Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )

13 janvier 2010

Caths vendredi 1er Août 1975 Tach

Caths Vendredi 1er Août 1975 Tach

 

Ses parents se disputent une fois de plus au sujet de Robert.

Elle entend les mots : dépecé et mutilé. Ils ne pourraient pas une bonne fois pour toute arrêter et se taire ? Elle plaque ses mains sur ses oreilles.

Quand ils partent, elle reste longtemps roulée en boule sur mon lit à tenter de l'imaginer. A tenter d'imaginer son petit corps si fragile, si malingre couvert de sang.

Et puis ras le bol !

Dans mon coin toilette sous le lavabo, elle vide le contenu du petit meuble dans un sac poubelle sauf un rouge à lèvres noir et du vernis noir qu’elle applique consciencieusement sur ses ongles de pieds et de mains qu’elle passe d'abord un long moment à manucurer.

Son ventre gargouille, un chewing-gum le fera patienter.

Elle admire longuement ses ongles noirs mais non, ça ne lui plaît pas. En saisissant le dissolvant, elle voit le rasoir mécanique et à côté les boîtes de lames.

Elle en prend une puis assise sur le lit, elle la pose sur son poignet, puis la déplace partout où elle voit des veines mais elle n'y arrive pas, elle a peur d'avoir mal et du coup, elle la jette au loin et éclate en sanglots. 

Elle n'a même pas le courage de le rejoindre.

 Elle a honte. Elle est sûre que lui aurait eu le courage.

Elle enlève sa chemise de nuit. Debout, elle regarde son corps, et en fait un examen minutieux, puis elle met une lame dans le rasoir et commence un rasage intégral y compris de son crâne.

Un frisson la parcourt lorsque les premières longues mèches blondes tombent au sol, elle ne peut plus faire marche arrière.

Quand elle a fini, le miroir lui renvoie l'image d'un autre moi-même, elle ne se reconnaît pas.

Un être androgyne au torse presque plat et sans rien en bas. Elle cache son bas-ventre d'une main. Elle pourrait passer pour un garçon, un joli garçon.

-Tu sais que je pourrais tomber amoureuse de toi.

Elle trouve même que d'un certain côté, elle ressemble à Robert sans ses cheveux blonds et elle trouve ça plutôt cool !.

- Bonjour jeune homme veux-tu être mon ami ? Mon amant ? Hou là, tu perds la tête, tu t'en rends compte ?. Hé! Qui es-tu toi pour me dire ça ? Moi je suis... Elle hésite, ce reflet d’elle qui n'est pas elle comment l'appeler ? Ah mais oui ! Moi je suis Tach ! Bonjour Tach, enchantée de faire ta connaissance.

Dehors, le soleil est levé.

Elle a faim.

A quoi ça sert de manger ? A rester en vie, pfff quelle servitude.

Mais d'abord, elle doit finir de trier le contenu du petit meuble. Elle entasse son passé sur le tas de fringues qu’elle compte jeter aussi lorsqu’elle aura récupéré d'autres grands sacs poubelle.

Tach ne se maquille pas. C'est un mec.

Par contre, elle cache le rasoir et les lames derrière l'armoire qu’elle a repoussée contre le mur.

- Catherine ma chérie, tu es réveillée ? Purée mais elle hallucine, sa mère a dormi derrière ma porte ou quoi ? Qu'est-ce encore que tout ce bruit ?

- Je refais la déco de ma chambre.

Elle remet le verrou avant de pousser l'encombrant lit au milieu de la pièce, la commode et la coiffeuse ayant pris sa place contre le mur.

D'ailleurs ce lit lui sort des yeux, munie d'une lame de rasoir, elle se met debout sous le baldaquin que sa tête soulève. Elle a envie de le lacérer, mais elle se laisse tomber à plat dos et jette la lame sous la coiffeuse.

Elle se souvient de lui. De son sourire et de ses yeux brillants lorsqu'il se glissait sous les draps et qui lui disait combien il m'enviait d'avoir un lit comme celui-ci Ses yeux où se reflétaient les étoiles d'argent du tissus au-dessus de lui. 

Son cœur se serre.

Bref !

Elle saute au sol. Elle enlève le verrou et ouvre la porte, traverse le couloir. Elle est nue... ou nu, comme un ver. Un ver lisse sans poil.

Dans le couloir, il y a ses parents et le père Camerer une bible à la main.

Elle traverse juste pour entrer la chambre de son frère Théo dont la porte est en face de la mienne.

Théo qui est en vacances et qui dort encore, elle va à la fenêtre et fait claquer les volets.

Il se redresse et va pour l'envoyer chier mais reste muet en la voyant.

Elle lui fait un pied de nez puis va jusqu'à sa grosse panière de linges sales.

Elle savait qu’elle pouvait lui faire confiance, elle est pleine. Elle la renverse et étale les vêtements.

Théo est aussi grand que moi.

Il ressemble à Christophe d'après tout le monde, mais elle, elle ne trouve pas.

Elle récupère un tee-shirt tâché de cambouis et un bleu de travail qu’elle enfile.

Ils puent la testostérone et l'huile de moteur bref, ils puent Théo.

C'est ce qu’elle veut.

Elle se glisse dans les draps à côté de lui. Il râle, il est nu dessous. Ça la fait rire. Elle se love contre lui qui ne sait pas quelle contenance prendre puis il lui rend mon câlin.

Elle l'embrasse sur la joue et se lève et repoussant d'un coup toutes les couvertures et en passant au-dessus de lui, l'exposant aux regards des adultes restés à l'entrée de la chambre.

Ils s'écartent quand elle fait mine de vouloir les repousser, descend pieds nus jusque dans la boutique puis jusqu'au labo.

En bas, il y a les deux apprentis et les deux ouvriers, à chacun d'eux, elle roule une grosse pelle bien baveuse, les laissant sidérés. Puis elle remonte en mordant dans un croissant tout chaud. Elle a pris la gamelle avec le fond de ganache praliné qu'ils ont posé sur le dessus de la pile de vaisselle à laver que Etienne l'apprenti trisomique doit laver après avoir balayé le sol. C'est la seule chose que son père lui fait faire.

Dans la gamelle, elle ajoute une poignée de croissants.

Elle les dégustera en pensant à lui.

Dans le salon où Annie repasse, elle se laisse tomber sur le canapé et après avoir allumé la télé commence à manger.

Sa mère vient se mettre devant elle.

- Catherine es-tu devenue folle.

Elle ne la regarde pas.

- Je suis Tach dorénavant, Cath est morte. Poussez-vous s'il vous plaît madame.

Sa mère éteint la télé. Tach me lève furieux.

- Décidément t'as le chic pour faire chier.

Elle évite la claque puis quatre à quatre remonte dans sa chambre où elle s'enferme à nouveau.

- Bon maintenant, il faut que je me casse de ce bagne.

Publicité
Publicité
12 janvier 2010

Caths jeudi 31 juillet 1975 mon tombeau

Caths Jeudi 31 juillet 1975 mon tombeau

 

- Cette chambre sera mon tombeau.

Ça c'est dit.

Depuis hier, elle n'est pas sortie. Même pour faire pipi. Elle a fait pipi dans le petit lavabo de mon coin toilette. Une chaise devant et puis voilà ! 

Elle a trouvé ça grisant. 

Elle rit en pensant à la tête que ferait sa mère si elle le savait. Elle le lui dira un jour rien que pour voir sa réaction.

Hier soir, quand elle a dit qu’elle n'avait pas faim, ils n'ont pas insisté et ce matin, ils ne sont pas venus la chercher. Du coup, elle s’est réveillée à onze heures et ça lui fait bizarre.

Maintenant, elle a faim !

Elle se lève et fouille dans son bureau, elle y trouve des chewing-gums.

Ouais mais bon, maintenant qu’elle est réveillée, elle s'ennuie.

Et si elle triait ses affaires.

Elle aimerait bien retrouver d'autres photos de lui.

D'abord récupérer un sac poubelle dans sa salle de bain. Ils sont tout petits, il lui en faudrait des plus grands mais elle commencera avec ceux-là.

En premier ses tables de chevet, c'est vite fait, tout va à la poubelle sauf les bonbons qu’elle remet dans le tiroir.

Tiens ! Les boucles d'oreille en or et argent que sa mère cherche partout. Elles rejoignent les bonbons.

Dans l'autre de la monnaie et une croix en bois que Robert lui a taillé en guise de cadeau de Noël, il y a un an.

La monnaie va rejoindre les boucles d'oreille. Le crucifix, lui, elle hésite... c'est Robert qui le lui a offert et c'est lui qui l'a fait donc il rejoint le reste mais en même temps, elle le mettrait bien à la poubelle car sur ce coup, le Bon Dieu, il a été une belle pourriture.

Bon, ras le bol du ménage, elle se recouche et s'endort en pensant à lui.

 

- Catherine ouvre cette porte !

- Non Maman, laissez moi tranquille, vous m'avez réveillée. Au moins quand je dors, je peux rêver.

- Christophe dit à ta fille d'ouvrir cette porte.

Sa mère l’hallucine avec ses certitudes débiles.

- Maman que ce soit toi ou lui, je ne vous ouvrirai pas, tu sais ?

Le ton de sa mère change, il se fait suppliant… mais pas longtemps.

- Catherine soit raisonnable, sors et viens manger ou je demande à Gérard d'enfoncer la porte.

Son père intervient timidement.

- Je peux le faire aussi.

On sent dans la voix de madame Lutz tout le mépris qu’elle a pour son mari.

- Christophe voyons, ne sois pas aussi foufou que ta fille.

Catherine se lève et, debout au milieu de la pièce, elle réfléchit à comment les empêcher d'entrer.

Puis d'un coup, elle a une idée !

Les meubles sont lourds mais elle réussit à pousser son lit, sa tête contre la porte, les pieds vers la fenêtre. Puis la commode et enfin la lourde armoire vidée de tout son contenu vient s'imbriquer devant la fenêtre ouverte les volets fermés.

Pour s'amuser, Catherine enlève le verrou, sa mère se précipite sur la porte et tente de l'ouvrir. En vain bien sûr.

En attendant, elle prend de nouveaux sacs poubelles et y enfourne toutes ses robes. Dans d'autres, ses tee shirts et chemisettes et dans d'autres encore ses pulls mais elle n’en a plus pour ses pantalons et ses shorts.

Ensuite elle ouvre ses volets et jette les sacs par la fenêtre sur le trottoir, les éboueurs auront du travail au moins. Puis elle referme ses volets, il fait trop beau dehors.

Elle entend mes parents se disputer puis s'en aller.

Assise sur son lit, elle contemple sa chambre sans dessus dessous comme sa vie. Demain sera un autre jour, en attendant elle veut encore rêver que rien n'a changé.

11 janvier 2010

Caths Mercredi 30 juillet 1975 noir c'est noir

 

Caths Mercredi 30 juillet 1975 noir c’est noir

 

Madame Lutz arrête sa fille en haut des escaliers qui descendent au laboratoire.

- Où vas-tu ?

- Au labo chercher la dernière plaque de gâteaux.

Madame Lutz lui fait  faire demi-tour.

- Non, c'est Annie qui ira les chercher.

Catherine ne comprend pas ce qu’on peut encore lui reprocher.

- Mais pourquoi ? J'en ai jamais fait tomber.

Sa mère la fixe avec un air sévère.

- Oui mais en bas il y a les ouvriers et les apprentis donc tu ne descends plus au labo.

 

Elle regarde sa mère avec d'abord de l'énervement puis de l'amusement, elle est sérieuse là ?

Dans la boutique derrière la vitrine, Madame Kempf hoche la tête en signe d'approbation. Elle se tourne vers elle.

- Vous, on vous a pas demandé votre avis !

La vieille a un mouvement de recul, comme choquée que Catherine ose lui adresser la parole. Vieille peau ! La jeune fille se retient de lui repéter tout ce que les ados pense d’elle et de son foulard noir.

 

Avant que sa mère n'ajoute quoi que ce soit, elle court se réfugier dans sa chambre dont elle claque la porte le plus fort possible puis s'adosse à elle et se laisse glisser jusqu'au sol, là elle se met en boule, en serrant ses genoux dans mes bras. Robert le faisait souvent, quand il était malheureux, alors elle le prenait dans ses bras et elle lui faisait plein de bisous. Mais il n'est plus là. Qui lui fera des bisous maintenant ?

Elle essaye de faire des efforts mais cela lui semble si dérisoire, à quoi ça sert ?

Elle regarde sa chambre où le soleil entre et fait étinceler les pampilles de son petit lustre et des petites lampes assorties sur son bureau et les tables de chevet. Sa mère dit toujours : " Le soleil c'est la Vie !"

Mais aujourd'hui elle aime un mort, elle aime LA Mort et elle aime le noir.

Il y a deux jours, elle a rempli le lave linge de ses vêtements et a vidé le flacon d'encre de chine dedans puis lancé un programme.

Sa mère a hurlé, a voulu la frapper mais elle aime ses vêtements noirs qui teignent aussi sa peau en noir. Et tant pis si sa mère a dû s'acheter une nouvelle machine et si elle lui a dit que la machine "noire" ne servirait plus que pour son linge. Elle m'en fout de tout.

Elle se met à tambouriner des pieds et des poings sur le sol et à hurler : " Je m'en fous de vous ! Je m'en fous de tout ! Je veux mourir !" Puis elle va à la fenêtre et ferme les volets, heureuse de ne plus voir le soleil. Heureuse d'être dans le noir.

Le noir c'est bien la couleur du deuil ? Et elle, elle est en deuil de son amour de toujours, en deuil de son bébé, de celui qui emplissait ses jours, ses nuits... qui était toute sa vie.




mais fait tomber.

- Oui mais en bas il y a les ouvriers et les apprentis donc tu ne descends plus au labo.

 

Je regarde ma mère avec d'abord de l'énervement puis de l'amusement,.

Elle est sérieuse là ?

Dans la boutique derrière la vitrine, Madame Zimmermann hoche la tête en signe d'approbation.

- Vous, on vous a pas demandé votre avis !

La vieille a un mouvement de recul, comme choquée que j'ose lui adresser la parole. Vieille peau ! Je me retiens de te dire ce que tous les ados pensent. de toi et de ton foulard noir.

 

Avant que ma mère n'ajoute quoi que ce soit je cours se réfugier dans ma chambre

J'en claque la porte le plus fort possible puis m'adosse à elle et me laisse glisser jusqu'au sol.

Là je me mets en boule, en serrant mes genoux dans mes bras. Il le faisait souvent, quand il était malheureux, alors je le prenais dans mes bras et je lui faisais plein de bisous. Mais il n'est plus là. Qui lui fera des bisous maintenant ?

J'essaye de faire des efforts mais cela me semble si dérisoire, à quoi ça sert ?

Je regarde ma chambre où le soleil entre et fait étinceler les pampilles de mon petit lustre et des petites lampes assorties sur mon bureau et les tables de chevet. Ma mère dit toujours : " Le soleil c'est la Vie !"

Mais aujourd'hui j'aime un mort, j'aime LA Mort et j'aime le noir.

Il y a deux jours, j'ai rempli le lave linge de mes vêtements et j'ai vidé le flacon d'encre de chine dedans puis lancé un programme.

Ma mère a hurlé, a voulu me frapper mais j'aime mes vêtements noirs qui teignent aussi ma peau en noir. Et tant pis si ma mère a dû s'acheter une nouvelle machine et si elle m'a dit que la machine "noire" ne servirait plus que pour mon linge. Je m'en fous de tout.

Je me mets à tambouriner des pieds et des poings sur le sol et à hurler : " Je m'en fous de vous ! Je m'en fous de tout ! Je veux mourir !" Puis vais à la fenêtre et ferme les volets.

Heureuse de ne plus voir le soleil.

Heureuse d'être dans le noir.

Le noir c'est bien la couleur du deuil ? Et moi je suis en deuil de mon amour de toujours, en deuil de mon bébé, de celui qui emplissait mes jours, mes nuits... qui était toute ma vie.

 

 

10 janvier 2010

Caths Mercredi 23 juillet 1975 mourir

Caths Mercredi 23 juillet 1975 mourir

 

- Catherine, viens manger !

- Oui Maman. Puis j’ajoute à voix basse et en chantonnant : Compte dessus et bois de l'eau claire !

 

Couchée sur le dos, vêtue uniquement de sa plus belle chemise de nuit, la blanche transparente, en plumetis.

Les bras croisés sur sa poitrine, tenant dans sa main droite le crucifix en bois d'olivier que le père Camerer lui a offert pour sa première communion, elle ouvre un œil, puis l'autre, fixe le plafond en tissus rose constellé d'étoiles argentées de mon lit à baldaquin.

Mais referme un œil, puis l'autre et reste ainsi retenant sa respiration quelques secondes puis ouvre à nouveau, un œil puis l'autre.

Elle recommence ce manège une fois, deux fois, dix fois puis s'assied sur mon lit et secoue les bras.

Elle se recouche mais sur le ventre, les bras toujours croisés mais sous elle cette fois.

C'est chiant les chemises de nuit !

Elle la gêne, elle s’est emberlificotée dedans, elle se tortille, prend appui sur ses mains, jette le bout de bois qui l'encombre, baisse la tête et regarde amusée, sous elle, le voile de plumetis, elle veut d'une main l'arranger mais l'autre bras ne la soutient plus ce qui emprisonne sa main sous son bas ventre. Elle ferme les yeux. Est-ce sa main ou celle de Robert ? La sienne. Il la caresse. Elle sent encore son souffle sur elle, le goût de sa bouche. Il n'est pas mort, il est là avec elle.

.

 

- Catherine, ma petite princesse vient manger mon amour.

- Oui Papa ! La magie a disparu même si l'envie est toujours là. Quand j'aurai fini.

- Quand tu auras fini quoi ma petite puce ? Ton repas va être froid.

Elle pousse un long soupir.

- Quand Robert aura fini de me faire l'amour.

- Catherine !

Elle ouvre la porte et passe devant lui drapée du grand châle noir que sa mère utilise parfois à certaines occasions.

- Quoi ? Sois un peu moins chochotte Papa. Et sois encore content que j'ai décidé de reporter ma mort à plus tard.

Son père la suit, désespéré par cette ado qu'il comprend de moins en moins.






































































































































9 janvier 2010

Robert lundi 22 juillet 1975 sortie

Robert mardi 22 juillet 1975 sortie

 

- Bonjour jeune homme, tu sors aujourd'hui je crois, tu es content ?

- Oh oui.

La jeune infirmière qui vient de me réveiller, semble amusée par mon cri du cœur.

Par contre la suite me plaît moins.

- Es-tu allé à la selle ?

J’évite de la regarder mais esquisse un sourire tout en sachant que quand je mens, ça se voit.

- Oui.

- Ce n’est pas beau de mentir. Cette fois, je souffle, marre qu’on me demande si j’ai fait pipi, caca, vivement que je ne les voie plus. L’ennui, c’est que si tu n’y es pas allé, le docteur refusera de te laisser sortir.Là, oui je la regarde. Non pitié ! Je veux foutre le camp d’ici, moi ! Donc, vas-y et ne tire pas la chasse.

- Mais je n’en ai pas envie.

- Avec tout ce que l’on t’a donné, c’est ennuyeux.

Je suis content car elle sort de la chambre. Bientôt je serai libre ! 

Hélas elle est de retour peu de temps après avec une collègue. Aïe, ça, ça pue !

- Bon, avant de te laisser sortir, nous devons examiner une dernière fois. Allonge-toi et mets-toi sur le côté. Je m’allonge comme elle me l’indique, en chien de fusil, pas très confiant. Mais lorsque l’autre infirmière se couche sur moi pour me tenir et que je sens la première me baisser le slip, je veux me débattre, partir, m’enfuir. Et je me sens violé à nouveau. Je suis désolé mon petit mais c’était le « Microlax » ou nous te gardions jusqu’à ce que tu le fasses seul et franchement, nous t'avons assez vu.

Moi aussi, je les ai assez vues !

C’es un fou furieux qui reste assis sur le bord du lit, tenu par les deux pour m’empêcher de me lever. Je refuse leur tendresse, je sais qu’elles n’ont fait que leur boulot. Elle ne m’a pas fait mal, ce n’était pas douloureux et pourtant elle m’aurait planté un couteau, j’aurais eu aussi mal.

Je n’entends pas ce qu’elles me disent. Je me débats contre ces mains sur mes épaules. Ces mains qui tiennent mes poignets posés sur mes cuisses. Ma tête a raté celle de l’infirmière. Je me débats, en rage. C'est la seule chose que je peux faire coincé entre celle debout devant moi et celle à genoux sur le lit derrière moi.

Puis elle me relâche.

- Tu peux y aller.

Cette fois la douleur est physique, elle me tord le ventre et ranime mes sentiments de haine envers tout ce qui m’entoure.

Elle attend en face de moi, debout devant la porte avec une serviette et un savon qu’elle me tend lorsque je me lève. Même ça, je n’ai pas pu le faire seul. C’est elle qui tire la chasse.

J’ai envie de mourir et je les hais, c’est viscéral comme mon envie de chier tout à l’heure.

Est-ce qu’avaler ce stupide savon, me fera m’étouffer ? Tenter de me noyer dans les chiottes? Non, ça me rappellerait le collège.

Et cette conne qui me regarde en souriant.

Ma voix me semble grave et sourde, pas celle de l’enfant que je suis.

- Sortez !

Je suis surpris de la voir sortir et refermer la porte derrière elle.



Lorsque je reviens dans la chambre, je suis seul.

Mes yeux sont secs mais mon stylo bic hurle à ma place sur les pages du cahier qui sera bientôt plein, j’ai tellement de choses à évacuer.



Le docteur Péret me tend un sachet plastique avant de le vider lui-même.

- Tiens, voilà ce que j'ai pu récupérer comme vêtements pour toi auprès d'Annie car votre maison est, et surtout ta chambre, toujours sous scellés.

Le docteur Péret pose sur mon lit, un slip, un short, un tee shirt blanc et le petit débardeur marron que m'a tricoté une cliente de l'hôtel.

Trente seconde plus tard, sous l’œil amusé du docteur je suis habillé et fin prêt à partir, j'ai même mis mes sandalettes.

Il est neuf heures, je commence à tourner en rond dans la chambre. Lui feuillette un des magazines qu'il m'a acheté, je lui récite les divers articles.

- Assieds-toi, tu me donnes le tournis.

Je m'assieds sur la chaise devant lui.

- Votre voiture est-elle garée  ?

- Dans le parking intérieur réservé aux médecins.

Il ne lève même pas les yeux pour me regarder.

- Pourquoi votre femme n'est pas venue ?

- Tu aurais aimé ?

- Oui, mais je comprends qu'elle ait eu autre chose à faire. Moi aussi, j'aurais d'autres choses à faire que d'attendre.

- Ah qu'aurais-tu d'autre à faire ?

Quelle question !

- Aller voir Caths par exemple, lui dire que je suis guéri.

Là, il me fixe.

- Alors soyons bien d'accord, une bonne fois pour toute, tu n'iras pas la voir et elle ne viendra pas.

Non ? C’est pas juste !

- Mais pourquoi, c'est pas juste.

Je tire la gueule.

- Robert !

Rien à foutre de lui. Je veux revoir Caths. Je m'enfuirai, je fuguerai mais j’irai la voir. Rien ne m’empêchera d’aller la voir.Je me lève, vais à la fenêtre, puis reprends mes aller-retour table de chevet, lavabo et mettant un pied par carreau du sol.

Il me prend par le bras et m'assied de force.

Je reste assis deux minutes, assis est un bien grand mot, je tourne sur la chaise de droite à gauche et de gauche à droite, vingt fois, trente fois puis me relève, cette fois c'est fenêtre, porte de la chambre.

- Assieds-toi !

Je m’assieds mais cinq minutes plus tard, je suis debout et le manège reprend.

À  onze heures quarante-cinq, la porte s'ouvre sur un médecin en blouse blanche que je n’ai jamais vu. Le docteur Péret se lève et lui serre la main.

- Bonjour mon garçon, je suis content de voir que tu as l'air d'aller bien. Je suis le chirurgien qui a réparé le puzzle que ton père s'est amusé à faire de toi et si tu le veux bien, je voudrais t'ausculter une dernière fois, alors viens te coucher sur le lit.

J'ai hâte de pouvoir partir, je m'allonge et il commence à me déshabiller quand la porte s'ouvre à nouveau, cette fois sur l'infirmière sadique. Je suis debout dans la seconde derrière le docteur Péret.

- Elle... elle sort . Cette cinglée je ne veux plus jamais qu'elle me touche.

Les deux hommes se regardent.

- Mademoiselle Meyer laissez-nous, je pense que j'arriverai à me débrouiller seul.

Je la vois hésiter mais finit par obéir au toubib en affichant une moue vexée.

Les deux hommes m’interrogent du regard.

- Elle est partie, tu peux revenir, que t'a-t-elle donc fait ?

Je leur raconte son sadisme par rapport à la gentillesse des autres.

- Étonnant, d'habitude elle est beaucoup aimée par les enfants. En tout cas, je suis content de mon examen et je te laisse sortir. Mais si tu avais mal ou le moindre souci n'hésite pas à revenir me voir, d'accord ?

- Oui docteur.

 

Quand il sort, nous lui emboîtons le pas, enfin presque. Moi je les double pour dévaler en courant les escaliers, je suis libre !

 

Je l'attends appuyé contre sa voiture.

Il n’est pas énervé, juste amusé.

- Au moins, on ne peut pas dire que tu n'es pas pressé de sortir. Je m'assieds à côté de lui à l’avant de sa citroën . On ne rentre pas directement, d'abord on passe par la gendarmerie, tu as toujours une déposition à faire.

- Non !

- Il n' y a pas de non qui tienne.

Et bien si, cela non, je ne sortirai pas de sa voiture, faudra qu’il me force. Et là, on rigolera.

- Et vous voulez que je leur raconte quoi ? Que mon père m'a baisé comme une fille.

Je pensais le choquer, même pas. 

- Par exemple, ce serait un début.

C’est ça, il peut toujours courir. C’est pas un truc qu’on raconte. Même à Caths, je ne le raconterai pas. J’aurais trop honte de l’avoir laissé faire. De ne m’être pas mieux défendu. 

- Non, je ne sortirai pas de la voiture.

Je croise les bras sur ma poitrine, les poings serrés comme ma mâchoire.

- Tu ne veux pas que ton père soit enfermé pour ne plus pouvoir faire de mal à personne ?

Non, je ne veux pas raconter ça à qui que ce soit. 

- Le père Camerer a été très clair, il faut pardonner !

- Oh lui !

Sa réaction me surprend. 

- Quoi, il est très gentil le père Camerer.

- Oui, très gentil mais moi et les gens d’Église tu sais. Enfin voilà, on est arrivé, tu ne joues pas le bébé, tu viens avec moi faire ta déposition.

Je remonte mes jambes que j’entoure de mes bras, le front sur mes genoux.

- Non !

Il se tourne vers moi, essaie de me relever la tête, je me débat.

- Sois raisonnable.

- Non !

Il soupire et redémarre.




Je suis accueilli chez eux par Madame Péret qui m'emmène dans ce qui sera ma chambre jusqu'à fin Août.

Ce que je repère de suite, c'est la bibliothèque aux rayons remplis de livres, d'anciennes bibliothèques Nelson et de la collection plein vent. Je prends le premier en haut à droite et commence à le lire couché sur le lit.




Je les lirai tous systématiquement en allant de la droite vers la gauche sur chaque étagère. Ce sera ma seule occupation avec celle de manger ou dormir.

Et d’essayer de m’échapper pour aller voir Caths.


































































































Publicité
Publicité
8 janvier 2010

Caths Mardi 22 juillet 1975 Annie

Caths Mardi 22 juillet 1975 Annie




Catherine passe à sa mère une feuille avec la liste des fournitures pour son année de Terminale

- Que veux-tu que j’en fasse ? Tu n’en auras pas besoin. Tu ne seras plus sur Munster à la rentrée.

La jeune fille semble assommée par la nouvelle puis se ressaisit et proteste.

- Comment ça, je ne serai plus sur Munster à la rentrée ? Et donc je n'irai plus au lycée ? Mais j’y tiens à mon bac, moi.

Sa mère arrête de plier le linge de seconde pour la regarder avec un sourire entendu.

- Si, si, tu vas préparer ton bac mais en tant qu'interne chez les bonnes sœurs et juste entourée de jeunes filles comme toi. Fini les garçons.

Catherine ouvre de grands yeux stupéfaits. Ils auraient au minima pu la mettre au courant. Et puis non, elle n’est pas d’accord.

- Mais non, mais je ne veux pas, moi. J'ai toutes mes copines ici.

- Fallait y penser avant de coucher avec lui et de provoquer tout ce scandale.

- Mais, mais... j'ai rien fait moi ! Et maintenant voilà que c’est de ma faute si Karl est dingue ?

- Non, mais si... un peu tout de même, reconnaît-le ?

Là, Catherine voit la sœur de Robert monter les escaliers .

- Hé ! mais c'est Annie, qu'est-ce qu'elle fait ici ? 

-Vu qu'elle va épouser Gérard, elle va habiter ici le temps qu'ils se trouvent leur propre maison et elle m'aidera à la boutique.

Catherine trouve cela très intéressant !

Elle grimpe quatre à quatre les escaliers et toque à la porte de la chambre de son très cher frère.

- Salut ! Maman m'a dit pour la super nouvelle. Je suis trop heureuse que tu viennes vivre avec nous.

Sur le lit, il y a deux très grosses valises ouvertes, elle regarde dedans puis lorsque Annie vient prendre une robe dans la valise pour la mettre sur un cintre, elle la serre dans mes bras.

Annie lui sourit et lui me range une mèche folle.

- Tu viens m'aider ? Ma petite belle-sœur.

- Bin oui, n’est ce pas ce qui se fait entre sœurs ? Et puis, nous allons l'être doublement, n'est-ce pas ? Ce ne sera pas cool un double mariage ?

Mais Annie l’écarte à bout de bras et la fixe d’un air inquiet.

- Catherine, tes parents ne t'ont rien dit ?

La jeune fille lui sourit en haussant les épaules.

- Si, si, mais je ne les crois pas, toi, je sais que t'es pas une menteuse et que tu vas me dire la vérité.

Mais Annie ne répond rien et retourne vers l'armoire où elle commence à trier les vêtements d'hommes qui sont dedans. Elle semble éviter son regard.

- Tu sais si ta maman a d'autres cintres ?

Puis elle lui fait face mais Catherine n'a pas envie de lui répondre. Elle a déjà entièrement vidé une des valises sur le lit et debout en silence, elle tient en main un diplôme emballé dans du papier de soie.

- Je peux l'avoir ?

Annie lui l’enlève des mains.

- Non ! Il n'est plus à personne mais je veux le faire encadrer et peut-être, alors, je te le donnerai. Mais pour l'instant son diplôme, c'est moi qui le garde.

- Annie, pourquoi il l'a tué ?

- Parce que notre père est un fou furieux mais peut-on parler d'autre chose cela me fait trop mal.

Assise sur le lit, à la place de la valise vide qu’elle a posée debout au sol contre le montant du lit, Catherine observe ma belle-sœur. Elle est presque aussi grande qu’elle, sûrement autour des un mètre soixante douze. Mais si Catherine est blonde très claire, Annie est aussi brune que lui, elle pourrait être sa sœur jumelle.  Comment veulent-ils qu’elle oublie Robert en la voyant tous les jours ? Ce sera une véritable torture. Ah oui, c'est vrai, elle, ils la giclent, mais annie, ils l'accueillent, bref c'est un remplacement. Une esclave servile à la place d'une ado rebelle.

Lentement, elle se lève et va s'enfermer dans sa chambre.

Là, couchée sur son lit, elle sors une petite photo de dessous mon oreiller. Un photomaton d'un gamin brun aux yeux bleus presque violets et coiffé à la Claude François en train de rire. Elle l'embrasse puis, le visage dans mon oreiller, elle laisse couler ses larmes.

Ils ont raison, elle ne peut pas rester ici mais elle n'ira pas chez les bonnes sœurs.



7 janvier 2010

Richard Lundi 21 juillet 1975 proposition suite

Richard Lundi 21 juillet 1975 proposition suite



- Ah Monsieur et Madame Granier, je vous en prie, entrez, merci d'être venus si vite.

- Mais c'est nous qui vous remercions. Avec mon mari nous pensions devoir attendre des années.

- Et oui, parfois la Vie réserve d'agréables surprises. Là c'est un hasard malheureux qui met sur votre chemin un gamin de quatorze ans dont les parents vont être déchus de leur autorité parentale.

L'homme et la femme se regardent, elle cherche la main de son homme.

- Hum et pourquoi ?

- Le père a lardé le gamin de coups de couteau et l'a mutilé. Quant à la mère, on lui reproche de ne pas avoir réagi et de n'avoir jamais protégé son fils. Et ses filles, car il semblerait qu'il avait l'habitude d'abuser de ses filles également.

- Mutilé ? Quelle horreur, pauvre bébé.

L'assistante sociale sourit en entendant Gisou.

- A quatorze ans on n’est plus un bébé mais un ado.

- Oui je sais, j'ai une fille qui a presque cet âge et une de dix-sept ans. Le pire des âges. Et mon mari dirige une école militaire où il n'a que des garçons entre onze et vingt et un ans.

- Oui je sais et c'est là où justement le hasard intervient. Cet enfant fait partie de ces gamins dits surdoués. Il a réussi en juin son bac C avec une mention très bien avec vingt et un sur vingt et vous Monsieur Granier avez accepté son intégration en maths sup dans votre établissement. Et c'est pour cela que j'ai de suite pensé à vous comme tuteur légal pour ce jeune.

Madame Malatuffe s'arrête de parler pour observer le couple qu'elle a devant elle.

Tous les deux, la petite quarantaine. 

Tous deux assis bien droits sur leur chaise. 

Elle, rousse, une petite robe de la même couleur que ses yeux, sac à main, ceinture et escarpins assortis d'un vert un peu plus foncé. 

Lui, arrivé avec des Ray-ban vert foncé qu'il a retirées lorsqu'il est entré dans le bureau. Son crâne rasé indique le militaire. Il présente un visage impassible et carré ou contrairement à celui de sa femme ne se lit aucune émotion.

Pourtant depuis le début, leurs gestes, leurs regards échangés montrent un couple uni et en parfaite harmonie où, aucun des deux ne parle pour l'autre.

C’est lui qui prend la parole en premier.

- Pour ma part je veux bien signer et m'engager auprès de cet enfant mais j'aimerais que vous nous expliquiez d’abord, à quoi justement cela m'engage exactement. Et si c'est vrai que ce n'est pas tout à fait ce que ma femme espérait mais je sais aussi que si dans la Vie, tout ne se déroule pas toujours comme nous le désirons. Sinon, nous ne serions pas là, devant votre bureau cet après-midi, n'est-ce pas ?

Une bonne heure plus tard, l’assistante sociale les raccompagne jusqu’à la porte. Elle est contente, elle sait intuitivement qu’ils reviendront.

- Écoutez, réfléchissez-y toute la semaine car ce n'est pas une décision qui se prend à la légère et on se revoit lundi prochain pour signer les papiers. Cela vous va-t-il ?  



Le grand-père descend la dernière marche donnant sur la grande pièce du rez -de -chaussée du chalet où la petite pendule au-dessus de la cheminée indique vingt-deux heures vingt quatre.

- Bon, voilà, toutes vos gamines sont couchées, vous avez donc latitude à nous expliquer cette histoire d'adoption.

Richard se lève du rocking-chair chair et force sa mère à s'y asseoir à sa place avant d'aller jusqu'à la cheminée y prendre un panier en osier d'où sortent des aiguilles à tricoter avant de lui poser sur les genoux.

- Je laisse Gisou le faire puisque c'est son idée à elle ! Maman tu veux de la tisane ?

- Oui, je veux bien. Lorsqu'il vient lui poser la tasse sur la table à côté d'elle, elle le retient pour lui poser un baiser sur la joue. Merci mon fils.

Alors sans bruit, il va jusqu'au grand escalier où il monte quatre marches avant de s'y asseoir, puis de s'y allonger en fixant l'étage supérieur.

Le silence se fait, seules les aiguilles de la grand-mère cliquettent. En haut, un très léger bruit de porte qui s'ouvre et de pas le fait sourire.

- Ne m'obligez pas à monter. En haut la porte se referme. Elles essaient vraiment tous les soirs, c'est incroyable ça ! Rémy, on ne pourrait pas penser à un système de miroirs ?

- Oui mais alors elles pourraient aussi voir ce qui se passe au rez-de-chaussée.

- Oui possible.Ou plus cher des caméras.

- Et faudrait aussi un terminal pour les voir tes caméras.

- Mon cher frère, tu me fatigues.

Gisou soulève le bébé presque endormi pour le changer de sein et essuie la goutte de lait au coin de ses lèvres.

- En fait il ne s'agit pas vraiment d'adoption mais d'offrir un foyer à un enfant en manque de famille. M'occuper d'enfants est tout de même mon métier et ma passion donc pourquoi ne pas en faire profiter un enfant ?

- Vous en avez pas assez ? dit Rémy en soupirant.

Sylvie, sa femme lui pose la main sur le bras, lui faisant ainsi comprendre de se taire.

- En fait, c'est vrai qu'à l'origine je ne pensais qu'à l'adoption. Je rêve c'est vrai d'un petit garçon, et plutôt un bébé qu'un enfant. Et oui Richard, je sais, il ne remplacera pas Rodolphe et ce n'est pas là du tout le but de ma démarche. On sent que sa voix faiblit. Après Rodolphe justement, cinq filles et deux fausses couches d'enfants mâles, j'ai renoncé à l'espoir de nous donner un héritier.

Richard se lève d'un bond en maugréant. On le sent énervé. Il se dirige vers la grande table en bois massif et se saisit d'une part de brioche qu'il enfourne entièrement et d'un mug dans lequel il se sert de la tisane, puis tournant le dos aux autres, va se mettre debout devant une des grandes fenêtres.

Son frère s'est levé et est allé le remplacer dans les escaliers.

- Gisèle, je t'ai déjà mille fois dit que mes filles me suffisaient, que vous me suffisez. Je n'ai pas besoin d'un héritier, ça rime à quoi franchement ? Et zut, Maman, tu essaieras de lui expliquer toi en tant que femme, moi, j'y renonce. Il vide son mug et après l'avoir posé sur la table, va s'asseoir à côté de son frère sur les escaliers mais ne s’allonge pas, reste replié comme sur lui-même. Bref, là, j'ai accepté d'être le tuteur d'un gamin qui sera élève dans mon école. Il a quatorze ans, une sorte de surdoué dont les parents ont été déchus de leur autorité parentale car le père a attenté à la vie de son fils et la mère l'a laissé faire. Il se tait. Peut-être s’attend-t-il à ce que sa femme reprenne la parole. Mais non. Alors il continue. Il s'agira donc simplement de le surveiller tout en veillant sur lui jusqu'à ses dix-huit ans et donc rien qui nous engagera vraiment car à sa majorité nous serons dégagés de toute responsabilité envers lui. Et franchement cela m'arrange car je ne me vois pas ramener un gamin boutonneux dopé à la testostérone et sûrement presque aussi grand que moi au milieu de mes fofolles.

Son frère lui tape sur l'épaule.

- Je compatis frangin, mais pendant les vacances, tu en feras quoi ?

- Colo, stages etc... je verrai. Et à seize ans, travail d'été.

Leur père se lève et s'avance vers eux. Ils se lèvent pour le laisser passer.

- Bon et bien, moi je vais me coucher mes petits gars. Mais Richard, ne vous mettez pas les tripes à l'envers à l'avance car s'il le faut, ta mère et moi serons là pour vous aider. Même si je sais que vous gérerez très bien comme d'habitude.

Ses deux fils l'embrassent en même temps et le regardent monter avant d'aller s'asseoir chacun à côté de leur femme.

Puis Richard prend le bébé et se promène avec lui dans la pièce pendant que Gisou commence à ranger et à débarrasser. Sylvie la rejoint et l'aide. Bientôt les quatre montent se coucher derrière la grand-mère, Rémy en dernier pour éteindre la lumière.




7 janvier 2010

Caths lundi 21 juillet 1975 Camerrer

Caths lundi 21 juillet 1975 Camerer



Dimanche midi, la mère de Catherine a invité le père Camerer à manger. 

Il arrive très très tard puisque la messe finit à onze heures et qu'après il doit encore se taper toutes les jérémiades des grenouilles de bénitier qui sont pourtant venues se confesser le samedi et même certaines tôt le dimanche matin.

Comme Catherine refuse de sortir de sa chambre, il vient l'y rejoindre.

- Bonjour Catherine, m'autorises-tu à entrer dans ta chambre ?

- Si je dis non, vous entrerez tout de même comme tous les autres.

- Je ne suis pas tous les autres, je suis le père Adrien Camerer et si tu ne veux pas que nous parlions, je n'insisterai pas.

Contrairement aux autres, il lui paraît sincère. Avant de répondre elle l'observe. Il est debout au milieu de la porte, tout droit, tout en noir de la tête au pied.

« Le père corbeau » comme disait Robert qui en avait un peu peur. Elle me demande quel âge il peut avoir.

- Je veux bien que vous entriez si vous me dîtes quel âge vous avez et si vous me promettez de ne pas me parler de religion.

Elle le voit sourire en baissant la tête comme s'il allait se mettre à rire puis il pose la bible sur la commode du couloir avant d'entrer dans ma chambre dont il ferme la porte derrière lui.

- Certains disent «ce que femme veut, Dieu le veut», étant son serviteur j'écouterai les vœux de celle que tu es devenue trop tôt peut-être. En tout cas merci Catherine pour ta confiance et ce sera comme deux amis que nous parlerons. Je peux ?

Il lui montre le bout de son lit. Elle lui dit oui de la tête et il s'assied, le dos bien droit appuyé au haut panneau de bois sculpté qui forme le pied du lit.

Elle s'aperçoit alors qu'il a les yeux bleus pas aussi bleus que Robert, plutôt du genre délavé comme un vieux tissu qu'on a laissé traîné au soleil. C'est la première fois qu’elle y fait attention, avant ce n'était pour moi qu'un vieux qui passait son temps à nous sermonner.

- Alors comme ça vous voulez être mon ami ?

- Crois-tu que tu puisses être amie avec quelqu'un qui a trente-quatre ans de plus que toi ?

- Pour moi l'âge n'est pas le problème. C'est l'hypocrisie et le mensonge ambiant qui me dérangent. Et si vous vous dîtes vraiment mon ami, dîtes-moi si c'est vrai ou pas que Robert est mort ?

- Et pour toi, est-il mort ?

- Je ne l'ai pas vu mort. Ce sont mes parents qui le disent et comme ils me mentent tout le temps...


- Catherine, je te dirais seulement que tu dois toujours garder espoir et ne jamais renoncer. Die... La Vie t'amènera des surprises : certaines bonnes et d'autres mauvaises mais jamais, jamais tu ne devras perdre espoir.  
 

 

7 janvier 2010

Robert dimanche 21 juillet 1975 Camerrer

Robert lundi 21 juillet 1975 Amen !

 

L'AS est revenue.

C'est quoi ces nanas perverses, c'est moi qui les attire ?

Je n'ai rien à lui dire alors je fais semblant de dormir, et voilà que madame soulève mon drap.

Bin, pas de bol.

- Et ouais, vous ne vous rincerez pas l’œil, j'suis torse nu mais j'ai un slip. Zut alors ! Cassez-vous ou je crie pour dire que vous avez essayé de me toucher.

- Mais tu es aussi fou que ton père, mon pauvre petit.

Là, elle marque un point et j'hésite entre me taire (ce que je fais.) ou la frapper. Je lui tourne le dos mais elle m'a fait plus mal que si elle m'avait touché.

Mais au moins, elle ne reste pas.

 

J'en ai marre, qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu pour mériter ça ?

 

En parlant de Bon Dieu, à midi, je lèche la petite assiette où se trouvait une énorme religieuse au chocolat lorsque le père Camerer débarque.

- Bonjour mon grand. A-tu remercié notre seigneur pour ce repas ?

- Non mon père. Il me tend alors les mains, j’y pose les miennes.

 

Seigneur, je te remercie pour ce repas que tu m'as accordé et pour ceux qui l’ont préparé. Amen !

 

Il soupire et s'assied à côté de moi sur l'autre chaise.

- Je suis heureux de te voir debout et souriant, Je t'ai apporté un petit cadeau qui j'espère te rappellera que tu dois toujours le remercier de t'avoir permis de rester en vie.

Et il me tend un joli crucifix en bois d'olivier de Jérusalem au bout d'un cordon de cuir. C'est le même que celui qu'il m'a déjà offert pour ma première communion et qui est resté avec mes Dinky Toys. Je te laisse aussi cette bible que tu pourras lire lorsque tu t'ennuieras.

- Merci mon père, mais votre bouquin je l'ai déjà lu et honnêtement contre la douleur quand je vais faire pipi, il ne m'aidera pas beaucoup.

Il lève les yeux au ciel

- L'Homme est né pour souffrir mon garçon, elle va te permettre de grandir plus fort. Tu as fini ? Alors viens devant moi. Il me fait mettre à genoux et je ferme les yeux, les mains jointes. Prions :

Seigneur, tu as créé cette huile, bénis-la, et accorde l'abondance de ta grâce à Robert, cet enfant blessé qui m'est très cher et qui va en recevoir l'onction. Amen

Il pose ses deux mains sur ma tête.

Seigneur Jésus, Tu as dit à tes Apôtres d'imposer les Mains sur les Malades.

Écoute notre prière pour Robert et accorde-lui soulagement, paix, joie, et salut.

Amen.

Je le vois sortir le petit flacon de l'Huile des Malades et m'en fait une Onction sur le front puis sur mes mains, en disant :

Robert par cette Onction sainte, que le Seigneur, en sa grande bonté, te réconforte par la grâce de l'Esprit Saint, Amen.

Et ainsi, t'ayant libéré de tous péchés, qu'il te sauve et te relève.

Amen.

Maintenant tu vas joindre ta voix à la mienne pour que désormais la force de Dieu agisse dans ta grande faiblesse. Remercions le Seigneur : recueillons-nous et prions.

Notre Père qui êtes aux cieux

Que ton nom soit sanctifié

Que ton règne vienne

que ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel

Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés

Ne nous soumet pas à la tentation mais délivre-nous du Mal

Car c'est à toi qu'appartiennent le Règne, la Puissance et la gloire pour les siècles des siècles. Amen !

Je vous salue Marie pleine de grâce

Le Seigneur est avec vous

Vous êtes bénie entre toutes les femmes

Et Jésus le fruit de vos entrailles est béni

Saint Marie, mère de Dieu priez pour nous pauvres pêcheurs maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

 

-Te souviens-tu mon garçon des paroles de l'acte de contrition?

Cette fois c'est moi qui lève les yeux au ciel.

- Oui et même plusieurs.

- Et quand, devons-nous les dire ?

- Lorsque nous commettons un péché.

- Oui et quel est celui que tu commets à longueur de journée ?

- Aucun !

- Ah oui ? Alors vas-y, récites en un, je t'en prie.

Je ne dis rien mais accentue mon sourire, ce jeu est habituel entre nous, je sais où il veut en venir et comme à chaque fois, je refuse de reconnaître que je suis orgueilleux voir vaniteux selon son humeur.

La porte s'ouvre sur une infirmière qui sourit.

- Je reviendrai plus tard.

 

- Alors, combien de temps vas-tu faire attendre le bon Dieu ?

- Et lui, pourquoi a-t-il attendu pour me protéger de mon père ?

- S'il ne t'avait pas protégé, tu serais mort et s'il veut que tu vives, c'est que tu as un destin à accomplir. Encore une fois tu fais montre d' orgueil. Qui es-tu pour juger Dieu ?

- C'est lui qui me juge à travers vous.

Il secoue la tête, sourit puis me serre contre lui.

- Si ton père t'avait tué, je crois honnêtement mon garçon que j'aurais perdu la foi dans le mien. Il sent l'encens et la naphtaline. Je passe mes bras autour de son cou. Je ne sais pas depuis quand je connais le père Camerer mais il est un des piliers de ma vie. Pense à venir me voir quand tu seras un homme, promis ?

- Oui je vous le jure. C'est vous qui nous marierez Caths et moi.

Je vois une ombre passer dans ses yeux. Il m' embrasse sur le front, je me dis qu'il a dû se bouffer l'huile qu'il venait d'y mettre en me bénissant.

- Oui mon fils, ne perds jamais espoir envers ceux que tu aimes ou qui t'aiment,vous vous retrouverez un jour.

J'ai pas trop pigé mais bon, il était comme d'hab pareil à lui-même, il explique tout sous forme d'histoires ou d'énigmes mais je l'aime bien.

Et si c'est de Caths dont il parle, dès que je sors je vais la retrouver... alors bon, je n'ai pas beaucoup à attendre.




6 janvier 2010

Robert dimanche 20 juillet 1975 toujours un garçon

Robert dimanche 20 juillet 1975 toujours un garçon

 

Ce matin, la dame aux livres est juste passée me déposer un cahier et un Bic quatre couleurs.

Hier elle m'a proposé d'écrire comme si je parlais à un ami, mais je n'ai pas osé lui dire que à part Caths ( Caths n'étant pas une amie. C'est ma femme, la preuve en est ce qu'elle m'a offert l'autre soir. ) je n'ai jamais eu d'ami. Et quoiqu'en pense mon connard de père, je referai des milliards de fois l'amour avec Caths. Enfin si je peux...et si je ne peux plus et bin tant pis, je l'aimerai quand même. Je veux retrouver ces sensations, je veux retrouver son odeur, la douceur de sa peau, remplir mes mains de ses formes et me noyer en elle. Elle m'a dit je t'aime ! Je l'entends encore...

 

Bon bref, à part ça, je me fais chier grave, j'ai même pas droit à la télé puisque c'est payant et que je n'ai personne pour me la payer. Alors je la fixe et je m'imagine des films... mais même ça, c'est chiant à force. Donc ce petit cahier sera mon seul ami.

 

Le docteur Péret est revenu, cette fois avec sa femme.

- Bonjour bonhomme. Je suis très contente de te revoir et que tu viennes habiter chez nous, je t'ai préparé la petite chambre bleue.

J'aime bien Madame Péret.

Quand j'étais petit, c'est plus elle qui me soignait, plus que son mari. Après elle me prenait sur ses genoux et me berçait en chantant en occitan. C'est peut-être pour ça que j'ai des facilité en langue. Elle sent le pain d'épice mais sa spécialité à elle ce sont les crêpes, j'en mangerais des tonnes de ses crêpes.

- Je viens chez vous ? cool ! Pourtant hier, la dingo d' AS m'a dit que j'irai en foyer en attendant de descendre sur Aix.

- Le foyer c'est ce qui était prévu mais avec mon collègue on a magouillé. Il me fait un clin d’œil. Comme ton état nécessite encore beaucoup de soins, aller en foyer n'est pas recommandé alors que habiter chez un médecin qui pourra s'en charger, l'est beaucoup plus.

- Bin oui, c'est sûr, et puis vous êtes mon sauveur.

- Holà n'allons pas si loin.

- Pourtant c'est ce que le gendarme m'a dit.

- Alors c'est Annie qui t'a sauvé en faisant un point de compression jusqu'à l'hôpital, moi, je t'ai juste porté pendant que ma douce épouse conduisait. Mais j'avoue que j'ai bien cru qu'on arriverait pas à temps à Colmar.

 

 

Publicité
Publicité
<< < 10 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 > >>
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 628
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
Newsletter
0 abonnés
Publicité