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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
12 mars 2010

Robert mercredi 31 décembre 1975

Robert mercredi 31 décembre 1975 Sage



Il est dix-sept heures, Claude vient se mettre debout devant mon lit et m’arrache le livre des mains et me tenant par le bras, me fait descendre en courant jusqu’au petit hall d’entrée de leur maison.

- Mets tes pompes et ton blouson puis viens ! 

A l’entrée de la cuisine sa mère beurre un plat à tarte.

- Avec ton père nous ne sommes franchement pas rassurés.  Il n’a pas ton âge tu sais ? Tu es bien sûr de toi ?

- Oui mère, je prendrai soin de lui et oui je le surveillerai qu'il ne boive pas d'alcool. Mais mère, pitié. Parfois, vous et père ayez un peu confiance en moi. Non, je ne sais pas quand on rentrera, demain en tout cas, pas ce soir ni cette nuit.

Claude me tenant à nouveau par le bras, me pousse hors de la maison. Devant le portail, une voiture blanche flambant neuve. J'en fait le tour. Wahoo une Austin Mini Cooper !

- C'est ta voiture ? Elle est fun.

Je ne l’ai jamais vu aussi fier.

- Bon monte et ne me fais pas regretter de t'emmener.

Aline est sortie de la petite voiture et m’embrasse.

La voiture n’a pas de portières à l’arrière et elle a replié son siège pour me laisser passer à l’arrière, où je me pose au milieu, les bras posés sur le dossier de leurs sièges. 

- Et tu m'emmènes où ?

Il soupire comme si je lui avais posé une question débile et je ne comprends pas pourquoi.

- On est le combien ?

Ben le lendemain d’hier et la veille de demain, il est drôle l’autre.

- Le trente et un, et alors ?

Il jette à Aline, un regard désespéré, ce qui la fait sourire.

- Et alors, tu viens fêter le nouvel an avec nous. Mais tu as entendu ce que j'ai dit à ma mère ?

- Ouais pas d'alcool !

- Pas d'alcool, pas de cigarette, pas de dope et... pas de filles.

- Eh alors je pourrai faire quoi ?

- T'amuser sagement.

- Super.

- C'est vrai qu'il est un peu petit pour l'emmener avec nous, tu ne crois pas ?

Je regarde Aline avec un grand sourire. Le petit, tu sais ce qu'il te dit ?

Elle ne le saura jamais car je suis poli avec les filles mais aussi parce qu’il y a son mec à côté d’elle et que je veux finir soixante quinze, vivant.

La voiture pue. Elle pue le neuf.

Claude n'a pas pu fêter son anniversaire, il compte bien se rattraper ce soir et cela explique ma présence parmi eux.



Le panneau indique Arcachon.

Oh ! La fiesta va se dérouler dans la maison de campagne des parents de Claude.

Le long de la route, une dizaine de voitures.

Aline descend pour ouvrir un portail et Claude fait avancer sa voiture jusqu’à l’intérieur d’un garage dont il a ouvert la porte avec une zapette. J’ai déjà viré ma ceinture et j’attends avec impatience qu’il sorte pour pouvoir sortir aussi.

Il sort très vite et me claque presque la porte sur les doigts et verrouille les portières. Puis me dit au-revoir de la main en s’éloignant.

- Comme ça, je suis sûr que tu seras sage. Je passe à l’avant. D’un coup je le vois paniquer et l’entends hurler : Pas les pieds sur les sièges !

Je suis un sale gosse mais jamais je ne mettrais des pieds avec des godasses sur des sièges en cuir blanc.

Quoique !

Je suis sur le siège passager, je me mets debout devant et fais mine de monter dessus. Il me menace, je lui souris et mets mon pied à un centimètre du siège. Il déverrouille la porte et se précipite sur la porte passager. J’ouvre la porte conducteur et prenant appui sur le siège et le volant, saute dehors puis fuis en courant.

Je percute un truc qui m’attrape par le bras.

- Hé Claude, c’est quoi ce mini bidasse ?

- Mon collègue de chambrée que mes parents m’ont forcé à emmener.

Je me retourne vers lui, surpris. 

- Quoi ? C’est toi qui m’as invité.

En tout cas, son copain ne semble pas avoir envie de me lâcher malgré tous mes efforts.

- Mais il a quel âge ?

- C’est une tête d’ampoule, il a l’âge de ma sœur.

Hé non ! J’suis pas si jeune.

- Même pas vrai, j’ai quinze ans.

- J’en fais quoi ?

- Donne-le aux filles avec ordre de le surveiller.

Je ne suis encore une fois pas d’accord.

- Hé, je n’ai pas besoin qu’on me surveille.

J’en ai marre d’être petit, ce grand con, me porte carrément et j’ai beau me tortiller, rien n’y fait.

- Les filles, un cadeau de la part de Claude. Un mini bidasse de douze ans dont vous devez vous occuper et surveiller.

Lorsqu’il me pose, j’essaie encore et toujours de le faire me lâcher.

- Je n’ai pas douze ans et je n’ai pas besoin qu’on me surveille.

Quand enfin il me libère, il est immédiatement remplacé par un mur de filles. Toutes en moyenne doivent avoir dans les dix-huit, vingt ans. J’en connais deux du surf.

- Ah finalement, il a accepté de t’emmener.  Je vous présente Robert, le gamin qui est venu faire du surf avec nous le vingt trois.

Mon regard fait le tour de ces visages mais leurs sourires me donnent un frisson dans le dos.

- Tu avais raison, il a des yeux magnifiques.

Si elle n’a parlé que de mes yeux aux autres filles, cela me va. Je leur fais mon plus beau sourire.

- C’est bête que ce soit encore un gamin, j’aurais du emmené Aglaé.

Bon, cette fois, le gamin, il taille la route. Hélas, Ghislaine me glisse son bras en travers de la poitrine et m’attire contre elle.

- Où vas-tu comme ça ? Claude veut que l’on te garde, on te garde, tu sera vite de meilleure compagnie qu’eux car toi, tu ne boiras pas. Et puis quoi encore ? Je ne suis pas là pour être «sage». Et puis comme je ne suis plus avec Francis, ce soir ce sera toi mon cavalier. Hou hou Carine, regarde mon nouveau petit copain.

Tiens donc, qui voilà, au bras de Carine ? Justin l’impuissant. Lui, si ce soir, il m’emmerde, je sais comment le calmer.

- Ghislaine, tu les prends au berceau ?

Là, mon gars il ne fallait pas !

- Vaut mieux un bébé qui assure qu’un croulant qui a des ratés.

Mouais, j’aurais dû me douter qu’il n’apprécierait pas. Il me fonce dessus. Il doit être du signe du taureau ce mec. J’esquive et fuis. La fuite, un art où j’excelle et l’avantage d’être petit, tu te faufiles plus facilement qu’un mastodonte de trois tonnes.



Je ne sais combien de gens Claude a invité mais ça dépasse la trentaine.

Dans la cuisine, d’autres filles. Un grand sourire et je les ai toutes à mes pieds.

En fait non.

Tant pis, je me sers un grand verre de bière et deux sandwichs et je retourne dehors.

Je profite pour faire le tour de la propriété. Le jardin, pas très grand, fait le tour de la maison. Il y a une dizaine d’arbres actuellement, vu la saison sous forme de squelettes mais deux sont emballés dans une sorte de tissu vert qui les transforme en gros bourgeons. au sol du gravier qui me rappelle l’école. Et il est entièrement entouré de sapinettes.

La maison, elle, est à deux étages, blanche avec des colombages verticaux peints en rouge tout comme le dessous du toit. D’un certain côté, elle me fait penser à un chalet, je la trouve mignonne.

Je me glisse à côté de Claude qui tient Aline par la taille et lui fait fumer une sorte de clope marron sous le porche de la maison.

- Ah t’es là toi ? Déjà en train de becqueter ? Tiens, tire là-dessus.

Je repousse sa main. Elle pue sa clope.

- Non, c’est bon, je ne fume pas.

Il insiste en s’énervant.

- Pauvre tâche, c’est pas une clope. Aller, ne joue pas à ton bébé. Tire.

Aline tente de s’interposer.

- Claude, tu as promis à tes parents.

Elle se fait elle aussi expédier. Je découvre un Claude que je ne connaissais pas.

- Mes parents je les emmerde, j’étais plus jeune que lui, la première fois.

Je prends l’espèce de cigarette et en aspire une bouffée. Et lui rend en toussant comme un malade. Non, c’est bon, la bière me suffira.

Retour à la cuisine, j’ai fini mon verre et j’ai encore faim.

Ghislaine arrive derrière moi et me repasse ses bras autour des épaules.

- J’ai retrouvé mon petit bonbon.

Tiens, ça aussi c’est nouveau.

- Depuis quand je suis un bonbon ? Bon maintenant si tu veux me sucer, tu peux, je ne t’en empêcherai pas.

A la tête de la fille, je crois que je suis passé à deux doigts d’une baffe. Adieu, jolie Ghislaine. Quoique pas si jolie que ça.

Je finis mon troisième verre de bière.

A côté de la tireuse à bière il y a un grand bol rempli de morceaux de fruits. Je serai d’accord pour un petit dessert. Je ne vois pas de bol, mon verre vide fera l’affaire. Dans un haut verre, des petites cuillères avec un très long manche. J’en prends une et vais me trouver un coin où m’asseoir car je suis hyper fatigué.

En bas, il n’y a plus de place et dehors il fait trop froid. Donc les marches de l’escalier m’accueillent. Les fruits sont super bons et il y en a même que je n’avais jamais mangé avant. J’ai envie d’aller m’en chercher un second verre mais pour me lever, je dois poser le dit verre… et j’y renonce mais on me prend par la main.  

Je me laisse faire en riant, ses mains sont douces mais j’ai trop sommeil et l’odeur de l’oreiller me rappelle quelque chose, je ne sais plus quoi et je m’en fous. 

Je repousse ses mains et veux lui expliquer pourquoi.

- Non, j’ai sommeil !

Mais l’ai-je dit ou l’ai-je rêvé ?




















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11 décembre 2010

Robert vendredi 8 juillet 1977 c’est la guerre !

Robert vendredi 8 juillet 1977 c’est la guerre !



Madame Calliop sort de son bureau en m’entendant ouvrir la porte et ses ouvrières me sourient.

- Bonjour Mesdames. Madame Calliop puis-je vous demander quelque chose ?

Elle vient se mettre devant moi, c’est rigolo, quand je suis arrivé à l’école, elle était plus grande que moi, maintenant c’est l’inverse.

- Dis toujours.

- Pourriez-vous me passer pour le temps des vacances deux treillis surtout deux pantalons et une paire de rangers à ma taille.

- Grand dieu mais pourquoi donc ? L’école te manque déjà ?

- Non mais j’ai déclaré la guerre à Gisou, enfin à ma mère. Et il va sans dire que Ri… Mon père vous les ramènera en septembre.

Elle fronce les sourcils, inquiète… et amusée.

- Mais qu’à donc fait ta mère ?

Je suis maintenant entouré par les quatre femmes.

- Je n’ai plus que des shorts à me mettre et je déteste ça. Et pour les rangers je veux m’habituer à ne porter que ça.

Je les vois se concerter du regard.

Une des ouvrières a une idée.

- Camille, on a de vieux et même de très vieux pantalons que l’on pourrait lui passer. Vous savez ceux que l’on garde pour y découper des pièces. Il pourra les finir et pas besoin de nous les rendre.

- Oui pourquoi pas, mais on va se mettre la colonelle à dos. Madame Calliop a un petit sourire en coin. Tania amène-les ici. Toi enlève ton short. Mais non Lola, dans du seize ans il va nager. Du long quatorze ans, oui voilà ! Même s’il a terriblement grandi, ce gosse est toujours aussi maigre qu’un coucou. Regarde, on lui voit les côtes.

 

Lorsque je ressors, je suis en treillis de la tête aux pieds. Elles m’ont même donné des grosses chaussettes de marches, un chapeau de brousse et deux vieux pantalons de survêt. En plus des deux treillis de rechange.

Je leur ai promis d’aller le dire à Richard qui me voit entrer dans son bureau ainsi habillé et les bras chargés, d’un très mauvais œil.

- Tu vas où comme ça ?

- A la guerre.

Il a un petit rire.

- Ah ça ! C’est Gisou qui va te faire la guerre.

Je sais bien et d’un côté… si j’ai un peu peur de sa réaction, d’un autre côté si elle acceptait de m’écouter ?

- M’en fiche, j’en ai marre de ses shorts.

- Tu veux vraiment provoquer le dragon ?

Je me mets debout et saisissant sur son bureau le prisme avec son nom, je fais semblant de brandir une épée.

- Tel Saint Georges, je l’affronterai.

Il est amusé.

- Tout saint que tu es, tu vas partir en flammes. Du moins ces vêtements.

Il se laisse aller en arrière dans son fauteuil. 

- Elle ne peut pas, ils appartiennent à l’école.

Il fronce les sourcils.

- Alors ils resteront ici .

Je secoue la tête.

- Non, Madame Calliop me les a donnés.

- Ah tiens ! Maintenant, elle te donne des choses qui ne lui appartiennent pas ? Je lui explique et lui montre qu’ils sont usés et reprisés de partout. Ça le fait sourire. Bon courage fiston ! En attendant, laisse-les là, tu ne les remonteras que ce soir.

Je pose mon chargement sur une chaise puis fais le tour du bureau pour venir devant lui.

- Tu sais ce qu’il y a de bien avec ces pantalons ?

- Non.

Je lui montre la poche sur le côté de la jambe.

- Mon cahier, il tient dans une poche, comme ça, je sais qu’elle ne le trouvera pas.

Lorsque je m’en vais, il rit encore.





Le soir lorsque je rentre avec Richard, je me glisse derrière lui et lance un :

- je vais me doucher !

Puis dans ma chambre me déshabille et dans la salle de bain ne laisse au sol que short, slip et tee shirt. Le reste je le range dans mon sac. Et les rangers, planqués sous le bureau de Richard, vers la fenêtre.

 

A vingt-deux heures, j’ai droit à un bisou et elle, à un câlin…





8 janvier 2011

Robert mardi 16 août 1977 une corde pour se pendre

 Robert mardi 16 août 1977 une corde pour se pendre



S’il y a un truc que je n’aime pas c’est me réveiller ailleurs que dans mon lit, ailleurs que dans mon cocon protecteur. Donc là, d’abord ce sont les voix des filles. Trop proches pour que je me sente en sécurité, c’est bête mais elles m’ont fait tellement de crasses que d’abord je me méfie et ensuite je leur fais confiance. Non c’est faux, jamais je leur ferai confiance. Et puis, quoi qu’il arrive je peux pas me lever de suite en considérant que mon “mon copain” est au garde à vous.

Bref je fais semblant de dormir et je les écoute parler.

Quand Coco vient me grimper dessus, elle est sortie sans douceur de la chambre par Maï. Bon là, je montre que je ne suis pas content d’être réveillé comme ça.

Et ça les fait rire !

Une fois seul, je peux enfin me lever mais là plus de fringues ! Quand je vous dis qu’elles ne savent que me faire des crasses. Donc pour pouvoir descendre, je dois d’abord : monter !

 

Arrivé en bas, le premier truc que je vois c’est miss Véro avec mon short sur les fesses.

- Ah c’est toi qui me les avait volés !

Alors madame se lève et tourne sur un pied devant moi un doigt dans la bouche. Une véritable aguicheuse.

-T’as vu, ils me vont mieux qu’à toi.

- Cool ! Je t’en fais cadeau !

Elle n’a pas tort, je trouve que mon bermuda et mon polo lui vont mieux qu’à moi mais je me garderais bien de le lui dire.

Je me demande ce que ses chieuses de copines vont penser en la voyant débarquer habillée comme ça. Mais la réaction de Gisou est désespérante. Pourquoi veut-elle absolument régenter notre façon de nous habiller ?

Ce matin je suis un vrai zombi, mon mug en main je vais m’asseoir à côté de Papapa et devant l’assiette de crêpes car j’ai aussi monstrueusement faim.

Merde, j’ai oublié de me prendre une petite cuillère. Papapa ne se sert plus de la sienne puisqu’il est en train de se bourrer une pipe, donc voilà, à moi sa cuillère !

- Hé ! Ça garçon, c’est du vol !

- Y a pas ton nom marqué dessus. Au pire, j’attraperai ta connerie mais ça ne fera qu’aggraver la mienne. 

Il se met à rire avec moi.

Véro nous fait sursauter en nous mettant un bras autour du cou et nous dit qu’elle nous aime avant de s’enfuir en courant.

Cette fois, Papapa et moi réagissons tous les deux en nous regardant surpris. Elle a quoi, elle devient folle ?

- Fiston, je crois que s’habiller avec tes vêtements est en train de la transformer en toi.

- Fichtre, alors je plains ses parents car avoir un combo de moi et elle, ça ne doit pas être vivable. Ils vont mourir. Je vais aller lui reprendre mes fringues.

Bon là, c’est Papapa qu’il va falloir ranimer.

 

Après un passage éclair dans leur chambre d’où je me fais sortir par cinq furies parce que j’ai osé dire que je voulais récupérer mon bien. Je redescends.

- Richard… Il lève la tête vers moi avec cet air “de colonel” qui me donne envie de fuir. Non… Je l’abandonne pour me diriger vers le grand-père occupé à se battre avec sa pipe dans son fauteuil devant la fenêtre. Papapa auriez-vous une corde d’une dizaine de mètres ?

Richard m’interpelle étonné et un peu énervé.

- Et pourquoi tu demandes à mon père et pas à moi.

Ce qui fait sourire Papapa qui lui répond à ma place.

- Et oui fiston, c’est là où on voit en qui il a le plus confiance. Allez, viens avec moi, je dois encore avoir dans un coin tout l’équipement de ton père, de l’époque où monsieur voulait devenir guide. Dire que ta grand-mère l’en a dissuadé parce que c’était un métier trop dangereux. Tu t’en souviens Lucette ?

Cette dernière, occupée avec Marine, ne tourne même pas la tête vers nous pour répondre.

- Oui Raoul Mais maintenant s’il est devenu pilote de chasse c’est de ta faute.

- De ma…

Je le coupe en touchant son bras. J’suis pressé moi.

- Papy ma corde ?

Là, j’ai droit à tous les regards vers moi.

- Papy ?

- Bin ouais.

Et c’est en grognant chais pas quoi, qu’il sort jusqu’au garage où il me fourre d’un geste brusque un énorme rouleau de corde rouge et bleue, dans les bras.

Je commence à retourner vers la maison quand il se met à courir vers moi.

- Robert, stop ! Attends mon petit gars !

Là, du coup je pique un sprint jusqu’aux escaliers.

Oh non ! Il ne me la reprendra pas !

Je l’entends affolé, crier à Richard de me récupérer la corde.

Au premier, direction chambre des parents puis balcon et hop sur le toit du garage.

 

J’entends des pas sur les graviers et derrière moi.

En bas la voix de Papapa qui se fait engueuler par les mutter.

- Oui, je sais, je n’aurais pas dû.



Assis sur l'arête au sommet du toit, je tends la main à Richard pour l’aider à s’asseoir derrière moi.

- Bon tu te rends compte de la peur que tu provoques ?

Oui je viens de le réaliser.

- Désolé.

Malgré mon air aussi contrit que possible, il n’a pas l’air calmé.

- Sinon tu joues à quoi ? Car moi, tout savoyard que je suis, ce n’est plus trop de mon âge tout ça.

Je ne peux m’empêcher de le regarder en souriant d’un air moqueur.

- Froussard !

Il me saisit par les deux bras avec un air encore plus fâché. Je manque de lâcher la corde pour agripper le faît du toit.

- Répètes et tu ne comprendras pas comment t’as fait pour descendre si vite.

Vu sa tête, je me contente de sourire. Quoique… Je lui montre de la main, le groupe des parents et des filles agglutinés en bas, juste sous nos pieds.

- Tu sais que si je tombe, j’en tue une, deux ou trois.

Il soupire.

- Non elles auront l’intelligence de s’écarter.

Là, je me tourne au maximum vers lui pour l’interroger aussi du regard.

- T’es sûr ?

Pour réponse j’ai droit à un grognement énervé en même temps qu’il regarde en bas.

- Bon sinon, t’es là pourquoi ? Parce que ces tuiles, malgré l’heure matinale, sont déjà bouillantes.

- Tu vois c’est l’avantage de ces pantalons, ils protègent bien.

Ok ok , vu l’humeur qu’il affiche je me tais. Pour un peu il me flanquerait réellement en bas.

- Sinon ?

Vu son humeur massacrante, j’opte pour la mettre en sourdine.

- Je veux accrocher la corde au crochet qui est au bout du toit pour m’en servir pour m’entraîner au monter de corde.

- OK ! Ta mère va encore devenir hystérique mais j’ai l’habitude. Je me mets à rire mais je stoppe de suite devant son regard. Toi ça suffit et dépêches-toi!

 

Le truc c’est que pour atteindre le crochet, je dois beaucoup me pencher. Richard me tient les jambes. Mais j’avoue que je me sens mieux une fois de nouveau totalement remonté sur le toit.

- Merci !

- Au passage tu sais qu’on a une échelle dépliable qui aurait fait le taff.

Je lui fais encore une fois un sourire contrit.

Oui… Mais ça aurait été moins drôle !

 

Il ne me laisse par contre, pas descendre directement par la corde et je n’arrête de râler qu’une fois en-bas sous le préau. Là, Gisou prend le relai niveau rouspétances. Mais elle, on ne peut pas la battre sur ce terrain mais je surveille ses mains au cas où... 



Elle me suit jusqu’au pied de la corde

- Mais non Gisou. Elle ne va pas lâcher, j’ai fait les nœuds que Rémy m’a appris. Regarde, ça résisterait même au poids de Richard.

J’ai commencé à monter et je suis obligé de continuer rapidement car derrière moi, je sens que Richard me suit.




Dans la voix de Gisou, on perçoit comme une légère incompréhension.

 - Richard vous jouez à quoi ?

- A rien. J’attends qu’il s’excuse. Et j’ai tout mon temps.

Je suis bien à cinq mètres du sol et lui juste en dessous, depuis bien trois minutes..

- Et de quoi je dois m’excuser ?

- D’avoir dit que les nœuds de Rémy supporteraient même mon poids…

- Oh ! Je ne voulais pas dire que t’étais gros, juste que t’es plus lourd que moi et donc que si la corde supportait ton poids, elle supporterait le mien.

- Hum mouais. Excuses acceptées.

En attendant, vu que je suis aussi grand que lui, s’il est plus lourd c’est que forcément il est plus gros que moi, mais ça je le garderai pour moi…










10 janvier 2011

Robert dimanche 28 août 1977 il ronfle

Robert dimanche 28 août 1977 il ronfle

 

 

Le coucher se fit officiellement à vingt et une heures, (il fallait que je sois en forme) après un repas léger avec compote de pommes à la cannelle et tisane calmante.

Mais à minuit, je me vois arriver Gisou avec un bol de lait chaud au miel de tilleul.

- Tiens bois ça, cela t'aidera peut-être à dormir.

- Alors là, j'en serais bien étonné !  

Une demie-heure plus tard, elle revenait.

- Tu ne dors toujours pas ?

- Bin non, faut croire . Et il semblerait que je ne sois pas le seul d'ailleurs. Ne me dis pas que tu angoisses aussi ?

- Mais non ! Qu'est-ce que tu vas inventer ? Pousse-toi, fais-moi une petite place.  C'est Richard qui m'empêche de dormir, il ronfle.

Je souris, si moi je ne savais pas mentir, alors elle aurait pu être réellement ma mère !

Elle me pique alors tous mes oreillers et me force à me coucher dans ses bras, dos à elle. Je fais alors un bond dans le passé, presque deux ans plus tôt lors de mon premier séjour au chalet.

J'étais bien et c'est vrai que sa tendre présence me calme. Je ferme les yeux et me laisse bercer par ses paroles.

Elle me parle d'elle petite.

De son enfance où ses parents à cause de la guerre la mirent en pension avec sa soeur et son frère à la campagne chez leurs grand-parents.

De son père ayant rejoint les rangs de l'armée puis prisonnier de guerre.

De ses tantes venues les garder à Toulouse.

Et la tête sur sa cuisse, je m'endors en rêvant d'enfants roux parlant gaélique à des femmes ne connaissant que le patois landais....

 

12 janvier 2011

Robert mercredi 31 Août 1977 prise en main

Robert mercredi 31 Août 1977 prise en main

 

 

Hier malgré un premier réveil aux aurores pour notre premiers lever des couleurs. Nous avons fini notre parcours d’incorporation par le passage dans les divers services médicaux en petite tenue, tout de même plus couverts qu’à Aix…

Robert mercredi 31 Août 1977 prise en main

 

Hier malgré un premier réveil vers deux heures puis un à six heures pour notre premier lever des couleurs. Nous avons fini notre parcours d’incorporation par le passage dans les divers services médicaux en petite tenue mais tout de même plus couverts qu’à Aix…

Mon dos fut par tous admiré, par contre mon explication du mixer géant peu appréciée surtout par le psy…

Nous avons ensuite été repris en main par nos gentils aînés qui ont un an d’ancienneté au Piège. 

Jusqu’à présent, nous avons eu droit à des «bleus» en chemise et pantalon bleu. Les sympas, qui blaguaient même avec nous. Mais là.. ceux qui nous harcèlent, ceux qui nous aboient dessus, qui nous font finir le repas de midi en cinq minutes même pas, sont en vert. Même leur visage est vert et eux ne sont pas sympas mais alors pas sympas du tout.

Et pourtant ce sont les mêmes…

Ils nous réapprennent à marcher, tout se fait au pas de course, le célèbre pas de gymnastique auquel ceux qui sortent d’écoles militaires sont au combien habitués. Les autres… ils s’y feront vite.

Pas d’individualisme non plus. Dorénavant c’est par brigade entière que nous faisons tout et gare à celui qui se goure de pied ou de bras, c’est tout le groupe qui recommence.

De même quelque soit l’endroit où nous devons aller, nous faisons le tour de la place PO (Pelletier d’Oisy). Nous finissons par savoir sa taille en nombre de pas. Ou du moins en nombre de foulées.

 

Le repas du soir comme celui de midi est vite avalé. Mais cette fois toute la compagnie se retrouve alignée face au mur extérieur sur le parvis de la salle des marbres.

Cette salle que j’ai hâte de connaître.

Je sais qu’une cérémonie se prépare. Mais laquelle, je ne sais pas.

Derrière nous des bruits de pas puis plus rien.L’attente nous semble longue et nous commençons à angoisser, que nous réservent-ils encore ? J’aime bien être dans les rangs du milieu, même si l’attente est plus longue, nous sommes moins surpris que ceux des premiers ou dernier rangs. Nous leurs cris ou grognements de surprises nous préviennent. Là, rien.

Puis la voix du commandant D retentit.

- Demi-tour droite !

 

Devant nous, nos aînés. Les aspis défilent, par brigades qui se croisent et se recroisent, nous faisant démonstration de ce qu’ils aspirent à nous voir arriver à faire à notre tour.

Je me dis qu’il y a encore du boulot.

Puis nous levons la tête pour nous voir survolés par quatre Fouga Magister de la PAF1.

 

Les aspirants de seconde année pénètrent dans la salle des marbres.

A leur suite, une brigade après l’autre nous les y suivons.

Les quatre brigades placées en étoiles, nous nous faisons face. Nous écartons nos rangs et nos colonnes de la longueur d’un bras tendu devant et sur la droite.

Les aspis qui ont rompu les rangs circulent entre nous.

 

- Poussins sortez de l’œuf, présentez-vous !

Le brigadier en charge de notre brigade (qui n’est d’autre que le capitaine qui m’a souhaité bonne chance lors de ma signature de contrat.) interpelle le commandant.

- Et si nous commencions par le petit rigolo ?

Alea jacta es… Ouvrons donc le ban des hostilités, au moins ce sera fini et ils n’auront pas eu le temps de s’échauffer.

 

Et à tour de rôle, sans ordre précis au bon vouloir des brigadiers ou des aspis, chacun de nous jusqu’au dernier, se présente sous les huées et les quolibets peu flatteurs de nos aînées reproduisant ce qu’ils ont eux-même subi l’an passé. 

L’an prochain… nous serons les secondes années.






1 Patrouille Acrobatique de France

Mon dos fut par tous admiré, par contre mon explication du mixer géant peu appréciée surtout par le psy…

Nous avons ensuite était repris en main par nos gentils aînés qui ont un an d’ancienneté au Piège. Jusqu’à présent, nous avons eu droit à des «bleus» : chemise et pantalon bleu.

Les sympas, qui blaguaient même avec nous. Mais là ceux qui nous nous harcèlent, qui nous font finir le repas de midi en dix minutes même pas, sont en vert. Même leur visage est vert et eux ne sont pas sympas mais alors pas sympas du tout.

Et pourtant ce sont les même…

Ils nous désapprennent à marcher, tout se fait au pas de course, le célèbre pas de gymnastique.

Pas d’individualisme non plus. Dorénavant c’est par brigade entière que nous faisons tout et gare à celui qui se goure de pied ou de bras, c’est tout le groupe qui recommence.

De même quelque soit l’endroit où nous devons aller, nous faisons le tour de la place PO (Pelletier d’Oisy). Nous finissons par savoir sa taille en nombre de pas.

 

Le repas du soir comme celui de midi est vite avalé. Mais cette fois toute la compagnie se retrouve alignée face au mur extérieur sur le parvis de la salle des marbres.

Cette salle que j’ai hâte de connaître.

Je sais qu’une cérémonie se prépare. Mais laquelle je ne sais pas.

Derrière nous des bruits de pas puis plus rien.L’attente nous semble longue et nous commençons à angoisser, que nous réservent-ils encore ?

Puis la voix du commandant D retentit.

- Demi-tour droite !

 

Devant nous nos aînés. Les aspis défilent, par brigades qui se croisent et se recroisent, nous faisant démonstration de ce qu’ils aspirent à nous voir arriver à faire à notre tour.

Je me dis qu’il y a encore du boulot.

Puis nous levons la tête pour nous voir survolés par quatre Fouga Magister de la PAF1.

 

Les aspirants de seconde année ont pénétré dans la salle des marbres.

A leur suite, une brigade après l’autre nous les y suivons.

Les quatre brigades placées en étoiles nous nous faisons face. Nous écartons nos rangs et nos colonnes de la longueur d’un bras tendu.

Les aspis qui ont rompu les rangs circulent entre nous.

 

- Poussins sortez de l’œuf, présentez-vous !

Le brigadier en charge de la seconde brigade ( qui n’est d’autre que le capitaine qui m’a souhaité bonne chance lors de ma signature de contrat.) interpelle le commandant.

- Et si nous commencions par le petit rigolo ?

Alea jacta es… Ouvrons donc le ban des hostilités, au moins ce sera fini et ils n’auront pas eu le temps de s’échauffer.

 

Et à tour de rôle, sans ordre précis au bon vouloir des brigadiers, chacun de nous jusqu’au dernier, se présentera sous les huées et les quolibets peu flatteurs de nos aînées reproduisant ce qu’ils ont eux-même subi l’an passé.

 

 

 

 

 

1Patrouille Aérienne de France

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15 septembre 2010

Robert dimanche 2 Janvier 1977 dispute

   Robert dimanche 2 Janvier 1977 dispute




Si, mes cadeaux tiennent dans mon sac, par contre ceux des filles, doivent retourner dans la remorque tout comme le gros mixer de Gisou avec lequel Rémy et Richard se  battent pour lui faire réintégrer son carton…

 

Debout à l’entrée de la cuisine derrière Sylvie et Gisou, je me régale d’assister au combat déjà perdu d’avance d’après moi, de deux hommes contre un carton. 

Et puis, encore plus drôle, si Rémy et Richard surtout, insultent le carton et son contenu récalcitrant. Gisou et Sylvie, les engueulent eux pour leur langage châtié.

Je trouve amusant de voir Richard à la limite de faire passer le carton et son contenu par la fenêtre.

Il explose.

- Bon alors soit, tu sors de cette pièce avec ta sœur et toute votre engeance heu,y a un souci là ! j’suis seul, les filles sont toutes dans le salon et je ne suis pas leur fils. Ou j’offre ton mixer à ta mère.

- Cette engeance, tu as aussi su la faire. Mais je sors, je sors. Par contre toi, mon amour t’es pas prêt de rentrer à nouveau. Et toi aussi, dehors ! Elle me fait reculer hors de la cuisine. Laissons ces charretiers se débrouiller seuls.

Nous entendons encore Richard

- Il y a des fois où l’on est mieux seuls que mal accompagnés.

Juste avant de fermer la porte derrière elle, Gisou lui lance.

- Et bien d’accord monsieur, je défais mes sacs et je reste chez ma mère. Au moins tu auras un beau mixer pour t’aider à faire la cuisine pour tes filles.

Lorsque je la vois se saisir de son sac déjà rangé avec les nôtres à l’entrée de la salle à manger et le ramener dans la chambre et s’y enfermer, je ne peux m’empêcher d’être inquiet et retourne derechef dans la cuisine.

 

Le mixer est bien entré dans son carton mais les accessoires eux sont réunis dans un sac plastique à côté.

Rémy me souffle en passant à côté de moi.

- Retiens cette leçon, mon petit, n’offre pas de super mixer à ta femme ailleurs que chez toi sinon il te faudra devenir Einstein pour le remballer. J’avais prévenu mon frère, mais il ne m’écoute jamais.

Richard se met à rire.

- Rémy, t’écouter c’est mourir d’ennui. Là, il me fixe. Robert, ça ne va pas ?

- Elle va vraiment rester ici ?

- Qui va rester ici ?

- Gisou. Elle a repris son sac et elle est retournée s’enfermer dans sa chambre.

Rémy déjà sorti, stoppe et se retourne, les deux frères se regardent puis Richard sort précipitamment. Je commence à le suivre mais Rémy me retient.

- Viens m’aider à descendre nos affaires. Puis ouvrant la porte du salon. Allez, mes filles, au boulot.



Lorsque toutes leurs affaires sont chargées dans leur remorque, les cousines restent dans le break et avec Rémy nous remontons.

Les parents sont toujours enfermés dans leur chambre. Je rejoins les filles de Richard qui regardent la télé dans le salon avec Daddy.

Je me glisse entre Véro et Isa assises sur le canapé. Ça râle un peu mais je crois qu’elles ne sont pas d’humeur à se disputer avec moi.

Coco quitte sa place entre Véro et Fanfan et veut grimper sur mes genoux. Je n’ai pas envie de les déplier, étant assis comme les autres, les pieds sur le canapé collés à mes fesses. Elle se glisse entre Isa et moi.

- Papa et Maman sont fâchés ? Ils ne nous aiment plus ?

- Mais si. Les grandes personnes aussi ça leur arrive de se disputer. Tais-toi, on regarde le film.

Du film, (une version en dessin animé du roman de Dickens : Oliver Twist.) Moi, présentement, je m’en fous et même si Isa a dit ça, je crois qu’elle aussi. En fait ce n’est pas le film que nous écoutons mais les éventuels bruits venant de la chambre.

Sylvie vient nous embrasser ainsi que son père.

- Les gamins vous direz au-revoir à vos parents pour nous. Papa, je t’aime, soigne-toi, d’accord ? Penses que tu vas avoir une nouvelle petite fille.

- Mais oui ma chérie, ne t’inquiètes pas. Rentrez bien.

 

Le film est presque fini lorsque Gisou sort de la chambre.

- Oh ! Vous êtes trop mignons, tous comme ça, ne bougez pas !

Et nous voilà, immortalisés sous la forme d'une brochette d’anchois. Bon, ce ne sera pas ses plus belles photos car les petites tirent la gueule sur la première et je me planque derrière Isabelle. Sur la seconde Coco se penche en avant en tirant la langue à sa mère. Sur la troisième ça commence à dégénérer. Sur la quatrième c’est un vulgaire amas de bras, de jambes et de cheveux roux. C'est cool ! On ne m’y aperçoit plus car je suis enseveli en-dessous. Ah si ! on voit un de mes pieds au bout du mollet où Fanfan plante ses dents.

C’est Richard qui ramène le calme.

- Robert, Isa, Véro, chaussures, on a une voiture à charger !





- Robert, tu dors où ce soir ?

- Dans ma chambre.

Il ne reste plus que Gisou et moi, en bas des escaliers. Richard gare la remorque et les filles sont toutes déjà à l’appart.

- Alors dors bien mon garçon, tu ne veux pas encore un ou deux sandwichs pour manger avant de dormir ?

- Oh non j’suis plein et j’ai sommeil. Je fais mon lit, range mes affaires et dodo. Je commence à descendre les marches vers la porte de la cave puis me tourne vers elle. Gisou ?

- Oui poussin.

- Tu comptais vraiment rester à Toulouse ?

Elle sourit. Je rougis et recommence à descendre.

- Non, je ne pourrais pas rester longtemps loin de vous, vous me manqueriez beaucoup trop.










23 janvier 2011

Robert dimanche 13 Novembre 1977 trop court

Robert dimanche 13 Novembre 1977 trop court

 

 - Bon les gamins à table. Ce soir on a décidé de te ramener.

- Bin non, désolé, pas possible. J’ai rendez-vous avec un collègue.

- On peut le ramener aussi. Il est à quel heure votre train ?

- Dix-huit heures huit.

- Voilà, on a même notre heure de départ. Aller hop hop à table, j’ai faim moi !

- Toi, t’es comme Robert. T’as tout le temps faim.

Coco et Fanfan sortent de la salle de bain, en secouant leurs mains l’une vers l’autre et la grande s’arrête et regarde Yvy avec un air très docte.

- Maman elle dit que c’est parce que c’est des hommes. Mais alors je dois aussi être un homme car moi aussi j’ai tout le temps faim.

 

 

 

 

- Au-revoir monsieur et madame et merci de m’avoir ramener.

- Ce fut un plaisir.

Le sac sur le dos nous présentons notre badge au planton de garde pour pénétrer dans l’école.

- C’est un chibane ton tuteur ?

- Oui, un ancien de la Paf.

- Oh la chance.

Oui j’ai de la chance mais pas que pour ça.

 

 

1 février 2011

Robert lundi 26 Décembre 1977 Noël 4

Robert lundi 26 Décembre 1977 Noël 4

 

Le poêle de la chambre des filles est, non sans mal, arrivé à destination.

C'est la traversée de leur chambre qui nous pose le plus de problème.

Elles ont au fil du temps réquisitionné tous les lits deux places du premier et du second dans les chambres vides, pour les coller les uns aux autres et en former une sorte d'immense plateau où les matelas se touchent, elles dorment ou plutôt s'écroulent dessus lorsque leurs mères viennent éteindre la lumière.

Et moi, au passage, je me dois de me satisfaire d'un lit une place étroit et trop court pour moi d'où mes pieds dépassent lorsque je m'étends totalement.

 

Lorsque Papapa ouvre la porte, on a droit à des hurlements.

- Vous n'avez pas prévenu.

Réponse : quatre mecs qui se marrent.

- On a déjà les radiateurs électriques.

- Le bois, c'est lourd à monter.

Je me dis qu'elles sont au moins quatre qui ont plus de dix ans donc si elles remontent chacune une bûche à chaque fois qu'elles montent, elles en auront tellement que je pourrai me servir chez elles.

- Laisser-nous dormir.

Heu, il est dix heures tout de même ! OK j'avoue ce matin Rémy est venu me sortir du lit, il y a moins d'une heure.

- Vous ne pourrez pas passer.

Alors ça, ce fut le truc à ne pas dire à quatre mecs qui viennent de se remonter un poêle pesant le poids d'un âne mort additionné à celui d'un âne vivant. Bon, j'exagère car à deux, on l'a monté sans difficulté mais faut bien en rajouter pour arriver à se faire plaindre puis câliner par Gisou et Mammema qui estiment que je suis trop jeune pour me bousiller le dos.

Bref, les frangins ont mis tous les matelas debout le long des murs, nous ouvrant à Papapa et moi une voie royale pour aller poser la bête à côté de la fenêtre du fond.

- Papa, tu sais qu'en passant par l'autre chambre, vous aviez pas besoin de toucher aux lits.

Une autre chambre ? C'est vrai que je me suis toujours demandé où menait cette porte au fond de la pièce. Ayant posé le poêle, j'ouvre la dite porte et là, une pièce presque aussi grande que leur chambre, sans lit mais adossées aux murs, quatre grandes armoires et six commodes basses dos à dos, l'une à côté de l'autre formant un îlot central. Presque immédiatement à ma droite, une autre porte. Celle-ci donne sur le couloir.

Richard m'a suivi.

- Oui, bon, on y vient jamais ici, j'en avais même totalement oublié son existence. (En revenant vers la chambre, j'ouvre un tiroir qui m'offre la vision de sous vêtements féminins puis la porte d'une armoire contenant des robes et à leurs pieds des jeux de société.) Ferme-ça malheureux ou tu vas te faire énucléer tous tes yeux, même ceux que tu n’as pas.

On se met à rire..

- Demain ou après-demain JE vous préviens qu'on viendra percer et installer le tuyaux. Alors vous ne direz pas que l'on ne vous a pas prévenues.

 

- Comme pour l'autre, passe la sangle au-dessous puis autour, voilà !

Mais d'un coup, nous voilà, entourés de braises ardentes qui nous font tout lâcher et nous tirent.

- Vous avez des lits à remettre en place, vous ne vous en tirerez pas comme ça, c'est trop facile.

- Non, on monte mon poêle et vous pouvez le faire vous même.

Véro se campe devant moi, les mains sur sa taille. Elle croit m'impressionner ?

- Si tu viens pas nous aider, on fait pareil avec ton lit.

- Tu me fais franchement peur là !

Elle avance d'un pas, se collant presque à moi puis recule.

- Pouah, tu pues !

- Tant mieux, tu ne voudrais pas qu'un mec qui pue vienne dans ta chambre et touche à ton lit, si ?

Demi-tour toute vers son père et tape du pied.

- Papa ! (Là, je me bouche les oreilles car elles sont sept à scander en hurlant :) Papa ! Papa ! Papa !

Je leur déquillerais une de ces beignes si j'étais leurs pères. Eux, ils se contentent de rire en fuyant vers la cuisine, m'abandonnant seul au milieu de ces furies. Moi, je ne peux pas fuir car elles me tiennent et me tirent.

- Au-secours ! Richard vient me sauver des griffes de tes filles. (Hélas, je sais qu'il ne peut plus m'entendre car j'ai entendu les portes du sas s'ouvrir et se fermer.) Mutti, Mammema, Sylvie, au-secours !

Avec espoir, je les vois arriver alors que les autres ont réussi à me faire avancer jusqu'en bas des escaliers. Mais comment résister contre elles car pour me faire bouger elles ont une technique absolument ignoble et abjecte. Je suis pieds nus et elles m'écrasent les orteils. Du coup, je suis obligé de lever les pieds et pour rester debout les déplacer vers l'arrière.

Lorsque mon talon bute contre la première marche, je m'affale sur les marches.

- Pourquoi tu refuses d'aller les aider ?

- Mutti c’est pas juste ! J'ai déjà aidé à monter leur poêle et elles ne m'aideront pas pour le mien. Pourquoi vos maris ne vont pas le faire eux ?

- Je crois qu'ils sont allés chercher le tuyau et ce qui faut pour installer le tien.

- Belle excuse ! Hé, non, lâchez-moi ! (Les jumelles me soulèvent chacune par un bras, Véro et Maïté chacune une jambe, et Fanfan et Yvy chacune de leur côté me tiennent par la ceinture de mon pantalon.) Aïe mon dos ! Non lâchez-moi ! Au-secours !

- Tais-toi ! Non seulement tu pues mais en plus tu pèses plus lourd qu'un âne mort.

- Un mulet mort !

- Je vous em... lâchez-moi !

 

Le pire, c'est qu'elles sont arrivées à me hisser jusqu'au premier. Là, elles m'ont traîné jusqu'au milieu de leur chambre.

- Et si je ne me lève pas, tous vos efforts auront servi à quoi ?

- Aller sois gentil, aide-nous s'il te plaît !

Au-dessus de moi, j'ai six paires d'yeux suppliants déclinant le vert du bleu turquoise au vert émeraude. Vous voulez résister comment à tant de beauté.

- Vous faîtes ch... !

Cinq minutes plus tard, je suis en bas où je retrouve les trois hommes.

- Alors ces lits ?

- Remis ! Mais je vous le revaudrai.

- Tiens, porte la perceuse et les embouts. Tu reviendras chercher les tuyaux.

 

- Les hommes, allez vous laver les mains et à table.

- Non, on a plus qu'à colmater, on finit et après seulement nous descendrons.

 

- Alors ? C'est installé ?

- Oui après le repas, il fera une flambée et on verra s'il ne met pas le feu au chalet, c'est que c'est bon.

- Alors à table !

Devant l'évier, j'ai décidé de me venger en les empêchant de se laver les mains, mais Richard et Rémy me saisissent et veulent m'éjecter pendant que Papapa décrochent mes mains du bord. D'un coup de rein, je replonge en avant et la main qui vient de lâcher, réussit à saisir le robinet qui hélas pour moi, ne résiste pas à la traction et d'un coup un immense jet d'eau nous inonde tous les trois.

- Mais quel con ce gosse ! Papa vite coupe l'eau !

Avec Richard, on met nos mains sur le trou du robinet cassé mais ce n'est guère efficace. Heureusement, le jet se tarit vite.

- Oh Mon Dieu notre cuisine. Les hommes, on vous déteste !

- Hé !

On se regarde tous les quatre et on éclate de rire.

- Robert éponge, Richard, aide-moi à tout démonter.

- Les garçons, je vais dans le garage, je crois que j'en ai un de remplacement.

- Raoul, non ! (On s'est tous immobilisés, qu'est-ce qui se passe encore ? Papapa est trempé comme nous et ?) Je t'interdis de sortir dans cet état, tu attends que j'aille te chercher d'autres vêtements.

- Mamie a raison et vous pareil. Nettoyez vos dégâts en attendant qu'on vous descende des tenues sèches.

Tous les quatre, on se regarde avec des mines désespérées.

- On est pas en sucre !

C'est vrai quoi ? Maïté adossé au montant de la porte les bras croisés, nous regarde avec les autres.

- Vous savez quoi les filles, on est mal barrées, avant fallait s'en supporter deux, voir trois, maintenant on a quatre entreprises de démolition.

Mais pourquoi Richard et Rémy me tapent-ils sur l'épaule en riant.

- Bon j'y vais moi, il est où ton robinet Papa ?

 

Quand les mutti arrivent, on est tous les quatre torse nu, Richard sous l'évier, Papapa au-dessus. Quant à Rémy et moi, assis sur le rebord d'une des cuves qui nous servent de baignoire, on les soutient moralement en commentant moqueurs tout ce qu'ils font.

 

- Vous savez quoi les hommes, on pose vos affaires ici avec des serviettes, quand ce sera réparé, profitez-en pour vous laver, avec les filles, on va manger en attendant.

- Hé mais il y a pas d'eau chaude.

- Faites-en chauffer.

Sur ce les mutti sortent de la cuisine embarquant les filles avec elles.

- Bin pour l'instant il n'y a même pas d'eau.

- Bien vu garçon !

- Dîtes il n'y a pas de piscine à Chamonix ?

- Richard, tu sais qu'il n'est pas con du tout ce môme, vous avez finis quand ?

- Maintenant. Vas remettre l'eau.

Nous regardons avec émerveillement l'eau couler une bonne minute puis :

- Toi, tu vas chercher nos maillots discrètement et on y va.

 

En fait, même si, on s'est bien amusé et si Richard et Rémy m'ont montré un léger, très léger aperçu de comment, ils devaient être ados, j'ai regretté être avec eux. Bin oui, se trouver une jolie filleavec tes vieux sur le dos : l'horreur absolue.

 

Nous sommes rentrés, assez tard.

D'abord je n'ai pas compris pourquoi ils retardaient tant le retour.

On est allés boire un coup, j'ai même eu droit à un Picon bière, que j'ai trouvé moins bon que l'Amer Bière de chez moi.

Ensuite, on est passé voir Isabelle.

- Tu sais que Maman m'a téléphonée, elles vous attendent avec les rouleaux à pâtisserie.

- Mais pourquoi ?

- Vous ne leur avez pas dit que vous partiez et vous avez laissé la porte de la cuisine fermée, Marthe est sortie par la fenêtre pour aller l'ouvrir. Elles sont remontées comme des pendules. Crois-moi, vous allez passer un sale quart d’heure.

Je reste d'abord sans voix en réalisant que oui, on a oublié d'enlever le guichet, à moins que... ils ne l'aient fait exprès. J'ai alors une forte envie de rire que je réprime.

- Je ne dirai rien, et toi non plus, promets-le moi ?

- Oui mais tu me raconteras, promets-moi le aussi ?

- Juré !

 

 

- Robert, tiens, vas-y, porte ça dans la cuisine, on arrive.

Je veux d'abord refuser puis je me rappelle que j'ai dit que je jouerai le jeu de celui qui ne sait rien et donc je prends le carton de bouteilles de champagne que le père de Michel nous a donné en prévision du réveillon qu'ils vont passer avec nous.

Je le pose au bout de la table comme me l'ont demandé les paters. Du coin de l’œil, je vois les trois femmes se lever, venir vers moi, regarder le contenu du carton. Gisou me tire sur le col de la chemise et mets son nez dans mon cou.

Je ne dis rien, je lui pose un bisou puis vais vers les escaliers.

Ouf ! Je suis passé à travers l’œil du cyclone mais je ne monte pas de suite, je les suis dans la cuisine jusqu'à ce qu'elles passent le sas, puis quatre à quatre, je me précipite dans la chambre des filles et sors sur le balcon mais sans m'approcher trop du bord pour rester discret. Les bras en croix, je maintiens les filles derrière moi et dois même récupérer Coco et la prendre dans les bras.

En bas pas un bruit. Je me penche.

- Toi ! Tu es intérêt d'être dans ta chambre avant que je vienne m'occuper de toi.

Purée, je ne me le fais pas dire deux fois et abandonne les filles sur leur balcon.

Devant ma porte, une quinzaine de bûches. J'ai envie de redescendre remercier les filles quand j'entends gueuler au rez de chaussée et préfère les rentrer et tenter d'allumer mon poêle qui fonctionne super bien et cinq minutes plus tard, il fait tellement chaud que je suis torse nu, fenêtre ouverte. Le bonheur !

 

La porte s'ouvre sur les filles qui envahissent mon espace vital.

- Merci pour les bûches.

- C'est pour te remercier pour les lits.

- Raconte, vous êtes allés où ?

Je m'exécute et leur parle d'Isabelle.

- Nous, on a trop rigolé. Il y a pas que Marthe qui est sortie par la fenêtre, moi aussi et Mathilde et Maïté aussi. Mais là Robert, ferme ta fenêtre, sinon éteins ton poêle.

- Oui Maman, en fait non. T'es qui pour me dire ce que je dois faire ?

 

Quand Mammema monte pour nous dire de descendre manger, je suis sur ma chaise de bureau avec Coco dans les bras et les autres sont assises sur mon lit m'offrant un charmant paysage d'automne.

Et elle repart en disant :

- C'est trop calme ici !

 

 

 

2 février 2011

Robert Mardi 27 Décembre 1977 Noël 5

Robert Mardi 27 Décembre 1977 Noël 5

 

 

- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Papapa pousse de toutes ses forces sur la porte pour tenter de l'ouvrir mais un des matelas des filles la bloque.

Maïté et Véronique le repousse dehors.

- Dehors ! Pas d'homme dans notre chambre !

- Hé ! Les filles vous êtes dans MA chambre !

- Tais-toi femme !

- Laissez-moi entrer ou j'appelle vos pères.

- Papapa tu crois vraiment leur faire peur ?

- Aux filles peut-être pas mais toi, je ne donne pas cher de ta peau.

- Déjà pour arriver jusqu'à moi, ils devront passer sur leurs filles.

J'ai franchement un problème à toujours tendre le bâton pour me faire battre. Je vois les deux filles lâcher la porte, prendre leur couette et sortir. Du coup Marthe et Mathilde font pareil ce qui provoque un grand sourire narquois chez Papapa. Mais c'est sans compter sans la complexité des filles que je renonce à comprendre car les voilà qui reviennent et cette fois à cinq le repoussent et referment la porte.

Évidemment quelques minutes plus tard, ce sont les quatre, non les cinq autres adultes qui débarquent.

Et là on imagine un lit une personne avec les sept filles dedans... si, si, c'est possible. Mais sans moi. Moi j'ai fuit. Bah oui, il y a une limite à ma capacité à les supporter. Je suis habillé derrière la porte qui peut s'ouvrir en grand puisque j'ai viré le matelas qui gênait.

- Bon c'est quoi ce bordel ?

Le Rémy ce n'est pas le fils à Papapa pour rien, et il croit faire peur à qui franchement ?

Les filles se sont toutes recouvertes entièrement avec leurs couettes. D'ailleurs je ne sais pas comment elles font pour tenir car il y a maintenant huit couettes, heu non sept car il n'y a pas la couette à Coco. Il doit faire une chaleur étouffante là-dessous. Je les entends pouffer. Je regrette juste de ne pas pouvoir voir la tête des parents.

- Tu crois qu'il est là-dessous aussi ?

- Non ! (Richard referme la porte.) Tu vois Rémy, je commence à le connaître mon loustic. Et toi ne prends pas cet air niais et explique-nous pourquoi toutes les filles sont dans ta chambre ?

- Elles avaient froid dans leur chambre. Alors elles ont remonté leurs matelas.

- Enfin c'est toi qui leur a remonté.

- Non, elles. Moi j'étais pas chaud.

- Fanfan, qui a monté tous les matelas?

- Moi !

Là, je ne peux pas m'empêcher de rire. Elle a bien retenu sa leçon. Et l'expression qui s'affiche sur le visage des parents est impayable. A force, comme si on ne savait pas qu'ils allaient demander aux deux petites.

- Coco, les matelas, c'est Robert qui les a montés ?

- Oui Robert il est monté sur les matelas et Véro la vilaine a dit : (Coco secoue son index ) « tu dois pas monter sur les matelas ».

- Coco si tu mens, tu seras punie.

- Hé Gisou, ça c'est de l'intimidation, ce n'est pas correct.

- Bon, alors mon garçon avoue que c'est toi ? Et si tu dis que c'est toi, je te ferai rien que pour toi de la mousse au chocolat et de la chantilly.

- Hum, une forêt noire à la place c'est possible ?

- Si tu veux.

- Et non. Cela s'appelle un pot de vin, ça ! Et vous me dégoûtez, vous nous prenez pour quoi ? Comme si on était pas capable de les remonter nous même, Lui, il en a remonté un, celui des petites .

- Heu, j'aurais quant même droit à mon gâteau car je veux bien avouer avoir tout remonter.

- Tu te fous de moi ?

- Meuh non, Gisou. Et puis, dans cinq jours, je serai de nouveau à Salon et je serai à nouveau seul, martyrisé et mal nourri, alors aies pitié de moi.

Je me mets même à genoux devant elle, en lui faisant des yeux suppliants.

- Oh oui Maman, pour le repas de midi fais-nous du poisson pané, s'il te plaît !

Véro est venu se mettre à genoux à côté de moi. Les trois autres grandes font pareil qu'elle, en réclamant la même chose.

- Hé non ! Puisque c'est comme ça, je ne vous aiderai pas à les descendre.

- Qui t'a dit qu'on ne comptait pas rester ?

- Ouais bin, moi, je ne vous ai pas dit que vous pouviez rester.

Même à genoux, j'ai deux têtes de plus qu'elle.

- Tant pis ! Tu n'as plus le choix, fallait pas remonter nos matelas.

- Hé ! Vous ne m'avez pas demandé la permission pour le faire.

- Depuis quand je devrais te demander la permission pour faire quelque chose, hein ? Hein ? Hein ?

A chaque « hein », elle me tape du doigt sur la poitrine. J'attrape cette main, puis l'autre et là, j'suis content d'être à genoux car exit les genoux mais elle essaie de me mordre en se jetant sur moi. Alors comme d'hab, je la bloque et on roule sur le sol. On dirait un alien qui jette ses dents vers moi mais je reste soigneusement à distance jusqu'au moment où Rémy et Papapa décident de nous séparer et embarquent la folle furieuse avec eux.

- Maintenant toi, il ne te reste plus qu' à redescendre les matelas et cette après midi, tu viens nous aider à installer leur poêle.

- Non !

- Pardon, Tu peux répéter ?

Richard est au-dessus de moi, penché sur moi qui suis resté couché au sol. Il ne me fait pas peur, il me donne plus envie de rire.

- J'ai déjà monté leur poêle, elles sont assez grandes pour t'aider à l'installer, non ? Elles aussi, elles ont deux mains. Quant aux matelas, j'en ai remonté un, celui des petites car les grandes chieuses refusaient de les aider. Et si, tu me forces, je descendrai celui des petites mais les autres je les jetterai par la fenêtre et elles iront les chercher en bas.

Bon, honnêtement, je commence un peu à avoir la trouille mais j'essaie de ne pas le montrer.

Et là, il se met à rire et me tend la main.

- Aller viens déjeuner mais t'es vraiment un petit con.

 

4 février 2011

Robert Dimanche 1 Janvier 1978 nouvelle année nouvelle Granier

Robert Dimanche 1 Janvier 1978 nouvelle année nouvelle Granier

 

- Viens te coucher, j'ai remis une bûche. Momo en pyjama me tire par la main. Véro nous a dit de descendre dormir avec elles, si tu voulais.

- Vas-y toi. Moi je dors ici.

- Alors je reste car tout à l'heure,tu n'avais pas l'air bien.

Je lui souris et me lève. Cela se voyait tant que ça ? Le pire c'est que je ne sais même pas pourquoi le fait de savoir qu'Isabelle allait accoucher m'a mis si mal. Ou bien est-ce d'avoir reçu sur moi, une partie de ses fluides corporels issus de … j'ai un frisson. Pourquoi ça me dégoûte tant ? Non, ce n'est pas du dégoût, c'est autre chose sur lequel je n'arrive pas à mettre de nom, ni à expliquer.

 

 

 

- Elisabeth est née à huit heures zéro quatre, deux kilos... Oh ! Pardon !

- Véro attends. Pourquoi pardon ? Mais la porte est déjà refermée. Je réalise alors,que je tiens Momo dans mes bras. Momo qui n'est plus en gros pyjama mais en fin débardeur. Non ? Si ? En tout cas aucun souvenir. Le poêle est moribond et je sens la morsure du froid sur mes bras alors je me lève pour lui redonner à manger. En tout cas, j'ai toujours mon caleçon.

- Tu as bien dormi ?

- Oui et toi ?

- Non tu bouges trop et tu parles dans ton sommeil.

- Désolé. Je descends, rendors-toi.

 

Au premier étage, Véro n'est pas dans la chambre. Il ne reste plus que les deux petites qui dorment toujours.

Au rez-de chaussée, je suis accueilli par Mammema.

- Alors mon grand, qu'est-ce que ça te fait d'être tonton ?

- Rien. Surtout que juridiquement, je ne suis toujours pas tonton ou je ne suis pas au courant. Mais toi d'être arrière grand-mère cela semble te ravir et je trouve donc ça cool.

Lors de mon tour de table matinal, j'embrasse Véro sur l'oreille.

- Il ne s'est rien passé, on a juste dormi.

Elle me force à me pencher et me glisse.

- Tant mieux car moi oui.

- Avec qui ?

Tellement surpris je l'ai dit à voix haute.

- Abruti ! C'est malin !

- Véronique, Robert ?

J'ignore Richard.

- Mais moi, je n'ai pas couché avec Momo j'ai juste dormi avec elle, espèce d'ahurie ! Bordel, garde tes fantasmes pour toi !

- Je confirme et je ne suis pas pédophile, jeune fille, ton frère est encore un petit garçon.

- Un petit garçon plus grand que toi mais ça, ce n'est pas grave, n'est-ce pas ?

Je me suis mis devant elle, et la force à reculer, elle me repousse des deux mains mais je résiste.

Bon, je ne suis pas de beaucoup plus grand qu'elle mais dix centimètres c'est toujours ça, non ?

- Un bébé !

- Tu sais ce qu'il te dit le bébé ?

- Qu’il est un gros bébé.

- Tu vas voir ce qu’il va te faire le bébé ?

En riant, nous nous livrons à une sorte de gentil match de catch que je termine en la laissant passer d’un coup tout en la retenant pour qu’elle ne se mange pas le canapé.

- Enflure, je te le ferai payer, le bébé !

- Dis moi, Richard, s'il se dispute moins avec Véronique c'est parce qu'il a trouvé quelqu'un d'autre avec qui le faire ?

 

 

Gisou et Mammema sont têtues mais têtues mais à un point qui frise la... je ne sais pas quoi , mais qui m'énerve.

- Non on ne reste pas pour manger et non je n'irai pas voir Isa et son bébé, je n'ai pas le temps, nous n'avons pas le temps, nous devons être rentré sur Salon ce soir.

- Bon alors prenez au moins ça pour manger sur le trajet et soyez prudent. Vous ne roulez pas trop vite j'espère jeune fille avec votre petite voiture de course ?

- Non, madame, je suis prudente.

- Gisou, elle conduit très, très bien t'inquiète.

- Mais si je m'inquiète. Je m'inquiète même tous les jours pour mes enfants. Tu ne peux t'imaginer.

Elle m'amuse et je l'aime comme ça.

J'aime quand elle dit : «mes enfants» et qu'elle m'inclut dedans. Elles ne savent pas la chance qu'elles ont les filles d'avoir une mère comme elle. Je la serre très fort contre moi et je reste mon visage dans son cou pour me souvenir de son odeur. Un jour, je m'offrirai un flacon de son parfum et chaque soir j'en mettrai sur mon oreiller pour avoir l'impression de m'endormir dans ses bras même quand je ne ferai plus parti de cette famille dans un an et deux mois...

25 janvier 2011

Robert dimanche 4 Décembre 1977 séjour acculturation en milieu froid

Robert dimanche 4 Décembre 1977 séjour acculturation en milieu froid

 

Chargés comme des baudets, sac à dos et deux sacs kakis go pour les sommets.

Le changement de température nous colle une claque. Le Mistral à côté c’est du pipi de chat.

 

En tout cas c’est cool d’avoir une mutti mère poule. Et un tuteur qui accepte de donner de bons conseils.

En fait, j’obtiens tout ça en plaignant Momo qui a toujours froid la pauvre. Insister lourdement mais alors très lourdement sur le fait que je la plains etc etc. Gisou est la première à craquer et à travailler Richard qui un soir me dit énervé : « Bon faut qu’on cause ! »

Mais bien sûr, cela pas empêcher Momo de se plaindre du froid tout le temps. Une vraie gonzesse !

 

 

La majorité n’avait jamais chaussé de ski, mais au bout de deux jours de ski de fond du lever au couché. Ce sport n’avait plus de secret pour nous.

Pour le ski alpin ce fut plus difficile, coquasse voir dangereux. Deux n’y survécurent pas d’une certaine façon, finissant le séjour avec des plâtres.

 

Mais la montagne ce n’est pas que du ski, c’est aussi… la montagne ce qui inclut la monter et la descendre et donc escalade, descentes en rappel.

Cet été on s’était pelé, là on s’est transformé en glaçons.

Et cette fois non seulement on a eu le plaisir de retrouver nos bonnes vieilles tentes mais en plus ils nous ont fait dormir dans des trous sous la glace avec une bougie en guise de chauffage centrale.

 

Même la bouffe restait chaude que le temps d’ouvrir la boîte.

 

Quant aux fringues, elles étaient trempées et bien sûr allez faire sécher quelque chose par moins quinze. Et en plus le vent s’est levé et on a eut droit à une sorte de tempête où on a finit tous tasser assis sur nos sacs et cette fois dans un ( enfin un inuit l’aurait sûrement mieux fait…) véritable igloo. Et comme la tempête durait on s’est juste couchés en sardines. J’ai forcé Momo à se mettre entre moi et Dédé. Même si, avec toutes nos couches de fringues, elle risquait grand-chose.

Le rigolo ce fut pour les petites et grosses commissions.

- Vous vous retenez !

Ah ah ah il est drôle l’adjudant.

Et les filles ont galéré les pauvres, elles y allaient ensemble.

Sauf une fois où Momo m’a dit : viens ! Et où j’ai du surveiller après l’avoir aidé à se creuser un trou où se planquer au fond.

Ah oui et pas de Pcul, nettoyage à la neige. Hum le bonheur. Me suis comme beaucoup, retenu trois jours.

Les derniers jours furent les plus sympas, réservés au ski de descente, où ils faisaient passer des brevets.

Et le dernier jours saucisses, merguez et marshmallows autour d’un feu de camp accompagnés de chants.

 

Mais bon le retour fut apprécié car il correspondait au départ en vacances.

Vacances que nous appelions tous de tous nos voeux.

 

6 octobre 2010

Robert Dimanche 13 février 1977 agréable punition.

   Robert Dimanche 13 février 1977 agréable punition.



Dans le break, nous avons nos places attitrées. Véro et Isabelle encadrent Yvy sur la dernière banquette. Devant elles, derrière Richard : Coco. Au milieu, Fanfan puis moi derrière Gisou.

Mais dans la majorité des déplacements je finis à l'avant. Soi parce que les parents finissent par en avoir marre de m'entendre me plaindre de Véro et Isa qui me tirent les cheveux, me tapent, me pincent ou dans les cas les plus gentils, Isabelle derrière moi, peut passer des heures à me raconter tout ce que elle et sa sœur aimeraient me faire. Et si habituellement ça commence de façon très gentille, ça monte crescendo vers des tortures auxquelles même les moines de l'inquisition n'auraient sûrement jamais osé penser.

 

Bref. Mais là, vers Avignon, il se passe quelque chose d'absolument inhabituel. Je dois m'interposer entre les deux grandes qui se battent pour une raison que j'ignore, puisque je dormais quand elles ont commencé.




Debout tous les trois contre la porte du coffre du break, nous attendons que Richard veuille bien parler.

Je suis entre les deux filles et nous nous jetons des petits regards mi-amusés, mi-craintifs.

Gisou elle, console Yvy qui a subi les dommages collatéraux de cette bagarre. Je sais qu'il ne nous frappera pas mais par contre je sais qu'on risque d'être punis et pour cela, il a de l'imagination.

 

- Richard, fais-les rentrer. Mais Robert va à l'arrière avec Véronique et Françoise au milieu. Je garde Yvette à côté de moi et cette peste monte avec toi. Maintenant, pas de ski pour vous trois, à la place, je vous donnerez des corvées.

- Hé c'est pas juste, moi j'ai... aïe, aïe, aïe.

Richard me tenant par l'oreille me fait entrer dans la voiture. Fanfan m'accueille toute contente.

- Va voir Véro, moi je dors.

Cette dernière se fait moqueuse.

- Regarde Fanfan, monsieur boude.

Je ne boude pas, je dors ! Ou du moins j’aimerais dormir… malheureusement avec Véro c’est impossible  et je le lui exprime.

- Monsieur en a marre de toi et Isabelle.

Je vois Gisou déjà assise qui se tourne vers nous.

- Alors moi, je n'aurais pas la patience de votre père. Vous voyez ce que je veux dire ?

Je plie mon blouson et le glisse entre la vitre et moi.

Ras le bol ! Elles commencent bien ces vacances.



- Toi, il faut que je te mesure, tu es un vrai champignon. Je hausse les épaules et si je laisse Mammema m'embrasser, je ne lui rends pas et aide Richard à vider la voiture et la remorque en tirant la gueule.  Mon fils, se seraient-ils encore disputé ?

- Non, nous ne nous sommes pas disputés, elles se sont disputées et moi j'ai essayé de protéger Yvy qui prenait des coups. Mais... bien entendu, je suis puni comme ces deux... Là, je préfère taire le nom d'oiseaux dont j'aimerais les affubler. Car, si j'étais pas aussi le méchant dans l'histoire cela n'aurait pas été drôle. Et franchement j'en ai marre, marre et marre.

J'ai un carton dans les bras et violemment le passe à Véro qui titube, puis je pars en courant dans la maison en claquant les portes du sas derrière moi.

 

Dans la grande pièce Mathilde met la table.

- T'es toute seule ?

- Oui, je ne vois personne d'autre que toi et moi.

- Pas ça. Il n'y a pas tes parents et tes sœurs ?

- Non, ils...

- Cool ! Deux connes de moins.

Enfin une bonne nouvelle.

J'ai gardé mes baskets, elles finissent balancées à l'autre bout de ma chambre et le mur me sert de punching-ball. Je casserais volontiers tout ce qui se trouve dans cette pièce et en même temps, je ressens cette envie de me faire mal. Cette violence me fait peur. Je finis encore en boule contre un mur assis au sol. La dernière fois Papapa, m'a dit : pleure plutôt, ça défoule aussi mais ça ne fait de mal ni aux autres, ni à toi. Oui, mais… on m’a appris à ne pas pleurer.




- Robert viens manger. Les parents, ils ne sont plus fâchés contre toi. J'ouvre la porte sur Yvy qui se colle à moi passant ses bras autour de mon cou. Je leur ai dit que tu ne te battais pas mais que tu essayais de tenir les mains des deux barjots. Par contre, je ne leur ai pas dit que c'était à cause de toi qu'elles se disputaient.

- A cause de moi ? De toute façon, soit c'est moi, soit c'est à cause de moi, elles me gonflent. Elles ne peuvent pas m'oublier ?

Elle me tire hors de la chambre en me donnant la main.

- Viens on va manger ou on va se faire gronder parce qu'on n'est pas venus de suite.

Je stoppe à mi-escalier.

- Tu n'as pas dit ce qu'elles se disaient.

Elle a un joli sourire mais se remet à me tirer.

- Descends et je te le dirai.

J'y crois pas mais je la suis. En bas, sur la dernière marche je la tire par une de ses nattes.

- Alors ?

Elle attrape ma main en faisant la grimace.

- Lâche-moi ou je crie et tu vas te faire punir.

Je la lâche, de toute façon, je ne voulais pas lui faire mal.

- Garce. T'es comme tes sœurs.

Elle me tire la langue en riant.

- J'ai promis de ne rien dire.

Avant qu'elle ait mis le pied sur le sol de la grande salle, Richard la chope et la soulève en la chatouillant.

- Et qu'est-ce que tu as promis de ne pas dire?

Elle hurle et rit tout à la fois.

- Riiiieeeennnnn ! Lâche-moi !

Je les contourne et vais m'asseoir à table.

Les parents passent le repas à râler qu'il n'y a pas de neige. Qu'il n'y a pas d'hiver cette année. Ils m'épuisent. Ils ne savent que râler.

Mais en tout cas la punition de Gisou tombe à l'eau, ça me ferait presque rire car la météo les punit eux aussi.

 

Je débarrasse mes couverts puis me mets à chercher mon sac.

- Richard il est où mon sac ?

- Là où tu l'as laissé.

- OK ! Alors puis-je avoir les clefs de la voiture s'il te plaît.

- Les voilà, mais tu en profiteras pour vider la remorque d'accord ?

- Oui ! Merci !

Je suis devant la porte du sas lorsque je me rappelle que mes baskets sont dans ma chambre donc remonter puis redescendre pour enfin sortir, aller jusqu'à la voiture et là je prends mon sac resté devant la banquette arrière.

Maintenant la remorque !

Mais derrière la voiture, il n'y a plus la petite remorque mais une très longue remorque. J'en fais le tour en retenant mon souffle. Dessus, il y a marqué ASK. Bordel mais c'est le nouveau planeur. Je cours jusqu'au sas puis je m'arrête, faut d'abord que je vide la remorque. Elle est sous le préau. J'en allume la lumière. La remorque est bien là mais elle est vide. En fait, il parlait de celle du planeur !

Je ne fais que l’ouvrir et caresser le nez du nouvel oiseau.

Quand je reviens dans la grande salle, je décide de les prendre à leur propre jeu.

Je fais le tour de la table pour tous les embrasser en évitant de finir par un des deux vieux.

- Bon bin bonne nuit !

- Robert, tu as vidé la remorque ?

- Heu, bin non puisqu’elle est vide.

J'ai beaucoup de mal à garder mon sérieux devant la surprise du père et du fils.

- Comment ça elle est vide ?

Je joue l’innocent.

- Bin écoute Papapa, j'ai allumé la lumière, j'en ai fait le tour et il n'y a plus rien dedans. Et j'ai même regardé en dessous.

Je vois les deux hommes se regarder puis se lever et se diriger vers la cuisine. Par contre Mammema semble amusée et me fait signe de vite monter. Je lui obéis en riant.

 

Je suis déjà couché quand je les vois débarquer.

- Tu sais ce que l’on va te faire ?

Je retourne à mon bouquin pour ne pas rire.

- Me punir ? Déjà fait !

Papapa m’enlève mon livre qu’il pose sur mon bureau.

- Tu t'es bien moqué de nous.

Cette fois je souris, content de moi.

- Moi ? Oh Papapa, je n'oserais pas.

Il regarde son fils qui a pris en main une de mes maquettes de bateau et la retourne en tous sens.

- Alors à toi de voir, puisque tu ne l'as pas vu, je vais donc rendre ton cadeau.

Là par contre, c’est moi qui suis abasourdi.

- Mon cadeau ?

Il joue d’un air détaché avec un côté de sa longue moustache.

- Plus ou moins. Ce n'était pas ton anniversaire, il y a quelques jours ?

Je suis sans voix. Là, oui, maintenant j'ai envie de pleurer. Il continue.

- C'est une monoplace, tu y voleras en solo. Avec Richard on t'accompagnera dans l'autre. Puisque, tu as ta licence maintenant rien ne t'en empêchera.

Papapa s'est assis sur mon lit, je me redresse et lui passe les bras autour du cou.

- Merci, mais vous êtes complètement fous.

Il a le même sourire que Rémy.

- Non, tu sais Richard voulait l'acheter depuis longtemps. Je te l'ai dit cet été. Et j'en ai trouvé un d'occasion, alors je n'ai pas hésité. Et puis Richard compte le redescendre sur Aix pour s'en servir même en dehors des vacances. Et cela nous donnera une bonne excuse à Lucette et moi pour descendre à Aix plus souvent.

 

Après leur départ, j'éteins la lumière pour pouvoir rêver du lendemain que j'ai hâte de voir arriver.




11 octobre 2010

Robert mercredi 18 février 1977 insubordination

   Robert mercredi 18 février 1977 insubordination

 

Vu ma journée d'hier, à sept heures, je suis debout.

- Bonjour !

Tour de table rapide, je pique à Richard son bout de brioche ce qui me vaut de piquer un sprint jusqu'aux toilettes avec lui qui me court après.

Lorsque je reviens dans la grande pièce avec mon mug de café et mon propre bout de brioche, il se relève. Nous tournons autour de la table jusqu'à ce que j'ai mis ma part entièrement dans ma bouche et manqué de m'étouffer.

Si Papapa et Rémy rigolent, les mutter ne sont pas contentes.

- Richard, sois plus adulte que lui, voyons !

Sylvie me tape dans le dos.

- Et voilà, et maintenant il s'étrangle. Mâche, mâche.

Oui mâcher, je veux bien mais Mammema m'a donné un énorme bout de brioche et j'ai même du mal à garder la bouche fermée. Bon, direction la cuisine. Sortir le bout de la brioche de la bouche et ouf ! ça va mieux ! En deux fois c'est plus facile.

Retour à table, je m'assieds à côté de Sylvie qui se ressert de la brioche. Je lui tends la main.

- Encore ? Mais tu vas exploser mon garçon.

Elle est amusée, Gisou pas du tout.

- Tu ne lui donnes rien.

Sylvie me fait signe que non et se lève en emportant la brioche dans la cuisine.

- Désolée, j'obéis à ta mère.

Je fixe Gisou d'un regard réprobateur et fâché.

- Mais pourquoi ? Je n'ai rien fait de mal ?

Hum, pas d’après elle.

- Tu es un voleur et un malpoli.

Papapa sourit.

- Gisou, c'est un jeu entre lui et Richard, tu sais ?

Je me tourne vers Richard assis à côté de son père.

- Richard, je te prie de bien vouloir m'excuser de t'avoir volé ta brioche et de ne pouvoir te la rendre, à moins bien sûr que tu y tiennes mais bon, j'en connais une que ça va encore faire râler.

Rémy que notre discussion amuse, interpelle Gisou à son tour.

- Gisou ajoute à la liste de ses délits : insolence et insubordination.

Par contre moi je ne suis pas d’accord et le dis, ce qui amuse encore plus ce dernier.

- Quoi ? Mais je n'ai désobéi à personne !

Gisou passe derrière moi et se penche vers moi.

- Tu as parfaitement raison Rémy, donc Robert, te voilà consigné dans ta chambre pour la journée et ceci reconductible jusqu'à ce que tu corriges ton attitude envers les adultes de cette maison. D'abord ramènes ton mug puis monte !

Rémy commence par rire puis lance un regard halluciné à Gisou, il ouvre la bouche pour réagir mais obéit à son frère qui lui fait signe de ne rien dire.

Ah bin merde alors !

- Non, mais Gisou, t'es sérieuse là ?

Incrédule, je fixe la mutti qui ne rigole pas.

- Tout ce qu'il y a de plus sérieuse mon garçon, disparaît.

S’il n'y avait pas eu d’autres personnes assises sur le banc, le mur l'aurait pris en beauté. A la dernière seconde, je retiens mon geste de balancer rageusement mon mug dans l'évier en grès. Mais c’est celui de BA 107.

Dans l'escalier, je bouscule les filles qui descendent déjeuner.

- Hé qu'est-ce qu…

Je bouscule à nouveau Maïté qui ne comprend pas.

- Toi ta gueule ou je t' explose !

Derrière moi, la voix de Gisou furieuse.

- Robert !

Je m'arrête au milieu des escaliers, me retourne derrière les filles, et fais des deux mains un doigt d'honneur en direction de celle que je viens d'entendre une fois de trop.

Ma porte claque et je me défoule contre le mur, ne m'arrêtant que lorsque la douleur me l'impose. Alors roulé en boule, les mains coincées contre mon ventre, je me laisse tomber sur mon lit.

Je n'ai rien fait, rien fait et Richard qui ne me défend même pas.

Je le déteste.




Une main sur mon bras, et une voix grave amusée.

- Debout le criminel, on y va.

Je ne bronche pas. Je lui en veux de ne pas m'avoir défendu.

- Je suis puni.

- Jusqu'aux dernières nouvelles, c'est moi le chef de famille et sa pseudo punition pour t'empêcher de voler, je m'en tamponne.

- Quoi ?

Je lève la tête vers lui surpris.

- Et oui ! Tout comme elle n'aime pas me voir voler. Bon maintenant debout et montre-moi tes mains.

- Non !

Réponse débile, comme si j’avais le choix.



- Gisèle, tu le soignes et on s'en va. Mais dis-toi que si lui arrive quoique ce soit car il a mal, ce sera de ta faute et non de la sienne, même, si, je reconnais que c'est un imbécile.



Toute la matinée, j’oscille entre : en vouloir à Gisou ou m'en vouloir à moi, car, j'ai pris la place arrière dans le 800 pendant que Papapa pique un roupillon en enlevant même son casque, je regrette en voyant Richard évoluer avec l'ASK.

Et puis... je m’imagine... Je ne suis plus au commande d'un paisible planeur à profiter du silence, mais je suis Biggles contre VonBalchow et l'ennemi c'est Richard.

Je vire brusquement et lui passe juste au-dessus puis, je lui tourne autour. Je l'ai abattu et je pique pour surveiller sa chute puis je remonte. Je râle car un planeur ne va pas vite. Je m'aperçois alors qu'en fait, il me suit et se met à mes six heures à son tour, je vais me faire abattre... mais ma montre sonne. Et merde je dois rentrer. Je vois Papapa remettre son casque.

- Tu t'es bien amusé ?

- Oui Papapa.

- Moi aussi, même si j'avoue que j'ai failli mouiller mon pantalon. Nous verrons si tout à l'heure Richard sera de ton avis.

 

Son avis est cinglant : "J'en connais une qui va être contente !"



Effectivement, Gisou a un immense sourire pendant tout le repas.

Au début, je ne sais pas comment réagir, je commence par essayer de me faire oublier, de me faire tout petit puis ma vraie nature revient au galop.

Je lui souris aussi, sourire carnassier et insolent.

J’ai faim et l’entrée composée d’une simple salade de tomate m’a plus ouvert l’appétit qu’autre chose. Je récupère avant Rémy, le saladier où il en reste un peu et la finis directement dedans en sauçant avec mon pain. Papapa m’enlève le plat, morceau de pain à la main, je m’amuse à tenter de continuer à saucer malgré tout.

J’y perds quelques cheveux qui restent entre les doigts de Gisou.

- Si tu comptes finir le repas parmi nous, tu te calmes.

- Désolé mais le grand air m’a donné faim. Le regard noir qu’elle me lance devrait me calmer, mais non. Mon estomac est comme le ciel au-dessus du 800, sidéralement vide.

- Monte dans ta chambre, voir son vide sidéral.

Je ne suis pas prêt à obéir.

- Nop, pas envie, j’ai faim.

Papapa me prend par la nuque.

- Par contre là, mon gars, tu obéis, monte.

Avec une lenteur sidérale elle aussi, je me laisse tomber en arrière, glisse sur le dos du banc au sol, puis y reste bras en croix, immobile.

Elle vient se mettre au-dessus de moi.

- Tu joues à quoi ?

- Suis mort, tu m’as abattu.

- Tu es mort ?

- Oui. Je vois Papapa essayer de ne pas rire. Il n’est pas le seul. J’ai percuté la planète à cause d’un vent mauvais.

Le broc d’eau que Gisou tient, se vide sur un parquet que j’ai fuis pour remonter dans ma chambre, mais avant, un détour par l’entrée de la cuisine m’a permis de voler une baguette de pain, déposé un bisou sur la joue de Sylvie à qui j’ai dérobé deux steaks sur son plateau.

- Robert !

M’aurait-elle appelé ? Désolé, mais l’altitude m’a déjà happé

Quand Richard monte quelques minutes plus tard, j’ai déjà englouti la viande et les trois quart de la baguette.

Il me prend par le bras et me pousse dans les escaliers.

- Vas t’excuser !

J’arrive en bas en finissant ma dernière bouchée de pain. Gisou est dans la cuisine.

Richard fait sortir Sylvie et ferme la porte derrière moi. Je me retourne et tambourine dessus.

- Non pitié, je suis trop jeune pour mourir.

Gisou derrière moi, un torchon dans les mains me fixe.

- Mais qu’est-ce que tu as aujourd’hui ?

Je me retourne, en me retenant de rire.

- Moi ? Rien. C’est toi qui est méchante avec moi.

Ni souriante, ni étonnée, elle suspend son torchon.

- Moi ?

Je secoue tellement la tête de haut en bas que j’ai l’impression de sentir mon cerveau se décrocher.

- Oui, tu m'affames et refuses de comprendre que je suis un être sensible et très extrêmement…

- Pas très français…

Avec un air exaspéré, je continue.

- Tu vois, en plus tu ne me laisses pas m’exprimer. Très très très extrêmement malheureux que tu veuilles m’empêcher d’être heureux alors je l’exprime en me cachant derrière un humour débile car je suis trop pudique pour te le dire en face. Cette fois, je la vois esquisser un sourire. Bon c’est vrai, j’avoue que je suis aussi très très con et je te demande à genoux. Je joins le geste à la parole. De bien vouloir me pardonner d’adorer te faire tourner en bourrique. Mais là, je n’ai pas beaucoup d'efforts à faire car avec toi,c’est trop trop facile.

 

Une fois de plus j’aurais dû me taire.

Saisi par l’oreille, elle me fait rejoindre dans l’autre pièce, le coin le plus détesté par Coco, car c’est celui où elle passe beaucoup de temps…

- Puisque tu te conduis comme un gamin, je te punis comme tel. A la différence de Coco, je ne hurle pas à plein poumons. Lorsque je me tourne, sourire aux lèvres, elle est encore derrière moi. Ah non, jeune homme, front contre le mur, mains dans le dos et je suis la seule qui pourra t’autoriser à en sortir.

Derrière moi, j’entends les filles pouffer.

Au début, la situation m’amuse puis m’agace.

Très vite, j’ai envie de bouger, je m’ennuie, je veux regarder ma montre me demandant combien de temps c’est déjà écoulé.

- Non ! Dans le dos les mains. Je sens qu’on touche à mon poignet. Je te la confisque, tu la récupéreras lorsque je lèverai la punition.

J’aurais dû faire un peu moins le malin. Le dernier à m’avoir mis au coin c’est mon instit de cours moyen. Je m’ennuyais tellement pendant ses cours.

Je ferme les yeux mais je ne sais pas encore dormir debout.

Coco se glisse à mes pieds avec une pomme.

- Tu me fais croquer ?

On finit à deux sa pomme. Deux secondes après, elle revient avec une autre et ainsi de suite jusqu’à ce que je l'entendes hurler dans les escaliers. Je soupçonne que c’est l’heure de la sieste.

Je pousse la porte de la cuisine avec le pied pour la fermer.

- Tu joues à quoi ?

- A rien, je manquais d’air.

Gisou ouvre la porte et me revoilà isolé entre cette porte et un mur, le front contre les marques faites par Mammema pour mesurer les tailles de tous les membres de la famille. Mon regard s’arrête à mes “un mètre quarante deux” lors de mon premier séjour. Aujourd’hui, j’ai dépassé le mètre soixante-dix.

Je calcule rapidement qu’en seize mois j’ai pris vingt-huit centimètres donc un centimètre soixante quinze en moyenne. Si je continue à ce rythme à dix-sept ans, je mesurerai un mètre quatre-vingt onze. Et je serai donc plus grand que mon père. Ça me va. Avec le sport et si je continue à faire de la boxe, à sa sortie de prison, je pourrai aller lui rendre la monnaie de sa pièce.

Et là tout bascule… quelqu’un me pose la main sur l’épaule et je tombe à genoux, me roule en boule et les yeux fermés, tremblant, j’attends.

C’est la voix inquiète de Papapa qui me fait ouvrir les yeux.

Je le repousse et une minute plus tard, je suis dans ma chambre sous ma couette où je reste haletant.



Peu de temps après j’entends la voix de Gisou et Papapa.

- Écoutes, tu lui as obligatoirement fait quelque chose pour qu’il réagisse ainsi.

- Mais Gisèle je te jure que non, je lui ai juste posé la main sur l’épaule pour lui dire de venir se mettre aux devoirs, c’est tout, je te l’assure.

Des pas lourds et qui montent vite, Rémy ? Non, c’est la voix de Richard qui coupe court à leur disputes. J’aimerais leur crier : ”Vous n’y êtes pour rien”. 

- Taisez-vous tous les deux et redescendez, je m’en occupe.

- Psychologue comme tu l’es, tu vas nous le démolir encore plus.

- En attendant, c'est ta punition pour bébé qui nous l’a mis dans cet état régressif, laissez-moi faire.



J’attends.

Roulé en boule, la tête dans mes bras sous la couette, j’attends.

Je ne sais pas trop ce que j’attends mais je l’attends.



Les bruits de pas dans les escaliers me tétanisent davantage. J’ai l’impression d’étouffer, mon cœur bat si fort que je pense qu’il va finir par exploser. Il est si gros qu’il empêche mes poumons de se remplir. La bouche ouverte comme un poisson hors de l’eau, j’essaie de respirer…

Les yeux ouverts, les mains sur mes oreilles, je ne veux pas l’entendre arriver.

Je sais qu’il est là, je le sens derrière moi.

Non pas derrière moi !

Je rejette la couette, je me débats mais je suis encore si faible et lui toujours si fort, mais cette fois je ne me laisserai pas faire.

Comment un petit garçon peut-il lutter contre un homme adulte.

- Robert c’est moi, regarde-moi.

Cette voix…

Mais la peur obture tous mes sens. Il me tient les mains, j’ai envie d’hurler mais rien ne sort. Les yeux ouverts je ne vois rien enfin si lui, au-dessus de moi. 

Les coups que j’attends ne viennent pas... ni le reste d’ailleurs.

Il est juste là, au-dessus de moi. 

Nous attendons tous les deux.

Mais lui, qu’attend-t-il ?

Peu à peu, l'air entre à nouveau dans mes poumons et mon cœur se calme.

Son image lentement s’efface, remplacée par un visage inquiet, avec des yeux noisettes, bordés de rides et au-dessus cette ride, cette barre que j’ai toujours envie de toucher.

- Richard ?

Il me sourit.

- Bien sûr. Tu t’attendais à voir qui d’autre ? Il enlève son genou de mon ventre, est-ce pour cela que je n’arrivais plus à respirer ? Tu n'essaies plus de me frapper ?

- Non… je ne crois pas… je ne me permettrais pas.

Il continue à me sourire mais cette fois l’air amusé.

- Et bien le jour où je te collerai une droite, je t’autoriserai à me la rendre.

Là, je suis surpris, lui me frapper ? Même si… me connaissant, je risque un jour de le pousser vraiment à bout. Mais maintenant que je les connais mieux, je verrais plus Papapa le faire.

- Oh ! tu le feras sûrement parce que je la mériterai… je pense.

Il s’assied à côté de moi. Je me suis redressé, assis face à lui.

- Aller viens là gamin. Il a dû sentir mon recul puis ma réticence lorsqu’il veut me serrer contre lui, il semble hésiter mais continue son geste. Il sent le vétiver comme Papapa mais l’odeur du tabac en moins. 

- Qu’est-ce qui…

Nous avons commencé puis arrêté ensemble notre phrase, je m’écarte et tous deux restons à nous regarder. Comment ai-je pu avoir peur de lui ?

- De quoi avais-tu peur ?

Je m’assieds en boule contre le mur, les yeux fixant la couette.

- De rien.

Je sais comme lui que c’est faux. Je m’appuie contre le mur, saisit puis m’entoure de ma couette, et y cache mon visage derrière.

- Tu sais que je ne te crois pas.

Évidement que je le sais. Un silence s’éternise puis…

- J’ai cru que tu étais lui.

- Ah ! Et bien merci !.

Il se tait mais sa voix était comme cassée.. Je lève la tête pour le regarder. Il fixe le mur en face de lui.

- Désolé.

Je m’en veux, il me regarde.

- Tu me vexes.

Comment lui dire que je le sais, que je m’en veux, que ce n’était pas moi, que c’était mon moi d’il y a deux ans, celui qui… Je m’en veux…

- Désolé… je ne voulais pas.

Il me sourit mais garde son air triste.

- Je sais… je me doute. Tu refais des cauchemars ?

Je secoue la tête et frissonne.

- Non… rarement. Là, ce n’était pas un cauchemar.

Là, je ne dormais pas.

- Tu veux qu’on en parle ?

J’hésite, je ne saurais pas lui expliquer. 

- Non… plus tard.

Il me lève le menton de sa main droite.

- Promis ?

Peut-être, un jour. Quand je saurai mettre les mots sur ce qui m’est arrivé, d’abord je veux le raconter à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui lui, saura m’expliquer. Et peut-être après alors… 

- Oui.

Il se lève. 

Moi aussi. 

La main sur la porte, il me montre mon lit. 

Je souffle. Prends ma couette à bras le corps en fait une boule que je pose au milieu et lui montre les deux mains tendues vers le lit avec un grand sourire. Il lève la main comme pour me frapper, je ne pare pas. Il sourit. Il pose sa main dans mon cou, et m'attire vers lui.

- Je te préfère comme ça.

Moi aussi…







4 décembre 2010

Gisou dimanche 5 juin 1977 fête des mères

  Gisou  dimanche 5 juin 1977 fête des mères





Gisou se tourne et se retourne depuis un moment, il est trois heures, trop tôt pour se lever.

Elle se dresse sur un coude et regarde son homme dormir sur le ventre.

Doucement, l'effleurant d'un doigt léger, elle suit la ligne de sa colonne vertébrale. Il frissonne et change légèrement de position en soupirant.

Elle a fortement envie de le réveiller mais y renonce, s'en voulant même un peu.

Elle se lève silencieusement, un verre de lait chaud l'aidera peut-être à se rendormir.

Avant, elle passe dans les chambres de ses filles, remonte une couverture, soulève une mèche de cheveux. Ramasse le journal de Véronique et le glisse à sa place sous le traversin de sa seconde.

S'amuse de voir que sa dernière dort toujours comme un nouveau-né, sur le ventre, les jambes repliées sous son ventre.

Cela doit être si inconfortable pense-elle.

Les volets du salon n'ont pas été fermés, son regard se porte vers les fenêtres des chambres sous les toits du bâtiment des dortoirs.

Elle a un petit pincement au cœur en pensant à l'ado qui dort de l’autre côté de la cour.

Tous les matins, elle assiste au lever des couleurs uniquement pour pouvoir l'apercevoir. A l'heure des récréations, elle entre-ouvre la fenêtre dans l'espoir d'arriver à percevoir sa voix ou son rire au milieu du brouhaha des voix de tous les autres élèves.

Elle soupire et essuie discrètement sa joue.

Son pied nu, devant le canapé effleure quelque chose de léger. Elle se penche et ramasse l'enveloppe bleue à moitié cachée sous le canapé. Richard a dû donner quelques-unes de ses enveloppes à une des filles et l'une d'elles s'est égarée. J'irai la poser sur son bureau quand je retournerai me coucher.



Le lait en tombant dans la petite casserole déjà chaude émet un pschitt mécontent. Elle arrête le gaz, range le lait au frigo, verse le liquide sur la cuillère de miel au fond du bol puis s'assied à la table pour mélanger et lentement boire le liquide tiède.

Son regard se pose sur l'enveloppe qui est fermée. Elle la saisit et la retourne.

- Oh !

Sur l'autre côté, elle peut lire : Mutti.

Vite, elle va se saisir d'un couteau pointu et ouvre cette missive qui fait battre son cœur.



Ode à ma flamme



J'ai perdu mon phare

J'ai perdu ma lumière

J'ai perdu mes amarre

En asséchant la rivière

Où mon coeur, jour après jour cultivait une fleur

Dont le parfum savait calmé toutes mes peurs.

Une sublime rose rouge au doux coeurs verts

Me tenant prisonnier de son parfum capiteux.

Cage oh combien des plus douce

Seulement fermé par sa chevelure rousse

Dont j'ai jalouser à un homme l'horizon

Comme je l'avoue ses galons.

Même si mes projets ultérieur

Étaient plus chargés de douces blondeurs

Ainsi que d'ailes et d'étoiles argentés.

Je marchais dans la vie, le regard fixé sur l'avenir.

Soutenu comme un enfant par un tendre sourire

Mais mon incommensurable bêtise d'enfant roi

Et venu à bout de la foi que cette lumière avait en moi

Et depuis tel un aveugle, j'avance dans le noir

Uniquement torturé par mon terrible désespoir.

Alors dans une naïve ferveur, je joins les mains

Priant de tout mon âme, pour que enfin demain

Quel qu'en soit le prix qu'il me faudra payer

Pour pouvoir a nouveau aimer ce qui m'a appartenu

J'accepterais pour cela, devant elle, de me mettre à nu.



Un enfant perdu dans une nuit sans arôme.



Plusieurs fois, elle la relit, elle ne peut retenir ses larmes. Elle s'en veut, lui du haut de ses seize ans a su faire ce qu'elle ne se sentait pas capable de faire :  demander pardon à l'autre.

- Qu'est-ce qu'il y a ? qu'est-ce qui se passe ?

Pourquoi pleures-tu ?

L'homme pose un genoux au sol et essuie de sa main la joue qu'il embrasse ensuite.

Il ramasse l'enveloppe et fronce les sourcils.

Sa femme lui tend la feuille calligraphiée.

Il se redresse.

- Je l'ai trouvée dans le salon et je suis sûre qu'elle n'y était pas hier soir. Tiens, lis. Elle passe ses bras autour de son corps, elle enfouit son visage au creux du ventre de son homme, embrassant son nombril.

- Hum, la fin est comment dire... Mais comment est-elle arrivée là ? Une des filles ?

- Non. Je pense qu'il l'a fait glisser sous la porte. Mais à quelques centimètres près, je ne la voyais pas. Il a eu de la chance.

- Oui mais cela veut aussi dire qu'il est venu cette nuit et que donc je vais devoir le punir.

- Richard !

- Gisèle, j'y suis obligé.

- Pas demain alors.

- Bon d'accord alors j'attendrai lundi. Mais les tâches qu'il a effacées font vraiment sale.

- Je l'avais remarqué lors des vacances, son stylo coule, il passait son temps à le démonter pour le nettoyer. Je voulais lui en acheter un autre mais avec tous ces événements, j'ai oublié. J'en achèterai un et tu lui donneras.

- Oui nous verrons. En attendant, viens, allons nous recoucher.

Il pose dans l'évier le bol à côté de la petite casserole, puis entraîne avec lui sa femme hors de la pièce. Elle a replié et rangé la lettre dans son enveloppe.

Lorsqu'elle s'assied à sa place sur son lit, elle la glisse sous son oreiller. Elle s'allonge et se tourne vers son mari qui, couché sur le dos, les mains sous la tête, regarde le plafond.

Elle caresse sa poitrine.

- Tu te rappelles quand on s'écrivait ? Tu étais à Salon et moi sur Albi. Ce temps épistolaire me manque un peu.

- Bon bin, je vais demander à être muté à Djibouti et on pourra recommencer.

Elle lui donne une tape sur le ventre puis se laisse tomber elle aussi sur le dos.

- Oh tu es méchant.

- Moi ?

Et il se met à rire…













14 octobre 2010

Robert Samedi 22 Février 1977 le contenu de la bouteille

Robert Samedi 22 Février 1977 le contenu de la bouteille




A l'entrée du mess, un carnet à la main, Lorient m'arrête.

- Cette après-midi, tu sors avec les autres ? D’abord je ne comprends pas pourquoi il me le demande, puis…

- Moi ? Mais... Oh purée, c'est vrai j'ai seize ans maintenant, je peux sortir. Oui, pourquoi pas. Claude, tu vas en ville cet après-midi ?

Là, j'ai dix gars qui m'entourent en riant.

- Oh oui, on sort tous et surtout toi !

Lorient se met à rire et me tape sur l’épaule puis nous fait signe de passer. Je ne pige pas mais ce n'est pas bien grave après tout. L’important c’est que cet aprem, je serai avec eux, hors du bahut.

Les quatre heures de cours et le repas me paraissent durer des siècles.

Je vais pouvoir suivre Claude et les autres. Ils n'auront plus à me raconter, je serai avec eux. Je suis, on ne peut plus, excité. Déjà qu'en temps normal, j'ai du mal à tenir en place, là c'est quasiment une torture. C'est Noël et la quille tout à la fois.

A quatorze heures, je passe les grilles, fier comme un paon, au milieu des autres mais aussi très angoissé, et si, lorsque je vais passer devant lui, monsieur Cohen m'empêchait de sortir ? 

Je retiens mon souffle et ne peux m'empêcher de pousser un : “Ouais !” de plaisir qui fait rire mes camarades.

- T'as vu c'est cool quand on sort pour la première fois ?

Claude me passe le bras autour du cou en riant.

- Tu vas voir la suite aussi va te plaire.

 Maxime, le plus vieux d’entre nous d’enchérir.

- Ah ça aujourd'hui il sort de l'enfance.

Jean-Jacques prend un air docte.

- Tu verras ça fait tout drôle d'être un homme.

Marion se met alors à rire.

- Lui un homme ? Faudrait qu'il ait un peu plus de poils au menton pour ça !

Et Max d’ajouter.

- Ou ailleurs.

Et les voilà tous qui éclatent de rire et moi qui rougis.

Oui bon, je ne commande pas à la nature !

J'ai pris les quelques francs qui me restent de mon dernier Noël et le coca que je m'offre me paraît être le meilleur de tous.

Je les suis, avide de savoir où ils vont, ce qu'ils font tous les samedis.

Ils m'entraînent en riant dans une petite rue où des prostituées tapinent. Ne voulant pas être le dernier à donner mon avis, je joue le connaisseur, décrivant pour chacune de ces dames leurs charmes ou leurs défauts. Les autres me poussent à leur dire laquelle me plaît le plus. Il y en a quatre, deux brunes, une blonde et une rousse. Le trouve la blonde trop vieille, les brunes soit trop grosse, soit trop moche, la couleur de cheveux de la rousse m'en rappelle une autre mais je n'ose le dire.

Xavier s’exclame un peu trop fort à mon goût.

- Moi je sais que Robert aime les rouquines.

Et les autres se mettent à rire.

Jérôme se tape le front comme s’il venait de piger un truc.

- Ah oui, comme celles de la piscine !

Ils se mettent tous à pouffer.

Nous nous sommes arrêtés de marcher et elles nous regardent en souriant, nous faisant signe de traverser pour venir vers elles. Jérôme traverse la rue et va voir la rouquine qui le suit jusqu'à nous. Puis d'un coup, je me retrouve seul devant elle, tous se sont dispersés en courant.

- Bonjour ma puce, alors c'est Robert ton prénom ? J'ouvre et ferme plusieurs fois la bouche sans qu'un son ne sorte, je dois ressembler à un poisson rouge sorti de son bocal. Allez viens, je t'emmène chez moi, pour une première fois ce sera plus sympa qu'une chambre d'hôtel, qu'en penses-tu ?

Je n'en pense rien, mais alors absolument rien, mon cerveau s'est mis tout seul sur off. Elle me prend par la main et me fait entrer dans un immeuble à dix mètres de là. La porte s'ouvre sur des poubelles et un escalier miteux au mur lépreux qui n'a plus rien de blanc. Je n'ai qu'une envie : m'enfuir mais je ne peux pas. Je sais que les autres sont tous en train de m'observer et puis si Claude l'a fait, j'en suis capable aussi. 

Ainsi, c'était ça, le cadeau traditionnel des dix-huit ans, mais j'en ai que seize, bordel ! Oui, c'est le bon mot en plus !

Nous entrons dans un tout petit appartement qui sent la javel et le patchouli. Lorsqu'elle referme derrière moi, la porte en donnant un tour de clef, j'ai un sursaut.

- Oh la ! Ne t'inquiète pas, je ne veux pas te retenir contre ton gré. Je laisse la clef, tu sors quand tu veux. C'est juste pour ne pas être dérangés. Tu as quel âge ? Parce que je ne crois pas ton copain qui m'a dit que tu viens d'avoir dix-huit ans.

- ...

Encore une fois, je ne réussis pas à articuler le moindre son. Je n'ose pas la regarder et fixe la clef. Partirais-je ou ne partirais-je pas ? Elle se met à rire doucement, m'enlève le calot, ouvre mon blouson qu'elle m'enlève et pose sur le dossier d'une chaise. Je la laisse continuer en fermant les yeux.

- Ne me dis pas que je fais peur à un grand gaillard comme toi ? Oh mais attends, tu n'aimes peut-être pas les filles et tes copains ne le savent pas, c'est ça ? Elle s'est arrêtée, et a lâché ma chemise, je secoue la tête en rougissant. Je ne peux honnêtement pas lui dire que j'ai honte et gêné, mais aussi la trouille. La trouille de n'être pas à la hauteur, de ne pas me comporter en homme comme tous ceux qu'elle a déjà pu voir. Ah ! je préfère. Alors tu dois être timide, de cela, j'ai plus l'habitude. Tu sais j’ai vu des hommes d’âge mûr, aussi timides que toi. Tu as de beaux yeux en tout cas, les filles doivent tomber comme des mouches en les voyant, je ne comprends pas comment tu peux être encore puceau. J'ouvre la bouche pour nier mais la referme encore une fois. Elle éclate de rire et me caresse la joue de sa main droite.T'es trop mignon ! Ah s'ils pouvaient tous être comme toi. Elle soupire. Et aussi doux encore, toi le rasoir ne doit pas encore te servir bien souvent.

Je ne me trouve pas mignon du tout là, mais plutôt  totalement stupide, pas du tout à ma place et surtout, surtout mal à l'aise. 

Elle s'est mise à genoux devant moi pour délacer mes chaussures et j'ai encore plus honte. Honte d'être ainsi le pantalon ouvert, torse nu devant cette femme à mes pieds mais je ne sais pas quoi faire. 

Je me serais bien déshabillé moi-même mais je n'ose pas. 

Je suis comme paralysé. 

Lorsque ses mains font glisser mon pantalon le long de mes cuisses, je sens mon désir monter et fermant les yeux, je me mets à envier les filles chez qui ce genre de choses n'est pas si visible ! Enfin, je crois.

Par contre, le contact de sa main dessus me fait de nouveau ouvrir la bouche mais cette fois plus pour la même raison. Je plonge mon regard dans le sien, elle a les yeux aussi verts que Véro.

Mais déjà elle se lève et me prenant par la main m’entraîne vers sa salle de bain.

- Avant toute chose, un brin de toilette ne nous fera pas de mal.

Du mal non mais quand sous son «nettoyage» énergique je repeins le carrelage de sa douche, j’ai envie de mourir me disant que j’ai tout fini avant d’avoir commencé. Mais elle se met juste à rire.

Il n'y a pas photo ce n'est ni Cath, ni Anaïs, et encore moins Véro même si je ne l'ai jamais vu qu'en maillot. Elle a des seins siliconés et ses gestes sont sûrs et précis. 

C’est certes agréable mais je ne comprends pas comment tant d'hommes peuvent les préférer à leur petite copine.

Comme avec Caths, je ne fais rien, enfin si un peu mais c’est elle qui fait le plus gros, même encapuchonner mon meilleur copain.

Elle est plus rapide que moi pour récupérer et m’enlever mon emballage de latex que j’ai angoissé de voir rester au fond d’elle.

Et je ne sais pas si tous ses clients ont droit à la douche avant et après, ainsi que se faire proposer un chocolat chaud. Il est vrai que tous n’ont pas un corps couvert de cicatrices qui l’intriguent et lorsque je lui raconte leurs origines, je la vois presque pleurer.

Une heure plus tard, je sors dans la rue, en remettant mon calot bleu à crête rouge, je redresse la tête avec un grand sourire, fier comme un coq.

Bon et bien voilà, je suis un homme maintenant.

Au coin de la rue, Claude m'attend patiemment, le dos appuyé contre un mur, il sourit en me voyant venir vers lui, les mains dans les poches de mon pantalon.

- Alors, c'était bien?

J’accompagne ma réponse d’une moue.

- Ouais, mais moins qu'avec Cath !

Il éclate de rire et me donne une grande tape dans le dos.

- Ah, toi ! On ne te refera pas.

Ce soir-là, après le couvre-feu, notre chambre est prise d'assaut par tous les autres mecs ayant déjà eu droit au même cadeau avant moi, chacun y allant de son anecdote. Et lorsque Lorient se pointe, il n'allume pas la lumière et ne nous engueule pas, ancien calisson1, malgré ses vingt-six ans, il n'est plus à cette occasion que l'un d'entre nous !



20 janvier 2011

Robert dernier trimestre 1977 à Salon

  Robert dernier trimestre 1977 à Salon





Ai-je le droit de dire que je m’ennuie ?

Ai-je le droit de dire que je suis déçu ?



J’ai repris mes mauvaises habitudes de lycéen de lire pendant les cours…

Contrairement à d’autres que je ne citerai pas… j’adore les conférences. Mais hélas nous en avons que entre deux à quatre par mois et de niveau très inégal.

Par contre si pour la première, je suis assis au milieu des autres, dès la seconde, je prends de la hauteur et m’isole.

Oui bin écoutez, plus envie de me faire cranter parce qu’un de mes collègue se fait ch… et s’endort. Je laisse les autres le réveiller ou non. Moi, tel Ponce Pilat, je m’en lave les mains.



Nos emplois du temps sont prévus par quinzaine. Donc j’ai le temps pendant les cours de maths, de physique et autres dont le niveau me désespèrent vu qu’ils reprennent les cours de prépa, je lis tout ce que le CDI peut m’offrir d’infos sur le sujet abordé.

Et… le jours venu de la conférence, je gonfle tout le monde avec mes questions…

Ce qui me vaut une fois de plus d’être détesté 1) par le conférencier qui est souvent un jeune conscrit de haut niveau mais qui ne sera pas payé plus que ses francs mensuels, permettant ainsi à l’Armée de l’air de faire des économies sur son dos. Et quand j’en parle avec Richard ce dernier de me dire :

- Bah, ça fait toujours une bonne expérience pour ses gamins futurs profs en chair de se frotter à un auditoire de petits cons prétentieux.

A ces moment là je me demande toujours s’il se souvient qu’il a été lui aussi un petit con prétentieux ? Un jour j’ai craqué et je lui ai dit et sans sourcillé il m’a répondu :

- Oui et je suis devenu un vieux con prétentieux.

Et 2) par mes collègues que j’empêche de ronfler.



Bref ! Revenons à nos moutons ou plutôt à nos cours qui se succèdent du lundi huit heures au samedi midi.

Et le tiers de ces cours sont des cours de sports. Certains obligatoires comme ceux de sports de combat, le fameux TIOR où on donne autant de coups qu’on en reçoit… De piscine ou d’athlétisme. Ce qui me convient tout à fait. Et à côté on peut en pratiquer une tripoté d’autres. Et comme j’ai envie de goûter à tout, ce trimestre je le passe à tous les essayer pour me fixer en course à pied et plongeon mes sports d’origine d’Aix.



A côté, en tant que futurs officiers et normalement… futurs officiers supérieurs, nous avons droit à des cours de sciences humaines comprenant du droit (rien à comprendre, tout à apprendre par cœur, j’avale les codes...), gestion (ch…), sciences po (par contre là, je serais un très mauvais diplomate ou homme politique. Disons plutôt du style Staline ou Hitler j’avoue.) et histoire (basée bien sûr sur l’histoire militaire des dernières guerres du XXème siècle), géographie et… littérature (ces derniers pour forcer certains à lire.) où je découvre de nouveaux auteurs. ainsi que la réglementation statutaire et disciplinaire propres à l’Armée de l’Air et enfin la psychologie du commandement.

 

Si mes camarades pour la plupart horrifient les profs de langues pour leur niveau en anglais, moi, ayant, grâce à Richard et sa manie de me prendre pour une bête à concours, plusieurs diplômes universitaires d’Anglais et d’Allemand. J’oublie ces langues pour me voir inscrit d’office en chinois et russe. Ce qui me permettra d’ajouter, avec l’arabe et l’hébreu grâce à Josef, quatre langues supplémentaires à mon catalogue. Certains me prévoient un avenir d’espion mais peuvent se le carrer, moi je veux juste coincer mon petit popotin au fond d’un cockpit et m’envoyer en l’air.

On commence aussi les cours scientifiques qui nous confèreront le diplôme d’ingénieur. Nos professeurs sont ceux de la Fac d’Aix Marseille. Ils viennent nous donner des cours de statique, dynamique, thermodynamique, mécanique, mécanique des fluides, résistance des matériaux, etc. etc., qui donneront lieu à autant de certificats de licence, de douze à quinze. S’y ajoute ensuite tout ce qui touche à l’aviation, construction aéronautique, motorisation, météo, circulation aérienne, radio communications, navigation, etc. etc. 

 

Bref on ne s’ennuie pas…

Oui, je sais. J’ai commencé en disant que je m’ennuyais... ce qui ne m’empêche pas de stacker1 à mon habitude et de me faire traiter de moisi2.



Par contre, je suis profondément déçu d’apprendre que notre formation aéronautique ne commencera réellement qu’en troisième année.

Moi qui me suis inscrit en espérant voler… et courir en passant devant les fougas de la Patrouille de France me rend fou d’impatience.

Même si… Ayant déjà ma licence de vol à voile et mon PPL, le parc de planeurs de l’école m’est accessible et j’en profite dès que j’ai du temps libre, c'est-à-dire : trois fois !



Mais surtout ce trimestre voit notre amitié entre Dédé, Momo et moi se renforcer et ça… c’est cool ! Et on reçoit notre surnom de trio infernal. Bin oui, quand on en voit un, on voit les deux autres sauf en spécialité puisque Momo se prépare à être une commissaire aux comptes, quelle idée ! Et si certaines filles se feront emmerder tout au long de leurs trois années à Salon, elle non… enfin sauf par Dédé et moi...







1 Travailler dur.

2 Pax qui passe sa vie à bosser



24 janvier 2011

Robert vendredi 25 novembre 1977 demi-ailes

Robert vendredi 25 novembre 1977 demi-ailes

 

 

Je sais ce qui manque dans nos chambre : un miroir !

Et je sais aussi ce que je vais devoir faire : aller voir ce cher fourrier pour une combi de vol à la taille au dessus.

 

- Elle ne t’est pas juste ?

- Si, mais ça passe encore. Purée que j’avais hâte de l’enfiler.

- Ouais moi aussi.

- Dédé. Le fiston. On a la classe, non ?

- Alex m’appelle pas comme ça.

- Attention vieux, il va mordre.

- Hélas je pense que ce sera ton call name1 dorénavant.

Soupir, je pense aussi. Richard m’a prévenu :  «ils vont te trouver le pire qu’il soit donc accepte.» Lui a refusé de me dire le sien, enfin les siens car il en a eu deux… je finirai bien par les apprendre.

 

 

 

Debout sur le tarmak, cheveux au vent au Mistral, nous faisons face aux officiers et sous-offs qui seront nos instructeurs de vol.

Ils sont trois, nous sommes vingt et un, même pas de quoi former une brigade.

Normal, ceux qui sont là, ce sont les poussins qui se sont engagés dans l’optique de devenir PN2 et donc pilote. Dans la majorité nous voulons tous entrer dans la DA3, bercés pour la plus part par les récits des héros de nos lectures : Guynemer, Clostermann, Biggles et surtout Tanguy et Laverdure. Deux élèves, pourtant, ont déjà choisi le transport Alex et Dédé. Je ne les comprends pas et passerai ma vie à leur reprocher ce choix.

 

 

Aujourd’hui, nous recevons nos insignes. Un macaron avec une demi-aile.

Mais d’abord pour le mériter nous devons passer en rampant sous le ventre d’un des fougas de la Paf.

Signe d’humilité par rapport à la machine.

 

J’ai hâte de retourner sur Aix et pouvoir l’exhiber fièrement.

 

 

 

 

 

1surnom

2Personnel Navigant

3Défense Aérienne

13 avril 2010

Robert samedi 10 Mai 1976 réunion de famille 4

Robert samedi 10 Mai 1976 réunion de famille 4



Je me fais secouer comme un prunier, presque jeté au bas du lit par deux blonds qui hier encore me traitaient d’étranger.

- Qu’est-ce que tu fous encore au pieu ? Allez bouge, avec les parents on va à l’Océan.

- Prends ton maillot, une serviette et viens !

- J’ai pas de maillot.

Ils sont tous les deux devant moi. Deux fois la même tête d’andouilles qui me surplombe et me regarde comme si j’étais un extra-terrestre.

- Merde ! Bin tu te baigneras en slip. Allez viens !

Je les suis. 

Je finis de lacer mes souliers en m’asseyant sur les marches de l’escalier.

- Putain que t’es lent. Allez bouge !

Le mec m’attrape par la manche et me tire en avant. D’un geste tournant avec mon bras, je me dégage et le repousse.

Du coup c’est l’autre qui s’y met et j’arrive au rez-de-chaussée en me battant contre les deux qui ont décidé de me traîner en me tirant par les manches du sweat. Sweat qui finit dans leurs mains sans moi dedans.

 

Un homme aux cheveux blancs, la manche droite de sa chemise, repliée et cousue, nous intercepte, de sa main valide et osseuse, il me tient le bras.   

- Holà vous trois, on se calme ! Oh t’es le petit nouveau toi. Et vous deux, vos parents vous cherchent dehors.

- Merci tonton ! Viens, on va se faire engueuler à cause de toi.

Tonton. Hier, j’ai remarqué qu’ici tous les hommes sont des tontons et toutes les femmes des Taties ou des Tatas. J’ai beaucoup de mal à réaliser que tous ces gens font partie d’une même et grande famille. Et d’entendre un des jumeaux répondre ainsi me surprend sans me surprendre. Disons que ça m’amuse surtout.

- Et moi, ne vous ai rien demandé ! De toute façon, il me  faut d’abord demander la permission à mon tuteur.

Et sans attendre, je pars à l’opposé de la direction où les deux autres s’éloignent. Je ne leur fais absolument pas confiance. Hier ils ne pensaient qu’à se moquer de moi alors que me réserve-t-il ce matin comme crasse ?

Presque instantanément, je les entends courir derrière moi.

Je ne sais pas où j' vais ni où ce dédale de couloirs me mènera, mais je dois tomber sur “mes adultes” et non sur d’autres inconnus.

Nous sommes encore au premier étage et je dévale en trombe un nouvel escalier et là, guidé par mon système olfactif, je pousse une porte battante et pénètre comme un boulet dans l’immense cuisine où je manque de justesse de percuter deux mutter.

- Stop, où tu te crois là ? s’écrie une femme d’un certain âge qui m’attrape par mon bras gauche, j’essaie de me libérer mais je suis bientôt entouré par toutes les autres femmes présentes.

A ce moment-là, les deux autres font une apparition encore plus percutante que moi mais eux, grâce à moi qui ai regroupé autour de moi presque toutes les femmes, ont le temps de rebrousser chemin.

- Laissez-moi partir. Je cherche mon tuteur et sa femme. Mais bordel lâchez-moi ! 

Je me débats.

Il va sans dire qu'au lieu de me lâcher, elles se mettent maintenant à plusieurs pour tenter de raisonner l’espèce de truc agité de soubresauts que je suis devenu.

Quand d’un coup, les yeux fermés, je me laisse tomber sur le sol tel un paquet de linges sales.

Là, c’est l’affolement, croyant que je venais de perdre conscience, elles s’écartent. Mais me mettant à quatre pattes, je leur file entre les jambes. 

Dans le couloir, évidemment, je retombe sur les deux que je voulais fuir et c’est bientôt tous les trois qui nous retrouvons entre leurs mains et menés jusqu’à nos responsables légaux. Mais si eux sont calmes, moi, je finis avec une claque de l’une d’entre elles, croyant ainsi me calmer mais cela ne fait que m’énerver davantage. Et c’est Rémy, premier arrivé qui me récupère dans un état de rage qu’il peine lui-même à contenir.

Prisonnier de ses bras, je me calme lentement.

J’entends celle qui m’a giflée, hurler sur Richard.

- Vous ne le ramenez plus ou alors sous calmant. Il n’est pas normal ce gosse !

Je lui réponds sur le même ton.

- Vous m’avez frappé alors que je ne vous avez rien fait !

Gisou prend le relais de Rémy.

- Chut, tu te tais et te calme. Que s'est-il passé avec Benoît et Bertrand ? Vous vous êtes encore battus ?

Sylvie et Mammema nous ont rejoints. Un peu plus loin je vois les deux blonds s’expliquer avec leurs parents puis d’un coup la mère vient vers nous alors que le père un sourire aux lèvres les garde à côté de lui.

Je suis prêt à prendre le large, je tremble tellement je suis énervé. Les yeux plissés, je la surveille. Que lui ont-ils raconté ?

- Robert, mes fils ne te voulaient vraiment pas de mal, juste te proposer de venir avec nous jusqu’à l’Océan. Tu sais hier soir, nous avons longuement parlé avec eux et ils voulaient ainsi s’excuser et te montrer qu’ils voulaient être amis avec toi, m'explique t-elle en me regardant. Sa voix est douce et les gestes qu’elle fait avec ses mains et le fait qu’elle cherche un peu ses mots, me montre son embarras.  Mais vu l’épisode d’hier, je peux comprendre que tu aies eu peur.

Derrière elle, je surveille Richard qui est en train de discuter avec son cousin.

Maintenant nous sommes seuls. Enfin seuls, nos deux familles, ce qui fait tout de même un paquet de monde.

- Dis-moi Sylvie et si nous allions avec eux.

- Pourquoi pas. Demandons à nos hommes. Et vous les filles, vous voulez qu’on aille voir l’Océan ?

Richard et son cousin se sont rapprochés.

- C’est ce que François me proposait. Allons-y si tu es d’accord Rémy ?

- Volontiers.





Dans le petit restaurant, à part nos trois familles, il n’y avait qu’un petit couple d’amoureux qui ont dû se sentir un peu seuls les pauvres.

 

A l’aller comme au retour, Benoît et Bertrand, ont tenu que je vienne avec eux dans leur voiture.

Ils ont un an de plus que moi. A aller, je suis un peu gêné car d’abord je m’en veux pour mon manque de confiance et l’esclandre que j’ai provoqué. Mais aussi parce que, tout comme leurs parents, ils passent le court trajet qui me paraît interminable, à me poser des questions sur moi. Heureusement, quand je commence à répondre à côté pour certaines, les parents ont la gentillesse de ne faire cesser cet interrogatoire.

 

Après le repas, les trois familles trouvent un coin de plage où se poser avec Corinne qui s’est endormie dans les bras de la maman des jumeaux. 

Nous, nous en profitons de notre côté pour aller tremper nos pompes en escaladant des rochers.

Mais bientôt, je m’unis avec leurs cousins pour enquiquiner les filles.

Nous dénichons des petits crabes que nous leur lançons dessus. Mais pour cela il faut descendre dans l’eau et si eux sont en maillot moi je refuse de me mettre en slip et je reste sur les rochers, jusqu’au moment où tout à ma recherche de ces petits crustacés, j’entends trop tard l’avertissement des jumeaux et je me retrouve poussé à la baille par Isabelle et Maïté.



- Oh mon dieu mais qu’est-ce qui t'est arrivé ?

C'est Mammema la première qui m’aperçoit revenant vers eux tout en enlevant un après l’autre tous mes vêtements suivis par les jumeaux qui se foutent de moi.

Immédiatement leur père pense que c’est à cause d’eux mais je les innocente.

- Ce n'est pas eux, c’est Maïté !

Mais son regard n’est pas sur nous, et il semble inquiet.

- Et elles sont où maintenant ?

Je me retourne pour leur montrer où nous les avons laissées quand les quatre hommes se mettent à courir dans leur direction.

La mer commence à monter et menace déjà de les bloquer puis de les submerger là où elles sont restées.

Lorsqu’ils reviennent, ils sont presque autant mouillés que moi et furieux contre nous.

Rémy n’arrête pas de gueuler après ses filles en leur disant :

- Vous le saviez bordel ! Vous savez pour les marées ? Vous auriez-pu prévenir vos cousins et vos cousines ? Je suis déçu, très déçu. Vous auriez pu faire attention, vous avez mis en danger vos petites cousines.

 

Le retour est silencieux.




Notre arrivée à la grande maison fait sensation. Tout le monde nous entoure.

Et c’est le vieux général en fauteuil roulant qui me surprend.

- Rémy arrête de gronder tes filles. C’est vous les adultes qui êtes en tort pas ces gamins. Vous n’auriez jamais dû les laisser aller sur ces rochers en sachant la marée montante proche.



En tout cas nous finissons tous sous la douche mais moi à part des chaussettes et un slip, je n’ai plus de linge propre et j’hérite d’un tee shirt de Rémy qui m’arrive aux genoux et où nous pourrions être quatre dedans.

Quant à Gisou, elle n’en peut plus et que nous repartons sur Aix, de suite.

 

J’aimerais bien revoir les jumeaux avant de repartir mais ainsi affublé d’une robe, je préfère me réfugier sans tarder dans la voiture des grand-parents où je dormirai tout le trajet imité semble-t-il par les filles ce qui poussera les parents à ne pas faire d’arrêt avant Paris. Je suis content d’être avec les grand-parents car ils garent leur voiture dans un parking en sous-sol et heureusement pour moi, nous montons directement chez eux par l’ascenseur sans rencontrer personne. Ce qui m’arrange vu ma tenue et Papapa qui m’embête en m'appelant “mademoiselle”.

 

Chez les grands-parents à Paris, il y a moins de place que chez ceux de Toulouse. Il y a deux chambres et une très grande pièce qui doit faire la même taille que les deux chambres et la cuisine réunie.

En fait quand on passe la porte, on se retrouve en face d’un gros pétrin en bois, sur lequel il y a des paniers en osier avec plein de pelotes de laine de toutes les couleurs et derrière sur le mur recouvert d’une grande plaque de liège brut, tout un de tas de photos punaisées. Il y en a même de moi. Ça me surprend beaucoup  mais je ne  dit rien car ça me fait plaisir et j’ai peur qu’ils pensent le contraire.

A  droite la très grande pièce et à gauche la cuisine toute petite et toute carrée avec au fond un petit balcon qui communique avec une minuscule pièce où il y a juste un vide-ordure mais où Papapa a mis plein d’étagères et Mammema y range ses produits ménager et tous les outils de la maison. Sur le petit balcon Mammema fait pousser plein d’herbes vertes. Elle m’explique que ce sont des herbes aromatiques. Pour moi, c’est de l’herbe verte de diverses sortes dans des tas de petits pots. Mais il y en a une ou deux que je connais et je lui pique une feuille de menthe que je gobe illico.

A côté du pétrin, il y a un couloir sans porte mais avec une barre de traction sous laquelle Richard et Rémy font semblant de se baisser à chaque fois qu’ils passent. Moi, ça m’amuse de les voir faire et d’entendre Papapa râler à chaque fois. 

Après il y a deux chambres et en face trois portes : les WC encadrés par deux salles de bain, une avec une baignoire et une avec une douche.

Dans la chambre du fond il n’y a qu’un seul grand lit en face d’une grande armoire avec de grands miroirs, c’est la chambre des grands-parents. Entre la fenêtre et le lit, il y a le bureau de Papapa. C’est un de ces bureaux qui peut se refermer. Et dessus, sur un petit napperon tricoté, un buste de De Gaulle.

Dans l’autre chambre, il y a deux canapés lits qu’on peut ouvrir pour dormir dessus. Je dors sur l’un deux avec les petites. 

Dans la grande pièce qui fait salle à manger et au fond salon avec un très grand canapé convertible lui aussi où Les trois autres filles passeront la nuit. Et une table basse rectangulaire avec plein de tiroirs que je fouillerais volontiers..










7 novembre 2010

Robert vendredi 1 Avril 1977 Poissons

Robert vendredi 1 Avril 1977 Poissons

 

- Debout, habilles-toi, tu ne dois pas être en retard pour ton premier jour.

Richard ouvre les volets, il fait encore nuit. Je prends toutes mes fringues sur la tête.

Hein ? Quoi ? Quel premier jour ?

 

En bas, il me houspille pour que je me dépêche.

Les filles descendent juste avant que Richard me tende mon blouson et m'ordonne de leur dire au-revoir.

Une des jumelles me questionne.

- Tu vas où ?

- Que j'en sais moi.

Je commence à m'inquiéter quand je vois Gisou m'embrasser, aller vers la table puis se précipiter et me serrer à nouveau dans ses bras.

- Tu sais que tu es mon petit garçon ?

Là, je marque un arrêt.

En plus, Mammema semble aussi prête à pleurer en m'embrassant. Heu, il se passe quoi là ? Il m'emmène où ?

- Robert, ton sac !

Pourquoi mon sac ?

- Dépêche-toi ! j'ai promis que tu y serais une demie-heure avant l'ouverture.

Je le suis dehors avec mon sac dans une main, mon blouson dans l’autre.

- L'ouverture de quoi ?

- Et bien de leur magasin.

Alors là j’suis bien avancé. quel magasin et pourquoi ? Mais comme il semble toujours d’aussi agréable humeur, je préfère attendre pour voir.

- Ah !





A Chamonix, nous nous trouvons une place dans une des rues principales, pas loin d’une immense poissonnerie tient tout le bas d’un immeuble. Il en pousse la porte et me fait entrer devant lui.

- Madame Blanc-Garin, voici donc mon fils comme promis et je vous remercie de l'accueillir. Vous verrez, il est bosseur et intelligent, je pense que vous saurez en faire quelque chose. Moi, j'ai renoncé à un faire un militaire, il n'a absolument pas l'esprit pour ça malheureusement. Comme il aime la pêche et le poisson alors quand j'ai vu votre annonce, j'ai compris que pour lui ce serait l'idéal.

De quoi il parle ? Moi, j’aime la pescaï ?

- Quoi ? Mais je…

Il se tourne vers moi, me tient les deux mains sur mes bras.

- Écoute, vu ta dernière action d'éclat l'autre soir avec le petit Payet, tes bagarres qui n'ont pas cessé avec Marion, je ne peux plus te garder à l'école et te place ici, comme apprenti. Fais-nous honneur, mon cher enfant.

Je n'ai pas le temps de réagir qu'il est déjà parti et que la femme m'entraîne derrière elle.

- Alors toi, c'est Robert, c'est ça ?

- Oui, madame.

- Moi c'est madame Blanc-Garin, mais tout le monde m'appelle Madame Garin, d'accord ?

- Oui Madame.

Ai-je le choix d’être d’accord ou pas ? Là, de toute façon j’suis perdu, tout est allé trop vite pour moi.

- On va poser ton sac ici derrière la banque et je vais aller t'équiper. Ça pue tellement que j'ai la nausée. Dans la pièce de derrière, elle me met une petit bonnet sur la tête et m'enfile une veste blanche à col officier, fermée par deux rangées de boutons, bien trop grande pour moi et un grand tablier blanc qu'elle me noue autour de la taille. Quelle est ta pointure ?

- Quarante-cinq.

Au sol, dans un coin du petit vestiaire où je discerne au fond une douche fermée juste par un rideau, une dizaine de paires de bottes blanches alignées. Elle m’en tend une.

- Ce week-end, faudra que tes parents t'achètent ta propre tenue, mais aujourd'hui, je veux bien tout te prêter.

Je fais tout ce qu'elle me dit de façon mécanique, en petit soldat bien dressé. Faut dire que j'avoue être complètement déboussolé, n'arrivant pas réellement à comprendre ce qui m'arrive. J'ai l'impression de faire un mauvais rêve.

Je la suis dans l’arrière boutique où trois ados travaillent déjà.

- Les garçons, je vous confie Robert, il sera apprenti comme vous à partir d'aujourd'hui, je vous laisse le mettre au courant et lui montrer ce qu'il a à faire.

- Salut moi c'est Antoine.

- Moi c'est Gervais et lui Camille.

Grosso modo, les trois ont mon âge et sont habillés comme moi. Autour de nous des poissons, des crustacés et des caisses de coquillages.

Ils me les montrent, me les nomment. Je les aide à porter les caisses, manque vomir la première fois où j'ouvre le ventre d'un des énormes saumons comme me l'indique Antoine.

Je n'ai pas le temps de rêver.

Lorsque Madame Garin nous annonce qu'il est l'heure de manger, je n'ai pas faim et j'ai l'impression d’être là depuis des siècles.

Au menu, du poisson du début jusqu'à la fin. Je ne touche à rien, tous me charrient.

- Mais c'est super bon le poisson.

- Ma mère dit que c'est plein de vitamines et autres.

- Aller Robert, goûtes après tu auras l'impression d'être intelligent.

Je les regarde et les écoute, s’adressent-ils vraiment à moi ?

- Hé gars, t'es à quel CFA ?

- C'est quoi un CFA ?

C’est Camille qui me répond. Une fois de plus Antoine me regarde comme si j’avais dit une monstruosité, il doit me prendre pour un débile profond.

- Un Centre de Formation des Apprentis, aller tire pas cette gueule, dans deux ans avec ton CAP en poche tu pourras tirer ta révérence à ton vieux qui n'a pas l'air sympa. Moi, je l'aurais à la fin de l'année et on se mettra ensemble avec ma copine et son môme.

Il a déjà un gosse ? Il est fou, j’suis entouré de barges, je l’ai toujours dit que le poisson était un poison.

- T'as quel âge ?

Après avoir enfourner une grosse fourcheté de colin puant. Il me répond la bouche pleine.

- Moi vingt ans, Antoine dix-huit et Gervais aussi. Et toi ?

- Seize.

Aucun ne semble surpris. Pour une fois. Gervais débarrasse son assiette et se sert du camembert et un bout de pain.

- T'étais dans quel bahut avant ?

- Lycée militaire.

Là par contre, ils se tournent tous les trois vers moi et je discerne un certain respect dans leur regard.

- Ah ouais balaise. Tu verras le CFA c'est plus cool .

Sont drôles, eux, je ne veux pas d'un truc cool, je veux Salon ! Je veux mes ailes. D'un coup me revient ce que m'a dit Richard, t'as trop fait le con, viré !

 

L'après-midi passe comme le matin. 

A quatre heures, l'un après l'autre, ils nous quittent. Comme eux, je me douche et me change puis rejoint la propriétaire et son mari ainsi que leur jeune vendeuse, une apprentie elle aussi, dans la boutique.

Cette dernière me fait m’asseoir derrière la grosse caisse enregistreuse qui fait tchling, tchling lorsqu’on touche sur ses touches et un impression tchong lorsque le tiroir s’ouvre.

Ce bruit m’en rappelle une autre…

…………………………………………………………………

Caths ferme d’un coup son livre, me faisant sursauter.

- T’en as pas marre toi ? 

- J’ai pas fini ma dissertation.

- Fais lire !

- Non ! 

Mais déjà elle tourne autour de la table avec moi derrière essayant de récupérer ma double feuille. Pour aggraver davantage son cas, elle la lit à haute voix, se permettant de faire des remarques et des corrections.

De la cuisine nous vient la voix de sa mère. 

- Non Catherine, c’est du subjectif, donc “ais”. Sinon ce n’est pas trop mal, tu dois la rendre quand ?

- C’est pas la mienne c’est celle de Robert.

- Oh c’est pour ça qu’il y a tant de fautes et je ne reconnaissais pas ton style accerbe.

Je la laisse continuer toute seule et range mon crayon dans ma trousse et ma trousse dans mon gros cartable en cuir marron élimé. Il n’a plus de poignée, elle est restée un jour dans la main de Desmongeot.  Le tenant par une bretelle, je le jette sur mon dos. Caths me l’enlève et le pose sur la table et l’ouvre pour y ranger mon devoir.

- Tu vois que toi aussi t’en as marre. 

Me tenant par un poignet, elle me traîne derrière elle jusqu’à la boutique vide de clients.

Toujours sans me lâcher nous passons derrière la caisse. Elle ouvre plusieurs boîtes de bonbons et en m’en plusieurs dans la bouche puis comme je mets la main en avant pour l’empêcher de continuer, elle ose les épaules et me fait reculer mais s’arrête devant la grosse caisse enregistreuse dont le tiroir, bien qu’elle le retienne, produit un son qui se répercute plusieurs fois dans la boutique m’effrayant me faisant m’accroupir au sol, les mains sur les oreilles.

- Maman, je vais m’acheter un crayon !

Et sans attendre la réponse de sa mère, nous sommes déjà sortis, courant en tablier gris dans les rues glaciales du village déjà dans la nuit hivernale.

…………………………………………………………………

- Hou hou, tu dors ? Ton père m'a dit que tu savais bien compter, remplace-moi à la caisse.

J'hallucine de voir le nombre de personnes qui défile.

Beaucoup de plateaux de fruits de mer, j'observe comment Monsieur Garin avec de la glace pillée arrive à faire tenir ces saloperies qui puent, sur un plateau.

- Bonjour jeune-homme, tu es nouveau ? Je viens ramener ces deux plateaux.

Et ? Je soupçonne qu'elle veut que je lui rende sa caution pour les deux plateaux argentés mais je ne sais pas faire ça, moi.

- Pousse-toi ! Voilà, madame. J'espère que c'était bon et que l'on vous reverra.

- Oui, vos plateaux de fruits de mer ont eu beaucoup de succès mais la prochaine fois, il faudra prévoir plus d'oursins.

La jeune fille tout sourire raccompagne la cliente jusqu’à la porte.

- Mais bien sûr, il suffira de nous le rappeler. Au revoir madame. Puis viens se mettre devant moi. Alors c'est dix francs par plateaux, tu retiendras ?

Je ne sais pas qu'elle âge elle a mais si elle ne puait pas tant le poisson, je craquerais bien.

- Oui, je crois que ça ira.

- Et n'oublies pas un mot gentil, comme je l'ai fait, tu crois en être capable ? Elle a des yeux noisettes, des yeux ronds, un petit nez rond lui aussi et des lèvres assez charnues pour donner envie de mordre dedans.  Hou hou, tu rêves encore ? Déjà fatigué ? Et bien t'es pas très résistant dis donc. Dis-toi que plus tard, si tu as ton propre magasin, ce sera levé à quatre heures pour aller au marché du frais et couché pas avant vingt-deux heures.

- Je ne serai jamais poissonnier, je deviendrai pilote de chasse quoiqu'il arrive.

Apparemment, je l'amuse.

- Pilote avec un CAP ? Je voudrais voir ça. En tout cas pour moi tu planes.

J’enfonce mes mains dans mes poches et tente de me faire le plus grand possible.

- Quand je serai pilote, je viendrai te chercher pour t'emmener au septième ciel.

- Ton père a dit que tu étais gonflé mais là, tu n'es plus gonflé, tu exploses en plein vol.

Je soupire.

Second crash de la journée. Quand est-ce que je me réveille ?

Dehors le soleil s'est couché, les clients s'espacent de plus en plus.

Monsieur Blanc tape dans ses mains puis enlève son petit chapeau et son tablier.

- Aller, on ferme boutique !  Prends ton sac, on te ramène avec nous, Tu vivras avec nous tes semaines de travail puis à l'internat les semaines de cours. Il me fait signe de prendre mon sac, et me passe mon blouson. On laisse les femmes fermer. Nous, on rentre se reposer devant la télé.

On a pas à aller bien loin car leur appartement est juste au-dessus de leur boutique. Il me conduit jusqu’à une chambre toute simple avec une armoire en pin et un lit assorti. Il saisit mon sac et le pose sur le lit. Puis, nous retournons dans la pièce où nous avons mangé à midi, il me tend une bouteille de bière et allume la télé. Il zappe jusqu'à l'arrêter sur un jeu où un présentateur interroge des candidats.

Il enlève ses chaussures et les pose à côté du canapé et pose ses pieds sur la table basse où je saisis un magasin de géographie.

A côté de moi, il commente les réponses des candidats.

- Oh non, ils sont nuls, et toi tu sais qui fut le 1er président français ?

- Louis-Napoléon Bonaparte ou Adolphe Thiers, je ne sais plus.

- Comment ça tu ne sais plus ? Tu me déçois ! Je suis debout dans l'instant. Richard ? Alors ta première journée t'a plu ? Je n'ai pas envie de répondre, je serre les poings, je le déteste. Ont-ils réussi à te faire aimer le poisson ?

Ma réponse fuse.

- Non !

Il se met à rire.

- Pourtant avec ton futur métier, tu vas devoir en avaler des couleuvres.

- Ce sont des serpents pas des poi…

Tout en me saisissant par le cou et m'attirant vers lui, ce que je refuse en me dégageant, il tend la main à l’homme qui s’est levé. 

- Merci Alfredo de m'avoir aidé. Les deux hommes se serrent la main en riant.

- Je le reprends quand tu veux. C'est un bon gamin, il a travaillé sans se plaindre, pas beaucoup mangé à midi, du pain beurré et une pomme je crois, et franchement je ne le vois pas devenir poissonnier ton petit.

- Moi non plus. Aller toi, vas chercher ton sac.



Dans la voiture je reste silencieux. Je lui en veux, je le déteste, je le hais... et en même temps. Je crois que je suis heureux. Enfin, soulagé que ce ne soit qu'une sale blague.

Lui, il rigole tout seul. Envolé le Richard de ces derniers jours.

 

Au chalet, je dois supporter leurs bons mots. Mais je les accepte sans m'énerver, ils sont la preuve que ce cauchemar n'était qu'un poisson d'avril. Par contre j'ai bien l'intention de me venger.






16 avril 2010

Robert vendredi 25 juin 1976 remise de prix

Robert vendredi 25 juin 1976 remise de prix



Demain le bahut sera vide...

Mais aujourd'hui, ce matin, c'est le branle-bas de combat dans tous les bâtiments. On nettoie, on astique, on range.

Moi, je suis de corvée à la bibliothèque et cela me va.



Le repas est fini mais personne ne bouge car Gâche est invisible. Pourtant, nous sommes tous dans les starting blocks car dans moins d'une demi-heure, le portail va s'ouvrir sur les parents et nous aurons encore moins de temps pour nous habiller avec notre tenue de cérémonie que nous ne mettons que rarement.

Firmin et Jules passent avec leur chariot, nous leur donnons tout ce qui est sur notre table. Il me tend un torchon. Il passe de main en main jusqu'au bout de la table puis revient glissant sur la table par notre coopération pour la nettoyer. Je me lève pour récupérer les miettes que je jette dans le seau que me tend Firmin. Il récupère le torchon et passe à la table suivante.

Les portes vers la cour s'ouvrent. On se tourne tous, d'un bloc vers la lumière mais un coup de sifflet nous rappelle à l'ordre.

Dehors les parents sont déjà là.

- Garde à vous !

Nous nous levons derrière nos bancs qui se glissent sous les tables. Firmin en est aux tables des sixièmes. Lorient nous fait sortir en rang par deux en commençant par les spé.

La première chose que je vois c'est Gisou et les filles. Coco et Fanfan me font coucou de la main, je suis content qu'elles soient là.

 

Cinq minutes plus tard, nous sommes en bas, rangés par classes comme pour l'appel. Nous jouons le jeu à 100%, je passe dans les rangs, il faut qu'on soit impeccable. Mais c'est dur de rester sérieux quand en face de nous, il y a des frères, des sœurs qui nous font des grimaces.

 

Je vois approcher Richard suivis par les professeurs qui portent de gros sacs jusqu'à une longue table où ils vident les sacs qui contiennent des livres entourés de rubans avec une étiquette.

A moi-même, je me dis que leur organisation laisse un peu à désirer.

Au pied du drapeau, sur une petite estrade, une petite enceinte et devant un micro que Richard se saisit.

- Messieurs, mesdames et mesdemoiselles bonjour en cette veille de vacances et merci d'être venus nous rejoindre. Je vais bientôt faire très plaisir à ces jeunes gens en vous les rendant. Mais d'abord, le moment très attendu ou pas... de la remise des diplômes puis des fourragères à nos majors. Et enfin celle du major de l'année. Mais commençons d'abord par nos benjamins qui…

Je n'écoute plus, j'ai chaud, il y a sept classes avant la nôtre. Je ferme les yeux, pouvoir dormir debout comme les flamands roses, sur un pied, ce serait cool. Deux petits bras m'entourent la jambe, je baisse les yeux.

- Non, Coco va voir Maman.

Elle secoue la tête et me tend les bras. Richard s'est tu. Des rires fusent. Mon regard va de Gisou à Richard. Les filles rigolent, moi, non. J’en fais quoi, moi ? Je la soulève aux bras. Elle est ravie, moi non ! Richard me fait signe de la ramener à sa mère. Je veux bien moi, mais on ne va plus entendre qu’elle. C'est Isabelle qui vient la chercher. Et… Ce qui devait arriver, arriva. Un si petit corps et un cri si puissant, incroyable ! Gisou sort avec elle par le portail, on entend les cris s’atténuer puis plus rien. Quand elles reviennent, Coco pleure en silence, enfin plus ou moins, silencieusement.

 

Enfin c'est notre tour.

- Nous terminerons par nos plus anciens, ceux que l'on peut féliciter d'avoir tenu entre huit et neuf ans dans nos murs. Mais d'abord les maths sup. Troisième : Nguyen... Second : LeCam... et enfin premier ex aequo : Nevière et Weissenbacher... Dîtes-moi les garçons, l'an prochain, toujours ex aequo ?

Je laisse Xavier répondre.

- Non je ne crois pas. Cette année, c'est le sport qui m'a sauvé, l'an prochain je pense qu'il me battra aussi sur ce plan.

Richard me tend à mon tour le micro.

- En modestie, il sera toujours meilleur que moi.

- Et bien messieurs rejoignez vos places pour la laisser à vos aînés. Cette année, tous nos Maths spé sont reçus avec honneur dans des grandes écoles. Les maths sup, prenez-en de la graine et qu'il en soit de même pour vous l'an prochain. Endolfo : HC. Dugast : ESA ( école de santé des armées ) ... Et maintenant je vais prier nos majors de venir s'aligner au pied de notre drapeau et je vais avoir le plaisir de leur remettre cette fourragère distinctive qu'ils pourront garder toute leur vie en souvenir de leur excellence. Et pour finir je vais prier le major Endolfo de venir me rejoindre ici. Ah mais tiens, mon petit, monte toi aussi. Tu vois, il y a neuf ans, Matthias, oui, je vais m'autoriser à l'appeler par son prénom car ce grand gaillard, je finis par bien le connaître, était à ta place et remettait la même fourragère à un certain Dejean qui est aujourd'hui architecte, et oui, il n'a pas continué dans l'armée. Alors Timothé dans neuf ans, je veux te voir à sa place, d'accord ?

Le gamin fait oui de la tête pendant que Lorient met un tabouret entre lui et Endolfo pour qu'il puisse lui enfiler la fourragère. Le gamin descend et va rejoindre sa classe. Richard va parler quand Endolfo lui pique le micro.

- Bon alors maintenant qu'il n'y a plus de prix ni de fourragères à remettre, je vous prie de tous vous diriger vers le mess où vos enfants vous rejoindront... ou pas. Richard feint la surprise et l’amusement. Oups, désolé mon colonel je crois que je vous ai piqué votre micro.

- En tout cas tu as eu raison et merci, car parler m'a donné soif et j'aurais moi aussi plaisir de rejoindre la fraîcheur du mess.

- Garde à vous !

Nous obéissons tous à Gâche puis en rang, nous nous dirigeons vers le mess.



Claude fait partie de ceux dont les parents n’ont pas pu venir. Je reste avec lui et rapidement nous remontons dans nos chambres. 

Ceux qui partent ce soir sont pressés. Ceux qui restent les entourent et les taquinent en les empêchant gentiment de boucler leurs sacs. 

Mais bientôt notre nombre a drastiquement chuté comme notre moral. Si peu de temps avant le volume sonore à l’étage était largement supérieure à celui autorisé. Là, il est quasi nul.

Lorient nous trouve tous assis par terre au centre du couloir et faisant semblant de pleurer, il se laisse tomber au milieu de nous.

Si nous sommes d’abord surpris, nous nous reprenons vite et faisons moulon sur lui.

Lorient c’est notre capo mais souvent c’est l’un d’entre nous.

- Bon allez les chouineurs, dépêchez-vous de descendre, votre dernier repas vous attend.

Sully en riant, lève la main comme s’il était en cours en sautillant sur place.

- Hé Hé m’sieu, si c’est notre dernier repas on a le droit de choisir notre dernier repas ?

- Non ! Ici t’as aucun droit !

Et nous accompagnerons Lorient jusqu’en bas des escaliers avec un Tussss sonore. Et nous rentrons dans le mess en faisant semblant de tenir une corde de pendu au-dessus de notre tête. 

Le mess est au trois quart vide et comme c’est la tradition les profs qui restent, viennent manger avec les élèves de la classe dont ils sont le professeur principal et c’est notre prof de science de l’ingénieur qui nous rejoint.



25 avril 2010

Robert vendredi 2 juillet 1976 vélo

Robert vendredi 2 juillet 1976 vélo

 

A neuf heures, je supplie presque à genoux Monsieur Davis de m’accepter avec lui, il me donne juste la clef du CDI, où je me mets à lire, il y fait plus frais que dans ma chambre. Les fenêtres du CDI donnent sur le balcon de l'appartement du colonel et certaines fenêtres des chambres. Tout y est grand ouvert, et j’en conclus qu’ils sont là, même si lui, je ne l’ai pas vu aujourd’hui.

Je reste ainsi accoudé sur le bord de la fenêtre devant les volets fermés, un certain temps lorsque quelqu’un me tape sur l’épaule.

Je m’empourpre jusqu’aux oreilles.

- Que faisais-tu ?

- Pas grand chose, j’avoue, mon colonel, je rêvais.

Derrière son sourire, je le sens préoccupé 

- Bon, eh bien, viens avec moi. Donne-moi tes livres et va rendre les clefs à M. Davis. Je t’autorise à courir dans le couloir.

Je démarre si vite que mon calot tombe de dessous ma patte d'épaule où je l'avais roulé.

- C’est bon, file, je te le ramasse, je t’attends chez les Cohen.

Je rends les clefs à M. Davis en le remerciant, puis, le cœur battant, je file vers la loge du concierge où Richard m’attend, en grande discussion avec ce dernier.

Il me rend alors mon calot.

- Regarde ce vélo.

Contre le mur, un vélo de course d’homme de taille ado est appuyé.

- Oui, mon colonel.

Je le regarde sans bouger. Avec un geste d’exaspération, il me pousse vers la bicyclette.

- Quand je dis de regarder, je voulais dire : essaie-le.

Je le regarde, surpris, puis enfourche le vélo. La selle est encore un peu haute pour moi. sinon, pour le cadre, ça va.

- C’était celui du fils aîné de M. Cohen, s’il te convient, je le lui prends, comme cela tu auras "ton" propre vélo cet été.

Puis, avec encore un geste d’exaspération :

- Ne t’ai-je pas dit de l’essayer ? Alors vas-y, fais le tour du lycée avec, pour voir si tu arrives à en faire correctement.

Je rentre le bas de mon pantalon dans ma chaussette et m’élance. Je suis, on ne peut plus heureux et encore plus lorsqu’en revenant vers Richard, je vois les filles sur le balcon.

- Merci, il est super, mon colonel.

- Eh bien, laisse-le là et va te mettre en short, tu auras moins chaud. Tu peux t’en servir tant que tu veux.

- Je pourrai le prêter à Gérard et Carlos ?

- Mongeot et Trudeau ? Tu es ami avec eux, maintenant ? Bah, oui, il est à toi, mais si cela doit dégénérer en bagarre, je le rends à M. Cohen, compris ?

J’acquiesce et pars en courant. Il me crie :

- Robert, tu es officiellement en congé. Tu n'es pas obligé d'être en uniforme. Au fait, pense à aller dire merci à ma femme, c’est son idée !

Je cours en regardant derrière moi et, bien sûr, je réussis à m’étaler. Du balcon, je les entends rire, je leur fais un pied de nez en riant aussi.

Je bats mon record de temps d’habillage.

Je suis reçu à l’appartement par cinq furies. En guise de remerciement pour le vélo, Gisou exige deux bisous supplémentaires et la promesse que je viendrai aux repas manger avec eux, ce que j’accepte, bien évidemment.

Finalement, je ne fais plus de vélo de la matinée et, à midi, Richard me le fait ranger dans le garage à vélo de leur immeuble et me donne une clef de ce dernier pour que je puisse le prendre quand j'en aurais envie. Clef qui ouvre aussi la porte de la cave et de l’immeuble. Je l'ajoute à la clef de mon placard.

L’après-midi, nous obtenons que Richard nous ouvre la piscine. Nous y passons tout notre temps avec les fils Davis et Cohen qui ont entre vingt et vingt deux ans et sont l'un encore en fac de médecine à Marseille et l'autre militaire sur Toulon.

Mais avant, Gisou m’emmène avec elle dans une grande surface où elle m’achète des bermudas, une chemisette blanche chicos et un pull blanc assorti, des tee-shirts et une paire de sandalettes. Mais elle met les vêtements dans un de leurs sacs, sauf une tenue qu’elle me donne pour le départ. Richard ne veut pas trop que cela se sache. Moi, je m’en moque car rien ne compte en dehors du fait d'aller en vacances avec eux



- Ah te voilà ! Mets donc tes draps dans la machine.

Je pose mon sac par terre et commence à vouloir enfourner tout ce que j'ai dans les bras dans la machine.

- Gisou, ça ne rentre pas.

- Cela n'est pas très étonnant. Tu crois vraiment que tu vas faire tout entrer ? Ah la la. Tiens regarde, tu enlèves la taie d'oreiller et tu gardes l'oreiller. Tu t'en serviras ce soir pour dormir et pareil pour la couette. On ne lave que la housse bien sûr. Et le drap housse bien évidemment. Tu as su enlever la taie de traversin, pourquoi n'as-tu pas fait pareil pour l'oreiller ?

- Parce que je suis bête comme mes pieds.

Je la vois lever les yeux au ciel.

Je disparais avec mon oreiller et ma couette que je pose sur le canapé puis je veux aller rejoindre les filles mais de la porte de la cuisine, elle me fait signe de venir.

- Ton sac.

Ah oui, je l'ai oublié devant la machine. Je le pose avec mon sac de cours à côté de mes chaussures.

 

Je pose la main sur la poignée de leur porte quand celle-ci s'ouvre en grand et Véro mettant ses deux mains à plat sur ma poitrine et me repousse de toutes ses forces. Pendant que je recule en essayant de me retenir aux murs lisses, elle referme leur porte en riant. Je finis ma course à reculons et ma tête heurte le sol avec un grand bruit qui résonne dans tout le couloir.

Moi, qui étais content de les retrouver, suis sonné.

Gisou m'aide à me lever et m'emmène jusque dans la cuisine et je me retrouve avec un sac de petits pois surgelés à l'arrière du crâne.

- Tu vas avoir une belle bosse. Qu'est-ce que tu leur as fait encore ?

- Mais rien, j'ai même pas pu entrer dans leur chambre.

- Pas obligatoirement maintenant. Par exemple cet après-midi à la piscine. Tu sais les filles, ça a la rancune tenace. En attendant, mange de la glace, comme ça, tu refroidiras l'intérieur et l'extérieur.

Faut voir le bon côté de la chose, j'ai droit à un grand bol de glace. Je réfléchis à pourquoi elles pourraient m'en vouloir. A la piscine, je les ai enquiquinées grave oui, mais pas plus que d'habitude. Mais c'est vrai que j'ai plus parlé avec Martial et Mathias qu'avec elles, faut dire qu'ils ont plus de conversation qu'elles et que je leur ai dit que je préférais parler à des hommes qu'à des fillettes. Si c'est pour ça, qu'est-ce qu'elles sont susceptibles franchement.

J'ai fini mon bol. Je le lave après avoir remis les petits pois au congel.

- Où as-tu mis le sachet de petit pois ?

- Au congel.

- Mon dieu, mais on ne remet pas au congélateur quelque chose qui a commencé à décongeler, nous les mangerons ce soir.

Je regarde Gisou en souriant .

- Donc, si je veux manger quelque chose qui est dans le congel, je le sors et tu seras obligé de nous le faire manger ?

Vu le regard qu'elle me lance, je préfère filer.

 

- Les filles, je m'excuse pour cet après-midi. Je gratte à leur porte. Vous savez , je préfère quand même être avec vous que avec eux.

La porte s'ouvre grand sur Véro.

- Et tu es prêt à faire n'importe quoi pour te faire pardonner ?

- Je ne sais pas, moi. Donnez-moi un gage.

- Puis-je te donner une fessée pour avoir été méchant ?

- Bête… oui. Méchant je ne crois pas, et soyez moins susceptibles. Et ensuite tu m'as déjà fait une fracture du crâne.

- Même pas, t'as trop le crâne solide.

Isabelle allongée sur son lit se redresse.

- Véro, le bureau de Papa.

- Oh oui. Alors si tu veux pouvoir entrer ici, tu dois aller jusqu'au fond du bureau de Papa, prendre un truc qui est dessus et le ramener ici, nous le montrer puis aller le reposer. Seulement après, nous t'accepterons dans notre chambre.

- Que ça ?

Les deux filles se mettent à rire.

- Oui, que ça.

Bon. Mais, c'est super facile comme gage.

- Ah bin c'est cool ça ! Je le dis le plus fort possible et je continue sur le même ton. Je prends mon sac alors, et j’arrive.

Je reviens vers l'entrée, Gisou me regarde puis je la vois disparaître. Je prends mon sac puis retourne vers la chambre des filles, lorsque je passe devant le bureau, j'y entre, prends un des crayons à papier du pot où ils sont rangés et en ressort. Gisou m'attend avec sa cuillère en bois dans la main. Elle me tend l'autre main, j'y pose le crayon.

- J'ai besoin d'un crayon et j'ai perdu mon taille crayon.

- File !

Tant pis, j'aurais essayé !

- Aïe ! Eh, ça fait mal.

- Ça c'est pour le mensonge. Et vous mesdemoiselles vous en mériteriez autant !

Véro me fait signe de me dépêcher et ferme la porte derrière moi.

- Bienvenue dans le club de la cuillère en bois !

Je me frotte la cuisse en leur jetant un regard noir. Je m'en serais passé !





Il y a un verrou à la salle de bain mais cette fois pas de bain car on doit tous y passer. Je me pose volontaire pour y aller en premier car je veux être en pyjama avant l'arrivée de Richard pour cacher la marque sur ma cuisse.

 

- Ah ce que j'ai hâte d'être vraiment en vacances. Il m'attrape par le cou et me secoue, du coup ma cuillère de glace finit sur ma joue. Surtout que mon garçon, cet été, avec Papy, on va faire de toi un homme.

Je le regarde soupçonneux. Ça veut dire quoi encore ça ? Avec eux, je m'attends à tout.

- Tu sais Richard ce que je t'ai dit, il est encore trop petit de taille.

- Il a grandi, ça ira. Et Papa est d'accord, donc femme, tu n'as pas ton avis à donner.

Je souris à Gisou. Puisqu'il a dit que j'étais assez grand ? Bon, devant le regard noir qu'elle me lance, j'arrête de sourire et plonge dans mon bol de glace dont je racle les bords.

- Redonne lui plutôt de la glace pour qu'il grandisse plus vite et à moi aussi du même coup.

- Tu sais ce que te dit la femme ? Que si tu en veux encore, tu devras lever ton derrière.

- Tu vois garçon, n'oublie jamais ça : les femmes c'est susceptible. Il se lève et passe à côté de Gisou pour aller jusqu'au congélateur. Elle lui donne un coup de cuillère en bois sur les fesses. Aïe ! Hé, c'est brutal.

Nous éclatons de rire avec les deux grandes, mais vu le nouveau regard noir de Gisou, nous arrêtons de suite, ce qui le fait nous jeter un regard soupçonneux.

Il redonne de la glace à toutes les filles puis revient s'asseoir à côté de moi et pose le bac entre nous deux.  - Je t'autorise à le finir avec moi si tu me dis ce qu'il y a entre toi et Maman. Je le regarde surpris, maman ? Je secoue la tête, pose ma cuillère et sors de table.

Je suis assis sur le canapé avec un livre quand je le vois arriver avec le bac, un torchon et deux cuillères. Il ferme la porte du salon derrière lui et vient s'asseoir à côté de moi et me tend ma cuillère.

- Et maintenant qu'on est seul entre hommes ?

J'hésite mais la glace me fait envie.

- Les filles m'ont fait faire un gage, aller jusqu'à ton bureau et en ramener un crayon mais Gisou m'a gaulé et puni.

Il se met à rire.

- Quand elles te l'ont dit, tu étais devant la porte de leur chambre ?

Je suis étonné.

- Oui.

- Alors, je vais te confier une chose que les filles ne savent pas et qui doit rester entre nous. Promis ?

- Juré !

- On ne sait pas par quel effet acoustique, mais quand tu es dans la cuisine, tu entends parfaitement, comme si tu y étais, tout ce qui se dit au fond du couloir. Voilà pourquoi Gisou t'a gaulé. Mais chut pas un mot aux filles.

 

Isabelle ouvre la porte du salon.

- Robert tu n’as pas débarrassé tes couverts.

Richard m’empêche de me lever.

- Laisse les femelles bosser, nous on se repose, comme il se doit pour des hommes.

- Robert, si tu ne nous aides pas, tu seras peut-être un homme, mais un homme mort.

Je regarde Isabelle. Gisou derrière elle, me fit signe de me méfier. Je fais un immense sourire à Isabelle.

- Maman, tu t’occupes de Papa et nous de lui ?

Gisou se place derrière Richard, lui prend le bac de glace puis nos cuillères et lui saisit les mains dans les siennes et, se penchant au-dessus de lui, l’embrasse. C’est la première fois que je les vois ainsi. Isabelle m’attrape par derrière. Yvy, Véro et Fanfan se jettent sur moi pour me chatouiller. Coco, elle, a grimpé sur son père et le chatouille aussi. Je me retrouve couché la tête sur Richard. Les filles sont carrément assises sur moi. Je veux les repousser. Richard m’attrape alors les mains.

- Hé, mais c’est de la triche, ça.

- Eh oui, monsieur le jeune macho.

Je demande grâce.

- C’est bon, je me porte volontaire pour faire la vaisselle si Richard la fait aussi !

Gisou trouve l’idée très bonne. Lui râle, me traitant de jaune, de vendu.

- Je me venge !

- Et de quoi ?

- Du temps où, à l’école, vous êtes mon colonel ? Venez les filles, je le tiens.

Gisou enlève rapidement Coco de ses genoux et les quatre autres se jettent avec moi sur lui. Je me bats pour lui tenir les mains. Il est mille fois plus fort que nous. Il arrive à se lever en tenant Véro sous un bras et moi sous l’autre, Fanfan et Yvy accrochées chacune à une jambe. Gisou nous prend en photo. Puis il nous lâche et les filles filent se coucher. Me tenant les deux poignets dans une main, il me traîne vers la cuisine.

- Au boulot, esclave !

Il fait semblant d’avoir un fouet et de frapper pour me faire avancer. Et moi, de recevoir des coups, mais aussi de crier de douleur. Les filles nous regardent partir en riant.

Gisou quant à elle fait une drôle de tête, n'ayant pas l'air d'apprécier nos jeux.

Dans la cuisine, nous nous arrêtons pour nous attaquer à la vaisselle. Je veux la laver et lui laisser la tâche de l'essuyer et de la ranger, il accepte. Lorsque celle-ci est terminée, nous sommes tous les deux trempés car certaines choses lui échappaient des mains retombant dans l’eau de rinçage, et m’éclaboussaient, quant à moi, mes mains faisaient malencontreusement gicler de l’eau vers lui.

 

Je m'essuie les mains et  lui demande où je vais dormir.

- Demande à ma femme, moi je dois donner un coup de serpillière pour nettoyer toutes tes bêtises.

- Mes bêtises ?

Mais je fuis car il me menace avec la serpillière.

Au salon, elle a ouvert le canapé et, avec Isabelle, finit de faire le lit.

- Te voilà, vous avez fini ? Nous aussi. Tu dors là ce soir. Va chercher ton sac.

Lorsque je reviens, elles sortent. Isabelle en passant à côté de moi veut m'ébouriffer les cheveux, je fais un écart et me prends le coin du buffet.

- Aïe !

- Oh pauvre petit chou !

- C'est ta faute !

Je porte mon sac à deux mains, je le lâche pour me défendre contre ses “câlins”. Gisou nous sépare.

- Suffit tous les deux ! Bonne nuit, chaton !

Me prenant le visage avec sa main droite, elle m’embrasse tendrement.

J’éteins rapidement la lumière. Les volets ne sont pas fermés, je sors sur le balcon.

Je suis pieds nus, en pantalon de pyjama.

Je me penche au-dessus de la rambarde pour regarder le lycée.

Certaines chambres sont encore allumées.

Je suis passé de l'autre côté, cela me fait tout bizarre.

Une fois de plus, il ne fait aucun bruit en arrivant derrière moi et me met une main sur l’épaule, je sursaute.

- Tu vas attraper froid, rentre. Tu préférerais être là-bas ?

Je secoue la tête.

- Oh, non.

Je cours me fourrer sous les draps pendant qu’il descend le volet.

- Bonne nuit fiston !

Fiston… ce mot m’accompagne dans mes rêves.

29 avril 2010

Robert mardi 6 juillet 1976 C800

Robert mardi 6 juillet 1976 C800




- Tu es déjà debout ?

J’embrasse Mammema, seule en-bas.

- Vioui, Papapa m'a dit de me lever tôt car on doit aller à l' aéro-club.

- Mais pas à six heures tout de même. Tu as besoin de dormir à ton âge. File te recoucher.

- Nop j'ai faim, je vais d'abord manger.

- Oui de ça aussi tu as besoin.



Le ventre plein, je me couche sur le canapé avec le livre que m'a passé Papapa.

 

Papapa me tapote les jambes.

- Debout bonhomme, si on veut voler avant que le soleil ne tape trop fort. En tout cas, je vois que mon manuel a un effet soporifique sur toi.

- C'est pas ça, je l'ai déjà lu, en fait sa plus récente édition l'année dernière lorsque je préparais mon BIA à Munster.

Il commençait à s'éloigner, il se retourne étonné.

- Tu as ton BIA et tu ne me l'as pas dit ?

- On ne me l'a pas demandé.

Il a l'air dépité mais c'est vrai quoi. Ils ne me l'ont pas demandé. Je ne suis pas voyant moi !





J’aide Papapa à ouvrir la lourde porte d’un des petits hangar de l’aéroclub. Derrière trois planeurs alignés le long d’un mur. En face deux avions : un Cessna et un Piper. 

Je me dirige vers eux.

- Où vas-tu ? On va commencer par du vol à voile. Rien de mieux pour t'apprendre à sentir les courants d'air chauds et froids. Qu'est-ce qu'il y a, il ne te plaît pas notre C.800 ?

- Si si , de toute façon je n'y connais rien.

- Bon ton père semble-t-il économise pour s'offrir un ASK, mais à voir si Gisèle sera d'accord.

Mon père ? Ah oui Richard.

- Elle ne vole pas, elle ? Et les filles ?

Il arrête l'inspection de mon parachute pour me regarder .

- Tu te fous de moi, là ? Tu ne te rappelles pas leur réaction hystérique hier matin ? On a essayé mais Gisou a brandi l'adresse d'un avocat, alors comme d'habitude mon fils s'est laissé castrer. Tu sais, j'aime beaucoup Gisèle mais franchement il y a des jours où j'ai du mal à garder mon calme. Bon, en attendant, grimpe et sois content d'être un garçon.



Je suis toujours à fixer l'avion qui roule devant moi en repensant à toutes les sensations que j'ai pu éprouver l’autre fois, quand je réalise que notre propre avion ne touche déjà plus le sol.

- Lâche ce manche ! Et n'y touche plus jusqu'à ce que je t'y autorise, compris ?

- Oups ! Oui, désolé.

 

En tout cas, je ne savais pas que Papapa avait un répertoire d'insultes aussi fourni et je sors de ce premier cours désespéré, je ne serai jamais pilote.







5 mai 2010

Robert dimanche 11 juillet 1976 dur à suivre

Robert dimanche 11 juillet 1976 dur à suivre



Le dimanche matin, Richard qui, malheureusement pour moi… est arrivé hier soir, vient me réveiller à l’aube.

- Allez bonhomme, tu viens faire un tour en vélo avec nous.

- Je ne l’ai pas, Papy me l’a confisqué.

- Je sais que tu as joué au crétin, mais viens, je l'ai ressorti.

Nous partons donc tous les trois. J’ai beaucoup de mal à ne pas me faire distancer tout le temps.

En tout cas, j'suis content de pouvoir descendre de vélo, mais je suis tellement crevé, que ma jambe se dérobe sous moi et Papapa m'aide à rester debout.

- Richard, ce gamin a un problème, il ne tient pas sur ses quilles. Tu n'as pas en réserve le même mais qui tient debout ?

Ça amuse Richard qui va ranger son vélo et le mien.

- Mais ce n'est pas possible, vous êtes fous. Ce n'est qu'un gamin, regardez dans quel état vous nous le ramenez ?

Vexé, je refuse que Mammema et Gisou m'aident.

- Mais lâchez-moi, je sais encore marcher.

- En attendant, va te changer si tu veux aller voler.

- Oui oui.

Monter les escaliers est très dur.

Je jette un pantalon sur mon lit, baisse mon short et m'assieds sur mon lit.



Je me fais secouer par une Isabelle hilare.

- Bin, quoi, qu'est-ce qu'il y a ?

Je dors à l'envers sur mon lit, les pieds sur mon oreiller, mon short aux chevilles et serrant mon pantalon en boule dans mes bras. D'ailleurs, je reste en short pour descendre manger car mon pantalon est trempé de bave, beurk !

Après le repas, je prends mon livre, et je me mets sur le canapé, le temps d'attendre que Richard et Papapa finissent de boire leur café. Mais je m’impatiente.

- Bon, vous avez fini votre café ? On peut y aller ?

- Et tu veux aller où ?

- Bin à l'aéro-club.

Alors Richard se lève et vient me mettre sa montre sous le nez.

- Les vols de nuit, ce n'est pas pour les débutants.

Il est vingt et une heures et si les filles débarrassent la table, c'est parce que nous avons fini le repas du soir.

- Pourquoi vous ne m'avez pas réveillé ?

- Si tu dormais c'est parce que tu en avais besoin. Donc on ne t'a pas réveillé,

Je lui en veux surtout de ne pas m'avoir réveillé.

Pourtant ce soir-là, en lui souhaitant la bonne nuit. Je glisse à Richard que je veux retourner avec eux tous les matins. Il accepte en me disant qu’ils vont encore se faire engueuler. Nous parlons tout bas, et nous nous mettons à rire. Gisou nous apostrophe.

- Hep ! les complices en bêtises là-bas, c’est non pour demain matin, les hommes. Toi, je confisque ton vélo pour en être sûre.

Je tombe dans le panneau une fois de plus, ce qui les amuse encore davantage.

- Mais ce n’est pas juste, et donc moi je n’ai pas mon mot à dire ?

Gisou me fait non du doigt.

Vexé d’entendre les adultes rire encore plus. Ce qui ne fait que m'énerver davantage. Je monte me coucher sans dire bonsoir à Gisou.

Une heure plus tard, elle ouvre la porte de ma chambre.

Je lis encore.

- Tu ne dors pas ? Tu devrais pourtant, demain tu dois être en forme si tu veux arriver à les suivre.

Elle m’enlève le livre et ma montre, m’embrasse sur le front et sort en éteignant la lumière.

Je suis encore plus furax et vexé.


























10 mars 2010

Robert mercredi 24 décembre 1975

Robert mercredi 24 décembre 1975

 

Pour le réveillon, je mets la chemise blanche du 1er novembre, un pantalon que Madame d' Aureilhan m'a donné et un nœud papillon que Claude me prête. Lui, comme son père, sont en smoking. Sa mère et Anaïs en robe longue. Je la trouve très belle et le lui dis.

Je n’avais jamais mangé aucun repas comme celui-ci.

On commence par des huîtres et des toasts de caviar, du saumon fumé et du foie gras. Ensuite, du homard,suivi par du civet de chevreuil avec de drôles de légumes et, au dessert, deux bûches: une glacée et une au beurre. Je me force à tout manger sauf pour le caviar qui me donne envie de vomir et que Claude assis à côté de moi, je récupère. Pour les huîtres, Madame d’Aureilhan me demande si j’en ai déjà mangé et ne m’en donne qu’une. Je n’en reprends pas mais si ce n’est la texture, vu que Claude me la noie dans du citron, je ne saurais dire si le goût étrange m’a beaucoup gêné.

Vers vingt-trois heures, nous allons à la cathédrale assister à la messe de minuit.

Au retour, je ne désire qu’une chose : dormir. Mais d’abord, il doit y avoir l’échange des cadeaux. J’ai la surprise de recevoir une enveloppe des parents de Claude, et de ce dernier un collier : un surf en écaille de tortue, pour me rappeler cette journée et mes sublimes performances. Anaïs m’offre ses croquis de moi, puis me fait un bisou en me demandant où est le cadeau pour Claude. Je lui réponds par une grimace. Claude l’entend et me demande ce que c’est, je refais une grimace et me défile. Anaïs me dit tout bas qu’elle me le fera payer, et Claude surenchérit en me disant : “Aïe Aïe Aïe" en rigolant.

Nous sommes couchés depuis peu, je commence à m’endormir, lorsqu’on me pousse. Anaïs se glisse contre moi. Je vais me lever pour rouspéter lorsqu’elle plaque sa bouche contre la mienne.

- C’est mon cadeau de Noël !

- Mais tu es folle, il y a ton frère à côté.

- Lui ? Pas vrai, frérot, que tu ne diras rien ?

- Anaïs et si vous alliez plutôt dans ta chambre, ?

Elle me prend par la main et m’entraîne avec elle en me faisant signe de ne pas faire de bruit.

- N’oublie pas LE cadeau !

Je le récupère dans la poche de mon pantalon. Avec mille et une précautions, nous allons dans sa chambre dont je ferme la porte.

- Donne !

Je lui tends la petite boîte. Elle ouvre un sachet, sort un préservatif et souffle dedans, puis fait un nœud. Assis sur son lit, je la regarde s'amuser en baillant à me décrocher la mâchoire.

- C’est vrai que ça fait de chouettes ballons.

- Oui, mais ce n’est normalement pas fait pour ça.

- Ah ah ah, quel humour monsieur, je sais à quoi ça sert, figure-toi. Alors tu as dit que tu savais t’en servir, c’est vrai ? Tu as déjà couché avec une fille ?

- Oui, mais sans ça.

- Donc, tu ne sais pas t’en servir !

- Tu sais qu’en fait tu es aussi chiante que ton frère ?

- Je suis sa sœur, bon sang ne saurait mentir.

- Moi, je retourne me coucher.

- Non, tu ne m’as pas montré comment on s’en servait.

- Je ne peux pas !

- Pourquoi ?

- Peut-être parce que je ne veux pas et que je ne suis pas en état pour ça.

- Disons qu’en fait tu ne sais pas et que tu n’es qu’un menteur.

Elle ouvre un second sachet et me donne le contenu.

Je soupire. Je n’en ai pas envie. Anaïs est mignonne mais plein de chose me repousse en elle. Son âge d’abord et puis c’est la sœur de Claude.

Je ne sais pas quoi faire de ce qu’elle m’a donné. En fait c’est la première fois que j’en touche un. C’est doux mais ça pue. Je trouve très excitant de m’imaginer m’en mettre un. Mais pas devant elle, non, rien à faire !

Je le déroule puis souffle dedans. Je ne le gonfle pas beaucoup car j’ai peur qu’il explose, ça a l’air si fin. Mais il me glisse des mains et s’envole dans un bruit épouvantable autour de la chambre.

Effrayé, je l’avoue devant la possible venue de ses parents attirés par le bruit, je rafle la boîte et son contenu et me cache derrière son lit et elle sous ses couvertures.

Mais personne vient et nous rions tous les deux. Elle se met à son tour à gonfler le préservatif et lui fait un nœud.

- Tu vois que je n’étais pas un menteur.

- Oui mais Claude, lui, il n’en fait pas des ballons.

- Qu’est-ce que t’en sais ?

- Un jour Aline est venue quand il n’y avait pas les parents et ils ont fait les mêmes bruits que les parents et quand ils sont descendus mangés, je suis descendu après eux. Son lit était mal fait et parterre, il y avait un sachet ouvert et un fermé. Et je n’ai pas trouvé de ballon dans sa chambre.

Je souris, puis me lève, j’ai une petite fille qui joue la grande devant moi, je la trouve ça mignon, je m’approche d’elle et doucement je l’embrasse, elle a d’bord un mouvement de surprise puis s’abandonne.

Un dernier smack et je retourne dans mon lit.

Claude ronfle.

Comme à l’école j’ai envie d’aller le secouer puis n’en fais rien. C’est bête mais de l’entendre ronfler à un mètre de moi me sécurise.

 

 

25 février 2010

Robert vendredi 31 Octobre 1975 les Alpes free style

Robert vendredi 31 Octobre 1975 les Alpes freestyle



Dès que j'ai fini de déjeuner, je vais par habitude pour m'asseoir devant mes livres de cours mais là j'en ai pas envie. Je les remets dans mon sac. Mais que faire d'autre ? Je croise les bras sur la table et le menton posé dessus, je regarde autour de moi.

Je suis seul.

Mammema est dans la cuisine.

Gisou et Sylvie sont montées à l'étage et Rémy les a suivies peu de temps après.

Papapa et Richard sont partis avec la décapotable.

Je m'ennuie. Où sont les filles ?

Ce n'est pas que je recherche leur compagnie, mais un rat mort d'ennui, rongerait même un bout de pain moisi.

Véro et les jumelles sont encore en train de changer la roue de leur vélo. Toujours pas réparée ? Je prends la roue des mains de l’une d’elles.

- Donne, je m’en occupe. Tu sais si elle est vraiment crevée ?

- Non, seulement qu'elle est dégonflée.

Une fois la chambre à air dégagée, je la regonfle et vais la plonger dans le lavoir extérieur.

- Regarde les bulles d'air : il est mité ton pneu. Tu as un stylo bille ?

Fanfan va m'en chercher un. Je marque chaque trou, puis, l'ayant séché, je le répare à l'aide des rustines qu'elles me donnent.

Une fois le tout remonté, je remets le vélo sur ses roues et le tends à Véro.

- Tiens !

- Ce n'est pas le mien, c'est celui de Mathilde.

J’hausse les épaules.

- Ah ! Eh bien, ce n'est pas grave.

Elle se met devant moi.

- Tu veux venir avec nous ? On va jusqu'à la ferme des Daniels.

- Hum, oui, s'il y a un vélo pour moi.

Son sourire ne me plaît pas.

- Prends celui d'Isabelle. Tu sais en faire, au moins ?

Je fronce les sourcils.

- Tu te moques de moi, là ?

Elle échange des regards avec les deux garces.

Je hausse les épaules et lui tourne le dos, je n'ai pas envie de me disputer.

Fanfan me prend par la main et me tire jusqu'à la table du jardin où elle a appuyé son petit vélo…

- Tu répares aussi mon vélo  ?

Les mutter lui ont tressé les cheveux et attachés autour de la tête. Caths, quand elle était petite, était souvent coiffée comme ça.

- Si tu veux. Mais il faut lui faire quoi ?

Elle me montre alors les roues. Je mets le vélo à l'envers sur le banc. Il a des roues pleines donc elles ne peuvent pas être crevées mais je les démonte tout de même même. Comme pour la roue de l’autre, je vais avec elle, le plonger dans l’eau. Je l’essuie et y dessine des ronds puis… des sortes de petits avions.

- Tu vas voir avec ces dessins maintenant, il ne pourra  jamais plus être cassé.

Puis je le remonte et le lui tends. Alors elle avance en le poussant avec les pieds.

Richard, du garage me dit : 

- Elle ne sait pas encore en faire.

Alors je la rattrape.

- Françoise tu veux que je t’apprenne à faire du vélo ?  Elle secoue la tête. Attends je vais te faire un truc. Je cours chercher le stylo puis dessine sur le dessus de ses mains, deux avions qui se font face. Regarde, maintenant si tu les surveilles bien, tu ne peux plus tomber. 

Elle regarde ses mains puis moi.

- Maman va me gronder car j’ai pas le droit de me dessiner dessus.

- Je lui dirai que c’est moi. De toute façon moi, quand on me tape, j’ai même pas mal. La gamine devant qui je me suis accroupi me fixe. Vas-y tape-moi, tu verras. Elle secoue la tête. Je suis un demi-dieu, rien ne peut me faire mal et je vais te passer un peu de ma puissance et après toi aussi tu sauras faire du vélo comme moi.

Rémy passe derrière moi, un meuble dans les bras.

- Robert viens voir dans le garage si tu n'en trouves pas un à ta taille.

Je tends la main à la gamine.

- Tu viens m’aider à le trouver ?

Et ils me font découvrir le "garage".

Enfin ce qui a peut-être été un garage fut un temps mais qui aujourd'hui est plus qu'une sorte de grange remplie d'un bazar des plus hétéroclites. Il y a de tout : des meubles style buffet, armoires ou chaises. Au fond, je crois même voir une vieille voiture. J'aimerais bien grimper, escalader tout ce fouilli et aller ainsi jusqu'au fond mais je n'ose pas.

Je prends juste un petit vélo, trop petit pour moi, mais c'est le seul qui ne soit pas rose. Je remonte la selle et le guidon au maximum et dois regonfler les pneus sinon il me convient parfaitement.

Yvette nous a rejoint et elle m’aide à laver mon nouveau vélo. On finit un peu trempés tous les deux mais si les pater ne disent rien, les mutter la font rentrer pour  lui changer sa robe.

Quand elle ressort, Gisou vient vers moi.

- Tu n’as pas froid ? Je secoue la tête. Et vous ne touchez plus à l’eau. Puis s’adresse à trois hommes qui se planquent derrière la porte du garage. Et vous, au lieu de boire des bières, vous pourriez les surveiller un peu plus.

Lorsqu’elle est rentrée, Rémy sort et fait signe qu’il va me tordre le cou et je me mets à rire.

Par contre le gravier c’est chiant pour faire du vélo dessus, Et encore plus quand t’essaie de faire du free style. Je préférais la cour devant la maison à Munster. Ce qui me vaut de me bousiller en tombant sur le tas de bois. 

Ce qui me vaut aussi de me faire confisquer le vélo par Gisou qui va le remettre dans le garage.

Hum, à peine est-elle retournée dans sa cuisine que je le récupère et recommence, ce qui me vaut de me faire prédire par le colon, un avenir peu reluisant si elle me voit.

Surtout que Yvette essaie de faire pareil que moi et y arrive pas trop mal mais elle manque d’entraînement et en robe c’est pas très pratique la pauvre.

Évidemment Gisou me voit et sort pour m’engueuler et récupérer mon vélo qu’elle attache elle-même dans le garage. Alors je prends celui de Yvette et recommence. Je vois les trois mecs qui se retiennent de rire puis le colon intervient.

- Bon, tu as assez fait le clown et narguer ma femme. Par contre je te propose quelque chose : Tu arrives à apprendre à Françoise à faire du vélo et demain je te rends ton vélo.

- Ok ! 

Par contre, ma méthode ne lui plaît pas beaucoup. Bon c’est comme ça que moi j’ai appris tout seul. Une pente et hop ! Le truc c’est qu’au bout de la pente, il y a… la route ! Mais franchement, ils ont peur de quoi ?  Il y passe une voiture toutes les heures mais bon… c’est tout de même une route.

Et bref… je me prends encore une engueulade mais cette fois de lui en me faisant encore une fois secouer comme un prunier. Un jour je serai assez fort pour le secouer aussi, mais ce jour là, je ne serai plus là !

Le truc, c’est que pendant qu’il me pourrit, la gosse elle, a trouvé ça très drôle de rouler dans la pente et les pieds sur ses pédales qui n’ont pas de “roues libres” se met à hurler de peur car si elle ne tombe pas elle fonce vers la route et on est deux cons à lui courir après. 

Heureusement les trois filles reviennent de la ferme à ce moment-là et la petite avec son vélo percute celui d’une des jumelles qui heureusement n’était pas dessus. Bin ouais c’est c’est dur de monter la pente…

En attendant, si elle sait maintenant faire du vélo, moi je me retrouve puni, assis sur une chaise dans un coin de la cuisine à supporter trois mutter à me faire la leçon. 

Puis, expédié rejoindre les mecs car… Comme ma mère bien des années auparavant, les mutter on découvert qu’avec une chaise aussi on peut faire du free style et se casser la gueule…




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