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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )

16 novembre 2010

Robert lundi 16 Mai à Vendredi 20 Mai 1977 tests BA 705

    Robert lundi 16 Mai à Vendredi 20 Mai 1977 tests BA 705



Réveil à trois heures et départ à quatre heures pour être à cinq heures à la gare. Nous rejoignons la base aérienne de Salon où se trouve aussi cette fameuse école où avec certains copains nous rêvons de finir. De là, en compagnie d'élèves pilotes que je jalouse et envie, nous décollons dans un Transall pour la base de Tours.

Je m'assieds le plus loin possible des jeunes pilotes et j'évite même de les regarder car Richard m'a répété à chaque fois que l'on se croisait la semaine dernière : " Je t'entends dire un mot sans qu'on te l'ai demandé, tu seras en simple visiteur sans passage de tests."

 

Purée, on ne nous laisse pas le temps de rêver. A peine le pied posé au sol. Nous sommes pris en main et nous abandonnons le colon. D'abord accueil puis présentation et visite de la base.

Comme nous sommes douze ce qui semblerait beaucoup on nous partage en quatre groupes, le dernier donc le mien, le bonheur d'avoir un nom qui commence par W, direction les tests médicaux. Ceux que je redoutais le plus mais il semblerait que tout soit OK. Sauf que je suis trop jeune et chacune des personnes qui m'adresse ne serait-ce qu'une fois la parole, me le dit, me le répète.

- Oui je sais mais ce n'est pas grave, ce sera fait pour la session 1978.

Et tous semblent soit être amusés, soit être agacés.

- Parce que t'es sûr d'être pris ?

- Non, mais je vais tout faire pour.

Lors de la mesure, la femme me rappelle que je vais sûrement encore grandir et que selon ma taille définitive, je risque de faire pilote de transport et non pilote de chasse. Si elle avait vu mes mains derrière mon dos, elle aurait vu que je croisais les doigts.

 

A midi, nous retrouvons le colon. Avec lui, un gars qu'il me semble connaître, un commandant.

Nous mangeons à la cantine1 mais il vient avec nous. Même là, Richard semble connaître plein de monde qui viennent lui serrer la main. C'est stupide de ma part mais à chaque fois que je vois quelqu'un le saluer, cela me remplit de fierté. Mais une fois assis, l'une des personnes qui lui a serré la main vient nous parler. Je ne sais pas pourquoi mais quand il nous dit bonjour, je me lève et les autres m'imitent.

- Salut les taupins2, il y a six ans, je remplissais de désespoir votre colonel, ne faîtes pas comme moi.

Je fixe Richard, il me fait un léger signe de tête.

- Vous étiez à Aix comme nous ?

- Non, pas comme vous, je me suis arrêté en troisième, et si toi et quelques uns, je ne vous connais pas, certains de tes camarades font semblant de ne pas me connaître alors que j'ai partagé leur dortoir. En tout cas les garçons, je vous dit tout de même merde pour la suite.

Lorsqu'il s'est éloigné, je regarde les autres mecs pour essayer de repérer ceux qui ne l'ont pas salué. Et je ne comprends pas pourquoi.

 

L'après-midi, j'ai droit à l'épreuve du simulateur. C'est ouf ce truc et je m'y éclate.

- Tu as déjà piloté un avion ?

- Oui, je suis breveté planeur et moteur.

Puis test du palonnier, où déjà Andréani, Bachelet et Morvan se voient recalés. J'angoisse puis finalement je trouve ça assez simple.

 

Pour Michel et Jussieu ce sont les tests médicaux qui ont raison d'eux.

 

Pour la nuit, nous nous retrouvons dans deux dortoirs pour dix normalement mais le colon nous partage en deux groupes de six et dort dans notre dortoir, la gueule des autres mecs, c'est très amusant.

 

Réveil à six heures par un Richard déjà habillé, j'hallucine, aucun d'entre nous l'a entendu se lever.

Nous participons au lever du drapeau, faut deux volontaires, je fais mine de vouloir avec un sourire très expressif, il me fusille du regard et choisit Nevière et Despéro. J'ai réussi mon coup, je déteste franchement tout ce qui est "cérémonie".

 

En tout cas, de suite après, on nous distribue un flottant et un tee shirt bleu AA. Oh purée, mais c'est de la torture, et je reste un moment à regarder mes mains avec dans l'une le short et l'autre le tee shirt. L'aviateur déjà en tenue de sport qui vient de nous les distribuer, revient vers moi.

- Tu as un souci le calisson ?

Je regarde Richard, puis-je m'exprimer ? Déjà il lève son pouce vers son cou mais n'achève pas son geste car l'autre a surpris mon regard et s'est tourné vers lui.

- Non,non mon... je ne sais même pas son grade. Je me disais que peut-être dans quelques mois, je porterai effectivement ces vêtements.

- Ah non, si tu es à Salon, ils seront différents.

 

Je m'efforce de rester dans le groupe de tête pendant l'heure de footing auquel nous participons avec une dizaine d'autres militaires.

 

Dès la douche et le petit déjeuner terminés, nous reprenons les tests, écrits et oraux cette fois.

A midi, j'ai peu d'appétit car je n'ai pas su répondre aux questions techniques sur le fonctionnement aussi bien de l'armée que des avions qu'ils m'ont posé.

 

L'après-midi les tests sont plus physiques et là aussi, j'ai l'impression de tout foirer.

 

Le soir, mon lit m'accueille dans un état de nerfs peu compatible avec le sommeil réparateur dont j'ai besoin.

Il me sort du lit où je ressemblais plus à une carpe en manque d’eau qu’à un humain en train de dormir.

- Debout bonhomme, viens avec moi en tenue de sport.

Je suis Richard et nous repartons courir. Quand nous revenons, je n'ai plus aucun mal à m'endormir.



Les autres sont tous déjà en train de descendre dans la cour pour le lever de drapeau mais Richard m'a dit d'attendre dans la chambre.

 

- Aujourd'hui garçon, tu vas avoir droit au psy and co. Tu ne dois jamais hésiter en répondant. Ne fais jamais allusion à tes cauchemars, ni au fait que tu vois déjà le professeur R. à Sainte Marguerite, compris ? Et surtout évite les romans, des phrases courtes toujours positives. Allez viens !

Alors là, il a gagné, j'ai l'impression que tout s'écroule autour de moi. Là, c'est sûr que je vais dire des conneries, c'est ma spécialité. Je le suis la tête baissée, contemplant mes souliers et me répétant en boucle : réfléchis avant de parler. Réfléchis avant de parler… Mais pourquoi n'ai-je pas bouquiné des livres de psycho ? Peut-être parce que ça ne m'intéresse pas et qu'il n'y en a pas dans la bibliothèque de l'école. Quoique ça, ce n'est pas sûr, faudra que je cherche.

 

- Weissenbacher vous attendez quoi ?

Quoi qu'est-ce qu'il y a ? Totalement dans mes pensées j'ai loupé qu'il me désignait comme volontaire pour porter le drapeau. Et flûte !



Encore des tests écrits mais cette fois c'est un QCM qui me pose problème car au trois quart des questions, j'aurais donné une autre réponse. Richard a raison, je dois rester dans les clous et je coche les cases qui pour moi semblent les plus pertinentes. Mais… Une fois finis, j’hésite, je me relis, j’ai envie de tout effacer et de tout recommencer. Je soupire. J’suis perdu. Je lève la tête, je croise le regard du sergent qui nous surveille, il me tend la main, je me lève difficilement de ma chaise. Il me prend mes feuilles, j’ai l’impression que le sol tangue sous mes pieds, ça y est mon compte est réglé. Il les parcourt puis sourit.

- Vas attendre dans le couloir, on t'appellera.

Le cœur au bord des lèvres, je reste à fixer le mur du bâtiment d'en face, le sourire du gars m'a glacé. Puis d'un coup, j'ouvre grand la fenêtre pour voir passer le T33 qui vient de décoller, pour cela je me penche au maximum. Une main vient me saisir par la ceinture.

- Holà mon gars, ne te suicide pas.

J'ai un immense sourire en faisant face au lieutenant-colonel bedonnant et aux cheveux gris à qui j'ai fait peur semble-t-il et que je salue respectueusement .

- Pourquoi voudrais-je me suicider ? Ce serait con, je touche presque au Graal. J'essayais juste d'apercevoir l'avion qui vient de décoller.

- Bon alors, viens avec moi, tu es bien Robert Weissenbacher ?

- Oui mon colonel.

Il a les yeux comme des soleils, marrons clairs et des milliers de petites rides, bon j’exagère… juste… un peu. 

- Je suis le lieutenant Colonel Jeanjean psychiatre de mon état et nous allons un peu parler toi et moi d'avions, tu veux bien ?

D’avions ? Alors là, tant qu’il veut ! Puis je pense au colon et… mon sourire disparaît. Je dois faire attention à ce que je dis.

- Oui mon colonel.

- Pas besoin de me donner mon grade à chaque fois. Alors je vois que tu n'as que seize ans, tu sais que tu es trop jeune ?

Je soupire.

- Oui mais j'ai l'habitude, j'ai toujours été trop jeune.

- Et ce n’est pas toujours facile, non ? Expliques-moi ?

Il me fait entrer dans son bureau en premier, une main sur mon épaule. Il me laisse devant son bureau. Il y a deux chaises, je reste debout.

- Maternelle à deux ans et demi, CP à quatre ans, sixième à huit ans, bac à quatorze.

Il a une petite moue appréciative accompagnée d’un petit geste de la tête. Je me suis tû. Il s’arrête, me regarde, mon dossier toujours ouvert dans ses mains. Je pense au colon… je ne dois que répondre à ses questions et oublier les romans.

- Et à Aix, cela se passe comment ? Car certains de tes camarades ont six ans de plus que toi.

- Bien, pour la première fois, on ne m'a pas fait sentir cette différence d'âge.

Il semble surpris.

- Et toi, tu la ressens cette différence ?

Je décide d'être franc, Richard est mignon mais si je mens je serai mal à l'aise et lieutenant-colonel le verra.

- Quand je suis arrivé je n'étais pas pubère, j'enviais leur taille et ... leurs poils. Et voilà, il se marre, il me prend pour un con. Je respire un bon coup. Maintenant, je ne la ressens plus surtout que musculairement j'en ai dépassé certains.

Il est maintenant, assis dans son fauteuil comme mon psy de Marseille, les jambes croisées, les mains croisées aussi, à plat sur son genou. 

- Donc tu es sportif.

Pour l’instant ses questions me vont.

- Oui, on peut dire ça.

- Et pourquoi veux-tu être pilote?

Ah celle-là, j’y ai déjà beaucoup réfléchi.

- A cause de mon grand-père qui s'est engagé dans la RAF pendant la guerre et de mon tuteur qui est pilote aussi et que j'ai pris comme modèle.

Là, il semble intéressé.

- Ton tuteur ? Tu es orphelin ?

Coco c’est écrit sur le dossier que tu as sous le nez.

- Non, mes parents ont perdu leurs droits parentaux pour maltraitance aggravée.

- Oh ! Pourrais-tu m'en parler ?

- Je pourrais mais pour moi c'est du passé et je préfère donc m'en abstenir.

- D'accord je note. Mais attends, cela s'est passé en soixante-quinze, non ? Voilà pourquoi ton visage me disait quelque chose Bien bien et qui est ton tuteur ?

- Le colonel Granier.

Il s’est redressé et se met face à son bureau et parcourt mon dossier.

- Ah oui je vois, le directeur de l'école, évidemment, bien sûr. Pourquoi veux-tu lui ressembler ? Tu le trouves beau ?

Quoi ? C’est quoi cette question à la con ?

- Ah bin ça, je n'y avais jamais pensé. J'en sais rien. C'est un homme. Il doit sûrement l'être. Je veux lui ressembler parce que c'est un pilote et qu'il est ce que j'espère devenir. Mais aussi parce que je lui suis reconnaissant pour tout ce qu'il a fait pour moi, qu'il a su m'apporter et me donner.

- Peux-tu m'expliquer.

Je reprends mon souffle et déglutis, c’est maintenant que je dois faire gaffe à ce que je vais raconter.

- Je vais essayer. D'abord lui et sa femme lorsque je suis avec eux me traitent comme leur fils. Si l'école militaire m'a appris la patience et l'obéissance. Eux m'ont montré ce qu’était une vraie famille. Pas comme celle où j'ai grandi, régie par la peur et le manque qu’il soit matériel, on était très pauvres et je n'ai mangé plus ou moins à ma faim qu’à partir de mon arrivée à l'école. Ou au niveau des sentiments car avant même avec ma copine, je ne savais pas ce qu'était la tendresse et penser aux autres.

Il a posé mon dossier et me fixe.

- Et aujourd'hui, tu penses avoir changé ?

- Oh oui monsieur, j'ai découvert, appris et je continue à apprendre.

Et là… le mec, il me sèche.

- Et donc tu ne veux pas devenir pilote car tu aimes les avions ?

- Oh si, ma chambre chez mon tuteur et à l'école ont les murs couverts de posters d'avions. Je lis tous les livres que je trouve dessus. Quand je serai plus vieux dans mon appart j'aurais une télé pour regarder les chevaliers du ciel et d'autre films

- Ton tuteur n'a pas la télé chez lui ?

- Si, si bien sûr.

- Et bien je vais te rendre ta liberté car je dois en voir d'autres. En tout cas je te souhaite d'arriver à être celui que tu veux devenir et tu sembles être sur le bon chemin.

Richard est dans le couloir avec Vermont et Despéro. Il serre la main du psy qui l'invite à entrer, nous laissant tous les trois seuls dans le couloir.

Les deux sont inquiets pour moi.

- Dis donc, il t'a gardé longtemps.

Je change de sujet.

- Vous avez réussi les tests vous ? Despéro semble sûr de lui, pas Vermont. J'aimerais bien aller dans la centrifugeuse.

Vermont devient vert rien que d’y penser.

- Non ! Ne me dis pas qu'on va y avoir droit, je suis sûr que je gerbe de suite moi.

Despéro se met à rire.

- Moi, j'ai trouvé l'infirmière super canon.

- Quelle infirmière ?

Vermont et moi nous nous regardons surpris. Pour nous qui sommes passés quasi ensemble, pas de nana, juste des vieux mecs tout rabougris.

Richard sort du bureau du psy. Il semble énervé.

- Vermont à vous. Vous deux vous attendez avec moi. Quoique toi, j'ai envie de te faire satelliser.

- Quoi ? Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai encore fait ?

Mais je repère à son petit sourire et les coins de ses yeux légèrement plissés qu'il est content, qu'il contient son sourire.

- Je t'avais dit de parler le moins possible.

Je hausse les épaules.

- C'est ce que j'ai fait. Je n'ai donné que des réponses succinctes. J'ai même refusé de parler de mon passé.

- Ah oui ça je sais. Du coup c'est moi qui ai dû raconter à ta place.

- Mais il a pas le droit, c'est mon histoire, c'est mon passé, si je ne veux plus en parler c'est mon droit, non ? Il se prend pourquoi ce bibendum.

- Robert !

Il peut m’engueuler m’en fous, je vide mon sac.

- Quoi ? Ras le bol, j'en ai marre d'être réduit à mon passé, comme si je ne pouvais exister qu’à travers ou grâce ou à cause de lui. Mon passé je l'ai enterré, je ne veux plus qu'on m'en parle, marre, marre marre.

J'ai les poings serrés, raide face à Richard, je dois donner l'impression que je vais lui rentrer dedans car Despéro semble limite effrayé.

Richard me serre contre lui et me chuchote à l'oreille.

- Calme, calme, il ne faut absolument pas qu'il te voit comme ça. Calme ! Il me lâche et je me mets face à la fenêtre mais d'un coup, je pars en courant vers la cage d'escalier où je boxe le mur. Je l'entends dire à Despéro de ne pas bouger et je le vois arriver en courant lui aussi. Tu veux tout louper ?

- De toute façon, je suis trop jeune, ils me l'ont tous dit, faudra que je refasse tout ça l'année prochaine, alors bon. Il me tient par les bras et me fixe.

- Qu'est-ce que je t'ai déjà dit ?

Je le regarde dans les yeux.

- Jamais renoncer car sauf si on est mort, il y a toujours de l'espoir.

- Bon retournons avec ton camarade.

 

C'est Thierry qui nous attend, Claude est entré à son tour et nous voyons arriver Hugo et Michel accompagnés d'un aviateur qui salue Richard puis s'en va.

 

L'après-midi encore des tests.

 

Le soir, débriefing avec des galonnés qui nous disent que nous recevrons nos réponses dans un mois.

Lorsque un autre lieutenant-colonel nous demande si nous avons des questions, je lève la main et Richard se raidit.

- Pardon mon colonel, la centrifugeuse ne fait pas partie des tests ?

Je vois tous les gradés y compris Richard avoir un immense sourire. Le lieutenant-colonel regarde sa montre, se tourne vers ses collègues et l'un d'eux s'éloigne.

- Tu aurais voulu tester ?

Cette fois, c'est moi qui ai le sourire.

- Oui, mon colonel.

- Approche. Ton nom ?

- Weissenbacher

- Ah c'est toi ? Il a posé une main sur mon épaule et me détaille de la tête au pied. L'autre gradé est revenu et fait un signe de tête au colonel. Mon commandant, pouvons-nous ?

- Oui.

- Bon alors suivez-moi.




Dans un couloir, il toque à une porte et me pousse dans une pièce où un homme en blouse blanche me dit de me mettre en tee shirt, il m'applique des fils sur la poitrine et les fait ressortir par le col et les joint à d'autres fixés sur ma tête.

Les tenant tous dans une main, il m’emmène dans une autre pièce et là me fait m'asseoir dans la machine infernale après avoir enlevé mes chaussures et ouvert ma ceinture et mon pantalon. Il me brêle au siège et fixe les fils sur la paroi derrière moi.

- Ça va ? Si tu veux qu'on arrête fait ce geste, d'accord ? De toute façon, on te surveille de là-haut sur un écran et tu es filmé.

Je lève les yeux et dans une salle en surplomb, je vois d'autres blouses blanches mais aussi les collègues et Richard. Je leur tire la langue. La cabine est bien fermée. Lorsqu'elle commence à tourner, j'ai un peu le trouillomètre à zéro puis je me dis que je ne risque rien.

Au-début c'est drôle mais bientôt j'ai envie de vomir et j'ai l'impression d'être totalement écrasé. J'ai l'impression que mes os vont tous être réduits en bouillie mais déjà la pression redescend. Et lorsqu'elle stoppe, je suis déçu, je ferai bien un autre tour.

 

- Félicitation jeune homme, tu as une sacrée résistance.



En nous dirigeant vers le mess, nous assistons au départ de deux mirages IIIC pour notre plus grand bonheur.



Il ne nous a pas demandé de nous dispatcher dans les deux dortoirs et comme un seul homme nous sommes tous entrés dans celui dont il a ouvert la porte en premier.

Il est debout dans le couloir et son regard passe sur chacun de nous. 

- Bon les garçons pour cette dernière soirée, je vous laisse seuls, je vais vous faire confiance, à dix heures, extinction des feux, compris ?

Je le regarde.

- Tu… vous allez où mon colonel ?

Il fait claquer son calot sur sa cuisse, amusé.

- Et en quoi cela vous regarde-t-il ? Il se met à sourire, je vais rejoindre d'anciens copains d'escadre. N'oubliez pas vingt-deux heures. Ah oui, j'ai ça pour vous puisque vous avez tout fini.

Et il jette sur le lit devant lui, quatre tablettes de chocolat et une boîte de bonbons.

 

Après son départ, on laisse Xavier faire le partage car avec lui on sait que ce sera vraiment équitable.



Despéro me fait signe de venir avec lui, on va dans l'autre chambre. Pourquoi veut-il qu'on s'isole ?

- Si t'a besoin de parler de ce qui s'est passé cet après-midi. Il est quoi pour toi le colon ? Il y a plein de rumeurs qui tournent sur vous deux.

Je hausse les épaules et retourne dans l'autre chambre.

 

Des groupes se forment pour s’asseoir sur les lits par quatres autour des propriétaires des jeux de cartes. Bex se tourne vers nous.

- Et bé vous êtes des rapides tous les deux, c'était bon au moins.

- Olivier, t'es qu'un gros con !

- Et toi un sale pd.

Despéro se met devant moi, comme moi il serre les poings.

- Répète ça ?

Xav à son tour vient se mettre entre nous deux ainsi que Vermont. Mais Bex se lève et enfonce le clou.

- Si l’autre l'est pas un pd, il fricote quoi avec le colon, y a des parents qui veulent plus d'un pd pour dirlo.

Je n’en peux plus de ces allusions, 

- Mais vous êtes tous franchement trop cons, c'est mon père, il m'ont adopté car mon géniteur a abusé de moi et m'a tellement fracassé avec l'accord de ma mère qu'il m'a laissé pour mort.

Je ressors et vais me rouler en boule dans un coin de l'autre chambre dont j’ai fermé la porte, restant dans le noir.



J'entends la porte s'ouvrir doucement et des pieds se mettre en cercle autour de moi. Je rentre la tête attendant je ne sais pas quoi mais pas quelque chose d'agréable.

Ils poussent les lits et s'asseyent en tailleurs autour de moi.

- Désolé d'être un gros con.

Olivier s’est assis juste à côté de moi.

- C'est ça toutes tes cicatrices ? me demande Xavier.

Maxime aussi s’excuse.

- Pardon d'avoir pensé des conneries, le prochain que j'entends dire des trucs sur toi, je le bute.

Par contre Xavier ne comprend pas.

- Mais pourquoi t'as rien dit depuis le début ?

- Et Garrot ? me demande alors Michel

- Quoi, Garrot ?

Je ne sais pas si dans cette obscurité ils voient ma tronche mais là franchement elle affiche une incompréhension totale.

- Bin oui, Garrot et toi ?

- Garrot franchement, je donnerais ma vie pour ne plus partager ma chambre avec lui. J'ai hâte que ce soit les vacances pour être débarrassé de lui.

Yann me pose une main sur l’épaule. J’ai un frisson. Je me retiens de réagir violemment, trop violemment.

- Maintenant gros, tu veux bien nous raconter ?

Je soupire, puis je lève la tête et les regarde, je ne vois pas leurs visages mais je sais que tous me fixent. Je l'ai raconté à Claude et à Marion, pourquoi pas à eux ?



Lorsqu'il revient à onze heures, nous ne sommes pas couchés, il va nous engueuler en nous surprenant, mais pendant un moment, il reste à nous écouter parler, puis allume la lumière. En passant devant lui chacun de nous s'excuse. Deux minutes plus tard nous sommes tous couchés.



Le réveil pique un peu mais à neuf heures nous sommes dans le train direction Le Mans. C'est un TER où nous n'avons pas de place donc où nous restons debout dans le compartiment vélo. Juste que, dans le compartiment d'à côté, il y a quatre filles très mignonnes mais Richard est intraitable et même Xav se voit menacé d'être puni. Moi je sais que si les punitions ne pleuvent pas c'est d'abord parce qu'il est content de nous mais aussi, je le connais bien, qu'elles tomberont plus tard.

 

Dans le train suivant nous avons des places dans trois compartiments de huit ce qui énerve Richard. Finalement en faisant des échanges ils réussit à nous garder un compartiment entier de huit où nous nous entassons tous les douze. Lui s'exile dans le compartiment contigu mais débarque tout le temps. Je finis par me sacrifier et Xav vient avec moi pour aller lui tenir compagnie et finalement Michel nous rejoint aussi. Une heure plus tard, il nous laisse pour aller s'installer dans l'autre compartiment et Despéro vient nous rejoindre.

Assis devant la fenêtre, je laisse mon esprit vagabonder. D’un coup Xavier tape sur ses cuisses.

- Claude sort les cartes, on se tape une belote, Bob t'es avec Michel.

Peuvent pas m’oublier ?

- Pff je suis obligé de jouer ?

Trois voix me répondent.

- Oui !

- Dîtes moi les jeunes, vous êtes dans quelle école ?

Nous nous retournons sur un des quatre autres hommes qui sont assis avec nous.

- Lycée militaire d’Aix en Provence.

- Vous êtes loin de chez vous.

- Non pas moi, ma famille est de Niort.

- Pourquoi tu n'as pas choisi Autun, c'est plus près de chez toi ?

- Mon père qui a choisi, déjà j'ai évité la navale. Mais là, j'avais prévenu mon père, je me casse d'une manière ou d'une autre.

Là, Xavier m'en bouche un coin, jamais je n'aurais pensé qu'il puisse être capable de se rebeller contre une autorité quelle qu'elle soit.

Claude distribue les cartes, mon jeu est noir comme mon âme…

- Bon Bob, tu prends ou pas ?

- Non j'ai pas de cœur.

Xavier lève les yeux au ciel.

- Non, tu recommences.

Michel souffle exaspéré.

- Il ne recommence pas, il le fait exprès.

Claude soupire.

- Robert t'es chiant.

Je leur montre mes cartes.

- J'ai dit que je ne voulais pas jouer et puis je ne mens pas, regardez j’ai que du pique ou du trèfle et aucun habillé.

Despéro m’arrache les cartes des mains

- Fous le camp, vas rejoindre ton pater, t'es aussi chiant que lui et envoies-nous un autre gars.

Dans l'autre compartiment ça pue.

Richard fronce les sourcils en me voyant débarquer.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Il leur faut un quatrième pour la belote et moi je déteste jouer aux jeux de cartes.

Il a d’un coup un grand sourire et se lève.

- Oh tiens, c'est une bonne idée ça, je vais faire le quatrième.

Quand je le vois sortir, je le suis pour me délecter de la tête des trois autres qui est, il faut l'avouer, absolument impayable.

Quant à moi, je me glisse à sa place et je me laisse aller à dormir.

A midi, Richard me réveille en me donnant deux sandwichs et une bouteille d'eau comme aux autres.

 

A Marseille, nous entrons en force dans le TER pour Aix qui commence à démarrer.

 

Le soir quand Garrot me demande comme Claude :

- Alors ça c'est bien passé ?

Je lui réponds:

- Tu sais que t'es trop jeune !

 

Et ce soir-là, en me couchant, j'aimerais pouvoir me réveiller un an plus tard.



1 Mess des hommes du rang.

2  Élèves de classe de prépa

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15 novembre 2010

Caths samedi 7 Mai 1977 premiers pas

Caths samedi 7 Mai 1977 premiers pas

 

Dans les bras de Michka, Roberta hurle à plein poumons.

Elle veut qu’on la pose au sol mais son bourreau refuse.

- Non mademoiselle. Je te poserai sur le trottoir lorsque tu marcheras debout. Là, je ne peux pas, les gens vont te marcher sur les doigts. Oh Roberta !  Le ton d’un coup sec et grave d’homme surprend la gamine qui regarde interrogative Michka, ne reconnaissant pas cette voix.  Et oui, je peux aussi me fâcher mademoiselle. Tu sais marcher sur tes deux pieds alors ras le bol que tu joues au petit chien.

La gamine tend alors les bras à sa mère  par-dessus l’épaule de celle qui vient de la gronder.

- Je ne peux pas te prendre bébé, j’ai les mains pleines, regardes. Catherine lui montre les sacs en plastique remplis de courses qu’elle porte. Alors elle se met à pleurer doucement, essuyant son petit nez sur le tee shirt de Michka. Mais oui comédienne. Qu’est-ce que tu es malheureuse dis donc. J’aimerais bien moi aussi que l’on me porte.




- Ah vous voilà ! Vous nous rapportez quoi de bon ?

Catherine vide les deux sacs devant Typhaine qui s’empresse de tout ranger dans les caisses qu’elle a dégagées en soulevant un matelas et la planche en dessous.

Michka pose la puce sur sa couverture. D’abord celle-ci commence par passer en revue les jouets étalés autour d’elle puis d‘un coup se met à quatre pas et s’avance vers les trois femmes mais s’arrête et semble réfléchir.

- Tach regarde ta fille !

La petite fille debout, bras tendus vers Michka, se met à rire et d’un pas maladroit va se jeter dans les bras de son bourreau.

Sa mère applaudit, submergée par un souvenir.

…………………………………………………………………

- Robert sors de là !

Angélique saisit son petit frère de cinq ans et le sort sans douceur du parc où les deux dernières, Victoire et Victorine jouent avec des peluches et divers ustensiles en bois.

- Je veux jouer aussi !

- T’es trop grand pour jouer avec des peluches.

Il boude, Catherine le serre dans ses bras.

- Tu joueras avec les miennes quand tu viendras à la maison.

- Catherine ne le traite pas comme un petit bébé sinon il va continuer. Aller pousse-toi, t’es au milieu. Vous êtes au milieu tous les deux.

- Arrêtes d’être méchante avec eux, c’est pas de leur faute s’il a encore neigé et qu’ils ne peuvent pas sortir jouer dehors.

Angélique hausse les épaules puis, reprenant ses aiguilles, se remet à tricoter, assise à côté de sa mère.

- J’ai hâte que les vacances soient finies et qu’on puisse retourner en cours.

- Moi aussi, je veux retourner à l’école !

Cette fois debout sur une chaise, le garçonnet trépigne en faisant des grimaces.

En chœur, plusieurs voix lui disent d’arrêter et de descendre. Mais au lieu d’obéir, cette fois c’est sur la table qu’il danse devant Catherine qui rit de ses bêtises. Mais la porte s’ouvre et il saute au sol et court se réfugier derrière les chaises de ses sœurs suivi par Catherine.

Le père enlève sa lourde pelisse recouverte de coton enduit et la suspend derrière la porte.

- Adélaïde, ma douce, j’ai faim, est-ce que ce sera bientôt prêt ?

- Nous t’attendions.

- Et voilà mes deux dernières princesses. L’une après l’autre Karl prend les jumelles pour les embrasser puis les poser au sol. Ces enfants ne sauront jamais marcher si vous les laissez tout le temps là-dedans. Annie vient les changer, elles sont mouillées. Faut-il donc que je doives vous dire tout ce qu’il y a à faire dans cette maison ? Bientôt la table est dressée et si Angélique aide sa mère à servir la soupe, les autres prennent place autour de la table. Lui coupe de grosses tranches de pain dans une énorme miche encore chaude que sa femme a sorti il y a peu du four. Annie se penche au-dessus du parc pour y poser les bébés. La claque sonore qu’elle prend sur l’arrière des cuisses la fait se redresser. Pose-les par-terre.

- Mais Papa, le sol est trop froid.

- Et bien si elles ont froid, elles se mettront debout. Elles ont seize mois, il est temps qu’elles marchent. Quant à moi, je vais me saisir de ce parc pour allumer le feu dès demain matin.

Annie cherche le regard de sa mère mais celle-ci lui tourne le dos. Son père la fixe toujours, et précipitamment, elle lui obéit.

Les fillettes pourtant en robe courte en laine au-dessus de leur couche en tissu, ne semblent pas sentir le froid sur leur jambes nues.

Elles commencent par avancer vers les pieds des chaises, l’une à quatre pattes, l’autre plus ou moins sur genoux. Cette dernière saisit un pied de chaise et se hissant, se redresse grâce à lui. Sa sœur l’imite. Passant de chaise en chaise, elles font le tour de la table sous les yeux attentifs de leurs grandes sœurs.

Arrivées à celle de leur frère, elle le tape avec leurs petites mains cherchant à attirer son attention.

Il essaie d’en hisser une avec lui mais vu le peu de différence de taille entre eux,elle ne décolle même pas du sol.

- Mange et laisse tes sœurs.

Discrètement, il leur passe des petits bouts de pain qu’elles gardent au creux de leurs menottes.

Dès qu’il a fini de manger, il descend de sa chaise et apporte son assiette à sa sœur, Astrid, debout devant l’évier.

- Robert attention, ne bouge plus.

Toutes les têtes, alertées par le cri de leur mère, se tournent vers lui. Les deux petites filles ont lâché les chaises pour parcourir bras tendus en avant le mètre qui les sépare de lui.

Heureusement que sa sœur est derrière lui pour le soutenir car il n’a pas la force de les tenir toutes les deux.

Leur père est ravi.

- Tu vois Annie, le froid, c’est très efficace !







15 novembre 2010

Robert samedi 7 Mai 1977 50 francs

Robert samedi 7 Mai 1977 50 francs

 

L'homme qui referme la porte derrière lui après avoir allumé la lumière, n'est ni Lorient ni Gâche, sa chemise étant bleue et non kaki.

- Ptain, foutait quoi là, le c'lon ?

- Qu'est-ce que j'en sais moi ? Les autres sont peut-être morts. En tout cas, s'il est dans les parages bouge ton cul.

 

Bizarrement ce matin, il est aussi rapide que moi et je m'aperçois amusé, que nous sommes pas les seuls à avoir accéléré la cadence.

 

En tout cas sous la douche nous n'avons qu'une question : ça cache quoi ? Ceux qui doivent partir en week-end. Tout comme ceux qui, comme moi, comptent sortir en ville cette après-midi, angoissons un peu.

 

Mais en découvrant l'enveloppe bleue marquée : Robert, argent de poche, mois de Mai, glissée dans mon cartable, je deviens le seul de l'étage à ne plus trembler.

Au contraire.

14 novembre 2010

Richard vendredi 6 Mai 1977 argent de poche

Richard vendredi 6 Mai 1977 argent de poche



- Richard ! Corine et moi, avons une grande nouvelle à t'annoncer.

- Oh ! Aurait-elle promis de ne plus hurler ?

- Non, là, je crois que tes espérances dépassent ses capacités. Nous sommes allées toutes les deux à l'école maternelle pour l'inscrire. Alors voilà, ta dernière fille portera à son tour les mignons petits tabliers qui dorment depuis Françoise.

- Maman m'a dit qu'elle me fera des nœuds roses.

- Oh ! Et tu seras la plus belle des petites filles.

Véro se penche vers sa petite sœur.

- Te prends pas la grosse tête, il dit ça à toutes ses filles.

Corine la repousse et lui tire la langue.

- Toi, Robert a dit : t'es vilaine.

- Tiens lui, il y a longtemps qu'on ne l'a pas vu.

- Et bien Isabelle, tu risques, nous risquons, de ne plus le voir beaucoup. Et même peut-être plus du tout.

- Oh mais pourquoi ? Je m'étais habituée à avoir un petit frère à torturer, ça me changeait de mes sœurs.

Les filles en voyant leur père comme leur mère non décidés à répondre, se regardent intriguées, mais préfèrent se taire. Sachant que dans cette situation, la seule chose qu'elles allaient obtenir c'est de se faire envoyer au lit avant l'heure. Et ayant obtenu d'éteindre à vingt heures trente au lieu de dix-neuf heures trente comme leurs petites sœurs. Elles préfèrent conserver ce privilège et changer de sujet.

- Oh fait Papa, n'as-tu pas oublié quelque chose ?

- Moi ? Non ! Je n'oublie jamais rien.

- En attendant, on est déjà le six.

Richard lève vers sa femme un regard interrogateur.

Celle-ci frotte son pouce à son index en souriant.

- Oh, ça ! J'ai décidé que je le supprimais à partir de ce mois-ci.

Les deux grandes du coup expriment leur désaccord.

- Hé non pourquoi ?

- Non, Papa c'est pas juste.

- J'entends encore un mot et c'est extinction des feux à dix-huit heures. Gisèle se tourne pour ne pas rire. Françoise l'a remarqué et fait signe à ses sœurs. Quant à toi : Corinne Granier. Tu manges ton poisson ou je me fâche pour de bon.

- Non, pas bon le poisson !

- Et depuis quand le poisson n'est-il pas bon ?

Le visage de la petite coquine se fend d'un très grand sourire.

- Robert l’a dit !

- Oh celui-là, il dit tellement de connerie que ça finit par se retourner contre lui.

Corinne prend un air outragé puis secouant son doigt sous le nez de son père.

- Est vilaine Papa. Tu as dit : connerie, c'est un gros mot.

Là, son père semble en pleine désespérance.

- Qu'est-ce qu'on a fait Gisèle ?

- Non qu'est-ce que tu as fait Richard !

- Désolé, mais c’est ton idée au départ.

- Oui et bien écoute, tout le monde fait des erreurs.

- Oui mon amour, tout le monde. Et il faut savoir pardonner.

Un silence monacal tombe sur la petite cuisine. Les filles intriguées fixant leur mère, qui change de sujet.

- Tiens au fait, à l'école, j'ai rencontré Madame Delacroix qui venait aussi inscrire son petit dernier. Il est d'ailleurs adorable ce petit Timéo. Un vrai visage d'ange. Bref, elle m'a proposé d'être bénévole au Secours Catholique. J'ai dit oui, puisque je n'aurai plus d'enfant à la maison. En attendant, j'ai inscrit ta fille à la halte garderie de l'école, c'est le même prix que la maternelle. Cela la préparera pour septembre.

- Tu as eu raison. Cela vous fera du bien à toutes les deux. Et le mercredi embauche donc tes grandes à garder leurs jeunes sœurs, ainsi elles auront l'impression de réellement gagner leur argent de poche.

- On fait déjà toutes nos corvées.

L’homme fixe sa fille.

- As-tu un problème Véronique ?

Elle secoue la tête puis lui adresse un grand sourire en faisant papillonner ses yeux.

- Non Papa. Mais en Mai, il y a deux anniversaires.

Amusé son père fixe sa femme en fronçant lles sourcils.

- Deux ? Gisèle m'aurais-tu fait un enfant caché ?

Cette dernière semble ne pas comprendre.

- Moi ?

- Papa, tu es bête …

Là il ne sourit plus.

- Pardon ?

L’ado grimace comprenant qu’elle n’aurait pas dû s’adresser à lui, cette manière surtout en espèrant lui soutirer de l’argent.

- Désolée... Celui d'Isabelle est le premier juin. C'est presque en Mai.

L’intéressée sourit moqueuse à sa puînée.

- Oh c'est gentil ça, tu vas m'offrir un cadeau.

Véronique lui rétorque.

- Oui comme chaque année. Contrairement à toi, moi, j'offre toujours un cadeau à tout le monde. J'envoie même des lettres à ceux qui n'habitent pas avec nous. Toi, tu te contentes de manger le gâteau et de signer la carte de Maman.

Sa mère derrière elle agite son torchon en signe d’assentiment.

- Richard. Je ne peux que soutenir Véronique. Ce qu'elle vient de dire est des plus justes.

Richard sourit en tapant légèrement sur la table des ses mains à plat comme s’il venait de prendre une grande décision.

- Bon, alors, je vais lui donner aussi l'argent de poche d'Isabelle.

Mais cette dernière ne semble pas d’accord.

- Hé non !

Pendant que Véronique regarde son père sidérée. Isabelle finit son assiette furieuse. La petite voix de Yvette se fait entendre.

- Moi aussi, je veux bien avoir de l'argent de poche. Je suis assez grande maintenant.

Encore une fois Gisèle commente affirmativement les dires d’une de ses filles.

- C'est exact ma chérie. Richard, ta cadette a treize ans et à cet âge tu en donnais à ses sœurs.

Il semble d’accord et montre Yvette de la main.

- Bon alors, c’est réglé, l’argent de poche d'Isabelle ira à Yvette.

Là c’est sa cadette qui n’est plus d’accord.

- Hé non, tu me l’as donné à moi en premier. Donner c'est donner et reprendre c'est voler.

Cette fois c’est Isabelle qui réagit.

- Ouais, bin, dans ce cas là, c'est moi qu'il a volé en premier.

 

Richard soupire, passe sa serviette dans son anneau puis va la ranger dans le tiroir qu'il reste une minute à regarder pensif.

- Mon amour, je vous laisse entre femelles. Je vais m'isoler dans mon bureau.



- Toc toc! Elles sont toutes couchées. Non sans mal. Tu nous as mis la révolution ce soir, jeune homme. Je viens boire ma tisane avec toi, si tu le veux bien ?

Richard fait reculer son fauteuil.

- Oui bien sûr. Poses ton plateau ici. Et viens t’asseoir..

Dit-il en tapotant ses cuisses.

- Oh monsieur ! Serait-ce une proposition indécente ? Je ne sais pas si je dois accepter.

Elle fait semblant de résister quand il lui entoure la taille de ses bras.

- Jeune fille, je vous aime. Vingt ans bientôt que je suis tombé sous votre joug. Comment cela est-il possible ?

- Déjà ? J'ai toujours l'impression que c'était hier. Tu es toujours aussi beau et charmant. Ne vieilliras-tu donc jamais ?

- Hélas... Pour le bénévolat, tu as eu raison. De même, si tu veux retourner travailler, vas-y, je te soutiendrai.

- A part par exemple, pour remplacer Madame Lang, non. Le bénévolat me convient largement. Je vais pouvoir passer plus de temps derrière ma machine à coudre. Bientôt tes filles vont se marier et j'aimerais être capable de leur coudre moi-même leur robe.

- Arrêtes de parler de choses qui fâchent. Le premier garçon qui s'approche de mes princesses, je l'occis sans procès.

Gisou se met à rire et l'embrasse sur le front.

- Oh ! Pauvre Jérôme, il sera veuf et n'aura plus de fils.

- Quoi ?

- Tu n'avais donc rien remarqué entre Isabelle et lui aux dernières vacances ?

- J'avoue, non ! Ah bin ça ! Et tu en as d'autres comme ça ? Et Véronique, un prétendant aussi ?

- A une époque, j'aurais pu dire Robert, mais aujourd'hui je sais que non. Quoique aux dernières vacances, ils avaient l'air de bien s'entendre. Mais Yvette m'a dit qu'ils se disputaient toujours autant.

- Ah tu sais, qui aime bien châtie bien.

- Non ! Monsieur n'aime pas les rousses qui puent.

- Gisèle ! Tu as tes torts dans l'histoire. Elle fait mine de se lever, il l’en empêche. Non, tu ne t'en vas pas, mère de ta fille au même sale caractère. Moi, je l'aime ma rousse qui pue, son odeur c'est mon oxygène.








13 novembre 2010

Robert samedi 16 avril 1977 kdo d'anniversaire 1

 Robert samedi 16 avril 1977 kdo d'anniversaire 1

 

Hier, Lorient en faisant le contrôle des chambres et donc des armoires a vu la bouteille de calva et sa bougie au fond de mon placard et m'a gentiment fait comprendre qu'elle devrait avoir disparu vendredi prochain mais l'anniv de Richard c'est le trente Mai, je vais faire comment, d'ici là ?





Jérôme à huit heures avant l’arrivée du prof, déjà assis, se tourne vers moi.

- Tu sors avec nous cet après-midi ?

- Vous comptez faire quoi ? Et vous comptez aller où ?

- Un coca, peut-être un ciné. Les filles.

Là, tous font : Cuisssssss !

Je leur montre mes poches vides.



Dix heures, pendant la récré, je prends mon courage à deux mains et ne le remets pas à demain. Là, je suis au pied du mur.

Mademoiselle Dionis n'est pas là, je toque donc direct.

- Entrez ! Ah, tiens, le Putois. 

Je fais la grimace sans vraiment oser le regarder en face. Pourtant je le vois sourire.  

- Tu sais qu'ici, tu n'es pas en odeur de sainteté. Ajoute-t-il

Je torture tellement mon calot que s’il avait été mouillé, maintenant il serait expurgé de toute humidité. 

- Je me suis excusé.

Il ferme son gros stylo encre noir avant de le poser devant lui.

- Et tu crois que cela suffira ?

Je regarde mes chaussures que je trouve mal cirées.

- Je ne le pensais pas.

Il se laisse aller brusquement en arrière. Surpris, je le regarde, je l’ai énervé cela se voit sur son visage et dans ses gestes saccadés.

- Oui tu l'as dit. J’ai cru qu’il allait ajouter quelque chose, mais non il se contente de secouer la tête, sa main se lève pour retomber sur sa cuisse. On dirait qu’il cherche ses mots. Mais elle est rancunière.

Je le fixe. Pitié monsieur ! Pitié mon colonel… Richard ? Mon estomac se tord comme mon calot dans mes mains.

- Je devrais faire quoi ?

- Rien ! T'es foutu. Il n'y a plus rien à faire… Et comme je suis son mari, je suis obligé de l'être aussi. Il se tait. Il me fixe maintenant, silencieux. Puis se redresse et appuie ses bras sur son bureau. Bon sinon que me voulais-tu ? Ce que je veux ? Est-ce que cela a encore de l'importance ? J'ai tout gâché, j'ai tout détruit. Il élève la voix. Alors ? Je sursaute. Aurais-tu perdu ta langue, ne saurais-tu plus que siffler comme les vipères ?

- Non,... Ai-je encore le droit de l’appeler Richard ? De toute façon, nous sommes dans le cadre de l’école, alors… Mon Colonel. On est samedi, je venais simplement vous demander s'il me serait possible d'avoir un peu d'argent de poche ?

Il ne dit rien. 

De nouveau, adossé en arrière dans son fauteuil, le bras droit posé debout sur son accoudoir, il a repris son gros stylo encre noir et le fait tourner entre ses doigts comme un magicien.

Debout, droit, j’ai relevé la tête et j'attends les yeux fixant le vide au-delà de sa fenêtre, qu'il veuille bien rompre le silence en me donnant une réponse qu'elle soit positive ou négative.

Il pose son stylo puis croise ses mains devant lui, à nouveau appuyé sur son bureau.

Il le fait reculer puis à nouveau s'y laisse aller en arrière, continuant à me fixer.

Enfin, il se lève et une fois de plus vient s'asseoir sur son bureau. Je remarque alors, qu'ainsi, il est plus petit que moi et je ne ressens plus ce sentiment d'écrasement que je ressentais avant, lorsqu'il se mettait comme cela devant moi.

- Tu veux combien ? Que veux-tu t'acheter avec ? Vous comptez aller au cinéma avec tes copains ? D'ailleurs en parlant du cinéma, la direction s'est plainte à moi de votre incorrection, donc essayez d'être plus… discrets. Je fais semblant de ne pas comprendre mais d’un regard il me fait comprendre qu’il n’est pas dupe.  Bon, alors combien ? Tiens voilà vingt francs cela devrait te suffire, je pense. C'est ce que je donne aux filles chaque mois. C'est vrai que je n'ai jamais pensé à le faire avec toi.

Il se tait. Il ne m’a pas laissé le temps de répondre à ses questions. Mais espérait-il vraiment des réponses ?

Il sort le billet de son portefeuille qu’il pose derrière lui sur son bureau. 

Il tient le billet entre le majeur et l'index mais ne me le tend pas. Il pose sa main droite qui le tient sur sa main gauche posée sur sa cuisse.

Puis il soupire et me le tend.

- Merci !

Je le prends lentement sans précipitation. Je sors mon propre portefeuille et le glisse dans l'emplacement adéquat.

Il se saisit du vieux portefeuille que j’ai récupéré au chalet  dans un carton au grenier. Il sourit, le tourne en tous sens, puis en sort ma carte d'identité et la fixe. Compte les quelques centimes qui me restent dans la partie porte-monnaie. Il secoue la tête, soupire et me le rend.

- Amuse-toi gamin. Puis la main posée sur ma nuque, légère et ferme tout de même, il me raccompagne dans le couloir. Je vais pour le saluer. Laisse tomber, file.

Il sourit, je le lui rend puis m'éloigne.

Au moment de passer la porte extérieure, je ne peux m'empêcher de le regarder. Il n'a pas bouger, debout les pieds un peu écartés, les deux mains enfoncées dans ses poches, il semble soucieux. Je lui fais un signe de la main qu'il ne me rend pas mais je vois son visage se dérider imperceptiblement.





Je sors avec les collègues du lycée mais dans la rue avant le ciné, je me sépare d’eux.

- Oh et zut ! Allez donc voir votre film, moi j'ai du papier cadeau à acheter.

Garrot pose sa main sur mon épaule, je la vire.

- Tu veux m'offrir quoi ? Tu sais que mon anniv c'est le deux Juin.

Lui ? Comme si j'avais envie de lui offrir un cadeau à con ?



Lorsque je pousse la porte de la grande papeterie, je suis assailli par mille odeurs, certaines agréables et connues et d'autres qui m'intriguent. Je cale mon calot dans ma ceinture puis me mets à faire le tour du magasin.

Je repère vite les papiers cadeaux, il y en a deux sortes : certains vendus sous forme de rouleaux et d'autres en feuilles présentées posées à cheval sur des barres sur une sorte d'échelle. Les rouleaux sont plus économiques mais qu'en ferais-je ? Je me décide pour une feuille qui me semble encore très grande et chère car elle coûte six francs. Mais le papier doré, imitant l'écrit de vieux livres manuscrits médiévaux, me séduit.

Je me dirige vers la caisse sous la haute surveillance d'une vendeuse qui me suit depuis mon entrée. Je repère qu'au premier, c'est aussi une librairie.

En trois enjambées, je gravis les escaliers et j'ai le souffle coupé par ce qui s'offre à mes yeux. Je passe le long des bibliothèques les yeux avides de titres.

Sur une table, les dernières parutions en poche, je repère un Blade, je pense à Claude et le prends.

En bas, près de la caisse, il y a des stylos encre. Le mien bave atrocement. J'hésite. Ils ne sont pas très chers, mais pas pour moi, hélas, je renonce puis… j'en vois un avec la languette d'accroche en forme de cheval au galop. Il coûte sept francs. Pour moi, c'est une sacré somme mais bon.

 

Je retourne directement à l'école.

Je prélève une bande de papier à la feuille pour emballer le stylo qui finalement se retrouve être plus une momie enrubannée de collant qu'un paquet cadeau.

Puis je galère comme un malade à emballer ma bouteille et sa bougie mais finalement pose le dernier bout de ruban adhésif quand Marion fait irruption dans la chambre.

- C'est pour moi ? Ah, non, c'est ta putain bouteille ? Sa déception m’amuse… s’il savait. Et tu crois qu'emballée, Lorient l'acceptera plus ?

Je soupire. Pourquoi pose-t-il la question puisqu’il connaît comme moi la réponse ?

- Mais non, je vais demander à Mademoiselle Dionis de me la garder et de lui offrir pour son anniv.

Il s'assied à califourchon sur ma chaise.

- Et tu crois qu'il va l'aimer ta bouteille ?

Je souris

- Double Joke entre nous. Il me détestera mais je suis sûr qu'il la gardera précieusement tout en la détestant du fond du cœur..

- T’es franchement un malade !

Il a sûrement raison. Après sa femme c’est lui que je vais mettre en rogne. Tant pis. La bouteille va rejoindre son coin de placard. Je ferme la porte à clef et me tourne vers Marion.

- Bouge !

Il se lève lentement, me faisant bouillir en silence car  j’attends pour remettre soigneusement ma chaise à sa place, bien alignée avec la sienne et bien au milieu du plateau de mon bureau.

- Bon, ça sonne, tu viens manger.

Mais vas-y donc ! Avec ta vitesse d’escargot, j’y serai avant toi !

- J'arrive Marion, j'arrive. Claude est-il rentré ?

- Ouais, du moins il est allé dans sa chambre.

Non, Claude est presque déjà dans les escaliers, ce n’est pas un “pieds plats” lui !.

- Claude attend. Tiens, tu l'as celui-là ?

Il prend le livre ravi.

- Ah non. Tu le sors d'où ?

De la main, je lui fais comprendre de ne pas poser de question.

- Cadeau !

Garrot nous a rejoint.

- Hé ! C'est pas juste pourquoi tu lui fais un cadeau et pas à moi ?

Je me tourne vers lui tout en prenant une distance de sécurité même si Marion contrairement aux vingt-huit autres mecs, ne frappe pas.

- Parce que toi, Marion, tu devrais déjà être simplement honoré de respirer le même air que moi.



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12 novembre 2010

Robert Jeudi 14 Avril 1977 le mur 1

Robert Jeudi 14 Avril 1977 le mur 1



C’est le long hululement de la sirène de l'alarme incendie nous jette dans la cour en pyjama, drapés dans notre couverture.

Le règlement est strict : dans ce cas de figure, nous devions descendre en moins de trois minutes dans la cour de l'école.

Pour une fois toutes les portes des diverses issues se trouvent grandes ouvertes et nous avons autorisation et même obligation de courir dans les couloirs.

Je n'eus pas besoin de compter les garçons de mon groupe, il manquait deux bonshommes à l'appel... encore au lit ou ayant fait le mur, seul moyen de le savoir : remonter dans leur chambre.

Cela impliquait deux choses toutes aussi désagréables pour moi : Demander l'autorisation au capitaine Gâches et donc lui avouer mon défaut de surveillance. J'étais le Major de ma section, ces garçons étaient sous ma responsabilité et ils manquaient à l'appel.

- Bob tu vas faire comment ?

- T'es mal mec !

- Ils font chier Antoine et Damien, nous allons être tous punis à cause d'eux.

Devant moi, les têtes se dégagèrent des couvertures et les dos se redressèrent. L'ordre tomba finissant de me glacer.

- Garde à vous ! Je mets un certain temps, trop longtemps certainement à me retourner et saluer. Le sourire du capitaine me glace. Il me semble l'entendre réfléchir tout haut à toutes les possibilités de sanctions qui s'ouvraient à lui. Alors Monsieur, toujours Grondin et Charcot ? Cette fois vous ne pourrez pas les couvrir mon garçon.

- Mon capitaine, je demande l'autorisation de remonter dans les chambres.

2

Son rire ne fut partagé par aucun d'entre nous.

- Cinq fois que je les loupe ces deux petits salopards. Vous savez comme moi jeune homme que ces deux délinquants, s'ils sont au chaud dans un lit, ce ne sera pas dans celui de l'école. Mais montez, montez, je vous suis pour le plaisir de goûter à votre déconvenue.

Abandonnant ma légère protection contre le froid, à l'élève directement derrière moi, je me mis à courir en direction du bâtiment. Le pas lourd de Gâches se fait entendre derrière moi, je ne le sèmerai pas avec ces maudites pantoufles. Au bas des escaliers j'abandonne ces dernières puis avalant les marches trois par trois j’essaie de creuser la distance. En même temps je tente de trouver une solution mais je n'arrive qu'à prier pour que nos deux abrutis aient décidé de revenir.

La porte de leur chambre trouvée fermée, claque contre le montant du lit de Damien. La main du capitaine se pose sur mon épaule. Devant nous deux lits vides, les draps en vrac sans couverture. Sur les chaises des deux bureaux, les uniformes réglementairement rangés. Je ne peux réprimer un léger sourire mais contiens le soupir de soulagement qui ne demande qu'à sortir. Par contre je peux m'empêcher de plier sous la pression de la main qui me broie l'épaule tout en sursautant lorsque il envoie dinguer la chaise et son contenu.

- Les salopards ! Les salopards ! Aller chercher tous vos camarades, votre nuit est finie !

En bas des escaliers plus de pantoufles. Gilles me rend ma couverture. Devant ma section seule encore dans le froid, Richard en grande discussion avec les caporaux se tourne vers moi .

- Monsieur, peut-on savoir d'où vous venez ?

- J'ai dû accompagner le capitaine qui voulait faire une inspection des chambres, mon colonel.

3

- Pieds nus ?

- On m'a volé mes pantoufles mon colonel.

- Vous me décevez jeune-homme, Camoufler ses incapacités derrière une accusation n'est guère digne d'un major. Vous passerez à mon bureau pour les récupérer et prendre connaissance de votre sanction. Messieurs rompez, remontez à vos chambres.

Dans nos chambres ce n'est pas le Mistral qui a sévit mais carrément une tempête venue tout droit de Sibérie. Le capitaine s'étant amusé à vider tous les divers contenants de nos chambre aussi bien dans les chambres que dans le couloir. De plus, les fenêtres étant grandes ouvertes, il règne un froid polaire aggravé par un monstrueux courant d'air qui fait s'envoler en tout sens les feuilles de papiers. Bien sûr, deux chambres ont les plus soufferts de sa vindicte.

- Vous avez une heure messieurs et interdiction de fermer les fenêtres, cet étage a un grand besoin d'aération.

D'abord moroses nous nous mîmes au rangement. Jacquemin dont seule l'armoire avait été visitée vient nous prêter main forte dans la notre une fois la sienne finie.

- Waouh trop chouette ces avions. Ils volent bien en plus.

Récupérant l'avion en papier ramassé sous mon lit, il le relance en travers de la chambre puis dans le couloir. Eh les gars, profitons que les fenêtres sont ouvertes et quitte à être punis que ce soit pour quelque chose : je propose un concours d'avions en papier, je fournis les feuilles ! Des protestations timides nous arrivent de certaines chambres vite cachées par les hourras montant de toutes les autres.

L'heure arrive bientôt à son terme et l'étage a retrouvé un calme plus ou moins relatif ponctué de quelques fous rire et de jurons proférés à voix basse.

- Attention les gars : Lancez !



4

Toutes les lumières des chambres s'éteignent en même temps et si dans les escaliers le bruit de nos pas avertissent le capitaine que nous serons à l'heure pour notre rendez-vous, une nuée de légers avions en papier de multiples tailles et formes a pris l'air à partir des nos fenêtres et lui font lever la tête.

Certains ne feront même pas quelques mètres se mettant en vrille dès la première seconde, alors que d'autres se laissant porter par l'air léger de cette fin de nuit de printemps iront en planant jusqu'au-delà des murs de notre école.











12 novembre 2010

Caths Jeudi 14 Avril 1977 1 an

Caths Jeudi 14 Avril 1977 1 an



- Viens ma jolie Suzette.

Catherine se tourne vers sa mère qui porte Roberta dans ses bras.

- Sucette ?

- Non Suzette.

Mais pourquoi, pourquoi d’où elle sort ce prénom ?

- Maman son prénom c’est Roberta ou à la rigueur Danielle.

- Va pour Danielle mais Roberta, jamais !

Catherine n’en peut plus. Dan lui fait signe de laisser tomber mais elle n’est pas du tout d’accord.

- Tu sais que ce n’est pas TA fille ?

Sa mère la fixe sans comprendre.

- Et alors?

- Et bien puisqu’elle ne sera jamais Roberta pour toi, je t’interdis dorénavant de la toucher. La fillette passe donc des bras de sa grand-mère récalcitrante aux siens puis dans ceux de Dan. Tiens, et tu surveilles bien qu’elle ne la prenne plus.

Sa mère lève les yeux au ciel mais attend qu’elle se soit éloignée pour tenter de la récupérer mais son porteur sans s’arrêter suit la jeune femme jusque dans la salle à manger où toutes les deux familles Lutz et Weissenbacher sont réunies pour les un an de la petite fille autour d’un immense gâteau rose avec une énorme bougie rose avec la forme du chiffre un plantée au milieu.

Même Maty est là. Elle est venue de Paris avec eux. Assise à côté du siège auto. D’abord mal à l’aise, elle leur a avoué à l’arrivée avoir apprécié le trajet, même la nuit où elle a dormi avec eux à l’arrière.

Le retour, elle le fera en train dans quinze jours car eux, ils seront loin.

 

Catherine est contente que ce soit lui qui porte l’héroïne du jour car elle se tortille comme un petit ver pour qu’on la pose au sol.

- Regarde mon amour, tout le monde est là pour toi… Son regard s’attarde sur le visage de chacune des personnes présentes. Mais pas le plus important, ton petit papa qui ne te verra pas souffler ta première bougie.

Annie ne peut s’en empêcher…

- Tu y étais vraiment obligée ?

- Rappeler l’absence de son père et donc de ton frère ? Oh oui et je le ferai chaque année, tiens-toi le pour dit ! Bon si nous revenons fêter ses annis avec vous ce qui est loin, très loin d’être sûr.

Annie soupire.

Au fond de la pièce, les jumelles se tiennent serrées dans les bras l’une de l’autre. Pfff quelles hypocrites !



La bougie est éteinte mais juste à côté la trace de deux petites mains qui se sont enfoncées dans la ganache rose.

- Tu aurais pu la tenir correctement.

L’homme grogne.

- C’est pire qu’une anguille ta fille.

Heureusement la robe en tulle et taffetas est de la même couleur que le gâteau mais pas la chemise de Dan, ni son visage. Et nous rions tous quand elle s’est arrêté de se lécher les mains pour vouloir lui lécher le nez.



Comme à chacun de nos séjours, Maman ressort notre vieille chaise haute et veut y ficeler la gamine qui hurle.

Mais cette fois elle réveille son cousin. Ce qui fait, enfin, réagir le père du bébé, qui sort la gamine, et… avec elle sous un bras, va remiser l’engin de torture dans l’arrière boutique.




Catherine s’accroche au bras de son père

- Papa, il est délicieux ton gâteau et elle a l’air comme tout le monde de se régaler.

Il embrasse sa fille sur le front.

- Vous repartez vraiment ce soir ?

- Tu veux vraiment que je finisse par égorger maman ? Enlevant la petite des mains d’une de ses tantes, elle lui colle dans les bras. Tiens, profite d’être son Papapa d’amour. Mais attention je surveille, si tu la refiles à l’autre, ce sera fini ! On part de suite !



Sur le canapé, des dizaines de paquets s’amoncellent. Debout devant, dubitative, elle les regarde presque désespérée.

Maty vient se mettre à côté d’elle et fait la même constatation.

- Vous n’allez pas pouvoir tout prendre.

- C’est pour ça que j’avais dit : «pas de cadeaux !» Il n’y a que toi et Papa qui m’avez donné des sous. Tu sais quoi ? Je ne les ouvre même pas ! Gérard et Annie les mettront de côté pour leur propre gamin. Maty saisit un sac en papier et en sort une petite robe avec un sourire amusé. Tu vois. Ça aussi, j’avais dit : «pas de robe.» Personne ne m’écoute. C’est comme la stupide robe dans laquelle elle l’a déguisée.

- C’était celle que tu portais pour tes un an.

- Oui je me doute, je portais presque la même pour mes quinze ans et j’en aurais eu une autre presque identique si j’avais fêté mes seize ans ici. D'ailleurs, j'ai évité à Roberta de devoir porter celle de mes quinze ans en la jetant avant mon départ… Enfin bref ! Si tu savais comme j’ai hâte de repartir.



Depuis un moment, la gamine passe du rire aux larmes sans arrêt. Et se frotte les yeux.

La grand-mère veut la prendre des bras de son porteur.

- Donne-la moi que j’aille la coucher dans le lit de bébé là-haut.

Catherine s’intercale entre eux.

- Naan, naan, naan, pas touche toi. Viens avec maman mon bébé d’amour. Dan, il est où le pyjama qu’elle avait en arrivant ?

- Je l’ai mis au sale.

Je soupire et tout en ouvrant la robe dans le dos de sa fille, elle monte l’escalier vers la salle de bain, suivie de Typh portant le sac avec le matériel de change et la grand-mère. Elle couche le bébé sur la haute table à langer du petit Martin puis attrapant la main de Typh, la pose sur son ventre. Le temps de repousser sa mère hors de la salle de bain et d’en fermer la porte.

- T’es pas gentille avec ta mère.

- Parce qu’elle l’est avec moi .

Typh n’a pas envie d’argumenter et se contente de secouer la tête. Catherine ne lui demande de toute façon pas d’être d’accord avec elle. Elle s’en fout de son avis !

Assises côte à côte sur la baignoire, leurs deux têtes collées. Elles regardent en silence Roberta téter, les yeux fermés. Elle n’a pas faim, elle a mangé une part énorme du gâteau par rapport à sa taille de bébé. Elle a juste besoin de ce moment de calme pour se détendre et s’endormir. Sa petite main tient fermement le doigt de Typh.

- J’ai envie d’avoir mon propre bébé moi aussi.

- Bin vas-y, qu’est-ce que tu attends ?

- Faut un père pour ça.

- Pfff c’est accessoire ça.




Assise dans un fauteuil, elle regarde son père dormir avec sa petite fille couchée sur lui.

Tout le monde est parti.

Sur la table, elle trie d’un côté ce qu’elle veut emmener et de l’autre ce qu’elle laisse, la majeure partie.

Annie et mes frangins font tampon entre sa mère et elle.

Maintenant qu’ils sont seuls, la tension n’est plus électrique, elle est orageuse.

Il est temps qu’on parte.

Michka se charge d’emmener les choses au camion et de leur trouver une place.

Maty me serre dans ses bras.

- Vous revenez vite.

- De toute façon en juin j’ai le bac. Donc tu nous supporteras au pire en juin.

- Ce sera avec un grand bonheur. Sers-toi de l’appareil photo, je développerai les pellicules.

- Oui Maty, oui, promis.



Harnachée dans son siège-auto , Roberta continue de dormir. De toute façon, ils ne vont pas bien loin. Il est vingt heures. Le camion posé dans le coin d’un champ à la sortie de Munster, ils se préparent pour la nuit, tous contents finalement que cette journée se soit bien passée.

 

.








12 novembre 2010

Robert lundi 11 Avril 1977 Lundi de Pâques

Robert lundi 11 Avril 1977 Lundi de Pâques

 

- Monte ton sac et ce carton à l'appartement puis redescends pour m'aider à remonter autre chose. Le vieux professeur qui sort du hall de l’immeuble vient vers nous. Richard me fait passer derrière lui puis le salue. Bonsoir Monsieur Duchamp. Hé oui, avec six enfants, chaque départ et retour de vacances sont de vrais déménagements.

- Ce garçon est de votre famille?

Il me fixe, ce qui semble agacer Richard.

- Je suis son tuteur.

Monsieur Duchamp s’éloigne.

- Ah oui, j'en avais entendu parler, bonne soirée mon colonel. Bonne soirée mon petit.

- Bonsoir Monsieur.

- Bonne soirée à vous aussi. Richard s'est arrêté de fixer la bâche sur la remorque enfin vide mais nous regardons le professeur de français s'éloigner. Puis il se tourne vers moi. Tu vois ce gars, il est marié, père de famille et s'il a tout fait pour être prof ici c'est parce qu'il aime les petit garçons.

- Comment tu le sais ? Et je ne suis plus un petit garçon.

Son regard me fait taire. Je verrai dorénavant autrement ce vieil homme.



- Allez les gamins à la douche puis dodo. Je commence à mettre mes chaussures mais Gisou me tenant par l'oreille me fait me redresser. Ça vaut aussi pour toi.

- Il y a un verrou à la porte ?

Elle me regarde puis doucement en souriant, elle se penche vers moi.

- Ou tu vas te doucher sans râler ou je demande à mon homme d'enlever la porte de la salle de bain pendant ta douche et de te laver lui-même.

- Vous n'avez pas le droit.

Cette fois, je me suis redressé face à elle.

- Dans cette maison, le droit c'est moi !

Je serre les poings.

- C'est dégueulasse.

Elle continue à sourire.

- Moins que l'odeur que tu dégages.

Purée, mais j'en ai marre qu'on me dise sans arrêt que je pue.

- Moins que vous, les rouquines.

Même si, je ne l'ai pas dit fort, du moins, je pensais ne pas l'avoir dit fort, elle m'a entendu et s'est arrêtée, se retourne vers moi et la claque résonne elle, si fort qu'elle fait apparaître six têtes aux différentes portes de la maison.

- Alors moi, je n'étais pas sérieuse, toi tu es méchant. Prends ton sac et du vent !

- Je suis désolé, je n'aurais pas dû et je ne le pensais pas.

Mais Gisou tient la porte ouverte et me fait signe de sortir.

 

Dans la chambre, Marion est déjà là, il est en civil, assis sur le lit et me tourne le dos. Il brandit le post-it au-dessus de sa tête.

- Hé merci pour les petits oiseaux, c'est adorable mais le mot de Gâche l'est beaucoup moins. Ça ne t'aurait pas tué de porter ton sac avec le mien, non ? Toi, tu ne pars pas, tu n'as pas de train à prendre.

Je lâche mon sac et lui arrache le bout de papier et dévale les escaliers. 

 

Gâche est dans la cour et accueille les petits qui arrivent.

- Mon capitaine ! je lui tends le petit carré de papier jaunepar dessus la tête de deux sixièmes qui me regarde bizarrement.. Ce n'est pas Garrot qu'il faut punir mon Capitaine, c'est moi. Je lui avais planqué son sac de linges, du coup comme il était à la bourre pour son train, il n'a pas pu le porter à laver. J'ai délibérément voulu le faire punir mais je réalise maintenant que ce n'est pas juste alors je viens vous voir pour être puni à sa place.

L'homme me détaille de la tête aux pieds.

- Où est ton uniforme ?

- Je viens d'arriver, je ne suis pas encore passé au fourrier.

- Et bien dépêche-toi d'y aller avant qu'ils ne ferment.



Il y a deux garçons avant moi quand j'y arrive.

- Bonjour Madame.

- Bonjour jeune homme.

Dans la grande pièce, de grands sacs blancs s'alignent sur le sol. Elle me fait signe d'aller chercher le mien. Je le trouve rapidement, à côté, il y a celui de Garrot, je le prends aussi.

- Il vient d'arriver, je lui remonte, merci et bonne soirée madame.

 

Dans la chambre, il vide son sac de voyage avec cette nonchalance qui me met hors de moi.

- Tiens ton linge !

Il se tourne et son regard va de son lit où trône le gros boudin blanc, à moi qui ai déjà vidé le mien et commence à ranger son contenu dans mon armoire. Dans le même temps, je me dessape et enfile mon uniforme.

Je ne m'arrête pas mais m’énerve de le voir me fixer sans bouger.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? J'suis pressé, Gâche m'a dit de retourner le voir.

Je claque la porte de mon armoire et calot en main, je redescends. Il a disparu, je le trouve en train de bourrer sa pipe dans le couloir de leurs chambres, en compagnie de Caprais et Lorient.

Je me mets devant eux et les salue. Ils me regardent puis regardent Gâche qui soupire.

- Qu'est-ce que tu veux encore ?

- Je suis passé récupérer mon sac et celui de Garrot, j'ai rangé ma chambre et je reviens vers vous comme vous me l'avez demandé mon Capitaine.

Je le vois soupirer. Tirer sur sa pipe puis soupirer à nouveau en fixant les deux caporaux.

- Je ne t'ai rien dit de tout ça. Tu vois ces deux sixièmes avec leurs sacs plus grands qu'eux ? Vas les aider et monte te coucher, tu es épuisant mon petit. Je reste, étonné, à les regarder sans trop comprendre. Alors, tu attends quoi, qu'ils soient montés ?

 

Les deux petits ne comprennent pas et sont même un peu effrayés quand je leur arrache leurs sacs des mains mais sont souriants quand je les laisse à l'entrée de leur dortoir.

- Merci major !

Quant à moi, arrivé dans la chambre, je finis de ranger le contenu de mon sac kaki, prépare mon sac de cours pour le lendemain après-midi en essayant de comprendre le comportement de Gâche.

- Merci ma petite femme pour mon sac.

Sans un mot, j'enlève ses bras de mon cou et fais mon lit puis me couche. Lui, n'a pas bougé de devant mon bureau.

- Purée mais bouge ton fion, j'suis HS moi. Et éteins la lumière espèce de rouquin qui pue !

Mais là, je me mords la lèvre, rejette mes couvertures, attrape ma serviette et me précipite sous la douche pour pouvoir pleurer sans témoin en massacrant mes phalanges sur la céramique. 

11 novembre 2010

Robert dimanche 10 Avril 1977 Pâques

Robert dimanche 10 Avril 1977 Pâques

 

La lumière brutale me fait grogner et remonter ma couette au-dessus de ma tête. 

Je sens un poids léger grimper sur mon lit, dans mon dos. Je croise les doigts pour qu’elle ne tombe pas. Des petites mains écartent ma couette et une petite tête rousse se penche jusqu’à poser sa tête à l’envers sur mon oreiller face à mon visage.

- Viens, dépêche-toi, les cloches sont revenues.

Elle se redresse et descend du lit. Je me tourne vers elle.

- Quelles cloches ? Les jumelles et Véro étaient parties ?

Coco fait une grimace bizarre en penchant la tête un peu sur le côté. C’eut été un chien, j’aurais vu ses oreilles se redresser.

- qu’est-ce que tu racontes ? Elles ne sont pas parties, elles sont avec les parents en-bas !

- Laisse tomber, je blaguais, mais maintenant ouste dehors, sors ! Sors que je puisse m'habiller, aller dehors !

Tu parles ! Au lieu de sortir, elle prend mon pantalon sur ma chaise et me le porte.

- Habille-toi ou c'est moi qui t'habille !

Elle est debout devant le lit, les mains sur sa taille, on dirait une mini Véro mais avec des cheveux roux clairs tout fins et bouclés qui lui font comme une boule sur la tête. Des yeux bleus aussi clairs que l'eau d'un torrent.

- Alors tourne-toi, hop, dépêche !

Je m’assieds au bord du lit, gardant la couette sur mes cuisses.

- Non, toi, tu te dépêches, tu dois m'obéir ! Et elle tape du pied et de la main droite me désigne en l'agitant. Allez obéis !

- Donne-moi mon tee shirt et mon pull.

Petit aller-retour de mon lit à ma chaise de bureau

- Voilà !

Ses poings sur sa taille me font sourire.

- Tourne-toi !

Re-tapage du pied.

- Non !

- Oh et merde !




Je descends en la portant en travers de mes épaules, ses chevilles tenues par une main, ses poignets dans l'autre et en bas, je  la laisse tomber sur le canapé.

J'aurais dû regarder l'heure. En bas, il n'y a que les parents et encore, que Sylvie et Rémy avec un truc braillard.

- Qu'est-ce que tu fous debout toi ?

- Je me suis fait réveiller par ce truc qui m'a forcé à descendre. Et comme j'avais pas envie de l'entendre hurler, j'ai obtempéré.

Debout sur le canapé, le mini dictateur saute en riant.

- Je lui ai dit qu'il devait m'obéir, j'ai fait comme papa !

Dans la cuisine, il n'y a plus de café. Je retourne dans l'autre pièce pour demander à Sylvie pour le café mais je la vois forcer Rémy à se lever et prendre le relais avec Marine dans les bras.

- Elle est malade ?

Rémy soupire.

- Non, elle fait ses dents.

- Ah !

Je retourne dans la cuisine et prépare la cafetière. Coco me tire le pull.

- Mon bibi !

- Tu as oublié le mot magique.

Je la vois froncer les sourcils.

- Tu dois m'obéir !

- Et toi, tu dois être polie et gentille car là, t'es aussi vilaine que Véro.

Elle a encore ce si mignon petit mouvement de tête. Dans une vie antérieure, elle a dû être un chien.

- Elle est pas vilaine Véro, elle est jolie.

- Oui elle est jolie et vilaine. Elle est vilaine car elle est méchante avec moi, alors je ne l'aime plus.

Là, je la vois réfléchir. Son ton est d’abord angoissé mais ne le reste pas longtemps.

- Et moi, tu m'aimes ? Je veux que tu m'aimes et je veux mon biberon.

- Je vais t'appeler Madame je veux.

Je lui tourne le dos, elle me tape de ses deux mains à plat sur les fesses.

- Non, moi, je suis Coco !

Mais elle commence à me gonfler cette petite chieuse !

Je l’écarte.

- Coco la cocotte capricieuse.

- Non ! J’suis pas une cocotte.

- Si t'es une cocotte et tu sais ce qu'on fait aux cocottes, on les met en cage.

Je la soulève et la pose au fond d'une des cuves-baignoires. Il n'y a que le haut de sa tête qui dépasse. 

Puis je sors de la cuisine avec mon mug de café et ferme la porte de la cuisine. 

Derrière on l'entend hurler. 

Sylvie passe à côté de moi et me plaque sa fille contre la poitrine. Surpris, je la tiens d'une main et vais vite poser mon mug sur la table. Rémy me tend les bras mais Coco hurle, le bébé lui s'est tu. Ses yeux bleus fixent les miens. Je mets ma main droite derrière sa petite tête et mon bras gauche dans son dos. Sa petite bouche fait des bulles en s'ouvrant et se fermant comme si elle me parlait alors je fais pareil. On a un long dialogue muet tous les deux. Et petit à petit, je vois ses yeux doucement se fermer.

- Hé ! Regardez. Elle dort !

Mais dans la pièce je suis seul avec Coco qui boit son biberon couchée en travers du fauteuil de Papapa. Et merde ! J'en fais quoi maintenant de ce truc ? J'essaie de la poser sur le canapé mais de suite, je vois ses petits bras se raidir et se redresser vers moi, prête à se remettre à hurler. Alors je bois mon café debout puis me cale dans le rocking-chair avec Marine au creux de mon bras gauche.

Coco me grimpe sur les genoux en escaladant par l'accoudoir.

- Non Coco, il y a déjà le bébé. Purée mais t'es chiante mais chiante !






Sylvie engueule quelqu'un à voix basse .

- Non, fais pas ça ! Hélas, le flash est très efficace. Ah bravo, tu les as réveillées.

Coco est la première à réagir.

- Maman t'es jolie mais vilaine !

Je la fais descendre de mes genoux et me mets debout.

- Désolé Marine, Tata est méchante, elle t'a réveillé toi aussi avec son flash à la con.

- Robert !

Coco se dresse sur la pointe des pieds devant sa mère

- Oui, ton flash con.

- Corinne Granier ! Puis Gisou se défoule sur moi. Tu es content, j’espère ? Tu lui montres un bel exemple.

Je hausse les épaules et zut ! Ce n'est pas mon bébé. Je le tends à tous les adultes les uns après les autres mais tous se défilent en riant. Alors je fais comme Coco et Véro, je tape du pied.

- Je ne veux plus ce truc !

Finalement c'est Mammema qui me la prend et j'en profite pour commencer à monter les escaliers suivi par Coco. Je m'arrête et me retourne.

- Non, toi, je ne te veux pas, tu m'as assez emmerdé.

- Non, je t'emmerde pas !

Pourquoi faut-il toujours que cette gosse hurle ? Ne peut-elle pas simplement parler ?

- Robert !

- Mais bordel Gisou, j'en ai marre.

- Moi aussi bordel Maman, j'en ai marre.

- Putain Coco, t'es chiante !

- Toi aussi t'es chiante !

Je souris.

- Non, je ne peux pas être chiante, car je ne suis pas une fille.

- Si t'es une fille !

C'est alors que je réalise que je suis accroupi au milieu des escaliers, presque front contre front avec Coco debout sur la marche en-dessous de moi, les bras tendus le long de son corps, les poings serrés. Devant moi, en-bas,les parents nous regardent nous disputer et derrière moi, en haut des escaliers, les filles aussi. 

Je soupire, me redresse et en les bousculant au passage, je monte en trois enjambées dans ma chambre dont je claque la porte qui s'ouvre trente secondes plus tard sur un petit truc blond et tout rouge.

- Je te déteste, je te déteste, t’es trop chiante et vilaine. Je ne t’aime plus.

Et elle essaie de claquer la porte mais un pétard mouillé ferait plus de bruit.



A neuf heures, Richard débarque.

- On part dans un quart d'heure tu as donc cinq minutes pour être en-bas habillé correctement. Il ferme la porte puis l'ouvre à nouveau et vient se mettre devant moi et tape du pied. Et tu m'obéis parce que c'est comme ça, non mais oh ! ‘pèce de vilaine !

Ah ah ah !

Et il se croit drôle.

Et on va où encore ?

 

En bas, les parents se prennent la tête avec les filles qui veulent manger les chocolats qui sont sur la table.

Ils refusent leur disant qu'elles devront attendre midi. Étonnement ce n'est pas Coco cette fois-ci qui crie le plus fort. Mais elles se taisent et se dirigent vers la sortie lorsqu'elles voient Rémy commencer à les mettre dans un sac poubelle.

 

- Tu n'as que ces chaussures ?

- Bin oui, je n'ai que mes baskets.

- Richard, il va retomber malade.

J’enlève mes baskets et commence à enfiler mes moonboots. Gisou ramasse et me tend mes baskets.

Je vois tous les adultes se regarder, moi je me hâte de sortir et de rejoindre les filles. Où qu'on aille, je veux sortir du chalet !

- Les filles, attendez-moi ! Où va-t-on ?

- C'est Pâques aujourd'hui, tu n'avais pas remarqué ?

Oh non la messe ! J'ai d'un coup une grosse quinte de toux et reviens vers la maison comme si je titubais.

- Gisou, je ne me sens pas bien.

Mais Richard et Rémy me passent chacun un bras sous les miens et m'entraînent avec eux, me faisant marcher à reculons.

Je crois que ça veut dire : on ne te croit pas !





A la vieille chapelle, il y a toujours les mêmes personnes à qui Richard serre la main sauf que cette année, moi aussi j'en connais trois que j'ai plaisir à saluer. 

L’homme est tout sourire.

- Alors on ne t'a pas trop traumatisé ?

Richard répond une fois de plus à ma place.

- Lui traumatisé ? Non par contre il m'a fait payer ma blagounette, Monsieur est mauvais perdant.

-  Même pas vrai !

Et j'apprends que la jolie "apprentie vendeuse" est leur fille : Josepha.

Elle m’embrasse après ses parents et me glisse.

- Quand tu voudras pour m'emmener dans ton avion.

Quand ai-je parlé de l'emmener en avion, moi ?





A un moment donné, j'ai cru que le vieux curé allait venir en déquiller une à Coco... ou à moi. Faut dire que je l'asticote et qu’une des jumelles fait la même chose avec moi. Donc, après m'avoir donné la communion où je suis allé en portant Coco.

- Tous les deux vous sortez !

Bref, il nous vire de son église.

Je sors suivi par la jumelle qui cette idiote a un fou rire et je jure que ce n'est pas de ma faute. Puis suivi par Richard qui semble une fois de plus, prêt à me faire passer de vie à trépas.

- Tu me donnes cette gosse et vous deux rentrez au chalet mais vous serez punis.

On retourne donc au chalet.

Hélas, la menace du pater ne nous a pas effrayés, excités encore plus ?  Et c’est en faisant les cons que l’on manque par deux fois de se faire écraser par des voitures mais au-lieu de nous calmer cela nous déchaîne encore plus.

 

Sur la grande table, il y a tous les chocolats: des œufs, pleins d’œufs de toutes les couleurs, en chocolat ou en sucre. Des poules, des cloches et des lapins en chocolat noir ou au lait de plusieurs tailles. Et là il me revient un souvenir de quand j'étais plus petit.

- Marthe vient m'aider.

- Non, moi c’est Mathilde.

M’en fous, je vais finir par les appeler jumelle un et jumelle deux en leur collant un numéro gravé sur le front.

- Donne-moi tous les œufs qu'il y a sur la fenêtre. Je mets une grande casserole avec de l'eau à chauffer et les œufs dedans avec plein de gros sel. Et maintenant, viens et aide-moi à cacher tous les chocolats dans cette pièce et dans les chambres. Je mets la moitié dans un grand torchon. Tiens, monte-les planquer dans les chambres. Pas que  dans la vôtre tout de  même, OK ?

Moi, j’ai vite fait de décorer le dessus de la cheminée d'une longue rangée d’œufs colorés mis par ordre de taille, je vérifie bien que de la porte de la cuisine on ne voit bien qu'un œuf. La plus grosse poule se couche sur le tas de peau de vache. Deux lapins se retrouvent à goûter aux légumes sur la fenêtre. Je mets le plus gros dans une des bottes de Rémy, des œufs dans les poches des manteaux ou des imperméables ou dans les pantoufles bien au fond.

Quand je n'en ai plus, je sors vite les œufs de la casserole et les fais refroidir sous l'eau froide. Mais j'entends le reste de la famille arriver alors, très vite, je les mets dans un torchon puis vais les déposer dans le plat ou avant il y avait ceux en chocolat.

Puis je me jette sur le canapé, style je dors mais la jumelle qui arrive de l'étage a la même idée que moi et atterrit sur moi. Nos têtes émettent un son assez creux et nous revoilà repartis à rire comme des débiles. Papapa avec Marine dans les bras, sourit.

- Qu'est-ce que vous avez encore fait ?

Fanfan dans l’entrée.

- Maman, j'ai des œufs dans mes pantoufles.

- Moi aussi.

Puis la voix de Rémy qui s’étonne.

- Pourquoi j'ai un lapin dans mes bottes ?

Mammema regarde surprise les œufs sur la table.

- Pourquoi les œufs en chocolat sont-ils devenus des œufs durs ?

Papapa se joint à elle.

- Robert, Marthe ?

Je repousse la jumelle.

- T’es pas Mathilde ?

La chieuse se lève hilare. Mais voir Rémy s'approcher de nous en nous menaçant d'un lapin en chocolat de quarante centimètres nous unit dans un même rire. On se tient les côtes appuyés l'un sur l'autre.

- Vous croyez les garçons que si on leur mettait la tête sous l'eau froide que ça les calmerait ?

- Papy, je préfère honnêtement les voir rire comme deux imbéciles que se taper dessus et se faire mal.

- Pas faux Sylvie !

J'essaie de me calmer pour expliquer.

- C'est la magie de Pâques en Alsace. D'abord il y a des œufs durs pour tout le monde mais le Lapin passe et cache des œufs en chocolat partout et tu peux échanger ton œuf dur contre celui en chocolat que t'as trouvé et qui est meilleur. Moi, je mangeais mon œuf en cherchant ceux en chocolat du coup chaque année j'avais plus rien à échanger mais on me laissait tout de même celui en chocolat. Alors aujourd'hui, le lapin est passé chez vous et les a caché au rez-de-chaussée et au premier.




10 novembre 2010

Robert Lundi 4 Avril 1977 retour à la normal

Robert Lundi 4 Avril 1977 retour à la normal

 

Ils sont tous en train de déjeuner, même les grand-parents qui pourtant à cette heure-ci, il est huit heures, sont debout depuis au moins deux heures.

Tour de table rapide du matin.

Je termine par Véro.

- T'es pas venu hier soir, je t'ai attendue, j'ai dû faire ça tout seul.

J'évite son coup de coude d'un élégant déhanché puis direction la cuisine.

Sur l'évier, posée à l’endroit la bouteille de calva. A côté, un paquet de bougies. J'en prends une et retour dans la pièce d'à côté. Non, juste à l’entrée et brandissant la bougie à bout de bras.

- Puis-je me servir de cette bougie ? Puis sans attendre je dis en changeant un peu ma voix en plus grave : “Mais bien sûr mon garçon, tant que tu ne mets pas le feu à la maison.” Puis avec ma voix normale : Merci Richard !

Retour dans la cuisine.

Je rince la bouteille de calva jusqu'à ce qu'elle ne pue plus l'alcool. Puis j'allume une allumette et fais chauffer le cul de la bougie au-dessus du goulot de la bouteille, je l'affine jusqu'à ce que je puisse le faire entrer dedans. 

Je me retourne mon mug et ma bouteille à la main vers la cafetière pour me servir. A la porte de la cuisine, Gisou, Richard et Papapa m'observent.

- Quoi, je n'ai plus le droit de me servir du café ?

Il est devant les autres bras croisés, dans son attitude de “colonel”.

- Que vas-tu faire de cette bouteille ?

- Rien Richard !

Il insiste.

- Alors pourquoi ?

En passant je m’arrête devant lui, mon mug dans ma main droite, ma bouteille se balançant au bout de mon bras gauche.

- Pourquoi quoi ?

Là, je sens que j’ai intérêt à prendre le large mais c’est lui qui d’un coup fait demi-tour jusqu’à la table.

- Oh et puis zut ! Papa, aux prochaines vacances, je le laisse à Aix.

Papapa cache son envie de rire en toussotant et tape sur l'épaule de son fils.

Je vais m'asseoir à côté de lui là où était assis Papapa avant, qui récupère son bol pour aller s’asseoir ailleurs, non sans m’avoir largué une petite tape sur la tête au passage. Je pose la bouteille devant moi.

En face de moi, de sa cuillère, Rémy me montre mon bougeoi.

- Tu crains des coupures de courant ? Parce que sinon, il y a un générateur à essence dans le garage pour le cas où.

- Non Rémy, juste un souvenir.





Cette fois c'est Richard qui accompagne Papapa pour m'acheter une tenue de ski.

Sur la porte du magasin, une affichette indique qu'ils recherchent un vendeur.

- Bonjour Monsieur, peut-on vous aider ?

- Oh oui, bonjour Madame; mon fils ici présent, voudrait savoir si comme vendeur vous prenez des apprentis?

Je souris à la brave dame en soupirant, me retenant de dire à Richard que je le trouve lourd.

- Mais pour l'instant, on se contentera de l'habiller pour l'hiver.

Papapa n'est pas mieux avec ses commentaires sur tous les vêtements que je regarde.

Je décide donc de me passer d'eux. Cette fois, pas de couleurs flashies mais des teintes plus discrètes.




- Je peux t'aider ?

Alors vu le sourire et les yeux bleus qui accompagnent cette question, je serais fou de refuser.

- Oh oui et je veux la totale. Elle penche un peu la tête vers le côté, sûrement un peu désarçonnée par ma réponse. J'ai envie de rire mais je me contente de sourire. Une salopette, un blouson, des après-ski et des moonboots. 

Surtout des moonboots, j’y tiens à mes moonboots. Pourquoi ? Si j’avais dix ans, je vous dirais pour faire semblant d’être un spationaute mais j’en ai seize et je rêve simplement d’être aussi fun que les autres gars de mon âge que je peux voir avec. Et parce que Caths en avait…

- Oh d'accord ! Tu connais ta taille ?

- Pour les pompes du quarante-cinq sinon, non. Je ne sais pas du tout.

- Alors viens avec moi, tu vas en essayer plusieurs. Tu veux quelque chose de mode je pense, pas trop Pépé.

- Quelque chose de pratique, de chaud et de pas trop voyant.

Elle avance dans les rayons devant moi, je fixe ses fesses rondes qui ondulent, elle me surprend en s’arrêtant d’un coup pour se tourner vers moi surprise.

- Ah oui je vois. Passant ses doigts dans ses cheveux, elle les rejette en arrière tout en me regardant des pieds à la tête avec une moue dédaigneuse puis elle se fait moqueuse. On va aussi, si tu le veux bien, regarder pour un jeans à ta taille.

Je crois que si elle me le proposait, je prendrais tout le magasin.

Elle me fait choisir entre une salopette matelassée et une dans un tissu élastique bleu marine que je choisis de suite.

Elle m'abandonne dans une cabine d'essayage.

- Tiens, enfile ça dessous. Richard me passe une boîte avec de caleçon long en laine. Sinon, je vais me faire exploser par ta mère.

La vendeuse lui prend des mains, amusée.

- Monsieur, excusez-moi, mais je crois que cette taille lui sera trop grande et il existe maintenant des modèles plus agréables à porter. Attendez, je vais vous montrer. Elle revient deux secondes plus tard et me tend une paire de caleçon long bleu marine dans un tissu tout doux. Ceux-là, il pourra les porter directement sans que ça gratte.

Et à nouveau, elle a un petit sourire en me regardant les enfiler. En sachant que j'ai renoncé à refermer le rideau que Richard a ouvert, m'exhibant en slip avant de m’abandonner.

- Bon comme t'es entre de bonnes mains, on te laisse, tu nous diras quand tu auras trouvé tout ce dont tu as besoin, ton grand-père veut fumer alors nous t'attendons dehors.

 

- C'est ton père et ton grand-père ? Tu ressembles beaucoup à ton père, je trouve.

- Heu, ah ! merci.

- Ah bin voilà, elle te va bien. Elle a l’air sincère mais j’aurais aimé me voir dans un miroir. Tu veux qu'on voit pour un jeans ? Elle ne me laisse pas le temps de lui répondre. C'est ton père qui t'achète tes vêtements ? Non, parce que franchement, ne le laisse plus faire, il t'habille comme lui, une véritable horreur ! Elle commence à s’éloigner. Moi, j’enlève la salopette. Elle revient sur ses pas. C'est comme ces slips, le jour, tu vas te déshabiller devant une fille, elle va franchement se foutre de toi. Là, je crois que je me liquéfie et en même temps, je prends des couleurs. Et je les ai gardées à son retour. Elle me tend un pantalon. Tiens, essaie ce jeans. Puis se met à rire. Mais non, sans le caleçon tout le même. Mets plutôt un de ces boxers.

Elle a tiré le rideau. Le miroir enfin découvert en face de moi, me renvoie l'image d'un ado trop maigre en caleçon long avec dans une main un jeans et l'autre un boxer bleu marine lui aussi. Un frisson me parcourt l'échine et je pose les deux sur le petit fauteuil en rotin puis me dépêche de lui obéir angoissant qu'elle n'ouvre ce maudit rideau et ne me voit en mon plus simple appareil.

 

Le boxer me va bien, c'est vrai que je me trouve moins ridicule qu'avec mon slip blanc réglementaire. Quant au jeans par contre si en longueur il me va, niveau taille, il m'est trop grand.

Elle est de retour mais n’ouvre pas le rideau.

- Alors ? Je peux ?

Je déglutis.

- Oui

Elle fait coulisser le lourd rideau noir.

- Ah oui, quand même. Enlève-le, je reviens... Tiens, essaie celui-là, il est élastique. Elle ne bouge pas alors je renonce et enlève le premier et enfile le second qui lui me va bien et même me colle. Et bien, voilà, parfait ! Elle me fait tourner devant elle. Tu devrais faire mannequin, tu as de très belles fesses, ne les cache pas.

Là, c’est moi qui aimerait me cacher et c'est fou comme je trouve qu’il fait chaud dans cette cabine.

 

Quand je vais chercher Richard et Papapa pour payer, Papapa est seul, Richard est allé faire une course.

En présentant sa carte bleue, il ne peut s’empêcher d’exprimer sa surprise.

- Hou là, tu as dévalisé la boutique ?

La jeune femme sourit en me regardant.

- Non, il a été très sage mais je lui ai conseillé des vêtements un peu plus «jeunes» que ceux qu'il portait en arrivant.



Je pose mes moonboots devant la cheminée en tenant serré sous mon bras le sac en plastique contenant mes autres achats et le pantalon de Gisou.

Quand je redescends dix minutes plus tard, j'ai mis mon nouveau jeans. Je pose ma salopette de ski sur le dossier du canapé comme les autres puis vais mettre le pantalon de Gisou et mon slip dans la machine et rejoins les filles qui ont sorti un jeu que je ne connais pas.

Un tapis plastique avec des ronds de couleurs.

- Tu joues ? C'est facile il suffit de mettre les mains et les pieds où on te dit.

C'est vrai que c'est drôle mais on ne peut jouer qu’à quatre. Nous décidons que celui qui tombe ne joue plus au tour suivant pour laisser sa place à un autre joueur.

C'est Maïté qui tombe la première puis moi. Les tours ne durent pas longtemps car on triche en se poussant les uns les autres. Mais on s'amuse bien car dès que l'un de nous lâche, on se laisse tous tomber avec lui. Mais Gisou finit par intervenir car nous ne laissons pas jouer Yvy que nous jugeons trop petite.

Mais jouer avec elle c'est moins drôle car il faut faire “attention”...

Entre deux parties, nous sommes assis côte à côte par terre contre le canapé, Véro me chuchote à l'oreille :

- Il te va bien ton nouveau jeans, il te fait un joli cul.

- Je sais, c'est ce que m'a dit la vendeuse et c'est pour ça que je l'ai pris, pour pouvoir tomber plein de filles.

- Elles vont surtout avoir envie de te l'enlever.

- Cool ! Aïe ! Aïe !

Notre entente n'aura pas duré toute la soirée, et je fuis Véro en riant pour me planquer derrière les mutter.

- Véronique viens donc nous aider à mettre la table et toi vas aider les hommes à rentrer du bois. Les autres rangez vos jeux s'il vous plaît.




Lorsque j'embrasse Véro pour lui dire bonsoir.

- Tu viens m'aider à l'enlever ?

Heureusement qu'elle est la dernière car je la fuis en montant les escaliers quatre à quatre.

 

La porte s’ouvre devant elle. Pourquoi suis-je tout de même surpris ?

- Alors, faut que je t'aide ?

- T'es folle ? Si les parents montent, tu vas nous faire tuer.

- Je pars dès que tu l'as enlevé.

- T'es chiante ! Sors !

- Pff tu n'es qu'un dégonflé. Le jour où une autre fille te le demandera, tu refuseras aussi ?

Je soupire et l'enlève.

- Maintenant dehors ! Mais elle fixe maintenant  une certaine partie de mon individu devant laquelle je mets le jeans que j'ai encore dans les mains. Dehors ! Sors !

- Depuis quand tu ne t'habilles plus comme Papa?

Je souris amusé.

- Ça me va bien ?

- Très mal, tu devrais l'enlever aussi.

- Ah ah ah !

Cette fois j'en ai marre, je jette le froc sur le lit et veux la mettre dehors. J'arrive à ouvrir la porte mais elle me pince, me mord mais j'arrive en la soulevant à bras le corps à la mettre sur le palier mais c’est sans compter avec ses mains baladeuses. 

Là, surpris, je la repousse d'un coup, ce qui la fait tomber dans les escaliers. 

Elle se retient à mon pull et m'entraîne avec elle, je bascule en avant la tête la première. 

Heureusement les escaliers sont très étroits et j'arrive à saisir la corde, ce qui arrête notre chute. mais quand je veux me redresser, elle me mord au niveau des poignées d'amour. Je lâche alors la corde pour la  faire lâcher et me retrouve couchée sur elle qui est sur le dos en travers d'une marche, un peu écartelée, une jambe vers le bas et une vers le haut. Je pose mes deux mains à côté de son pied deux marches plus bas qu'elle, mais je ne peux pas plier les jambes sinon je lui entre mes genoux dans les côtes et le ventre.

Nous nous mettons tous les deux à rire et ça ne nous aide pas.

En plus cette chieuse me pince les fesses que j'avoue, elle a sous le nez. Mais lorsqu’elle soulève la ceinture de mon boxer, je veux enlever sa main mais appuyé plus que sur une main, je me retrouve déséquilibré et je m'écroule réellement sur elle.

Une petite voix venant du bas des escaliers nous fait lever la tête vers elle.

- C'est quand même un drôle d'endroit pour jouer au twister.

- Yvy pitié n'en rajoute pas.

Et on repart dans le fou rire. Véro me repousse des deux mains.

- Enlève tes fesses de ma figure.

- Mais alors lâche-moi !

Finalement elle me laisse remonter mes mains d’une marche et je peux à nouveau saisir la corde pour me redresser et l'aider à se lever mais quand elle veut se mettre debout, elle se met à crier : “ma cheville !”

Alors je la prends dans les bras et la porte jusqu'en bas et la pose sur le canapé.

- Elle est tombée dans les escaliers.

Mammema est la première à venir devant elle.

- Et vous faisiez quoi dans les escaliers ?

Yvy passe derrière moi en s’éloignant vers la cuisine.

- Ils jouaient au twister !

- Yvy !

Et nous explosons de rire Véro et moi.






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