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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )

24 février 2010

Robert jeudi 30 Octobre 1975 les Alpes Véro

Robert jeudi 30 Octobre 1975 les Alpes Véro



Je me mêle peu à eux.

Ce n'est pas que j'ai peur des filles mais ces derniers jours m'ont échaudé et puis ce n'est pas ma famille.

Je ramène mon bol dans la cuisine et le lave, j'ai hâte de retrouver mon bouquin au calme sous ma couette.

- Hep ! Holà pas si vite ! où vas-tu ?

Le pied sur la première marche, je me retourne pour regarder le colon couché sur le canapé, ses deux dernières assises sur son ventre.

- Dans la chambre. Je vais lire.

- Ne peux-tu le faire aussi ici.

Voilà pourquoi je monte dans la chambre, encore une fois, je suis le centre de l'attention de toute cette famille. Bon bin, let’s do some homeworks ! Mais si ça continue, je vais avoir fait tous les exos du livre.

Deux mains se posent à plat sur la table : le colon. 

Qu’ai-je fait encore ? Je lève les yeux vers lui, inquiet. Il sourit. Il m'enlève le stylo des mains, et m'emmène avec lui dehors.

 

Rémy débite les bûches que Papapa pose sur le billot, hier on leur en a livré plusieurs stères. Il me tend la hache en souriant. Je la prends, je fais mine qu'elle est trop lourde pour moi mais en fait elle est plus petite que celle de mon père. Je laisse retomber. La bûche tombe coupée en deux.

- Waouh, bravo !

Je hausse les épaules.

- La première fois que mon père m'a collé sa hache dans les mains, j'étais aussi grand qu'elle et je n'arrivais pas à la lever. La vôtre est plus légère et plus petite.

J'attends que l’un d’eux remette une autre bûche mais au lieu de cela, je les vois soupirer, lever les yeux au ciel. Ils ont quoi encore ? Ras le bol !

Je pose la hache et vais pour retourner dans la maison mais Papapa m'arrête puis posant son bras sur mes épaules, il me montre les filles, enfin Véro et les jumelles autour d'un vélo, debout à l’envers, posé sur sa selle. Je n'ai pas encore aperçu leurs grandes sœurs.

- Tu sais réparer une roue crevée ?

- Oui.

- Bon, alors va les aider.

Je ne peux m'empêcher de le regarder. Il a l'air sérieux, c'est ça le pire.

- Obligé ?

- Non, mais tu vas devoir aussi faire des efforts de ton côté, et ça, tu le sais.

Cette fois, c'est à moi de soupirer, je n'ai pas vraiment le choix.

Je m'approche d'elles en traînant les pieds.

- Je peux vous aider ?

Elles se retournent sur moi.

- Oh mon dieu, on nous envoie le sauveur. Parce que tu crois quoi ? Que parce que nous sommes des filles, on ne sait pas changer la roue d'un vélo ?



Wahoo ! Bon, et bien, moi, je rentre. Je jette un regard noir à Papapa et je retourne à mon bouquin, lui au moins, il ne m'envoie pas chier !

Installé en tailleur sur un des rocking-chairs, je ne la vois pas venir. J'ai presque une crise cardiaque quand elle le couche à l'horizontal. Pour me retenir des deux mains pensant me fracasser en arrière, j'envoie valser le livre et j'avoue, je crie comme une fille. Et l'autre idiote qui est pliée en deux devant moi. Et je ne peux ni la frapper ni l'envoyer chier car en criant, j'ai rameuté tous les adultes.

Richard vient se mettre entre nous deux et me regarde énervé.

- Qu'as-tu encore fait ?

Je n'attends pas qu'il m'engueule, je ramasse mon bouquin et monte dans la chambre.

Je claque la porte, me laisse glisser au sol derrière elle et laisse sortir ma rage en tapant de toutes mes forces à coup de poing contre le sol et les murs.

Un jour, je la tuerai !

Marre, marre, marre, c'est encore et toujours moi qui m'en prends plein la gueule alors que je n'ai rien fait ! Mais pourquoi ? J'suis franchement maudit !

- Robert, ouvre-moi s'il te plaît.

- Non !

- Dois-je aller chercher un des hommes ? Je me lève et ouvre à Mammema. Elle tient à la main un paquet de coton et un flacon. Elle me caresse la joue d’un air triste puis me serre contre elle. Véro nous a dit que tu n'as rien fait. Tu aurais pu le dire toi aussi.

- Il ne m'aurait pas cru.

Elle m'embrasse sur le front.

- Allez viens t'asseoir et fais-moi voir tes mains. Rémy faisait comme toi, tellement qu'un jour il a tapé trop fort sur du béton et a fini avec un plâtre. Du coup ça l'a calmé, mais s'il te plaît ne sois pas aussi stupide que lui. Elle me passe du coton arrosé d'alcool. Ça pique mais je m'en fiche. Ses gestes sont doux. Pourquoi Véro ne ressemble-t-elle pas à sa grand-mère ? Elle sourit. Quand elle lève les yeux, j'ai l'impression bête d'être pris en faute et je me sens rougir. Je me lève et vais devant la fenêtre en fourrant mes mains dans mes poches. Aïe ! Ça fait plus mal que l'alcool. Elle vient derrière moi, met ses bras autour de moi et pose son menton sur ma tête. 

 - A quoi penses-tu ?

Je réponds pas car je n'ai rien à répondre. J'aimerais être comme eux. J'aimerais être l'un d'entre eux mais je ne suis qu'un gamin qu'ils accueillent car ils ont pitié de moi.

On reste ainsi un instant puis elle me fait me tourner, m'essuie les joues et sans un mot me tenant contre elle, me fait descendre.



En bas, les filles sont toutes assises à la table où d'habitude je travaille, et là, ce sont elles, qui sont devant des livres et des cahiers.

Françoise me court dessus.

- Tu sais lire ?

- Non !

Elle est surprise une seconde puis se met à rire.

- Tu me lis une histoire ?

Elle tient un livre de contes, on s'installe sur le canapé et je commence à lui lire, Coco nous y rejoint le pouce à la bouche.



A midi, Gisou nous envoie tous les deux chercher les hommes pour manger et récupère Coco pour la mettre dans sa chaise haute.

Franchement, je souffle et affiche une mine mécontente quand elle vient nous le demander.

Finalement c'est Fanfan qui y va, moi, je reste sous le préau, à l’entrée du sas, et fais demi-tour en voyant son père la prendre sur ses épaules puis venir vers moi.

Je n'ai pas envie de voir, ni de parler au colon.

Dans le sas lorsque je pose la main sur la poignée de la porte d'entrée de la cuisine, celle-ci s'ouvre brutalement sur Véro et ses deux fidèles ombres.

- Tiens, le fou furieux.

- Non, le goret qu'on égorge.

- Bou hou hou ! Une des jumelles, les mains à la hauteur de son visage, mime quelqu'un d'effrayant.

Pour pouvoir passer, je la repousse violemment contre le tas de godasses où elle s’écroule, 





Derrière moi, j’entends Richard bloquer sa fille et l’empêcher de sortir.

- Où vas-tu jeune fille ? Tu es punie je crois, tu retournes avec moi dans le salon, je crois que tu as des excuses à présenter à quelqu'un. Tu l'as fait ?

- Non, Papa... me force pas à ça. Je te déteste.

- Et bien, tu seras punie jusqu'à ce que tu l'ais fait.



Avec Maïté et Isabelle, nous mettons la table. Isabelle passe derrière moi pour poser les assiettes.

- Désolée pour hier, avec Maïté, nous avons été débiles, j'espère que tu nous pardonnes. Maintenant vas voir Véro, et dis lui tout haut que c'est pas grave et que tu lui pardonnes comme ça Papa lui foutra la paix et vous serez réconciliés. Et en plus, tu auras le beau rôle.

Je regarde incrédule Isabelle qui vient de me chuchoter cette idée saugrenue. Moi, pardonner à Véro? Contrairement à elle, cette garce ne s'est pas excusée. Sur le coup, je suis contre totalement, j'aime bien voir Véro assise les bras croisés sur le rocking-chair en train de faire la gueule, les pieds remontés contre ses fesses.

Et puis...

Je pose le dernier verre et au lieu de retourner vers la cuisine, je vais faire un bisou à Coco dont la chaise haute est derrière le rocking chair. 

Et là, c’est à mon tour d'appuyer sur le dossier du fauteuil à bascule. À son tour de hurler. Non, non, moi, j'ai juste crié, OK ? Alors qu'elle… elle hurle tellement… qu'elle me fait presque pitié. Puis elle se lève et me court après, autour de la pièce. Je passe sous la table, tourne autour de Mammema puis des mutter, lorsque je passe à côté des jumelles, elles essaient de m'attraper, elles aussi. Le passage au-dessus du canapé est plus difficile car Véro me tient par la manche du pull et se retrouve avec le pull dans les mains et moi, torse nu. Là, je vois qu'Isabelle et Maïté tiennent chacune une jumelle et les mutter les plus jeunes mais personne ne nous engueule. Moi, je m'amuse comme un petit fou mais d'un coup, je m'arrête et lui fais face à Véro en souriant.

- Aller on fait la paix ?

- T'es qu'une pourriture !

- Non, je t'ai juste rendu la pareille.

On est devant la cheminée, le feu donne des reflets encore plus rouges à ses cheveux. Elle est toute rose de s'être énervée et ses yeux lancent des éclairs. D'un coup, je suis hyper malheureux, elle est trop belle mais c'est la fille du colon.

Elle ramasse mon pull et me le tend.

- Tu ferais bien de le mettre sinon Maman va te faire une scène. Et viens, on va manger.



Après le repas, pour ne plus me voir dans mes livres Richard se débrouille pour me trouver mille et une occupations que je fais en silence sans jamais rechigner. 

Mais cela aussi l’agace.

Pour finir, il m’envoie chercher du bois. La réserve à côté de la cheminée est pleine, je vais le lui dire mais je me tais. Il ordonne, j’obéis. Il est le colon, moi, son élève. 

Lorsque je reviens les bras chargés de bûches qu’il m’a dit d’aller chercher, il m’attrape par les épaules et, me met face à lui puis me secoue. Surpris, je laisse tomber une bûche qui loupe ses pieds de quelques centimètres.

- Pardon, mon colonel.

Oups ! Et puis flûte.

- Hein, quoi ? Mais arrête, arrête, c’est une corvée pour toi d’être ici ? Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ? A l’école, je te vois rire. Alors qu’ici même si tu as ma propre mère qui te traite mieux que nous lorsque nous étions petits. On ne t’entend pas et tu tires tout le temps la gueule. Mais qu’est-ce qu’il faut que nous fassions pour que tu te sentes bien avec nous ?

Là, c'est carrément tout le reste des bûches qui tombent ; il fait un saut en arrière, moi non. Je reste comme statufié, les bras le long du corps. Mon regard va des uns aux autres, tous me regardent. Je monte en courant dans la chambre. Une fois là-haut, je me mets à pleurer de honte. J’en ai marre de rien comprendre. De ne pas comprendre ce qu’ils attendent de moi.



A dix-neuf heures c'est Véro qui vient me chercher sans un mot mais je m'assieds à côté d'elle et des jumelles pour manger stupéfaites.



Après le repas les filles commencent une partie de Monopoly assises par terre devant la cheminée. J’enjambe le plateau pour aller jusqu’à la pile de tapis-peau de vache. Isabelle me demande gentiment de passer derrière elle au retour. Je récupère ma carpette préférée, presque noire avec des poils tout doux. La tenant au-dessus de ma tête derrière mon dos, sa queue traînant au sol, je repasse au milieu des filles mais cette fois les pions et les fiches valsent. Elles crient, et j'esquive les coups en riant.

J’étale ma peau et me couche dessus à plat ventre les pieds posés presque dans le feu. Gisou me regarde de la porte de la cuisine, je lui fais mon plus beau sourire. Elle secoue la tête et retourne dans l’autre pièce.

Je remarque à portée de main, les nattes de Véronique, je tire d’un coup bref dessus puis joue l’innocent. Richard veut que je m'intègre, OK ! Je jouerai donc au même jeu que ses filles !






































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23 février 2010

Papapa Mercredi 29 Octobre 1975 les Alpes

Papy Mercredi 29 Octobre 1975 histoire de couche



- Tiens Gisou, cadeau ! Papy pose les charentaises sur les genoux de cette dernière. Robert a quatorze ans, pas dix et ce n'est pas ton fils, il a une vie derrière lui et ça, tu ne pourras jamais le changer. Arriverais-tu à donner la main à Véro ou Isabelle toute une matinée ? Moi, je ne pense pas. Il est mignon et gentil ce gosse, malgré son sale caractère, il veut te faire plaisir, mais tu dois changer ta manière de le voir et de te comporter avec lui ou il va finir par te détester. Et sinon j'ai une histoire de couche à vous raconter, vous allez adorer. Lui par contre n’a pas aimé du tout.

22 février 2010

Robert Mercredi 29 Octobre 1975 les Alpes 5

Robert Mercredi 29 Octobre 1975 les Alpes

 

- Debout jeune homme !

La couette vole, je la reprends, me recouvre.

- Noooon ! j'ai froid moi !

Cette fois la couette disparaît et je me retrouve debout tenu par un bras par le colon à tenter de cacher mon entre-jambe.

- Disons que Gisou c'est LA colonelle, elle te dit debout, tu te lèves !

- Oui MON COLONEL !

Celui-là, il a dû l'entendre. C'est pas lui qui disait : on est en vacances, gna gni gna gna gna. Il a son pantalon à la main et sort en claquant la porte. La colonelle me regarde en secouant la tête.

- Et bien, une bonne journée qui commence. Elle ramasse les chaussettes de son mari et ses pantoufles, son pull puis prenant sa fille dans les bras va pour sortir quand elle se tourne vers moi toujours immobile tremblant de froid. Tu as intérêt d'être en bas dans cinq minutes où c'est Papy qui viendra te chercher.

Je regarde la porte se fermer.

Comme si j'avais peur du grand-père. 

Et puis pourquoi aujourd’hui, là, il faut que je me lève en même temps qu’eux ?

J'enfile les fringues qu'elle a mis sur "ma" chaise. Le pantalon est trop petit, je remets celui d'hier. Pourquoi faut-il changer de fringues tous les jours ? Je ne sors même pas, je suis propre. Je fais mon lit et je vois qu'ils n'ont pas fait le leur. Je vais lui faire plaisir à MA colonelle. J'enlève leur couette, je tire bien les draps, je secoue les oreillers comme je l'ai vu faire.

La porte s'ouvre.

- Alors qu'est-ce que tu fous ? Tiens, le Papapa est devenu blond roux ? Isabelle m'aide à terminer sans un mot puis me pousse dehors. Tu sais que t'es mignon quand tu veux ?

- Non ! Je suis toujours mignon.

Je descends ensuite en courant le reste des marches mais elle m'attrape par le pull et je finis sur les fesses avec elle sur moi.

- Aïe !

Mammema se précipite comme Rémy vers nous en rouspétant.

- Tu sais, Gisou , tu aurais peut-être dû le laisser dormir.

Richard qui se bat avec le putois pour lui mettre une bavette n'a pas bronché, les autres adultes se sont précipités.

Les mutter s'occupent d'Isabelle et Rémy me remet sur mes pieds. Je lève les bras pour me protéger.

- J'ai rien fait !

Il lève le bras aussi, je rentre la tête tant que je peux, j'attends en fermant les yeux que ça tombe.

Quand je les ouvre, ils sont retournés à table et piteux, je les rejoins.

Mammema me montre la cuisine. Je me lave les mains. Sylvie sort des sortes de brioches du four.

- Puis-je en prendre une ?

Elle me sourit surprise mais m’en donne la permission. Je vais donc jusqu'à la table en jonglant avec car elle me brûle les mains. Je la pose à côté de mon bol puis je vais commencer à manger quand je réalise que tous me regardent... ah oui, le putain de bisou du matin. Je récupère mon trésor et fait le tour de la table en continuant à jongler avec.

Enfin, je m'assois.

Mais quoi ? Pourquoi me regardent-ils encore? Je vérifie ma tenue, pas de braguette ouverte, j'suis habillé correctement. Bah, tant pis je ne comprends pas, je mords dans ma brioche et là : c'est du poison, bref du poisson ! Je me force à finir ma bouchée mais repose le reste et bois du chocolat histoire de faire passer le goût et ils sont tous pliés. Ah oui, très rigolo.

Papapa se penche sur mon épaule.

- Non, non, mon gars, tu le finis. Tu aurais attendu midi, Sylvie en a fait à la viande rien que pour toi, que cela te serve de leçon, espèce de petit voleur.

Je bois tout mon chocolat après avoir tenté d'avaler l'autre bout sans mâcher et à moitié m'étouffer. Papapa me donne de grandes claques dans le dos et Mammema semble désespérée… et moi j’suis écarlate… d’avoir manqué de m'étouffer.



Vers quatorze heures, je dois aller avec les trois mutter faire des courses. Mammema veut prendre sa voiture mais au dernier moment Isabelle et Maïté réussissent à s'incruster. Je ne sais pas ce que les mutter ont prévu mais d'avoir les deux filles avec moi, ça m'arrange même si je n'ai pas le droit d'aller avec elles tout à fait à l'arrière et j'exprime mon mécontentement en faisant la gueule.

Mais je sors de ma bouderie, en entendant Gisou dire qu'elles doivent d'abord se débarrasser de moi. Hein ? Quoi ?

- Tu as raison Gisèle, une fois que nous aurons vite fini les courses pour lui, nous pourrons ainsi lui faire un peu visiter la ville.

Ouf ! 

Rassuré, je m’autorise à me remettre à comater.

 

Nous nous garons dans une petite rue près d'une fontaine avec des éléphants. Je veux aller avec les deux filles mais Gisou me prend la main.  Je la secoue, elle serre. Elle veut jouer à ce jeu, OK ? Je serre aussi. Elle s'arrête, nos regards se croisent, je capitule. Mais ça m’agace que je doive lui donner la main alors qu’aucune des filles n’est obligée de le faire sauf Coco et Fanfan.

 

La vendeuse me tend une des deux pantoufles alors que j’ai encore les baskets sur les pieds, les admirant dans le miroir. Heu, oui et ? Elle veut que j’en fasse quoi ?

Gisou me fait signe de venir me rasseoir.

- Essaie-les s’il te plaît.

Je regarde la pantoufle, grise, moche, atroce et surtout inutile puis la regarde elle.

- Vous savez que je ne les mettrai pas ?

- Tu te rappelles ce que t'a dit Richard ce matin ?

Je lève les yeux au ciel et soupire.

- Vivement Aix !

Et je ne bouge pas, sauf mes pieds que je continue à admirer, en pensant à ce que vont dire les collègues au lycée.

 

La vendeuse est je crois la seule à avoir compris que je ne l’essaierai pas.

- Votre fils garde les chaussures sur ses pieds et je jette celles-ci ?

- Non, il remet les vieilles.

Nous ne rentrerons qu’à la tombée de la nuit et je reviens avec une paire de chaussures en cuir ressemblant beaucoup à celles de l'uniforme, une paire de baskets et… des pantoufles comme celles des autres mecs.



Je suis le premier à passer la porte du chalet et je monte directement dans la chambre non sans avoir récupéré mon roman en cours.

C'est Isabelle qui une fois de plus vient me chercher.

Mais avant de me laisser sortir, elle me tend la main.

- Attends, donne-moi la main.

Quoi ? Bon, si ça l'amuse.

En bas, elle ne me lâche pas et m'accompagne ainsi jusqu'à l'évier. Lorsque j'ai fini, elle veut me redonner la main mais Gisou l'expédie en me tendant les pantoufles.

Je secoue la tête, buté, elle me gonfle avec ses pantoufles.

- Non, pourquoi ? Je vous ai dit que je ne les mettrai pas.

- On en porte tous, fais pas ta sale tête, et ça économisera tes chaussettes.

Je lui fais un immense sourire puis enlève les dîtes chaussettes que je mets dans ma poche puis je passe fièrement à côté d'elle pour aller m'asseoir à ma place. Papapa pose sa main à ma place.

- Je crois que Gisou t'a demandé de faire quelque chose.

Cette dernière vient poser les pantoufles sur le banc à ma place. Mammema pose dans mon assiette quatre petites brioches. Je croise le regard de Gisou qui s'est assise à sa place. Fait chier ! J'enfile ces stupides trucs et m'assieds mais à peine assis, je les vire. J’aime être pieds nus, si je pouvais je vivrai pieds nus.

- Tu n'as pas perdu quelque chose ?

Purée, il me gonfle le vieux.

 

Si je vous dit que pour aider à débarrasser, je marche en traînant les pieds en les faisant glisser, ce qui donne un bruit atroce.

Véro et les jumelles sont installées sur une peau devant la cheminée pour jouer au nain jaune. J'ai oublié mon livre dans la chambre et quand je fais mine de monter, Richard m’appelle en faisant non, du doigt.

Je soupire. Souffle. Il me fixe, du coup ce sont tous les adultes qui me fixent.

Purée, dorénavant, mon livre me suivra partout où j' irai ! 

Devant la cheminée, les filles jouent encore une fois à un jeu de société.

- Vous jouez à quoi ? Je peux jouer avec vous ?

Je n’attends pas leur réponse et m'assois sur les talons entre les jumelles. Au bout de la troisième partie, je m'ennuie et je vais m'asseoir derrière mes cahiers surtout qu'elles m'en ont acheté des neufs.

 

A l’heure du coucher, Isabelle se plante à côté de la table 

- Aller ferme tes livres et viens !

- Et pourquoi je viendrais avec toi ?

- Parce qu'il est vingt-deux heures.

Je me lève donc.

Elle me prend la main, je souris, me demandant à quoi rime cette nouvelle manie. 

Elle me met le dentifrice sur ma brosse à dent, me remplit mon verre en vérifiant la température de l'eau, et se lave les dents en même temps que moi. Elle refuse de me donner la serviette et m'essuie elle-même la figure après m'y avoir passé un gant. 

Elle joue à quoi ? Serais-je devenu sa nouvelle poupée ? 

Par contre quand elle m'entraîne aux toilettes et m'y enferme en me disant : "tu fais ton petit pipi du soir", ça commence à me gonfler surtout qu'après elle veut me laver les mains.

Je me rebelle et l’envoie bouler.

- Mais tu joues à quoi là ?

- Moi ? A rien.

Elle sourit en me tendant la serviette pour que je m’essuie les mains puis va la remettre sur son crochet.

Puis à nouveau… je dois embrasser tout le monde en lui donnant la main. 

Par contre, en bas des escaliers, il y a du nouveau, Maïté me prend l'autre main. Arrivés en haut, je veux qu'elles me lâchent mais elles entrent avec moi dans la chambre des parents en refermant la porte derrière elles. Maïté ouvre les draps de mon lit et Isabelle commence à vouloir m'enlever mon pull.

- Eh ça va pas ?

Elle pose son index sur mes lèvres. Je tente de le mordre en riant.

- Ah non, le bébé à sa maman, il obéit sagement.

- Quoi ?

Maïté est à côté d’Isabelle. Hum, là ça pue ! Je fuis devant les deux filles hilares. Maïté prend une des couches de Coco et l'agite.

- Aller bébé soit sage, laisse-nous te mettre ta coucouche.

Je monte debout sur le lit des parents.

- Mais bien sûr, bin voyons, Je te souhaite beaucoup de chance pour y arriver Maïté.

Elles se jettent alors vers moi mais je les évite et sautant au bas du lit, je fonce à la porte, hélas, fermée.

Isabelle me montre la clef.

Même si ce n'est qu'une fille, elle fait vingt centimètres de plus que moi et elles sont deux, lui foncer dessus ne servirait à rien. Je déplace mon lit pour passer derrière puis celui de Coco. Je plonge sous le lit des parents, elles m'y suivent. Collé au mur du fond, je distribue des coups de pieds, Maïté m'en tient un puis les deux car je n'ose pas taper trop fort. Isabelle vise mes mains, par contre avec elle, je suis moins tendre. On n'entend pas les adultes ouvrirent la porte.

Rémy extirpe Isabelle et Papapa Maïté de dessous le lit. Par contre, moi, je refuse de sortir pour ne pas montrer que je pleure.

- Non, foutez-moi la paix, je veux retourner à Aix !

 

Je les vois tous sortir sauf Papapa.

- C'est bon, maintenant, sors !

Je le vois s'asseoir sur mon lit sans un mot.

Quand je sors enfin, il me tend un des deux pyjamas que Gisou m'a achetés le matin même, avec un sourire qui sent le fou rire réprimé.

- Voilà, c'est pour ça que je veux partir, j'en ai marre que tout le monde se foute de ma gueule ici.

Je vois son sourire disparaître.

- Je ne me moque pas de toi mais de Gisou. Elle essaie de te transformer en un mini Richard et je lui souhaite beaucoup de courage pour y arriver. Sinon, qu'as-tu donc fait aux deux grandes.

Et voilà, c’est ma faute, c’est moi bien sûr le fautif. Ils sont bien tous comme mon père !

- Moi rien, depuis notre retour, Isabelle ne me laisse pas faire un pas sans me donner la main et là, Maïté voulait me mettre une des couches de Coco. Si Mammema dit vrai, quand je serai plus grand c'est moi qui la lui mettrai cette putain de couche.

- Une couche ? Je retourne sous le lit pour la récupérer et lui tends. Il fronce les sourcils. Je crois que je vais avoir une petite conversation avec ses parents. En attendant, couche-toi mon grand, et non, personne ne se moque de toi, sauf peut-être ces deux pestes.

- Tu parles, Gisou me traite comme un gamin de quatre ans, elle m'a forcé à lui donner la main toute la... et là, j’ai une illumination. Oh mais c'est pour ça... putain si je faisais un mètre vingt dix, elle ne me traiterait plus comme un petit garçon, merde j'ai l'âge de Véro pas de Yvette. J'ai plus besoin qu'on me donne la main !

Il hoche la tête et se lève me laissant me coucher. Il reste un moment debout au-dessus de moi. Il a un regard sévère qui me fait peur. Je lui esquisse un sourire réfléchissant à ce que j'ai encore pu dire ou faire de mal. D'un coup, il se déride.

- Bonne nuit mon grand. Et si ce pyjama te fait chier comme ces pantoufles, ne le mets pas. Je le vois se baisser et prendre la paire de charentaises, éteindre la lumière derrière lui en sortant.

Quand Richard et Gisou viennent se coucher, je ne dors toujours pas, tournant et me retournant dans le lit, mais je fais semblant. Comme tous les soirs, Gisou vient m'embrasser et je sens sa main glisser sur mon bras nu que j'ai hors de la couette.







22 février 2010

Robert Mardi 28 Octobre 1975 les Alpes 4

Robert Mardi 28 Octobre 1975 les Alpes 4

 

En bas, personne. Où sont-ils tous passés ?

L'horloge de la cuisine m'indique midi quinze.

Dehors, plus de voitures. Je suis seul dans la grande maison.

Yeh ! trop bien !

Sur la fenêtre qui sert de frigo, je prends une des bouteilles de lait puis je vais m'installer avec mes livres et cahiers. Je commence par finir le livre de la veille pour le reposer dans l'armoire et en récupérer deux cette fois-ci que je pose à côté de mes affaires scolaires.

Au bout d'un moment, j'interrompt mon travail pour remettre des bûches dans la cheminée de la grande salle et dans celle de la cuisine.

J’en profite pour ramener la bouteille de lait vide, la rincer et la poser comme les autres bouteilles vides sur le support la tête en bas.

Devant moi la cafetière est pleine.

Dans l’autre pièce, je vais chercher un bol dans l’immense placard. Mais sur une étagère bien alignées au fond contre le mur, de minis brocs de bière blancs avec dessus dessiné : l’insigne d’une base aérienne, d’un bateau, d’un sous-marin et même de l’école d’Aix. Je vais pour la prendre quand je saisis celle d’à côté : la BA 701, la base de Salon.

Dedans, mon café a un goût merveilleux.

Le silence me pèse.

Je prends un des livres puis me couche sur le canapé.

Au moindre bruit, qu'il me semble entendre, je me lève, vais à la fenêtre.

Il manque les deux breaks.

J'oublie mon livre, je suis seul, je suis le dernier homme de la terre, le monde s'écroule, non plutôt, brûle sous les radiations, je dois trouver un endroit sûr. Je décide que la grosse barre qui courre sous la table principale sera parfaite pour cela. Mais pour y arriver je dois ramper, rouler sur moi-même guettant le moindre bruit. Mais ce jeu lui-même m'ennuie.

Je reprends mon livre mais je décide que cette grosse barre est la branche principale d'un arbre gigantesque.

 

Quand ils arrivent, le soleil est au zénith et je dors sur le canapé.

- Salut ! tu ne t'es pas trop ennuyé ?

- J'ai dormi.

Ma déclaration les amuse. Richard lui-même a visiblement du mal à ne pas rire.

- Mais on a récupéré une vraie marmotte, tu pourrais faire un bon savoyard.

Le grand-père rouspète.

- C'est ça, moque toi de tes ancêtres espèce de saligot.

Mammema vient me prendre par la main pour me coller à un petit mur qu'on ne voit jamais, caché par la porte de la cuisine. Sur ce pan de mur, de multiples petits traits avec des prénoms de toute la famille associés à une date.

- Voilà un mètre quarante cinq, vous verrez qu'à Noël, il aura grandi, il a quatorze ans, presque quinze, à cet âge les garçons ça poussent, Véro et Isabelle je vous vois glousser, bientôt il vous mangera la soupe sur la tête mes filles. Il fait quelle taille ton père ?

- Un mètre quatre-vingt dix je crois.

- Bon, ben, mes garçons, vous allez avoir de la concurrence.

 

Ce soir-là, au fond de mon lit, deux trucs me travaillent, la taille de mon père et ma future taille, mais aussi qu'elle ait dit : "vous verrez à Noël."

21 février 2010

Robert Lundi 27 Octobre 1975 les Alpes 3

Robert Lundi 27 Octobre 1975 les Alpes

 

Ce matin, je suis encore dans mon lit mais je n'y suis pas tout seul. Un truc roux et remuant en gigoteuse avec des renards roses et bleus, me regarde dormir en suçant son pouce.

- Bou !

Surprise par mon “bou”, elle sursaute et recule. Je la rattrape de justesse avant qu'elle ne tombe du lit. Par contre, elle pue, c'est une horreur. Je me lève en la tenant à bout de bras et j’essaie de réveiller son père mais sa réaction est assez violente.

Et il ne s'est même pas réveillé. 

Refroidi, je n’ose pas aller voir Gisou et décide d'aller voir en-bas s'il y a quelqu'un de levé qui pourrait s'occuper d'elle car là franchement j'estime que ça urge.

En-bas personne !

Dans la cheminée, le feu est mourant et je suis gelé, je regrette de ne pas avoir pris mes vêtements en passant mais l'odeur repoussante du truc qui gise sur le dos à côté de moi sur le sol, a anesthésié mes neurones.

Le feu reprenant grâce à quelques bûches, me réchauffe. Sur le canapé un plaid traîne, je m'en drape les épaules et là, je vois que la mouffette s'est rendormie.

Purée, mais moi aussi j'ai sommeil.

Dans la cuisine, l'horloge indique cinq heures vingt cinq. Chouette ! En plus, maintenant j'ai faim.

Dans la huche à pain, je pique un gros quignon et sur le rebord de la fenêtre qui sert de frigo, un bout de fromage qui pue autant que le truc que j'ai abandonné... Ouf ! Elle dort toujours là où je l'ai laissée.

Et pourquoi suis-je descendu avec elle ? Je croyais quoi ? Qu'à cette heure quelqu'un serait levé ?

Mon repas fini, les miettes jetées au feu, je me couche autour du putois le plaid sur nous deux et je fais comme lui, je me rendors.



- Il est mignon quand il dort.

- Mais pourquoi dort-il là ?

Je repousse le truc rousse penché sur moi et beaucoup plus grand que celui qui a disparu.

- Parce que votre petite sœur m'a réveillé.

- Moi, j'ai pas de petite sœur !

Je fusille la jumelle du regard puis drapant ma dignité d'homme avec le plaid, je me dirige vers les escaliers. Richard les descend avec un putois qui sent bon et habillé. Elle me tend les bras.

- Non, sale bête.

- Merci de t'en être occupée.

- Hum.

Je n'ai pas envie de lui raconter sa façon assez violente de rejeter son bébé ce matin.

Dans la chambre, la mutti fait son lit.

Allant au côté opposé à elle, je l'aide.

Cela la fait sourire puis sans un mot, je vais me glisser dans le mien. Brrr, le contact des draps froids, me congèle, il ne correspond pas au souvenir chaud que j'en gardais. Je soupire.

Elle se penche sur moi en me caressant la joue.

- Habille-toi et viens déjeuner puisque tu es réveillé, hier avec Mamie, nous avons fait de la brioche mais tu risques de ne pas en avoir.

Je la regarde. Je ne saurais dire si elle est jolie mais ce que je sais, c'est que j'aurais voulu avoir une mutti gentille comme elle.

- Oui, j'arrive.

 

En bas, je vais poser mon sac de cours, du moins la besace avec mes livres et cahiers sur la table la plus au fond puis je vais directement vers le vieux.

- Pardon monsieur, vous sauriez s'il y a des stylos, règle, compas, équerre et autres trucs comme ça ici ?

Il sourit.

- Oh oui, mais d'abord bonjour mon garçon. Et me tenant par la nuque, il me dépose un baiser sur le front. Ici, la tradition veut que quand on arrive, on dise bonjour à tout le monde.

Je me redresse et faisant un geste de la main :

- Bushur, E Güeter !

- Non, on est en France jeune homme. Et tu passes voir chacun et tu l'embrasses, nous ne sommes pas des sauvages.

Putain non, pas aux filles ou aux mecs ? Mais non, je n'en ai pas envie, moi. Les filles, je les déteste et les mecs, ben ce sont des hommes et… moi aussi. Et puis Richard c’est mon colon tout de même !

- Les alsaciens se sont battus pour être français et nous ne sommes pas des sauvages !

Je l'ai dit tout bas, il me répond sur le même ton :

- Oui, mais toi, tu en es un ! Puis sur un ton plus haut. Et quand tu auras déjeuné, je te montrerai le tiroir des tortures comme l'appellent les filles.

Pour bien montrer tout de même mon désaccord, je ne vais embrasser que les femmes puis m'assois à côté de lui.

Il me montre les autres habitants de la maisonnée.

- Et les autres ?

Je marmonne.

- Qu'ils crèvent !

Sa réaction est de vouloir m’empêcher de m’asseoir mais ayant déjà une jambe derrière le banc et l’autre levée, je m’écroule juste retenu par sa main et me retrouve au sol sur le dos. Surpris, je me relève et finis le tour de table en faisant la gueule.



Le tiroir des tortures est en fait un grand tiroir en bas d'un placard derrière la table où j'ai posé mon sac, avec dedans tout en vrac, stylos, crayons et autres matériels scolaires.

A genoux devant, je passe une bonne heure à tout trier. Allant jusqu'à demander s'il y a des boîtes vides quelque part.

C'est la petite Françoise qui m’emmène au grenier, là, je trouve fortune sous la forme de boîtes à chaussures vides. Le tiroir est très profond et elles y tiennent parfaitement. Je suis tout content de moi.

Mais maintenant, des cahiers, y en a-t-il quelque part ? Je me mets à visiter les autres tiroirs.

Dans un autre tiroir, des jeux de société, certains ouverts et jetés tel quel, j'ai envie de les ranger mais je dois d'abord trouver des feuilles ou des cahiers même vieux. Je finis par en dégoter une pile en bas du placard voisin ainsi que des vieux livres dont toute une collection de titres autour d'un jeune pilote de la RAF. Muni d'un livre et de trois vieux cahiers déjà à moitié pleins, je vais m'installer à la table puis me mets à bosser.

A Midi, la Mammema me ferme le cahier, me retire le stylo des mains et m’emmène me laver les mains puis me mettre à table sans un mot.

Le repas fini, après les avoir aidé à débarrasser, je retourne à mes cahiers.

Le soir, rebelote, le cahier se referme tout seul mais cette fois je râle… un peu. Et du coup, cette fois, c’est tenu par l'oreille que je suis à nouveau conduit au lavage de mains puis à table.

Après le repas, je range mon travail, mais le laisse sur la chaise bien rentrée sous la table, et muni d’un des livres trouvés plus tôt, je m'installe par terre contre le mur à côté de la cheminée et décolle avec le héro.

 

Quand Gisou me l'enlève des mains, il me reste deux pages à finir.

- Mais je... il me...

Doigt sur la bouche ! Je me tais.

- C'est l'heure d'aller se coucher et comme les autres, tu vas souhaiter une bonne nuit à tout le monde, et embrasser tout le monde compris ? Ensuite, tu iras te brosser les dents, je t'ai posé une brosse neuve sur l'évier et dodo sans rouspéter.

Comme le matin, j'obéis mais comme le matin je montre bien que ça me gonfle, pour les filles et les mecs sauf avec Papapa, car avec lui, je commence à me méfier.



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20 février 2010

Robert dimanche 26 Octobre 1975 les Alpes 2

Robert dimanche 26 Octobre 1975 les Alpes

 

Bordel mais qu'est-ce que je fais encore dans ce lit.

Les volets sont ouverts.

Les adultes et Coco ont disparu.

Le lit de bébé et le lit une place sont faits.

Bon, je demanderai au colon.

Je me lève.

Je suis en slip et je me gèle, purée non. Mon sac est vide... j'ouvre l'armoire, hou la,C’est remplis de fringues et draps mais ce ne sont pas les miennes.

Sur une chaise sont posés des fringues mais plus aucune trace des miennes. Bon tant pis, si j'attends encore je vais me pisser dessus.

En bas des escaliers, je sprinte pour éviter Rémy qui veut me choper puis la vieille.

Hou que ça fait du bien quand ça sort !

Dehors j'entends la vieille et les deux mutter. Va falloir que je me la joue fine là.

J'ouvre doucement la porte des toilettes, j'ai pas tiré la chasse, histoire de passer ni vu, ni connu...

- Mais sors de là, espèce de jeune inconscient ! Et tirer la chasse, tu ne sais pas ?

Ouille, la Mammema a de vraies serres. J'essaie de lui enlever sa main de mon bras mais cette fois c'est Gisou qui me prend la main.

- Viens ici toi ! Qu'est-ce que tu fais dehors dans cette tenue ?

- La prochaine...

Elle s'arrête, me pose son index sur la bouche.

- Chut ! Tais-toi, n'aggrave pas ton cas !

Hier je l'ai vu faire pareil avec ses filles.

- Gisou.

On se tourne tous les deux vers la vieille qui lui montre nos mains et les toilettes. La dite Gisou soupire puis me tire jusqu'à l'évier où elle se met derrière moi, ouvre l'eau, et me tient les deux mains sous le jet. Je regimbe, vexé, suis plus un gamin !

- Hé ! je...

Et encore le doigt sur la bouche mais cette fois, j'ai de la flotte sur tout le visage et le torse. Je me laisse faire, en fait ça commence à m'amuser.

Derrière nous, le colon pose des vêtements sur le rebord d’une des cuves.

- Gisou, ce sont ceux-là ?

- Oui, merci, mon amour.

Je n'ai pas le temps de réagir que déjà, je me fais habiller. Marcel puis chemise dont la Sylvie n'a pas le temps de fermer tous les boutons que j'ai déjà le pull sur la tête. Hé ! mais ce sont les frusques qui étaient sur la chaise. Gisou me tend un pantalon en velours rouge.

- Il n’est pas à moi.

- Maintenant, oui.

Je regarde la femme du colon, l’air butté.

- Heu, non, je veux les miens.

- Tu n'es pas à l’école ici, donc pas d’uniforme, habille-toi !

- Bon, tu le mets seul ou il faut aussi qu'on te le mette ? La vieille commence à me gonfler. Ah bin voilà, fichtre, on dirait Richard petit.

- Hé ce pull était à moi !

Le frangin du colon rigole en me regardant.

Oh ! Ce ne sont pas des vêtements de filles mais des deux hommes ?

- Non Rémy, celui-là, c'est celui de ton frère, j'en aurais mis deux comme lui dans le tien. Hep là !... tu vas où mon grand ?

- Pisser un coup ma chère Maman. Il passe un bras autour des épaules de sa femme. Tu m'accompagnes ?

- Rémy ! Les trois femmes en chœur.

- Quoi ? Ne me parlez pas d'oreilles chastes car je vous rappellerais à tout hasard, que ce moucheron a déjà couché avec une fille et donc qu'il n'a plus rien à apprendre.

Il sort avec un air désabusé mais les trois nanas me regardent devenir cramoisi. Oh bordel, le colon leur a tout raconté ! Je repousse sans douceur sa femme et fonce dans la grande pièce où il s'occupe de sa dernière.

- C’est dégueulasse mon colonel, vous n’étiez pas obligé ! J'exige que vous me rameniez sur Aix en tout cas quoiqu'il arrive, je ne reste pas un jour de plus ici !

Sur ce, je gravis les escaliers quatre par quatre, bouscule le grand-père qui s'y engage et m'enferme dans la chambre. Je m'appuie contre la porte.

Je veux me casser d'ici.

Je vais à la fenêtre, cette dernière donne sur le balcon qui courre tout le long de la façade. J'y sors, il passe devant quatre autres chambres identiques à la leur. 

Je retourne dans la chambre et vais enlever le verrou de la porte, puis retourne sur le balcon. Je referme avec le bout de mes ongles rongés les portes vitrées et vais jusqu'au bout du balcon.

La bâtisse est appuyée à une sorte de petite falaise qui s'arrête juste au niveau du toit. Je vais l’escalader et me casser.

Le long du mur contigu au balcon une petite corniche courre jusqu'au rocher. J'y prends pied et commence lentement à progresser lorsque je les entends sur le balcon.

- Alors toi, je te tuerai après avoir tué ce gosse, t'es un abruti qui ne sait pas tenir sa langue. Purée, mais où est-il ?

 

Au bout de la corniche, je découvre qu'il y a plus d'un mètre entre la falaise et le chalet, je ne pourrai jamais l'atteindre, mais il y a un espace dans le mur, je m'y glisse autant que je peux et là, j'éclate en sanglots.

Ça m'apprendra encore une fois à faire confiance.

J'entends une voiture démarrer. Qu'ils me cherchent !

 

- Robert sort de ce trou, je vois tes pieds mais je suis trop vieux pour venir te chercher, mes fils ont  toujours été trop crétins et trop pleutres pour découvrir ma cachette, mais toi tu l'as trouvée et de ça, j'en étais sûr. Allez viens gamin, qu'on cause tous les deux et moi contrairement à mes fils et mes belles-filles, je sais tenir ma langue. Bon, alors, tu viens ? Écoutes, je redescends mais s'il te plaît, fais-moi confiance d'accord ?

 

D'abord, je commence par essayer de me faire encore plus petit et rentrer les pieds mais je ne tiens pas longtemps alors je décide de quitter ma cachette.

Le retour est plus dur, je ne saurais dire pourquoi mais j'y arrive tout de même peut-être parce que cette fois, je réalise le danger. Mais le Papapa en me comparant au colon et son frère, m'a rendu très fier.

J'arrive en bas des escaliers en même temps que le colon. Quand je le vois, je veux remonter mais il est plus rapide que moi et me bloque, ce qui me fait tomber sur les marches, mon front tape sur l'une d'elles. C'est sonné qu'il me porte pour m'asseoir sur le canapé.

- Pousse-toi, espèce de grosse brute, il est chez nous depuis deux jours et tu vas déjà me l'amocher. Entre toi et Rémy, on n'est vraiment pas gâté.

La Mammema me met un gant froid sur le front qu'elle remplace par un glaçon.

- Vous voyez Gisou et Sylvie, c'est ça que j'appréciais avec vos filles, ne plus avoir à penser à garder la pharmacie à portée de main. Ça va ma puce ?

J’opine de la tête.

Papy les écarte.

- Il n'est pas mort ? Alors, il va aller mettre ses souliers et nous allons faire un tour en voiture tous les deux.




- Tu vas avoir une belle bosse mais comme on dit : “c’est la Vie qui entre.” Mais dis-moi, veux-tu te la jouer beaux gosses avec moi ? Mais, attention ! Je te fais confiance, tu ne le diras pas à Mamie, s’il te plaît ?

- Oui Papapa

- Papapa ?

- Papy en alsacien.

- Oh ! Bon faut qu'on parle tous les deux de ce que Richard nous a dit ou pas, sur toi, d'accord ? Je hoche la tête. Tu as pu remarquer qu'on est tous très proches. Alors effectivement, il nous a parlé de toi, il a dit par exemple que ton père avait disjoncté juste parce que tu t'étais payé du bon temps avec une fille et franchement vu le passé de mes deux zigotos, cela ne nous a pas choqué outre mesure. Par contre, vois-tu, nous sommes  incapable de comprendre ton géniteur car pour nous ton père n'a rien d'un père. Si j'avais du trucider mes fils pour chaque fille qu'ils ont sautée, ils seraient morts, je pense, beaucoup plus jeune que toi, surtout Richard. Et si on allait se boire un coup ?

Il arrête sa voiture devant un café et nous prenons place à une table. Il m'offre un coca et commande une bière pour lui. Il ne ressemble en fait, en rien à ses deux fils qui tiennent plutôt de leur mère.

Il est originaire d'ici.

Un vrai savoyard, né les skis aux pieds mais la tête dans les nuages. Le plus jeune de cinq garçons. C'est son père aidé par ses frères et de ses oncles qui ont construit le chalet pour en faire une sorte d'hôtel. Puis, il y a eu la guerre, le chalet servant de QG aux allemands n'a miraculeusement pas été détruit mais son père, et ses frères ont été tués et lui seul pourtant au front avec la RAF a survécu. 

Les jumeaux ont été élevés sur Paris en grande partie par leurs grands-parents maternels pendant la guerre puis à Toulouse où leur père travaillait en tant qu'ingénieur et c'est à la retraite pour faire plaisir à sa femme, vraie titi parisienne qu'ils s'y sont installés pour leur retraite.

Il me fait rire en remettant la capote au cabriolet, juste avant d'arriver au chalet.

- Sinon, je vais me faire gronder par Mamie. Mais toi, tu vas me promettre que si tu en as gros sur la patate au lieu d'aller les envoyer chier directement, tu viens me parler, promis ? Et saches que quoique tu me raconteras, je serai muet comme une tombe, d'accord ?

Si je dis oui, au fond de moi, je ne suis pas prêt de refaire confiance à l'un d'eux.

 

Ils n'ont pas commencé à manger car ils nous attendaient. Mamie m’accueille en s’inquiétant pour ma bosse puis à nouveau, elle me fait m’asseoir à table à côté d'elle, tout comme au repas du soir.



Par contre, je passe l'après-midi enfermé dans la chambre à dormir roulé en boule sur mon lit et le soir, c'est Gisou qui vient me chercher.

Elle ne toque pas. Elle entre directement.

Je suis assis sur le lit adossé au mur.

Elle s’assied sur le lit en souriant, s’essuie les mains avec le tablier qu’elle porte sur sa robe puis me prend le livre des mains. Il parle d’un requin qui terrorise la population d’une petite ville côtière des USA. Absolument débile et ennuyeux mais c’est le seul que j’ai trouvé.

- Tu l’as trouvé dans ma table de chevet ?

- Oui désolé.

- Ce n’est pas un livre pour un enfant de ton âge. Un silence gênant s’installe, je ferme le livre et le lui tend, prêt à m’excuser à nouveau. Non, garde-le, je pense qu’il ne t’apprendra rien de bien nouveau. Maintenant, viens, descendons manger.




Dans la nuit, je fais à nouveau ce cauchemar : mon père au dessus de moi, répéte : «Tu n'as pas le droit de vivre car je t’aime, tu n'as pas le droit de vivre car je t’aime» et cette douleur qui me fait hurler même si je sais que je n'ai plus mal.

Mais cette nuit, une voix est plus forte que celle de mon père, une voix douce et féminine. Je me réveille carrément sur les genoux de la mutter, et elle me berce comme un enfant. Bon ok, je suis un enfant, enfin en taille. Fichue taille qui cette fois me sert agréablement.

Je referme vite les yeux et la laisse me serrer contre elle avec des mots doux. J'ai croisé le regard du colon assis sur son lit. Il n'a rien dit. Je me laisse aller à penser qu'elle est ma vraie mutti, et sans m'en rendre compte, je me rendors apaisé.








19 février 2010

Gisou samedi 25 Octobre 1975 les Alpes

Gisou samedi 25 Octobre 1975 Colmar les Alpes

 

- Richard, il est bientôt midi, tu ne vas pas le réveiller ?

L'homme la regarde narquois.

- Vas-y toi, tu en crèves d'envie.

Elle se mordille la lèvre et secoue la tête comme une enfant prise en faute. Le sourire de l'homme s'accentue.

- Ce n'est pas ça voyons, mais j'aurais aimé qu'il fasse connaissance avec nous avant l'arrivée des autres. Tant de monde d'un coup, tu ne penses pas que cela risque de l'effaroucher ?

Mais n'attendant pas la réponse, elle est est déjà à l'étage.

 

Elle traverse la chambre jusqu'à la fenêtre. Suspend son geste pour regarder l'enfant qui dort à sa place. Il est aussi pâle que l'oreiller, un petit visage maigre, des traits fins malgré des mâchoires déjà bien marquées.

Un rayon de soleil vient le frapper en plein visage, à peine les volets ouverts. Il rentre ses bras nus et maigres sous la couette et se roule en boule. Puis, son visage se tend vers la lumière. Il ouvre difficilement des yeux bleus tendant vers le violet sous cette clarté qui l'aveugle. Il se redresse sur un coude mais tient serré  sa couette contre sa poitrine.

- Bonjour jeune-homme.

- Bonjour Madame.

Il grimace un sourire qui la fait sourire, elle aussi.

Faisant écran entre le soleil et lui, elle reste sous le charme de ses longs cils. Mais ensuite,  comme à chaque fois sa maigreur l'effraie.

Elle soulève la couette et aperçoit des genoux cagneux et un ventre blanc.

- Tu n'as pas de pyjama ? Tu ne dors pas nu, j'espère, je ne veux pas de ça sous ce toit. Il secoue la tête avec un sourire amusé. Bon alors, dépêche-toi de te lever, nous passons à table.




Sylvie pose le plat vide dans l’évier puis saisit le coude de sa sœur l’empêchant de retourner dans la salle à manger avec les rôtis de veau. Elle parle bas pour n’être entendue que de moi.

- Gisou, Ton gamin, tu es sûr  qu'il a quatorze ans ?

- Et bien Sylvie, c'est comme ça qu'ils nous l'ont vendu. Même si, j'avoue qu'à moi aussi, cela me semble fou. Quand dans la cour de l’école, je le vois au milieu des autres élèves, il est minuscule par rapport à ses camarades de classe. Mais ce que j'ai pu noter c'est que de loin, il ne donne pas l'impression de devoir forcer sa présence parmi eux, si tu vois ce que je veux dire. Et plusieurs fois, j'ai pu voir ses camarades se déplacer pour se mettre entre lui et d'autres qui semblaient vouloir le bousculer. Et puis, il a une bonne voix qui s'entend de loin.

- Et ce séjour en Alsace avec ton homme ?

Cette fois c’est elle qui entraîne sa sœur au fond de la cuisine.

- Richard en est revenu complètement retourné. C'est pourquoi ils sont là. Bon, vu, le peu qu'il m'a raconté, je le comprends de ne pas avoir eu envie de ramener le môme à Aix et de l'y laisser.

Sylvie scrute son visage, elle connaît bien sa sœur et là, elle la sent bouleversée. 

- Tant que ça ?

- Et bien, déjà, quand tu le verras torse nu, attends-toi à avoir un choc ma chère petite sœur.

Mais Sylvie se méprend sur ses paroles.

- Ah ça, il ne semble pas très gros.

- Si, ce n'était que ça. Lorsque je sais qu'il doit passer à l'infirmerie, je me débrouille pour y être. Madame Lang, l’infirmière, et moi sommes bonnes copines. Et la première fois où j'ai vu son dos, j'ai cru défaillir en imaginant la douleur que ce pauvre petit bonhomme avait dû supporter. Et les deux grandes qui l'ont vu en maillot à la piscine, m'ont confirmé avoir eu le même sentiment que moi. Et maintenant que Richard m'a un peu raconté par où il est passé,  je sais une chose. C’est que l’on se doit d'offrir une autre vie à ce gamin et lui faire oublier son passé.




Richard rattrape pour la dixième fois la cuillère que le bébé assise dans sa chaise haute à côté de lui, lâche au-dessus du vide.

- Mademoiselle Corinne cette fois plus de cuillère. Et il a juste le temps d'enlever aussi la petite assiette, avant que les deux mains du petit démon roux ne viennent frapper à plat son emplacement. Raté ma chérie, Papa a appris la leçon. Non Corinne. Non, tu ne hurles pas. Oh et puis zut !

 

Repoussant la chaise haute derrière lui, il se retourne et se remet à déguster le contenu de sa propre assiette tout en observant son père en grande discussion avec le gamin. Tous deux parlent bas mais cela doit tourner sur la façon de tenir ses couverts. Il voit l’homme rectifier patiemment la position des doigts de l'enfant sur sa fourchette, lui faire changer de main pour couper sa viande, plusieurs fois lui taper légèrement sur le coude pour les lui faire enlever de la table puis lui remonter les mains, de ses cuisses à sur la table à plat. Il n'a jamais vu son père aussi patient avec ses petites filles mais il est vrai qu'elles, elles ont appris cela naturellement, par mimétisme. Le gamin, ce n'est pas au mess, au milieu des autres sauvages comme lui qu'il apprendra les bonnes manières.

Rémy le sort brusquement de ses pensées.

- Richard, ta fille !

De suite, il se tourne et soupire. Le petit monstre est debout dans sa chaise. Maintenant qu'elle sait se débrêler1 toute seule, la chaise haute c'est fini. Fini la relative tranquillité.

Il pose alors la petite rouquine qui tape des mains, debout sur le sol. Son visage marque la surprise puis l'anxiété mais d'un coup, un sourire l'éclaire, et, tendant les mains vers son père, elle fait les trois pas qui la sépare des genoux de ce dernier.

- Bravo ma belle. Gisèle vient, vient vite, elle marche. Il soulève l'enfant et la pose face à sa mère qui s'est précipitée et accroupie lui tend les bras à moins d'un mètre. La petite lève la tête vers son père, le visage tout chiffonné, comme prête à pleurer et se laisse tomber au sol et à quatre pattes fait le tour de la table vers l'emplacement du garçon dont elle saisit le pull pour se redresser. Ce dernier se tourne alors vers elle et la saisit, comme s'il l'avait toujours fait puis l'assied sur ses genoux.

Gisou, d'abord vexée et déçue, s'est levée. Son homme l'attire à lui et tous deux enlacés sourient en observant la scène.

 

1Enlever sa ceinture / son harnais de sécurité

19 février 2010

Robert samedi 25 Octobre 1975 les Alpes 1 version 2

Robert samedi 25 Octobre 1975 Colmar les Alpes 

 

Quelqu'un ouvre les volets, je rentre, telle une tortue les bras et la tête au chaud sous les draps. Mais j'ai le temps d'apercevoir des silhouettes coiffées de cheveux roux qui disparaissent en un éclair.

- Bonjour jeune homme !

- Bonjour Madame.

En clignant des yeux, je me redresse sur un coude.

Oh ! C'est elle, la femme du colonel ? Je l'ai déjà vue plusieurs fois à l'école. Je croyais qu'elle était infirmière.

- Tu n'as pas de pyjama ? Tu ne dors pas nu, j'espère, je ne veux pas de ça sous ce toit. Elle soulève les draps. Je me recule dans le lit. Eh ! Elle est folle ? Je lui fais non de la tête. Bon alors, dépêche-toi de te lever, nous passons à table.

Mais quelle heure peut-il être ?

Je la regarde sortir.

Elle referme la porte derrière elle. 

Rapidement, je me lève et fouille dans mon sac pour trouver des vêtements plus propres à me mettre avant d’y renoncer. Et de me rhabiller comme la veille avec le même uniforme sauf pour les chaussettes que je traîne depuis une semaine et qui empestent.

Je refais le lit et range mon sac sous le lit une place, puis descends les escaliers.

D'en bas, montent des bruits de voix et de vaisselle, ainsi qu'une bonne odeur de pain frais et de viande.

Ils sont déjà à table.

Au moment où je descends la dernière marche, la rouquine de la piscine passe devant moi avec un grand bol rempli de salade et, tout sourire, me fait un clin d'œil. 

J’ai l’impression que mon cœur s’est arrêté de battre quelques secondes. 

Non, c’est impossible ? 

Et pourtant, il n’y a pas d’erreur possible, c'est une des filles du dirlo ? J'ai embrassé une des filles du colon ? Là, je suis mal, très très mal. Quand je raconterai ça à Claude, il va péter une durite.

- Robert, viens nous rejoindre. Le colon assis sur la chaise en bout de table me fait signe d'approcher. Que je fasse les présentations. J'avance lentement en fixant la fille. Putain la pourriture, pourquoi elle ne m’a pas dit qui était son père ? Tu connais déjà ma femme que tu pourras appeler Gisou, si tu veux… Oui, elle aussi je la connais. Donc sa femme est accessoirement aussi infirmère au lycée. A côté d'elle, le bébé que sa mère ne surveille pas et qui met des petits pois partout c'est Corinne. Puis ma grande, la plus blonde, c'est Isabelle. A elle aussi, je lui en veux. Claude ne va pas du tout apprécier la blague je pense. Véronique a ton âge, tu peux, si tu veux, aller t'asseoir à côté d'elle. Ou à côté de moi, entre Françoise qui a sept ans et Yvette qui a dix ans. Je m'assois entre les deux petites, en face de la rouquine qui continue à me fixer en souriant. Le colon me tend la main. Donne-moi ton assiette, mon grand.

La petite à côté de moi me tire la manche :

- Tu t'appelles Robert ? C'est ton prénom ? Je hoche la tête, la bouche pleine. Et t'es un garçon ? Bin ouais, pourquoi ça ne se voit pas que je suis un mec ? T’as l’air assez bleed toi ma petite. Papa aussi est un garçon et moi je suis une fille et j'ai les cheveux roux comme Maman et on est plus jolie que Papa parce qu'on est des filles. Ah ouais sympa ! Véro, elle dit que les garçons c'est bêtes et moches, mais toi, je ne trouve pas que tu sois moche.

Sa mère lui conseille de se taire mais je fixe la fille de l’autre côté de la table. Toi ! Tu vas le payer !

- Fanfan et si tu te taisais et que tu mangeais au lieu de dire des bêtises et de répéter celles de ta sœur. Richard, peux-tu nous apporter des assiettes à dessert , s’il te plaît ? Véronique, Isabelle aidez-moi à débarrasser. Je commence à me lever pour aider, elle passe derrière moi. Toi, tu restes assis et j’aimerais que tu me surveilles ce petit monstre.

Le bébé, aussi rousse que les autres, tape dans ses mains, et essaie d’attraper tous ceux qui passent à portée.

Mais dehors, des voitures roulent sur le gravier.

Les deux petites filles à côté de moi se précipitent vers la cuisine et moi vers le bébé qui, debout dans sa chaise haute, me tombe dans les bras. Je la pose au sol, elle se met à quatre pattes et suit ses sœurs. Prudent je vais aux fenêtres. Le colon ramasse le bébé et l’emmène dehors avec lui.

C’est sa femme qui m’entraîne avec elle. D’abord derrière moi, elle se penche sur moi.

- Viens que je te présente le reste de ma famille.

Puis sur le parking au pied du chalet, me prend la main. Je n’ose rien dire mais franchement je préfèrerais rester à l’intérieur. 

Deux voitures ont rejoint la 4L verte du colon et la longue Peugeot break bleue de sa femme avec les couleurs d’enfants. Un autre break comme celui de la femme du colon, mais blanc et une petite Peugeot coupée sport décapotable. Dans la deux cent quatre, deux personnes d'un certain âge.

Le colon ouvre la portière à un moustachu bien moins grand que lui qu'il serre contre lui. La femme du colon, m’abandonne avec eux après avoir récupérer le bébé. De l’autre côté du véhicule, elle ouvre celle du chauffeur qui s'avère être une mammema1 qui prend le bébé des bras de sa mère.

- Viens ici que je te présente mon père que tu peux appeler Papy si tu veux.

- Alors c'est toi le petit protégé de mon fiston ? J'espère que tu te sentiras bien parmi nous.

Autour de l'autre voiture, je vois plein de têtes rousses sans réussir à discerner les unes des autres. Il y en a trop pour moi. Sauf au niveau des mutter car l'autre est moins grande et a les cheveux raides et non pas une crinière comme la femme du colon et sa fille. Mais déjà, la troupe des filles rentre dans la maison.

Le bébé passe des bras de sa grand-mère à ceux de son grand-père qui la fait rire en frottant son nez et donc sa moustache dans son cou. Moustache qui ressemble à celle des images d’Epinal représentant de vieux hussards. Je trouve que ça lui va bien car il a un visage assez rond et assez doux avec des petits yeux gris comme ses cheveux et  bordés d’un gros faisceau de rides.

La vieille me fait tourner vers elle et me tenant à bout de bras, elle me détaille. Elle fait la même taille que son mari en hauteur mais pas en largeur. Contrairement à lui qui a le ventre d’un bon vivant, elle est sèche comme une vieille brindille. Mal à l’aise, je baisse les yeux et fixe mes orteils que je replie en me mettant sur la tranche extérieur de mes pieds. 

- Mon dieu Gisèle, mais tu laisses ce gamin pieds nus sur les cailloux, rhôô la la, viens avec Mamie mon chéri que je m'occupe de toi.

Elle me serre contre elle jusqu’à m'étouffer, elle sent la menthe et un parfum de dame. Elle m'entraîne à l'intérieur.

Derrière nous, les autres adultes suivent, je les entends rire surtout le colon et son frère qui semblent chahuter.

Quand la grand-mère entre dans la grande pièce, le groupe de filles l'entoure, me séparant d’elle. Elles se suspendent à son cou et se disputent pour être celle qui l'embrassera la première.

Je reste halluciné par ce spectacle et en même temps jaloux de la chance de ces filles d'avoir une famille comme ça.

Quelqu'un pose ses mains sur mes épaules, une poigne appuyée et ferme.  En sursautant, je me rigidifie mal à l’aise,et rentre la tête dans les épaules. Le colon passe à côté de moi avec deux sacs qu'il pose au pied des escaliers. Ce doit être son frère car son père est devant la cheminée.

- Alors Richard, c'est lui le futur zizi ?

Je me dégage et recule, butant contre une des filles. L'homme ressemble à s'y méprendre au colon sauf au niveau largeur. Les mêmes yeux rieurs et presque la même voix mais avec un accent différent. La mammema se penche vers moi et me chuchote :

- Rémy est sous-marinier, pour lui un zizi c'est un pilote de l'armée de l'air. Tu verras qu'il passe son temps à traiter son frère de petit zizi.

- Robert met tes chaussures et vient m'aider et oublie ce bœuf et ses grosses couilles.

- Richard ! Tu recommences encore une fois devant les filles, je divorce et j'emmène les filles avec moi.

Le colon en passant à côté de sa femme, l’embrasse. 

- Mon bel amour, je signe de suite !

 

J'hallucine.

Dehors les deux hommes continuent de s'insulter et leur père semble trouver ça très drôle. Je ne reconnais plus mon colon.

Je pose mon dernier carton en bas des escaliers quand la femme du colon me dirige vers la table où les filles se partagent diverses tartes, gâteaux au chocolat ou pas, qu'elles noient sous de la crème. Isabelle prend le relais de sa mère qui ressort sur le parking avec les autres adultes , nous laissant seuls, et me force à m'asseoir à côté d'elle.

- Tu veux un peu de tout ?

- Si tu veux.

Elle se penche alors vers mon oreille et me murmure :

- Bon, alors vu qu'on se connaît tous les deux et que les parents ne savent pas tout, d'abord, tu ne joues pas le timide avec nous, ça ne fonctionnera pas. Et ensuite, essaie d'être moins con que les abrutis qui nous servent de père, OK ?

- Pourquoi vous ne m'avez pas dit que vous étiez les filles du colon ? Vous ne doutiez pas que j’allais finir par le savoir ? 

- Parce que ça n'aurait pas été drôle dit-elle avec un grand sourire moqueur. Par contre toi, tu aurais pu nous dire que c'est de toi que Papa est le tuteur.

- Je ne le sais que depuis pas longtemps et dans mon cas, cela ne change rien. Enfin si… Maintenant. 

Une de ses cousines qui me fixe, arrête de lécher sa cuillère et me demande :

- Et maintenant, toi et Véro, vous allez continuer à sortir ensemble ?

Je me tourne vers elle, surpris. D’où elle sait ça elle ?

- Quoi ? Et t'es qui toi ?

A côté d’elle Véro me tire la langue. 

- Ah oui, moi c'est Marthe.

Je n’ai pas la possibilité de répondre car les adultes de retour commencent à s'asseoir autour de nous. Alors, les filles s'éclipsent, me laissant seul avec eux.

- Je crois qu'on a fait fuir les pisseuses.

- Rémy ! Non ! Gisou lui tape sur la main et éloigne de lui le cake dont il allait prendre une part. Toi, tant que tu n'adopteras pas un langage plus soutenu, tu pourras toujours attendre pour que je te serve quoique ce soit.

Rémy soupire et s’adresse à sa femme.

- Bon, Sylvie, peux- tu me servir ?

Celle dernière se verse du thé et refuse.

- Non, Gisou a raison.

Richard se tape sur les cuisses amusé.

- Houla frangin, sort les violons.

Gisou s’en prend à lui aussi.

- Richard si tu continues, je te mets au même régime !

Je les regarde et ne comprends pas pourquoi ces hommes acceptent que leurs femmes leur parlent comme ça.

Le colon prend alors un air tout contrit et penaud.

- Hé mais chaton, j'ai rien dit de mal.

J'en ai assez entendu, je me lève avec mon assiette que je vais poser dans l’évier.

En me retournant, je vois que la femme du colonel m'a suivi. 

- As-tu vu ton sac de cours ?

- Heu, non Madame, il est où ?

Elle sourit et en même temps prend un air un peu triste.

- Tu trouves que je suis une Madame ?

- Pour moi, oui.

Je trouve qu’elle a un gentil sourire. Elle me caresse la joue. J’ai la bizarre impression d’être un petit animal qu’on flatte.

- Tu es mignon mais essaie Gisou, je préférerais d'accord ?

- Oui Ma... Gisou.

Je lui fais un grand sourire histoire de me rattraper.

- Aller, monte voir dans la chambre, j'y ai mis ce que tes professeurs m'ont donné.

Je ne me le fais pas dire deux fois. En fait, ce n'est pas du tout mon sac. Dedans, il y a bien mes livres, mais aucun de mes cahiers et surtout aucune trousse. Ils veulent que je bosse comment ?

Enfin, je ferai avec. Il y a même un livre de physique que je ne connais pas, je largue le sac au sol et, allongé sur le lit une personne, je me plonge dans la physique moléculaire.

 

Vers dix-neuf heures, c'est Véro, qui vient me chercher. Elle entre sans bruit et me donne une grosse claque sur les fesses. 

- Aïe ! Non mais ça va pas ?

Je me lève et la rattrape avant qu’elle ai pu sortir et la tire violemment en arrière, la faisant lâcher la poignée de la porte qui, ouverte d’un coup, va percuter la chaise repoussée vers l’armoire. Ce n’est pas parce que je suis plus petit qu’elle et qu’elle est une fille que je vais me laisser faire sans répondre. 

Moi, j’ai pas spécialement envie de la taper, je veux juste qu’elle me dise : “pitié, arrête !” 

Je la pousse sur le lit en la coinçant sous moi.

Le livre finit par terre et nous aussi contre le lit qui va claquer contre le mur . 

Le colon, alerté par ce remue-ménage, monte en courant et nous sépare.

- Mais ça va pas vous deux ? Il s'est passé quoi ?

- Mais rien, Papa, on rigolait.

Il me secoue me tenant par le col de la chemise et du pull.

- Ce n'est pas vrai, elle m'a pris mon livre, j'essayais juste de le récupérer.

- Tu te fous de moi ? Le seul bouquin que je vois hors du sac est sous ton lit. Il tient Véro par le bras, elle me sourit comme si elle retenait un fou rire, moi non, j'ai plutôt envie de lui sauter à nouveau dessus et de la frapper. A cause d’elle, j’ai dû mentir. Il me lâche. Récupère ton livre et descends, nous sommes à table.

Je descends mais franchement je serais bien resté dans la chambre.

 

Pour le repas, la mammema me force encore à m'asseoir entre elle et le papapa.

Par contre, lorsque Richard pose la soupière sur la table et Rémy deux grands plats, je sais que je ne mangerai rien ce soir.

- Pardon puis-je aller me coucher, je suis fatigué.

La grand-mère ne semble pas de cet avis.

- Et bien, tu manges et de suite après le repas, tu pourras aller te coucher. 

 Papapa repose son assiette et veux prendre la mienne pour la tendre à Sylvie. Je mets mes mains au-dessus.

- Non merci, je ne prendrai pas de soupe.

Le vieux monsieur est surpris puis amusé.

- Tu n'aimes pas la soupe ? Tu vas être malheureux ici mon petit gars car tu vas en manger tous les soirs.

Je le regarde en tenant maintenant l’assiette.

- Si mais pas celle-là.

Il m’écarte les mains et prend mon assiette qu’il présente à sa belle-fille. Elle n’y met qu’une louche.

- Et parce que tu crois que tu peux choisir ?

Déjà devant moi, le fumet qui s'élève de mon assiette me soulève le cœur. Les poings serrés sous la table, je m'efforce de retenir au maximum ma respiration.

Mammema qui a fini son assiette, se tourne vers moi.

- Qu'est-ce que tu as ?

Son mari répond plus vite que moi.

- Monsieur n'aime pas “cette” soupe.

Bientôt tous ont fini leur assiette. Je me suis un peu écarté de la table, les fesses totalement en dehors du banc, juste tenu par mes jambes repliées dessous, je regarde mes poings posés sur mes cuisses.

Je vois Mammema saisir mon assiette en se levant ce qui surprend son mari.

- Non Lucette, repose ça. Je ne suis pas d'accord.

- Oh Raoul, tu me fatigues, je n'ai pas d'ordre à recevoir de toi. Et toi viens avec moi. Je la suis dans la cuisine dont elle ferme la porte. Tu n'aimes pas le poisson ?

- Oui.

Elle m’observe pensive. Moi je suis sur la défensive, poings et mâchoire serrée.

-Tu n'en mangeais pas chez tes parents ?

J’ai la tête baissée, je la regarde par en-dessous.

- Que parce que mon père me frappait et encore la plus part du temps,  je préférais les coups à manger cette merde.

- Bon alors d’abord, ce n'est pas de la "merde". Et ici, les enfants mangent ce qu'on leur met dans l'assiette.

Je hausse les épaules. Je m’en fous de leurs règles à la con.  Elle ne m’en fera pas bouffer.

- Vous pouvez me frapper, je m’en fous, ça ne me fait plus rien. Je peux aussi me passer de manger, j’en ai l’habitude.

Les poings serrés, je lève les yeux vers elle, la défiant en silence de me faire céder.

- Et à l'école, il n'y a jamais de poisson ?

- Si, je mange du pain.

Elle soupire. regarde autour d'elle puis va à la fenêtre, y prend six œufs, les casse dans un bol, les sale puis allume la gazinière et y pose une poêle où elle verse un peu d'huile puis les œufs. Cinq minutes plus tard, je reviens à table avec une assiette où trône une énorme omelette qui aurait pu nourrir six personnes.

Le papapa se penche vers moi mais sa femme lui pose une main sur l’épaule et lui intime de se taire.

- Non Raoul, aucun commentaire !



A un moment donné, le frère du colon se lève pour aller chercher une autre bouteille de vin et de l'eau. En passant, il se penche vers son frère.

- Tu as fait un beau cadeau à Maman avec cette nouvelle oie à gaver.

- Ouais, plutôt un petit jars agressif et capricieux à qui il faudra rogner bec et ergot !

1Mamie en alsacien

19 février 2010

Véro samedi 25 Octobre 1975 les Alpes

Véro samedi 25 Octobre 1975 les Alpes



Vers trois heures du matin, Véronique qui a du mal à dormir, entend sa mère se lever.

Elle l’imite donc de suite et jette sur Isabelle ses vêtements.

- Debout ! Dépêche-toi, Maman est déjà dans la cuisine. 

Isabelle pas d’accord se retourne dans son lit, faisant tomber au sol sa robe que sa sœur ramasse et pose au pied de son lit. 

Alors Véronique allume la lumière et l’autre fille remonte ses draps par-dessus sa tête..

- Mais éteins, je dors moi !

Alors essayant d’imiter la voix du serpent dans le dessin animé de Walt Disney : Le livre de la jungle” qu’elles aiment toutes les deux, il lui susurre à l’oreille.

- Non, tu te lèves, tu te souviens : les Alpes, Papa, Robert.

Elle a dû trouver les mots justes car Isabelle se lève et s’habille, un grand sourire aux lèvres.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les voilà dans la cuisine. Et cela semble amuser leur mère.

- Et bien mes amours, que vous arrive-t-il, vous êtes tombées du lit ?

Isabelle lui répond en l’embrassant.

- Mais non, nous avons juste hâte de revoir papa et d'être là-haut.

- Ce ne serait pas plutôt notre jeune invité que vous avez hâte de voir ? Moi, cela m'effraie un peu , avoue-t-elle en les fixant. 

- Meu non ! Qu'est-ce que tu vas t'imaginer là, maman ? Tu crains quoi ?

Vu leurs sourires, elle n'a pas trop l'air de croire Isabelle mais de son côté, elle ne répond pas à sa question. Et l’ado se dit que les adultes sont bien bizarres parfois.

Et puis pourquoi faut-il emporter tant de choses ? Chacun de leurs départs en vacances ressemble à un vrai déménagement. Et tous ces sacs de vêtements. Il n’y a pas une machine là-haut ? Et elle, elle jetterait facilement les anciens vêtements de Corinne au lieu de les stocker dans le grenier du chalet. 

La réponse habituelle de leur mère horrifie à chaque fois Véronique  : “Pour les futurs bébés.” Car elle, elle ne veut plus de petite sœur et Isabelle est bien d’accord avec elle. Leurs parents ont assez d’enfants ! Stop franchement, stop ! 

Et toute cette bouffe. Il n’y a pas de magasins là-haut ? Et elle passe sur la laine et le tissu que sa mère a achetés spécialement pour les remonter au chalet. Incompréhensible pour elle !

Enfin la voiture est pleine et la remorque aussi. Avec Isabelle, elles sont devenues des pros pour fixer la remorque à la voiture mais leur mère les agace à repasser derrière elles et elles trouvent ce manque de confiance vraiment vexant.

C’est Isabelle qui s’occupe de Corinne pour la descendre telle quelle en pyjama enfin en grenouillère. Et pour ne pas qu’elle pleure, le truc c’est de lui mettre un biberon dans le bec puis hop dans les bras.

Véronique, elle doit se charger des deux autres. Françoise, quand elle lui montre le biberon auquel elle a droit exceptionnellement et elle est debout dans la seconde.

Pour Yvi, elle doit être plus persuasive comme avec Isabelle… car elle ne veut pas se lever. Mais le même miracle se produit lorsque Véronique prononce le mot magique : Robert. Yvette ouvre de grands yeux et sa grande sœur n'a même pas besoin de l'accompagner, elle va toute seule à la voiture.  Ce qui impressionne vraiment leur mère.

Isabelle remonte pour aider  Véronique à faire les lits des petites car leur mère veut laisser la maison propre et rangée. Mais les lits franchement ! Pas faits, au moins ils s’aéreraient…

Comme il est très tôt, la route est pour ainsi dire vide.

Elles aiment bien voyager seulement avec leur mère car elles chantent sur tout le trajet. Avec Isabelle, elles échangent deux fois de place. Pour avoir un coffre plus grand, leur mère a rabattu la dernière banquette et Corinne est soit sur les genoux d’Isabelle, soit sur les siens.

Alors elles se relaient pour l'avoir sur elles ou pour être assise à l'avant à côté de leur mère.

Elles arrivent vers neuf heures. Papa est déjà debout, il coupe du bois en buvant son café. Maman le gronde car il est en tee-shirt malgré le froid.

Joignant les mains, il se moque d’elle avant de l’embrasser.

- Pitié Gisèle, je ne le ferai plus ! Vous avez bien voyagé ? Un bisou, mes amours ?

Leur mère tout en lui répondant les transforme en mules avec tous ces sacs à transporter.

- Oui, ça roulait bien et les filles ont été très sages, elles m'ont même bien aidé. Mais, tu es seul ?

Bon, lui aussi elle le transforme en mule, enfin dans son cas ce serait plus en baudet.

- Oui et non, je l'ai laissé dormir. J'en ai des choses à te raconter, mais faudra t'accrocher. L'homme que je suis, a parfois eu du mal. Enfin... Là, il est dans notre lit. En tout cas il n'est pas de tout repos le gamin.

Véronique, elle, a hâte qu’il se lève, s’ils veulent, elle peut aller le réveiller. Mais elle n’ose pas le proposer.

- C'est-à-dire ? Violent ? Brutal ?

Lui ? elle est folle ? Il est tout doux comme un chaton.

- Non simplement pas facile de dormir dans la même pièce que lui, enfin tu comprendras vite. Mais leur père s’arrête de parler et la regarde soupçonneux. Qu’est-ce que tu attends jeune-fille ?

- Rien, rien.

Véronique file à l’intérieur, de toute façon, elle a entendu tout ce qu’elle avait à entendre.

Leurs voeux sont exaucés, pendant dix jours ils seront H24 ensemble.

 

18 février 2010

Véro vendredi 24 Octobre 1975 Aix les Alpes

Véro vendredi 24 Octobre 1975 Aix les Alpes



Au lycée, les notes de Véronique ont baissé.

Il faut dire qu’elle passe toutes ses journées à rêver. 

Elle n’en peut plus d'être amoureuse.

Et là, en plus, elle ne l'a pas revu depuis lundi car il est parti en voyage avec papa et maman refuse de nous dire où ils sont allés.

Véronique n'aime pas quand son père n'est pas là, Maman non plus, du coup c'est leur oncle Olivier qui est venu passer quelques jours chez eux.Mais hélas il est reparti hier soir. Il avait un avion pour Tombouctou. 

 

Elle le trouve tellement beau, normal, il ressemble à Maman et comme dit Papa : “Gisèle c’est la plus belle femme au monde”. Bon c’est un peu normal puisqu’ils sont jumeaux. Qu’est-ce qu’elle aurait aimé avoir un jumeau ou une jumelle elle aussi. 

Le truc c’est que son père et son oncle ne s'entendent pas beaucoup et elle ne comprend pas pourquoi. Car franchement, elle et ses sœurs trouvent absolument génial et si gentil ! 

Quand il est là, c’est lui qui s’occupe d’elles. Il les accompagne à l’école et vient les chercher même si elles sortent à des heures différentes comme cet après-midi où il est venu attendre Véronique à quinze heures puis les petites à seize heures trente et enfin Isabelle à dix-huit heures. Véronique est très fière de son oncle surtout que les filles de sa classe le trouvent aussi très beau.

Et puis ce que Véronique aime aussi c’est que contrairement à sa mère, son oncle est toujours de bonne humeur.

Là, il nous a ramené des souvenirs des USA et du Japon.

Comme il est pilote civil dans une grande compagnie aérienne, il voyage dans le monde entier. 

A sa sœur, il ramène à chacune de ses visites, des petites poupées en costume folklorique,et elle va de suite les ranger sur l’étagère vitrée dans le bureau de Papa. Alors il la suit et comme d’habitude lui dira : “Houla, il t’en manque encore plein !” et ils se mettront à rire tous les deux. Véronique a plusieurs fois demandé pourquoi il disait ça et sa mère ne répond jamais, elle devient juste rêveuse et sourit avant de changer de sujet.

Par contre, elles vont encore entendre leur père rouspéter quand il rentrera puis avec leur mère, ils se disputeront avant d’aller s’enfermer dans leur chambre pour se réconcilier. Je crois que maman les a mis dans son bureau rien que pour ça, même si elle dit que c’est à cause de Isabelle, qui petite, les lui volait et les abîmait.

Demain elles montent au chalet, Véronique a hâte de revoir ses cousines surtout les jumelles. Maïté moins c’est madame je donne des ordres et ça, Véronique ne supporte pas. Elle leur a plus ou moins tout raconté au téléphone mais en vrai ce sera encore mieux car elles n'auront pas leurs dragons cerbères de mères derrière elles à les écouter. Les jumelles sont jalouses parce qu'elles ne sont jamais sorties avec un garçon. Et hier, quand je leur ai dit que je l'avais même embrassé, elles étaient folles. 

Maman a fini tous les bagages et leur a demandé à Isabelle et elle de l'aider demain matin. Les autres dorment déjà.

- Mes beautés, il faut que je vous dise : demain au chalet, nous aurons un invité. Vous vous souvenez du gamin dont papa est le tuteur, et bien nous l'aurons pour les vacances. Alors si vous pouviez être très gentilles avec lui ce serait bien car c'est, d'après votre père, un brave gamin qui a beaucoup souffert. Et qui sait, vous pourriez peut-être devenir amies avec lui ?

Si leur mère savait...

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