à vomir et Lorient lui a fait passer la nuit à l'infirmerie.

Ce matin nous serrons tous les fesses, aucun de nous ne veut être malade.

Lorsque je suis passé devant lui pour aller au mess, il m'a fait sortir du rang .

- Après le repas de midi, tu ne restes pas pour le service, tu viens directement à l'appart, compris ?

- Oui mon colonel.

Vu son air sévère quelqu'un d'extérieur doit se demander pourquoi je me fais encore sermonner.

 

Je toque plusieurs fois sans obtenir de réponse.

J'hésite, je n'ose pas entrer.

Plusieurs fois, je redescends quelques marches pour les remonter de suite.

Et s'ils étaient tous dans une pièce du fond, peut-être ne m'entendent-ils pas ?

La porte n'est pas fermée à clef, c'est bon signe, ils ne sont pas partis en la laissant ouverte s'ils ne veulent pas que j'entre.

Une fois à l'intérieur, j'appelle sans obtenir plus de réponse. Un petit papier collé à la porte vitrée du salon attire mon attention : "Robert, nous avons du sortir, attends-nous sagement."

Le petit mot n'est pas signé mais à l'écriture, je devine que c'est celle de Gisou. Je le prends et tel un trésor ridicule, je le mets dans ma poche. Ainsi donc je suis seul.

Je m'inquiète un peu, pourquoi ont-ils ainsi tous, du partir sans exception ?

Je pousse la porte de la grande pièce qui sert de salon et de salle à manger quand je réalise que je ne me suis pas déchaussé. Dans ma tête, la voix de la maîtresse de maison, m'y invite. Elle n'aimerait pas, cela est sûr, me voir souiller le sol de son appartement avec mes gros godillots.

Mais que vais-je faire en les attendant ?

Tout d'abord, bien sage, je m'assois sur une chaise puis me lève pour regarder les photos posées sur le buffet ou suspendues dans de jolis cadres dorés.

Mes doigts caressent les titres des livres gainés de cuir de la bibliothèque. Je frissonne d'envie d'en prendre un pour le lire. Avec un tel ouvrage en main, on doit avoir l'impression d'être un grand personnage. Même dans les bibliothèques municipales ou celle de l'école, il n'en a pas de si beaux. Mais… je n'ose pas.

Face à la porte une grande table en bois verni qui brille avec au centre un énorme vase avec de gigantesque tournesols en papier que je trouve très moches et mal faits. Sous la feuille de l'un d'eaux, je lis : Isabelle Granier, grande section. Je comprends mieux.

Derrière la table, face à la baie vitrée, un grand canapé en cuir encadré par deux fauteuils assortis.

A côté de la baie vitrée, trois petites tables gigognes.

Au fond, derrière le canapé, un banc de musculation avec dessous bien alignées par ordre de tailles, des haltères. Je m'assieds sur le banc mais n'arrive à faire fonctionner aucun des appareils. Sûrement bloqués pour que les filles ne se fassent pas mal.

Je me décide enfin à sortir du salon et à en refermer la porte. Personne ne m'a autorisé à y pénétrer, peut-être seront-ils fâchés de m'y trouver ?

Mes yeux alors se portent sur les portes fermées des autres pièces que je ne connais pas encore. Je laisse ma curiosité l'emporter.

La première porte à côté, se révèle être celle d’un bureau. Sûrement celui de Richard, quoique, certaines touches féminines m'apprennent que Gisou l'utilise aussi.

Là aussi, des livres aux somptueuses couvertures de cuir. Ceux-ci, aux titres évocateurs n'ont pour sujet que la guerre ou l'art militaire. Je suis un peu déçu de ne pas pouvoir ouvrir les tiroirs, qu'aurais-je pu y découvrir ? Des annotations sur moi, ou d'autres élèves ?

La pièce suivante avec son grand lit ne peut qu'être la chambre des parents. Au chalet, Gisou dort à la place de gauche, je ne peux refréner mon envie d'aller poser ma joue sur son oreiller. Il sent bon son odeur. Je suis surpris de ne pas y trouver dessous sa chemise de nuit. J'ai honte alors de mon imagination en pensant qu'elle a du se doucher le matin même et la mettre à laver.

Cela me pousse à sortir rapidement.

Je dois m'efforcer de ne voir en elle qu'une mère d'adoption m'entourant d'un amour chaste de maman. Mais je ne suis pas habitué à la tendresse. La seule que je connaissais, était celle de Caths.

De penser à cette dernière me fait comparer les deux appartements. Celui des Lutz surchargés de bibelots, de lourds rideaux de velours et même si Mariette semblait perpétuellement en train de le ranger, il paraissait toujours être en désordre. Ici, il règne un ordre presque froid et militaire.

Je connais la salle de bain pour m'y être lavé les mains.

La chambre faisant face à celle des parents est la plus grande et apparemment celle des trois petites. Un lit superposé et un lit à barreaux que les peluches qu'ils contiennent m'indiquent leur propriétaire. Celui de Coco n'est pas fait et je me demande comment elle arrive encore à y tenir au milieu de toutes les poupées en tissus qui l'encombrent.

Cela me fait repenser à mon Jeannot, ce petit lapin en tissus informe que papa a mis à la poubelle lorsque je suis rentré en sixième. «Un homme ne dort pas avec une peluche.» Qu'est-ce que j'ai pu le pleurer mon Jeannot. Enfin, c'est loin tout ça, j'avais huit ans.

Dans la chambre suivante j'hésite,

Les deux lits parfaitement identiques sans signe distinctifs ne laissent aucun indice sur leur propriétaire. Isabelle est la plus grande, elle doit dormir en haut mais connaissant Véronique, j'en conclus que c'est plutôt le sien. Je soulève son oreiller pour découvrir un gros cahier enveloppé dans une pochette de cuir, fermée par un tout petit cadenas. Ma curiosité l'emporte. Sur le bureau un trombone me sert de clef. Sur les pages que je parcours plusieurs fois j'y trouve mon prénom. Cela me fit plaisir et m'ennuie.

Un bruit me fait sursauter, je le referme et le remets à sa place puis précipitamment retourne à l'entrée. Personne. Fausse alerte. Que faire ?

Dans la cuisine, la table m'offre de délicieuses tentations. Malgré le repas substantiel que je viens de prendre, je me permets de manger du fromage et de goûter au dessert. Puis comme pour camoufler mon crime, je débarrasse la table.

J'ouvre la porte du petit cagibi qui donne sur un petit balcon donnant sur le parking. Je m'y penche espérant les voir revenir.

Du linge y sèche. Surtout des sous-vêtements. Je trouve cette vue presque obscène sur l'instant puis je hausse les épaules. Suis-je donc bien idiot, aux dernières vacances au chalet, j'ai aidé Gisou à les étendre.

Je commence à m'ennuyer. Je décide donc de faire la vaisselle, histoire de m'occuper.

Je viens de finir et Richard me trouve en train de lire le Provençal, assis à la table de la cuisine.

- Hello garçon, ça va ? Désolé, tu ne t’es pas trop ennuyé ?

- Non, non, j'ai lu.

Je le vois sourire en voyant la table propre et la vaisselle sur l'évier.

- Oh oh Gisou, admire, il a fait le travail des filles.

Je m'empourpre, gêné.

Je vois Véronique enlever ses chaussures en les jetant d'un coup de pied rapide et filer dans sa chambre en disant qu'elle espère que je n'ai pas fouillé. Je vais réagir puis me tais, me rappelant les éternelles paroles de mon père : «un coupable clame toujours son innocence.»

Coco est la cause de leur absence. Elle est malade et ils l'ont emmenée aux urgences. Je la trouve pas du tout malade et je ne comprends pas pourquoi ils ont du tous y aller mais bon, j'accepte leurs explications ainsi que les bonbons que Yvy me donne, achetés pour moi spécialement. Récompense pour ma sagesse me dit Gisou. Je ne comprends pas, mais suis flatté par ce compliment qui me fait plaisir.

Mais bon n'importe quel compliment à mon égard venant d'elle me fait plaisir.

- Nous partirons demain matin tôt, donc soit prêt aux aurores.

- Oui mon colonel. Je grimace en réalisant ce que je viens de dire. Oui Richard.

 

 

 

 

 

14 mars 2010

Robert mercredi 14 janvier 1976 première fois

Robert mercredi 14 janvier 1976 première fois



Dimanche, Richard m’a annoncé qu’il m’a pris un rendez-vous chez un pédo psychiatre réputé sur Marseille à l’hôpital Sainte Marguerite.

- Tu dois y être à quinze heures donc nous partirons de suite après le repas. Mercredi à treize heures, je te veux dans mon bureau.

Il va sans dire qu’à l’heure dite, je suis planqué à l’opposé total de son bureau. Je ne veux pas y aller à son putain de rendez-vous.

C’est Gâche qui met la main sur moi dans l’atelier de chaudronnerie où le prof assez surpris m’a accepté.



Dans la 4L, je monte à l’arrière et me roule en boule sur le siège sans mettre la ceinture.

Il finit par s’arrêter sur le bord de la route.

Sorti sans douceur de l’habitacle et debout contre la voiture, je me fais secouer comme un prunier.

- Mais bordel, tu ne te rends pas compte que c’est pour ton avenir que je fais ça. Tes cauchemars, ta violence et certaines de tes réactions sont la preuve que tu dois te soigner pour guérir tes blessures. Car si physiquement tu vas bien, là-dedans. Il me toque sur le sommet du crâne comme s'il toquait à une porte. J’ai envie de lui dire :”Entrez !”. Et d’un autre côté, je ne suis pas d’humeur à plaisanter et encore moins à laisser qui que ce soit entrer dans mon cerveau. Il n’y a rien de régler. Alors si tu veux pouvoir devenir un jour officier et encore plus pilote, tu vas faire l’effort de te conduire en homme. 

Si je regardais mes pieds jusqu’à présent, là je lève mon regard vers lui. 

- Tiens, je croyais que je n’étais qu’un petit garçon ? 

Il soupire.

- Viens t’asseoir à l’avant. Il ferme la portière arrière et sans douceur me force à m’asseoir sur le siège passager où je m’affale plus que je ne m’y assieds. Attache-toi ! Dois-je le faire moi-même ?

Je souffle puis soupire à mon tour. Je clipse ma ceinture mais je garde mon regard fixe devant moi, les mâchoires serrées.

Ma portière claque faisant vibrer tout le léger véhicule.

Je ne peux m’empêcher de sourire en imaginant la voiture tomber en pièces comme la deux chevaux de Bourvil dans le film avec Louis de Funès.

Il redémarre et je m’aperçois que lui aussi sourit, je me demande à quoi il pense.



À l’accueil du service de pédopsychiatrie, il m’enlève le calot d’un geste énervé.

- Tiens-toi droit !

- J’veux aller aux toilettes.

Vu son regard, j’aurais dû me taire mais tant pis pour lui si je lui vomis sur les pompes.

La femme en blouse blanche qui vient d’arriver devant nous, me sourit. Il ferait bien de se décider. Mon haut le cœur les affole cette fois. Elle pose sa main sur mon épaule. J’ai un geste de rejet violent et je recule d’un pas puis me tourne pour me vider.

Il n’aurait pas dû m'emmener ici.

Je tremble. J’ai du mal à contenir mes larmes.

- Tu es malade ? Ce n’est pas grave ? Ça va mieux ?

Encore une fois, elle fait mine de me toucher, cette fois, je vais détaler mais il l’a prévu et me saisissant pas le bras, me plaque le dos contre lui.

- Voilà, pourquoi nous sommes là. Maintenant essaie de te calmer.

- Venez, vous mettre dans ce bureau, je préviens le docteur R… que vous êtes là.



Je ne suis pas mieux lorsque la femme revient nous chercher pour nous emmener dans un autre bureau où un homme en jeans, veste ouverte sur une chemise blanche fripée laissant voir des poils aussi bruns que ses yeux et que ses cheveux mal coiffés. L’homme aborde un grand sourire, serre la main du colon, puis me la tend. Je la lui serre aussi.

- La prochaine fois, veux-tu que l’on se voit ailleurs que dans le cadre de cet hôpital.

- Je ne veux pas d’autres fois.

- Bon ça c’est dit. Mon colonel, je vais vous demander de nous laisser seuls. Richard qui a toujours sa main sur mon épaule, la serre puis sort. J’entends la porte se fermer derrière moi. Tu peux t’asseoir si tu veux. Non je n’en ai pas envie. Debout derrière les deux petits fauteuils devant son bureau, je regarde fixement par la fenêtre. À l'extérieur, des petites montagnes grises de pierres, au-delà des toits de tuiles rouges. Alors, je sais que tu t’appelles Robert, Samuel, Adolphe Weissenbacher. Que tu es Alsacien. Tu arrives à supporter le Mistral lorsqu’il souffle comme aujourd’hui ?

Il parle, il parle, il parle. Mon cerveau l’entend, moi non, je suis là-bas… Sur la colline, je marche sur le sentier que je discerne entre ces buissons d’épineux rachitiques, je rêve de forêt de sapins, de chênes, de tapis de mousse et de champignons.

Il claque des doigts devant moi. Sans le regarder, je vais m’asseoir devant une table comme il me le demande.

Il place devant moi des feuilles et des crayons de couleurs.

Je souris, il veut que je dessine. Bien. Il ne va pas être déçu du voyage le gars.

Ma famille ? Je commence un personnage fil de fer mais je m’arrête. Quelle famille ? Je n’en ai plus. Je gribouille rageusement mon bonhomme et froisse la feuille que je lance dans la poubelle à deux mètres de moi.

Moi ? Me dessiner ? Je ne sais pas dessiner. Je réfléchis en le fixant à ce que je pourrais bien dessiner. Je le fixe. Il a comme le colon, un visage impassible. Lui aussi me fixe. Il n’est pas assis bien droit sur sa chaise en parallèle à la table. Il a les jambes croisées qui font remonter son pantalon en velours marron, sur des chaussettes noires. Rien n’est assorti dans sa tenue. En fait, il doit s’en foutre de sa tenue.

Son bras et sa main gauche sont bien à plat sur la table. L’autre est posé sur sa jambe pliée.

Moi, je suis assis bien droit, bien comme il faut. Les jambes ramenées sous ma chaises, les pieds croisés, les bras posés sur la table, un crayon noir dans la main droite, mon poing gauche fermé.



Puis je me mets à dessiner. Pas ce qu’il m’a demandé car je ne saurais pas le faire. Je lui dessine un avion. Un Mystère vingt. Je m’applique, je lui fais même sur l’empennage, une cigogne en train de voler. Je n’oublie pas de dessiner autour les nuages en crayonnant le fond de la page avec du gris et du bleu ciel.

Je lui tends ma feuille.

- Oh ! donc tu es un avion de chasse ?

- Non, je vous ai dessiné ce que je sais dessiner c’est tout.

- Mais quel rapport avec toi ?

- C’est ce que je veux devenir plus tard ?

- Un avion de chasse ?

Il est con ou il se fout de ma gueule ?

- Non, je serai le pilote à l’intérieur.

- Oh ! Et…






Lorsqu’il me raccompagne jusqu’à la salle d’attente où Richard est plongé dans la lecture d’un magazine féminin. 

Nous nous serrons la main et il me donne rendez-vous la semaine prochaine.



La tête appuyé à la vitre de la portière, les bras croisés contre ma poitrine, les jambes remontées, les pieds sur le siège,  je compte les poteaux qui bordent l’autoroute.

Richard, tout en conduisant, d’une main, me fait mettre les pieds au sol puis j’ai l’impression d’être un petit chien lorsqu’il a ensuite ce geste qu’ont beaucoup d’adultes de caresser la tête des plus jeunes. Je repousse sans douceur son bras et m’assieds en lui tournant le dos. 

- Oh désolé ! De quoi avez-vous parlé ?

- D’avions.

Je continue à compter…

- Oh ! Et c’est tout ?

- Il voulait que je dessine ma famille mais je ne pouvais pas et encore moins moi. D’une, parce que j’arrive pas à dessiner de personnages et parce que je n’ai plus de famille.

- Entraînes-toi.

Je me tourne vers lui, de quoi il cause ?

- M’entraîner à quoi ? A avoir une famille ?

Je me regarde amusé.

- Mais non, à dessiner des personnages.

- À quoi ça va me servir ?

- À devenir meilleur en dessin.

- Quel intérêt ?

Il secoue la tête avec cet air dépité que je lui connais bien. Mais si je le déçois tant que ça, pourquoi il persiste à s’occuper de moi ? Par devoir ?





- Tu joues à quoi ? Ils vont bientôt éteindre.

Claude, déjà en pyjama, la main gauche posée sur mon bureau, la droite sur mon épaule, regarde la feuille de dessin sur laquelle j’ai gribouillé des bonhommes informes.

- Je ne joue pas, faut que j’apprenne à dessiner. Tu crois que le prof d’art plastique du collège acceptera de m’aider ?

- Demandes-lui... ou à Xavier qui dessine pas trop mal. Ou alors... aux prochaines vacances, viens demander à Anaïs.

- Ah, ah, trop drôle !


















14 mars 2010

Robert dimanche 11 janvier 1976 les rois

Robert dimanche 11 janvier 1976 les rois



Nous sommes rentrés depuis une semaine.

Semaine stressante et épuisante où pour nous souhaiter la bonne année et nous remettre au boulot, dès le mardi nous avons enchaîné les devoirs sur table de quatre heures et les interrogations orales, seul devant deux à quatre profs qui enchaînent les questions à une vitesse déroutante au début. Et même moi et Nevière, pourtant les deux meilleurs de la classe, nous en étions sortis incapables de savoir si nous avions ou pas réussi.

Il pleut et, confinés dans nos chambres ce matin, nous sommes tous sur nos devoirs, pour nous avancer et pouvoir sortir pour ceux qui le peuvent, soit aller à la piscine ou au gymnase l'après-midi.

Nevière passe la tête dans l'entrebâillement de la porte.

- Claude, ça te dit "les dents de la mer" cet après-midi?

- Ouais allez. répond Claude en levant le nez de ses bouquins.

Ma tête fait un drôle de “pok” quand je la laisse tomber sur mon cahier, pour accompagner ma déclaration de jalousie et de totale désespérance

- Vous avez trop de chance !

- Dans un an, tu pourras venir avec nous.

Un an c'est long. 

Dans un mois, j'aurais quinze ans mais pour ce que ça va changer…





Au mess, Firmin nous a préparé une surprise : des galettes des rois à la frangipane.

Au dessert, nous avons reçu une mandarine, dans les faits, j'en eu deux car Jussieu n'aimant pas ça, je la réquisitionne.

J’interroge mon voisin.

- Il fait quoi Gâche ? On a tous fini là !

En face de moi, Duverger me montre les tables des rats.

- Eux aussi restent assis, ils attendent quoi ?

Derrière moi, Darmon nous fait signe de nous taire.

- Et les mecs, il y a le colon.

Effectivement, le Spé a raison, il va à la table de Gâche et des capots où le capitaine veut lui céder sa place mais on le voit refuser et venir s'asseoir à une des tables des troisièmes où il y a un absent. On se regarde en se demandant à quoi ça rime lorsque nous voyons arriver Firmin et Jul poussant des dessertes avec dessus des énormes galettes des rois. Ils s'arrêtent à la hauteur du colon et veulent le servir en premier mais celui-ci refuse. Et se lever pour les aider.

- Claude, viens avec moi. On va aller les aider nous aussi, on va aller servir les profs.

- Vas-y seul.

- Comme tu veux. Qui vient avec moi ?

C'est Nevière et un Spé dont j'ignore le nom qui me suit. Il n'y a pas beaucoup de profs donc c'est vite fini, mais quand nous retournons à notre place, le colon s'est assis et Firmin nous fait terminer à sa place.

Quand je croise le regard du colon, pas un sourire, il a même l'air fâché, je ne comprends pas pourquoi. Bah tant pis.

Enfin, c'est à notre tour et Jul avec un clin d’œil me pose deux parts sur mon assiette mais elles n'y restent pas longtemps car lorsque je passe devant Richard, il m'en prend une et l’attaque de suite en me faisant signe d'aller m'asseoir. Ce qui me vaut de me faire moquer par tous les autres élèves.

Et mon espoir de voir Firmin m'en donner une de plus est vain car il retourne dans la cuisine sans s'arrêter. Bon pas grave, vu que je suis de service, ce n'est que reculer pour mieux sauter.

Enfin Gâche donne le top du départ.

Richard vient jusqu’à notre table.

- Toi, tu viens avec moi. Il a posé sa main sur mon épaule. Firmin vos galettes étaient presque aussi bonnes que celles de ma femme.

Les deux hommes ont l'air de trouver ça amusant, moi je fixe Jul qui me fait des signes grivois. Je lui réponds par un doigt d'honneur qui se veut discret mais pas tant que ça car la claque sur la tête me montre que le colon l'a vu. Ce mec à force, me gonfle.



Cinq minutes plus tard, nous sommes au troisième étage de l'immeuble d'habitation, devant une double porte en bois ciré qu'il ouvre.

- On est là ! Enlève tes souliers sinon, elle va te manger. Je souris à l'image qu'il donne de Gisou que j'ai hâte de revoir. Mets ton calot et ton blouson sur la chaise à côté de la porte.

Richard m'abandonne pour  continuer vers la cuisine.

 

En face de la porte d'entrée, une autre double porte mais vitrée, celle-ci, qui donne sur une grande pièce où les filles sont assises autour d'une grande table à côté de Papapa qui me fait signe de venir les rejoindre.

 

- Aller viens t'asseoir à côté de moi. Il prend Fanfan sur les genoux qui migre sur les miens dès que je suis assis.  Alors c'était bien ce séjour à Bordeaux, qu'est-ce que tu nous racontes.

Je n'ai pas le temps de répondre et d'ailleurs répondre quoi ? Que Mammema par derrière, m'embrasse et coiffe des deux mains mes quatre centimètres de poils crâniens que le coiffeur n'a pas encore rasés.

- Richard ça lui va bien, les cheveux un peu plus longs. Ce dernier se laisse tomber sur le canapé en ignorant totalement sa mère.  Alors de ce séjour à Bordeaux, que nous racontes-tu ? Tu nous a manqué, je n'ai pas eu à sortir la boîte à pharmacie. Mammema, fait lever Isabelle pour s'asseoir à côté de moi. Richard, tu lui as coupé la langue ?

Véro pose devant moi une assiette avec une part de galette des rois, je sens son souffle dans mon cou.

- Je te le ferai payer !

- Mais je ne t'ai rien fait.

Je me retourne vers elle mais elle est déjà ressortie en courant sans me donner d’explication.

Richard me fixe les yeux plissés mais a un sourire amusé.

- Tu vois Maman, il a toujours sa langue et hélas l'autre peste aussi.

Les deux vieux, eux, ont aussi l'air de trouver ça amusant.

Moi, je ne suis pas à l'aise. Encore une fois, je n'ai pas l'impression d'être à ma place.

Gisou pose au milieu de la table, un grand bol rempli de chantilly et une autre galette des rois puis se penche pour m'embrasser.

- Bonne année mon garçon, j'espère que tu t'es bien amusé. Je sens ses doigts dans mon cou. Elle sort la chaînette de dessous ma chemise et regarde le petit médaillon. Et alors c'était bien le surf ?

- Humide.







À dix-huit heures quand Richard m’ordonne de partir,  Papapa me fait signe de ne rien dire et me raccompagne carrément jusqu'à la chambre. Je l'attends dans l'escalier car il monte lentement, cela lui semble pénible.

- J'ai un genou qui me pose problème, faut que je le fasse opérer.

Claude est couché sur son lit, il se met debout immédiatement, m'interrogeant du regard. Papapa va lui serrer la main.

- Alors c'est vous le Claude qui l'avez si gentiment reçu ? J'espère que ce garnement s'est bien comporté. Elle est bien votre chambre, nous, chez les jésuites, c'étaient des dortoirs et il y faisait un froid terrible.

J’ignorais qu’il avait été chez les jésuites, je le plains.

- Les petites classes sont en dortoir. Mais Richard ne t'a jamais fait visiter ?

Ma question semble l’amuser.

- Oh avec lui, je peux rêver. Là, je trouve qu'il exagère, vu comment je vois le colon être aux petits soins pour lui. Bon je vous laisse, je retrouverai bien le chemin tout seul.

Mais il n’aura pas besoin car Richard ouvre la porte d’un geste énervé.

- Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Repos ! Papa tu n'as pas le droit d'être ici.

Papapa me fait un clin d’œil.

- Tu vois ce que je te disais. Voilà, comment mon fils me traite. Bon et bien bonsoir les enfants et toi, ne mange pas sa part !

Lorsqu'ils sont partis, je tends à Claude le petit paquet qui contient sa part de galette mais déjà la sonnerie du lycée nous appelle pour le repas.

Deux étages en dessous, comme les autres nous saluons le colon et son père que nous voyons s'engager dans le couloir, il a réussi à obtenir de pouvoir visiter.














13 mars 2010

Robert dimanche 4 janvier 1976 retour à l'école

Robert dimanche 4 janvier 1976 retour à l'école 



- Bonjour Monsieur Cohen

- Bonsoir les gamins, alors finies les vacances.

- Et oui hélas. Le colonel est-il rentré ?

- Ah non, pas encore, tu devras attendre demain comme les autres pour le voir.





Ah, que c’est bon de retrouver ma chambre et mon lit.

D'ailleurs, mon lit est fait.

Claude n’en revient pas.

- Ben mon salaud, maintenant le colon, il te fait ton lit ?

- Non, je miserais plus sur sa femme.



Vider les sacs, ranger les livres que Claude m'a donnés sur l'étagère. Il m'a proposé de me donner tous ses Bob Morane car il les a tous lus et n'en veut plus.

Là, il s'offre les OSS et les Blade, de Gérard de Villiers, plus adultes d'après lui.

Mes premiers livres rien qu'à moi !

Nous sommes les premiers arrivés à l'étage. Demain matin, nous n’aurons pas cours, il ne reprendront que l'après-midi mais j'ai hâte.

Dans un mois, j'ai quinze ans mais depuis le 1er j'ai l'impression d'avoir déjà vieilli.



12 mars 2010

Robert jeudi 1 janvier 1976 bonne année

Robert jeudi 1 janvier 1976 bonne année

 

Où je suis encore ?

Un grand lit et je suis tout nu dedans.

Les volets sont ouverts et la lumière du soleil me donne mal à la tête.

Assis au bord du lit, j’ai la tête qui tourne. Mes fringues sont au pied du lit, je les prends et m’habille. Je ne me rappelle, ni où je suis, ni quand et comment je suis arrivé dans ce lit.

Merde, où est Claude ? Cela m’est revenu d’un coup, la fiesta du réveillon, la villa d’Arcachon au milieu de nul part.

Par contre, mes pompes... disparues.

Lorsque j’ouvre la porte, j’ai la nausée et je cours aux toilettes.

À côté des WC, un mec est assis, un bras sur la cuvette, j’ai à peine le temps de le virer que je m’y vide plusieurs fois.

À l’entrée de la petite pièce, il y a un petit lavabo, je m’y lave les dents comme je peux avec un doigt à qui je trouve d’ailleurs un drôle de goût. Et je retourne me vider.

Ça va mieux, mais je décide de trouver la salle bain. Elle est fermée à clef et le bruit à l’intérieur me fait comprendre qu’ils sont au moins deux dedans. Bref, donc direction la cuisine.

Il y a des corps endormis de partout. Même dans la cuisine. La maison est dans un état inqualifiable.

L’évier est plein mais j’arrive à trouver du savon et me lave les mains plusieurs fois puis la figure et les dents.

Maintenant trouver Claude, mais d’abord je cherche si je ne peux pas manger un truc… il reste trois fruits au fond du bol. Au premier, je réalise qu’ils sont alcoolisés, alors j’arrête de suite.

Dans le frigo, du jambon, j’en gobe quatre tranches telles quelles car je ne trouve pas de pain. Il y a une cafetière, je trouve les filtres et le café, je la mets en route.

 

Claude est dans un lit avec Aline.

Ils auraient pu fermer la porte de la chambre… je recouvre Aline car si c’était ma nana, je n’aimerais pas qu’on la voit ainsi dévêtue puis ressors en fermant la porte.

Je fais le tour des quatre chambres, les lits sont tous pris et à chaque fois, je ressors, les yeux pleins d’images volées.

Dans le jardin, des couples sont ensemble dans des sacs de couchage.

C’était pas un réveillon, c’était une partouze !

Et je suis déçu car je trouve même Ghislaine avec son ex.

Un truc me console un peu, un tout petit peu, je ne suis pas le seul à être resté célibataire.

Une horloge dans le salon m’indique qu’il est treize heures. Je comprends pourquoi j’ai faim.

Par contre, je commence à paniquer car je n’ai toujours pas retrouvé mes souliers.

Après avoir tourné en rond un bout de temps, tout en buvant mon café, je décide de prendre un grand sac poubelle et de faire le tour de la maison et d’y jeter tous les verres en plastique et bouteilles que je trouve. Par contre, je me refuse à ramasser les préservatifs et autres saloperies qui traînent un peu partout.

L’odeur du café en a réveillé certains.

- Et petit, c’est toi qui a fait le café ?

Cette fois, c’est la fois de trop. Je fonce sur le mec et lui colle un coup de boule.

- JE NE SUIS PAS TON PETIT !

Le pauvre mec n’a pas tout compris mais il a pris pour tous les autres.

Quand Claude descend, réveillé par les cris, ils sont à quatre pour me tenir et c’est dans les bras d’Aline que je finis par me calmer.

Une heure plus tard, ils ne reste plus que les vrais copains de Claude, une dizaine pas plus.

Je retrouve mes chaussures sous le lit où j’ai dormi mais où comme un con, je n’ai JAMAIS regardé. Quant à ma fourragère et ma cravate, elles ont servi de couronnes à des filles.

- Mais pourquoi aussi es-tu resté en uniforme ?

- Mais peut-être parce que je ne suis pas un nabab comme toi et que ce sont mes seules fringues .

 

Par contre, quand Claude m’engueule car je ne les aide pas à briquer la maison, je hausse juste les épaules en lui montrant les trois gros sacs poubelles fermés dans un coin de la cuisine puis sors m’installer sur la balancelle sans coussin dans le jardin.

 

Nous décollons vers dix-neuf heures laissant une maison propre et rangée.

- Dis-moi Claude, qui m’a mis au lit hier soir ou cette nuit ?

Les deux devant se regardent.

- Ni moi, ni Aline. Pourquoi ? Et puis comment ça au lit ?

- Il se trouve que ce matin, je me suis réveillé à poil dans un lit en cent quarante, dans la chambre du haut, juste en face de la salle de bain. Celle avec un beau tableau de femme nue alanguie sur un sofa.

- C’est le lit des parents ça. Et tu étais seul ?

- Ah oui, jusqu’aux dernières nouvelles. Mon dernier souvenirs, c’est d’avoir peiné à finir un second verre de fruits au sirop.

- Tu t’es avalé deux grand verres à bière de sangria ? Claude, si tes parents apprennent ça, t’es mort. Et tu te souviens de quoi d’autre ?

- Que Claude a voulu me faire fumer un truc qui n’était pas une cigarette, mais si tu veux, je peux aussi inventer d’autres trucs à raconter à Monsieur d’ Aureilhan.

- Toi, tu fermes ta gueule ou tu ne retournes pas vivant à Aix.

- Ah si ! Tiens, ça me revient, je me souviens qui m’a mis au lit.

Je fixe Aline qui rougit jusqu’au oreilles et se tourne pour regarder la route, droit devant elle.

Claude lui, me surveille dans son rétroviseur intérieur.

- Alors s’est qui ?

- Non, non, en faite je ne m’en souviens pas vraiment… juste que c’est une jolie fille.

 

 

Publicité
Publicité
<< < 10 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 > >>
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 628
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
Newsletter
0 abonnés
Publicité