Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )

14 octobre 2010

Robert Samedi 22 Février 1977 le contenu de la bouteille

Robert Samedi 22 Février 1977 le contenu de la bouteille




A l'entrée du mess, un carnet à la main, Lorient m'arrête.

- Cette après-midi, tu sors avec les autres ? D’abord je ne comprends pas pourquoi il me le demande, puis…

- Moi ? Mais... Oh purée, c'est vrai j'ai seize ans maintenant, je peux sortir. Oui, pourquoi pas. Claude, tu vas en ville cet après-midi ?

Là, j'ai dix gars qui m'entourent en riant.

- Oh oui, on sort tous et surtout toi !

Lorient se met à rire et me tape sur l’épaule puis nous fait signe de passer. Je ne pige pas mais ce n'est pas bien grave après tout. L’important c’est que cet aprem, je serai avec eux, hors du bahut.

Les quatre heures de cours et le repas me paraissent durer des siècles.

Je vais pouvoir suivre Claude et les autres. Ils n'auront plus à me raconter, je serai avec eux. Je suis, on ne peut plus, excité. Déjà qu'en temps normal, j'ai du mal à tenir en place, là c'est quasiment une torture. C'est Noël et la quille tout à la fois.

A quatorze heures, je passe les grilles, fier comme un paon, au milieu des autres mais aussi très angoissé, et si, lorsque je vais passer devant lui, monsieur Cohen m'empêchait de sortir ? 

Je retiens mon souffle et ne peux m'empêcher de pousser un : “Ouais !” de plaisir qui fait rire mes camarades.

- T'as vu c'est cool quand on sort pour la première fois ?

Claude me passe le bras autour du cou en riant.

- Tu vas voir la suite aussi va te plaire.

 Maxime, le plus vieux d’entre nous d’enchérir.

- Ah ça aujourd'hui il sort de l'enfance.

Jean-Jacques prend un air docte.

- Tu verras ça fait tout drôle d'être un homme.

Marion se met alors à rire.

- Lui un homme ? Faudrait qu'il ait un peu plus de poils au menton pour ça !

Et Max d’ajouter.

- Ou ailleurs.

Et les voilà tous qui éclatent de rire et moi qui rougis.

Oui bon, je ne commande pas à la nature !

J'ai pris les quelques francs qui me restent de mon dernier Noël et le coca que je m'offre me paraît être le meilleur de tous.

Je les suis, avide de savoir où ils vont, ce qu'ils font tous les samedis.

Ils m'entraînent en riant dans une petite rue où des prostituées tapinent. Ne voulant pas être le dernier à donner mon avis, je joue le connaisseur, décrivant pour chacune de ces dames leurs charmes ou leurs défauts. Les autres me poussent à leur dire laquelle me plaît le plus. Il y en a quatre, deux brunes, une blonde et une rousse. Le trouve la blonde trop vieille, les brunes soit trop grosse, soit trop moche, la couleur de cheveux de la rousse m'en rappelle une autre mais je n'ose le dire.

Xavier s’exclame un peu trop fort à mon goût.

- Moi je sais que Robert aime les rouquines.

Et les autres se mettent à rire.

Jérôme se tape le front comme s’il venait de piger un truc.

- Ah oui, comme celles de la piscine !

Ils se mettent tous à pouffer.

Nous nous sommes arrêtés de marcher et elles nous regardent en souriant, nous faisant signe de traverser pour venir vers elles. Jérôme traverse la rue et va voir la rouquine qui le suit jusqu'à nous. Puis d'un coup, je me retrouve seul devant elle, tous se sont dispersés en courant.

- Bonjour ma puce, alors c'est Robert ton prénom ? J'ouvre et ferme plusieurs fois la bouche sans qu'un son ne sorte, je dois ressembler à un poisson rouge sorti de son bocal. Allez viens, je t'emmène chez moi, pour une première fois ce sera plus sympa qu'une chambre d'hôtel, qu'en penses-tu ?

Je n'en pense rien, mais alors absolument rien, mon cerveau s'est mis tout seul sur off. Elle me prend par la main et me fait entrer dans un immeuble à dix mètres de là. La porte s'ouvre sur des poubelles et un escalier miteux au mur lépreux qui n'a plus rien de blanc. Je n'ai qu'une envie : m'enfuir mais je ne peux pas. Je sais que les autres sont tous en train de m'observer et puis si Claude l'a fait, j'en suis capable aussi. 

Ainsi, c'était ça, le cadeau traditionnel des dix-huit ans, mais j'en ai que seize, bordel ! Oui, c'est le bon mot en plus !

Nous entrons dans un tout petit appartement qui sent la javel et le patchouli. Lorsqu'elle referme derrière moi, la porte en donnant un tour de clef, j'ai un sursaut.

- Oh la ! Ne t'inquiète pas, je ne veux pas te retenir contre ton gré. Je laisse la clef, tu sors quand tu veux. C'est juste pour ne pas être dérangés. Tu as quel âge ? Parce que je ne crois pas ton copain qui m'a dit que tu viens d'avoir dix-huit ans.

- ...

Encore une fois, je ne réussis pas à articuler le moindre son. Je n'ose pas la regarder et fixe la clef. Partirais-je ou ne partirais-je pas ? Elle se met à rire doucement, m'enlève le calot, ouvre mon blouson qu'elle m'enlève et pose sur le dossier d'une chaise. Je la laisse continuer en fermant les yeux.

- Ne me dis pas que je fais peur à un grand gaillard comme toi ? Oh mais attends, tu n'aimes peut-être pas les filles et tes copains ne le savent pas, c'est ça ? Elle s'est arrêtée, et a lâché ma chemise, je secoue la tête en rougissant. Je ne peux honnêtement pas lui dire que j'ai honte et gêné, mais aussi la trouille. La trouille de n'être pas à la hauteur, de ne pas me comporter en homme comme tous ceux qu'elle a déjà pu voir. Ah ! je préfère. Alors tu dois être timide, de cela, j'ai plus l'habitude. Tu sais j’ai vu des hommes d’âge mûr, aussi timides que toi. Tu as de beaux yeux en tout cas, les filles doivent tomber comme des mouches en les voyant, je ne comprends pas comment tu peux être encore puceau. J'ouvre la bouche pour nier mais la referme encore une fois. Elle éclate de rire et me caresse la joue de sa main droite.T'es trop mignon ! Ah s'ils pouvaient tous être comme toi. Elle soupire. Et aussi doux encore, toi le rasoir ne doit pas encore te servir bien souvent.

Je ne me trouve pas mignon du tout là, mais plutôt  totalement stupide, pas du tout à ma place et surtout, surtout mal à l'aise. 

Elle s'est mise à genoux devant moi pour délacer mes chaussures et j'ai encore plus honte. Honte d'être ainsi le pantalon ouvert, torse nu devant cette femme à mes pieds mais je ne sais pas quoi faire. 

Je me serais bien déshabillé moi-même mais je n'ose pas. 

Je suis comme paralysé. 

Lorsque ses mains font glisser mon pantalon le long de mes cuisses, je sens mon désir monter et fermant les yeux, je me mets à envier les filles chez qui ce genre de choses n'est pas si visible ! Enfin, je crois.

Par contre, le contact de sa main dessus me fait de nouveau ouvrir la bouche mais cette fois plus pour la même raison. Je plonge mon regard dans le sien, elle a les yeux aussi verts que Véro.

Mais déjà elle se lève et me prenant par la main m’entraîne vers sa salle de bain.

- Avant toute chose, un brin de toilette ne nous fera pas de mal.

Du mal non mais quand sous son «nettoyage» énergique je repeins le carrelage de sa douche, j’ai envie de mourir me disant que j’ai tout fini avant d’avoir commencé. Mais elle se met juste à rire.

Il n'y a pas photo ce n'est ni Cath, ni Anaïs, et encore moins Véro même si je ne l'ai jamais vu qu'en maillot. Elle a des seins siliconés et ses gestes sont sûrs et précis. 

C’est certes agréable mais je ne comprends pas comment tant d'hommes peuvent les préférer à leur petite copine.

Comme avec Caths, je ne fais rien, enfin si un peu mais c’est elle qui fait le plus gros, même encapuchonner mon meilleur copain.

Elle est plus rapide que moi pour récupérer et m’enlever mon emballage de latex que j’ai angoissé de voir rester au fond d’elle.

Et je ne sais pas si tous ses clients ont droit à la douche avant et après, ainsi que se faire proposer un chocolat chaud. Il est vrai que tous n’ont pas un corps couvert de cicatrices qui l’intriguent et lorsque je lui raconte leurs origines, je la vois presque pleurer.

Une heure plus tard, je sors dans la rue, en remettant mon calot bleu à crête rouge, je redresse la tête avec un grand sourire, fier comme un coq.

Bon et bien voilà, je suis un homme maintenant.

Au coin de la rue, Claude m'attend patiemment, le dos appuyé contre un mur, il sourit en me voyant venir vers lui, les mains dans les poches de mon pantalon.

- Alors, c'était bien?

J’accompagne ma réponse d’une moue.

- Ouais, mais moins qu'avec Cath !

Il éclate de rire et me donne une grande tape dans le dos.

- Ah, toi ! On ne te refera pas.

Ce soir-là, après le couvre-feu, notre chambre est prise d'assaut par tous les autres mecs ayant déjà eu droit au même cadeau avant moi, chacun y allant de son anecdote. Et lorsque Lorient se pointe, il n'allume pas la lumière et ne nous engueule pas, ancien calisson1, malgré ses vingt-six ans, il n'est plus à cette occasion que l'un d'entre nous !



Publicité
Publicité
13 octobre 2010

Robert dimanche 20 février 1977 Vérissimo

  Robert dimanche 20 février 1977 Vérissimo



Rémy secoue le bout de corde que je viens de nouer. 

- C'est quoi ce nœud ?

Je le regarde amusé.

- Bin un nœud !

Il lève les yeux au ciel en soupirant.

- Sacré réponse.

Richard pose les deux sacs dans le coffre de la voiture et ferme ce dernier.

- Tu veux qu'il te réponde quoi le gamin ? Que c'est une saucisse ? Il a fait un nœud donc il te répond un nœud.

- Et toi t'es une tête de... Là, j'ai presque le fou rire en voyant tous les autres adultes en train de charger les divers véhicules se retourner d'un bloc sur Rémy qui soupire. Quand tu es face à une bite comme celle-là… Quoi ? c'est le bon mot désolé !

Gisou secoue la tête et réagit énervée.

- Un taquet peut aussi faire l'usage.

Il hausse les épaules.

- Et filer des taquets à ton mari, je peux aussi.

Richard en souriant se met en garde, poings levés.

Je soupire.

- Vous êtes fatigants, mon nœud est très bien. Je veux juste un truc qui ne lâche pas.

Les deux hommes me regardent. Rémy défait mon nœud et me tenant par le bras, le refait d'une main.

- Tu as vu ? Bon et bien aux prochaines vacances je prévoirai de la corde.

Je le repousse en jouant l’effrayé.

- Hé, je ne veux pas que tu me pendes !

Rémy marque un temps d'arrêt.

- Mais non, pour t'apprendre à faire des nœuds comme un bon marin.

Richard claque des doigts, marquant sonorement son regret.

- Zut, j'aurais été débarrassé d'un seul coup du frère et du gamin.

Toujours un sacré sens de l’humour !

- J'suis con mais j'avais compris, je blaguais.

Je prends deux claques sur la tête.

- Et pourquoi moi, je prends des coups et pas vous ?

- Nous on les prend quand on est seul au lit avec nos femmes.

J'avoue que je regarde Rémy s'éloigner, un peu, comment dire, surpris et amusé par sa réponse.

 

Le retour est silencieux comme les autres fois.

Mais la différence réside dans le fait que Isabelle a pris ma place et moi la sienne et avec Véro, nous dormons, la tête appuyée à l'énorme rehausseur de Yvy.



12 octobre 2010

Robert Samedi 19 février 1977 deux hispaniques

  Robert Samedi 19 février 1977 deux hispaniques



Sept heures !

En bas les parents sont bien silencieux.

Je déjeune puis je vais fouiller dans les livres du placard.

Déception, j’ai tout lu.

- Papapa, il y en a ailleurs des livres ?

Je me retourne vers Gisou qui me répond à sa place.

- Des livres pour enfant, oui.

Je me tourne pour la regarder incrédule. Elle se fout de moi ? On ne dirait pas.

- Non merci. Gisou, je peux aller prendre ceux sous ta table de chevet ?

Elle continue à coudre sans me calculer plus que ça.

- Oui, un après l’autre. Mais tu viens me montrer à chaque fois celui que tu prends.

Yes !

- D’accord. Les escaliers sont vite avalés. Par contre avec les quatre livres que contient le petit meuble, j’irai pas loin. Et dans celle de Richard, un seul. Et le marque page, m’indique qu’il en est à la moitié. Pourtant lui je l’aurais bien lu. Cinq minutes plus tard, je redescends avec deux livres. Gisou je commence par lequel ?

- Houlà, tu es sûr que tu veux les lire ?

Elle a l’air surprise en voyant les deux livres posés sur ses genoux.

- Oui, pourquoi ?

Moi, je lis tout, à partir du moment où c’est écrit…

- Alors celui-là, tu l’auras lu en une heure. Et celui-là par contre, je pense qu’il risque de te rebuter.

- Pourquoi ? C'est quel genre ?

- Beaucoup de descriptions et des phrases tarabiscotées.

Cool ! Comme ça mon cerveau se mettra peut-être sur off, pendant ce temps.

- OK ! alors je commence par lui.

Et sautant par-dessus le dossier du canapé, j’atterris à plat dos dessus, suivi d’un craquement sinistre.

- Robert, tu le casses, tu nous en achètes un autre.

- Oui, Papapa.

Sais pas avec quel sous mais oui, si je casse, je remplace.

 

Vers neuf heures, les filles descendent l’une après l’autre déjeuner.

Coco qu’Isabelle suit de près, me saute sur le ventre..

- Coco, aïeeee, tu fais mal.

Isabelle me passe la main dans les cheveux, amusée. 

- Bonjour petit être fragile.

Pfffff ! n’importe quoi ! Et vire ta main pleine de doigts !

- Isabelle, je ne suis pas fragile, j’ai juste une partie de mon individu qui est sensible.

Elle se met à rire.

- Oui c’est bien ce que je dis : petit être fragile.

Pfff m’énerve. Coco se couche sur moi, soulevant mon livre.

- Coco, pousse-toi, je ne peux plus lire.

Aucune réaction de sa part.

- Maman bibi.

Elle me gonfle, pourquoi toujours sur moi ? Mammema au moins l’a compris.

- Corinne, regarde Papy dans son fauteuil, va le boire avec lui.

La petite prend son biberon mais ne semble pas d’accord pour bouger.

- Non ! Merci mamie.

La grand-mère tente encore.

- Corinne, descend de là.

Mais la gosse n’est pas d’accord.

- Non, je veux rester avec lui.

Je soupire et, posant mon livre au sol, nous installe mieux.

- Bon alors mets-toi comme ça, tu me serviras d’appui livre. Et maintenant mets ta main là.

La tête surélevée par une pile de coussins, les jambes pliées et les pieds nus bien à plat, mes cuisses servent de dossier à Coco qui, jambes repliées, m’offre ses tibias et ses pieds comme repose livre, sa main gauche me tenant le livre ouvert. La droite tenant son biberon reposant sur le haut et le centre de la couverture du livre.

Je lis, plus rien n’existe autour de moi.

Les coussins sous ma tête disparaissent et le bruit qu’elle fait en percutant le bois du dossier est celui d’une noix de coco qui explose.

- Aie !

La surprise me fait étendre les jambes, Coco roule dans le vide sans lâcher le biberon, je vire le livre pour la suivre et atténuer sa chute en l’entourant de mes bras. Je retombe au-dessus d’elle, sur les genoux et les coudes.

Papapa se précipite.

Je me relève en me mettant sur la pointe des pieds et les poings puis debout.

Coco se bouche le nez.

- Dis que je pue. Et cette garce qui opine de la tête. Je reprends mes livres et, fâché, me frottant la tête, je décide de remonter. La prochaine fois, je te laisserai tomber.

 

Cinq minutes plus tard, je redescends.

- Gisou, je remets ton livre à sa place. Papapa on ira cet après-midi ?

- Où donc garçon ?

C’est Richard qui répond.

- Non, monsieur le voltigeur, vous vous rappelez que vous êtes interdit de vol, jusqu’à ce que je décide du contraire.

J’ai alors presque le geste de Véro de taper du pied mais me retiens.

- Mais j’ai su gérer.

Il me regarde.

- Et ?

Je soupire.

- Non, rien. Je retourne vers les escaliers. Mais c’est pas juste.

Je le vois sourire.



Après le repas de midi, Sylvie et Gisou veulent nous emmener visiter Chambéry, en ne prenant qu'un seul des deux breaks.

Je ne veux d'abord pas venir mais Richard me fait comprendre sans un seul mot prononcé, que je ne peux déroger à la corvée.

 

Nous entasser tous dans la voiture est déjà un exploit. Les jumelles, Isa et Véro s'installent totalement à l'arrière avec Coco. Mathilde, Justine et moi prenons place sur la première banquette avec Fanfan sur mes genoux, Yvy sur ceux de Justine et Marine dans les bras de sa sœur. Heureusement, nous ne voyons pas de Schtroumpfs sur le chemin sinon nous aurions été bons pour rentrer à pied !

 

Ce que les mutter ne savent pas : c'est que la ville fête carnaval ce jour-là, enfin, moi je l'ignorais. Nous profitons donc du défilé.

Je prends Coco sur les épaules pour qu'elle ne se fasse pas marcher dessus dans cette cohue. Gisou passe son temps à nous photographier ainsi que des enfants qu'elle trouve bien déguisés.

Les trois emmerdeuses, elles, passent leur temps à me comparer aux mannequins des chars. Je suis donc entre autre chose : un singe ( king-Kong apparemment. ) un troll ou un truc semblable, un skieur bedonnant puis le bonhomme carnaval lui-même.

Fanfan accrochée à ma main, me rassure.

- Mais non, tu es beaucoup plus beau.

Qu'est-ce que j'aurais été bien au chalet, tranquille pour une fois avec un bouquin !

Justine, elle, ne dit rien portant Marine à part égale avec les jumelles. Elles essaient plusieurs fois de me la refiler mais je préfère encore porter aussi la Fanfan qui traîne des pieds.

Dans la rue où nous sommes garés, j'ai repéré une armurerie et après avoir posé les deux petites, je m'éloigne pour y jeter un œil.

Ce qui a attiré mon regard, c'est un superbe P90. Bien sûr, il ne tire que des billes mais il ressemble trop au vrai. Je le verrai bien suspendu au mur de ma chambre. Tout comme ces deux sabres de samouraï.

Cela me donne aussi, l'occasion de renseigner deux jolies hispaniques qui se sont perdues. Malheureusement l'espagnol ne fait pas partie des langues que je parle. Heureusement l'anglais nous sort de ce faux pas et je peux plus ou moins les remettre dans la bonne direction.

Mais ma brève escapade consistant à traverser une rue déserte, me vaut un sermon de deux heures de Gisou que j’écoute en soufflant.

- Mais, je n’ai fait que traverser la rue.

- Nous verrons ce qu’en dira ton père.

Je marmonne.

- Ce n’est pas mon père.

Déjà tournée, elle se retourne vers moi.

- Qu’as-tu dit ?

Je monte dans la voiture.

- C’est pas juste !



Pour le voyage de retour, j'ai le malheur de m'asseoir à nouveau entre Mathilde et Justine.

Nous n'avons pas démarré depuis cinq minutes que Véro, assise juste derrière moi, estime que je n'ai pas à dormir mais à répondre à ses questions au sujet des deux touristes, et me colle deux claques simultanées qui résonnent dans toute la berline. Là, c'en est trop ! Balançant Fanfan sur les genoux de Justine surprise et accessoirement sur Yvette, je me retourne et à genoux tente à mon tour de lui en coller au moins une. Mais toutes les filles s'interposent évidemment.

Le fait que Gisou gare la voiture puis descend et ouvre notre portière côté route, me et nous calme instantanément.

- Dehors, toi et Véro ! Je ne vous supporte plus, vous rentrez à pied, cela vous calmera !

A peine sommes-nous sortis qu'elle redémarre. Nous laissant comme deux imbéciles au milieu de la chaussée.

Véro me fixe.

- On fait quoi maintenant ?

Tremble-t-elle de froid ou de peur ?

- Rien ! Nous attendons. Elle reviendra nous chercher.

Mais elle n’a pas l’air convaincu et commence à marcher. Je la suis, pas du tout, du même avis.

- Tu crois ? Ce n'est pas le genre de la maison.

Je  la fait stopper et se retourner vers moi.

- Hum... Disons qu'il va faire nuit dans moins d'une demi-heure, que tu n'as pas ton blouson et que ta mère t'aime. Donc elle reviendra. Allons nous installer à l’abri pour les attendre .

La route est bordée de chaque côté, par un talus de terre d'un mètre de haut environ, nous nous asseyons dessus. Me mettant au-dessus d'elle, elle s'assoit entre mes jambes, au chaud contre moi, à l'abri de mon blouson. Je l'entoure aussi de mes bras.

Elle a les cheveux lâchés et j'enfouis mon visage dedans, ils sentent bon.

Au début, je la sens trembler puis se calmer, n’a-t-elle plus froid ou peur, je n'ose pas lui demander.

D'elle-même, elle se colle d'avantage contre moi levant un visage souriant vers moi.

- Tu es tout chaud. On est bien là tous les deux, finalement.

 

- Bonjour les enfants. Je peux vous déposer quelque part ?

La quinquagénaire coiffée à la mode des années cinquante, dans sa 204 blanche, s’est arrêtée devant nous et l’ado qui doit avoir notre âge mais dont je ne saurais dire si c’est un garçon ou une fille, assis à côté d’elle, l’a laissé ouvrir sa vitre en soupirant mais en l’aidant d’aucune manière et nous jette un regard épuisé qui m’amuse.

Je laisse Véro répondre. 

- Non, non, merci, nous attendons nos parents.

 

Il y a pas mal de circulation. Mais peu de voitures s'arrêtent. Après la quinqua, un couple de personnes âgées. Par contre lorsque des camionnettes blanches passent devant nous, j’suis pas serein mais je me dis qu’on est deux et que je ne fais plus “petit garçon”.

 

Gisou met vingt minutes pour revenir, je l'aurais bien attendue d'avantage mais le soleil a déjà disparu derrière les hauts pics enneigés et on commence à être gelés tous les deux. 

Elle ne descend pas de la voiture. Mais nous y entrons comme nous en sommes sortis, mais poussant Justine, je garde Véro contre moi, un bras autour de ses épaules.

 Fanfan revient sur mes genoux mais Véro reste collée à moi la tête sur mon épaule, jusqu'au chalet.

Ce trajet est très silencieux.

Justine nous glisse juste à l'oreille que Gisou s'est arrêtée à une cabine téléphonique avant de faire demi-tour pour venir nous reprendre. Cela ne me surprend pas et me fait sourire.

Richard et Rémy nous accueillent en jouant les surpris.

- Eh ! Ils sont là, eux aussi ?

En passant entre eux pour pénétrer dans le chalet, je ne peux m’empêcher de blaguer aussi à ma façon et leurs sourires disparaissent.

- Comme si vous ne vous en doutiez pas ? En tout cas, plusieurs fois des camionnettes blanches sont passées… et j’étais content d’avoir mon opinel sur moi.

Par contre Gisou me fixe, songeuse et ennuyée. J'ai envie lui demander à quoi elle pense, mais laisse tomber car Véro et Justine m'entraînent déjà me tenant par la main, à l'intérieur.

11 octobre 2010

Robert mercredi 18 février 1977 insubordination

   Robert mercredi 18 février 1977 insubordination

 

Vu ma journée d'hier, à sept heures, je suis debout.

- Bonjour !

Tour de table rapide, je pique à Richard son bout de brioche ce qui me vaut de piquer un sprint jusqu'aux toilettes avec lui qui me court après.

Lorsque je reviens dans la grande pièce avec mon mug de café et mon propre bout de brioche, il se relève. Nous tournons autour de la table jusqu'à ce que j'ai mis ma part entièrement dans ma bouche et manqué de m'étouffer.

Si Papapa et Rémy rigolent, les mutter ne sont pas contentes.

- Richard, sois plus adulte que lui, voyons !

Sylvie me tape dans le dos.

- Et voilà, et maintenant il s'étrangle. Mâche, mâche.

Oui mâcher, je veux bien mais Mammema m'a donné un énorme bout de brioche et j'ai même du mal à garder la bouche fermée. Bon, direction la cuisine. Sortir le bout de la brioche de la bouche et ouf ! ça va mieux ! En deux fois c'est plus facile.

Retour à table, je m'assieds à côté de Sylvie qui se ressert de la brioche. Je lui tends la main.

- Encore ? Mais tu vas exploser mon garçon.

Elle est amusée, Gisou pas du tout.

- Tu ne lui donnes rien.

Sylvie me fait signe que non et se lève en emportant la brioche dans la cuisine.

- Désolée, j'obéis à ta mère.

Je fixe Gisou d'un regard réprobateur et fâché.

- Mais pourquoi ? Je n'ai rien fait de mal ?

Hum, pas d’après elle.

- Tu es un voleur et un malpoli.

Papapa sourit.

- Gisou, c'est un jeu entre lui et Richard, tu sais ?

Je me tourne vers Richard assis à côté de son père.

- Richard, je te prie de bien vouloir m'excuser de t'avoir volé ta brioche et de ne pouvoir te la rendre, à moins bien sûr que tu y tiennes mais bon, j'en connais une que ça va encore faire râler.

Rémy que notre discussion amuse, interpelle Gisou à son tour.

- Gisou ajoute à la liste de ses délits : insolence et insubordination.

Par contre moi je ne suis pas d’accord et le dis, ce qui amuse encore plus ce dernier.

- Quoi ? Mais je n'ai désobéi à personne !

Gisou passe derrière moi et se penche vers moi.

- Tu as parfaitement raison Rémy, donc Robert, te voilà consigné dans ta chambre pour la journée et ceci reconductible jusqu'à ce que tu corriges ton attitude envers les adultes de cette maison. D'abord ramènes ton mug puis monte !

Rémy commence par rire puis lance un regard halluciné à Gisou, il ouvre la bouche pour réagir mais obéit à son frère qui lui fait signe de ne rien dire.

Ah bin merde alors !

- Non, mais Gisou, t'es sérieuse là ?

Incrédule, je fixe la mutti qui ne rigole pas.

- Tout ce qu'il y a de plus sérieuse mon garçon, disparaît.

S’il n'y avait pas eu d’autres personnes assises sur le banc, le mur l'aurait pris en beauté. A la dernière seconde, je retiens mon geste de balancer rageusement mon mug dans l'évier en grès. Mais c’est celui de BA 107.

Dans l'escalier, je bouscule les filles qui descendent déjeuner.

- Hé qu'est-ce qu…

Je bouscule à nouveau Maïté qui ne comprend pas.

- Toi ta gueule ou je t' explose !

Derrière moi, la voix de Gisou furieuse.

- Robert !

Je m'arrête au milieu des escaliers, me retourne derrière les filles, et fais des deux mains un doigt d'honneur en direction de celle que je viens d'entendre une fois de trop.

Ma porte claque et je me défoule contre le mur, ne m'arrêtant que lorsque la douleur me l'impose. Alors roulé en boule, les mains coincées contre mon ventre, je me laisse tomber sur mon lit.

Je n'ai rien fait, rien fait et Richard qui ne me défend même pas.

Je le déteste.




Une main sur mon bras, et une voix grave amusée.

- Debout le criminel, on y va.

Je ne bronche pas. Je lui en veux de ne pas m'avoir défendu.

- Je suis puni.

- Jusqu'aux dernières nouvelles, c'est moi le chef de famille et sa pseudo punition pour t'empêcher de voler, je m'en tamponne.

- Quoi ?

Je lève la tête vers lui surpris.

- Et oui ! Tout comme elle n'aime pas me voir voler. Bon maintenant debout et montre-moi tes mains.

- Non !

Réponse débile, comme si j’avais le choix.



- Gisèle, tu le soignes et on s'en va. Mais dis-toi que si lui arrive quoique ce soit car il a mal, ce sera de ta faute et non de la sienne, même, si, je reconnais que c'est un imbécile.



Toute la matinée, j’oscille entre : en vouloir à Gisou ou m'en vouloir à moi, car, j'ai pris la place arrière dans le 800 pendant que Papapa pique un roupillon en enlevant même son casque, je regrette en voyant Richard évoluer avec l'ASK.

Et puis... je m’imagine... Je ne suis plus au commande d'un paisible planeur à profiter du silence, mais je suis Biggles contre VonBalchow et l'ennemi c'est Richard.

Je vire brusquement et lui passe juste au-dessus puis, je lui tourne autour. Je l'ai abattu et je pique pour surveiller sa chute puis je remonte. Je râle car un planeur ne va pas vite. Je m'aperçois alors qu'en fait, il me suit et se met à mes six heures à son tour, je vais me faire abattre... mais ma montre sonne. Et merde je dois rentrer. Je vois Papapa remettre son casque.

- Tu t'es bien amusé ?

- Oui Papapa.

- Moi aussi, même si j'avoue que j'ai failli mouiller mon pantalon. Nous verrons si tout à l'heure Richard sera de ton avis.

 

Son avis est cinglant : "J'en connais une qui va être contente !"



Effectivement, Gisou a un immense sourire pendant tout le repas.

Au début, je ne sais pas comment réagir, je commence par essayer de me faire oublier, de me faire tout petit puis ma vraie nature revient au galop.

Je lui souris aussi, sourire carnassier et insolent.

J’ai faim et l’entrée composée d’une simple salade de tomate m’a plus ouvert l’appétit qu’autre chose. Je récupère avant Rémy, le saladier où il en reste un peu et la finis directement dedans en sauçant avec mon pain. Papapa m’enlève le plat, morceau de pain à la main, je m’amuse à tenter de continuer à saucer malgré tout.

J’y perds quelques cheveux qui restent entre les doigts de Gisou.

- Si tu comptes finir le repas parmi nous, tu te calmes.

- Désolé mais le grand air m’a donné faim. Le regard noir qu’elle me lance devrait me calmer, mais non. Mon estomac est comme le ciel au-dessus du 800, sidéralement vide.

- Monte dans ta chambre, voir son vide sidéral.

Je ne suis pas prêt à obéir.

- Nop, pas envie, j’ai faim.

Papapa me prend par la nuque.

- Par contre là, mon gars, tu obéis, monte.

Avec une lenteur sidérale elle aussi, je me laisse tomber en arrière, glisse sur le dos du banc au sol, puis y reste bras en croix, immobile.

Elle vient se mettre au-dessus de moi.

- Tu joues à quoi ?

- Suis mort, tu m’as abattu.

- Tu es mort ?

- Oui. Je vois Papapa essayer de ne pas rire. Il n’est pas le seul. J’ai percuté la planète à cause d’un vent mauvais.

Le broc d’eau que Gisou tient, se vide sur un parquet que j’ai fuis pour remonter dans ma chambre, mais avant, un détour par l’entrée de la cuisine m’a permis de voler une baguette de pain, déposé un bisou sur la joue de Sylvie à qui j’ai dérobé deux steaks sur son plateau.

- Robert !

M’aurait-elle appelé ? Désolé, mais l’altitude m’a déjà happé

Quand Richard monte quelques minutes plus tard, j’ai déjà englouti la viande et les trois quart de la baguette.

Il me prend par le bras et me pousse dans les escaliers.

- Vas t’excuser !

J’arrive en bas en finissant ma dernière bouchée de pain. Gisou est dans la cuisine.

Richard fait sortir Sylvie et ferme la porte derrière moi. Je me retourne et tambourine dessus.

- Non pitié, je suis trop jeune pour mourir.

Gisou derrière moi, un torchon dans les mains me fixe.

- Mais qu’est-ce que tu as aujourd’hui ?

Je me retourne, en me retenant de rire.

- Moi ? Rien. C’est toi qui est méchante avec moi.

Ni souriante, ni étonnée, elle suspend son torchon.

- Moi ?

Je secoue tellement la tête de haut en bas que j’ai l’impression de sentir mon cerveau se décrocher.

- Oui, tu m'affames et refuses de comprendre que je suis un être sensible et très extrêmement…

- Pas très français…

Avec un air exaspéré, je continue.

- Tu vois, en plus tu ne me laisses pas m’exprimer. Très très très extrêmement malheureux que tu veuilles m’empêcher d’être heureux alors je l’exprime en me cachant derrière un humour débile car je suis trop pudique pour te le dire en face. Cette fois, je la vois esquisser un sourire. Bon c’est vrai, j’avoue que je suis aussi très très con et je te demande à genoux. Je joins le geste à la parole. De bien vouloir me pardonner d’adorer te faire tourner en bourrique. Mais là, je n’ai pas beaucoup d'efforts à faire car avec toi,c’est trop trop facile.

 

Une fois de plus j’aurais dû me taire.

Saisi par l’oreille, elle me fait rejoindre dans l’autre pièce, le coin le plus détesté par Coco, car c’est celui où elle passe beaucoup de temps…

- Puisque tu te conduis comme un gamin, je te punis comme tel. A la différence de Coco, je ne hurle pas à plein poumons. Lorsque je me tourne, sourire aux lèvres, elle est encore derrière moi. Ah non, jeune homme, front contre le mur, mains dans le dos et je suis la seule qui pourra t’autoriser à en sortir.

Derrière moi, j’entends les filles pouffer.

Au début, la situation m’amuse puis m’agace.

Très vite, j’ai envie de bouger, je m’ennuie, je veux regarder ma montre me demandant combien de temps c’est déjà écoulé.

- Non ! Dans le dos les mains. Je sens qu’on touche à mon poignet. Je te la confisque, tu la récupéreras lorsque je lèverai la punition.

J’aurais dû faire un peu moins le malin. Le dernier à m’avoir mis au coin c’est mon instit de cours moyen. Je m’ennuyais tellement pendant ses cours.

Je ferme les yeux mais je ne sais pas encore dormir debout.

Coco se glisse à mes pieds avec une pomme.

- Tu me fais croquer ?

On finit à deux sa pomme. Deux secondes après, elle revient avec une autre et ainsi de suite jusqu’à ce que je l'entendes hurler dans les escaliers. Je soupçonne que c’est l’heure de la sieste.

Je pousse la porte de la cuisine avec le pied pour la fermer.

- Tu joues à quoi ?

- A rien, je manquais d’air.

Gisou ouvre la porte et me revoilà isolé entre cette porte et un mur, le front contre les marques faites par Mammema pour mesurer les tailles de tous les membres de la famille. Mon regard s’arrête à mes “un mètre quarante deux” lors de mon premier séjour. Aujourd’hui, j’ai dépassé le mètre soixante-dix.

Je calcule rapidement qu’en seize mois j’ai pris vingt-huit centimètres donc un centimètre soixante quinze en moyenne. Si je continue à ce rythme à dix-sept ans, je mesurerai un mètre quatre-vingt onze. Et je serai donc plus grand que mon père. Ça me va. Avec le sport et si je continue à faire de la boxe, à sa sortie de prison, je pourrai aller lui rendre la monnaie de sa pièce.

Et là tout bascule… quelqu’un me pose la main sur l’épaule et je tombe à genoux, me roule en boule et les yeux fermés, tremblant, j’attends.

C’est la voix inquiète de Papapa qui me fait ouvrir les yeux.

Je le repousse et une minute plus tard, je suis dans ma chambre sous ma couette où je reste haletant.



Peu de temps après j’entends la voix de Gisou et Papapa.

- Écoutes, tu lui as obligatoirement fait quelque chose pour qu’il réagisse ainsi.

- Mais Gisèle je te jure que non, je lui ai juste posé la main sur l’épaule pour lui dire de venir se mettre aux devoirs, c’est tout, je te l’assure.

Des pas lourds et qui montent vite, Rémy ? Non, c’est la voix de Richard qui coupe court à leur disputes. J’aimerais leur crier : ”Vous n’y êtes pour rien”. 

- Taisez-vous tous les deux et redescendez, je m’en occupe.

- Psychologue comme tu l’es, tu vas nous le démolir encore plus.

- En attendant, c'est ta punition pour bébé qui nous l’a mis dans cet état régressif, laissez-moi faire.



J’attends.

Roulé en boule, la tête dans mes bras sous la couette, j’attends.

Je ne sais pas trop ce que j’attends mais je l’attends.



Les bruits de pas dans les escaliers me tétanisent davantage. J’ai l’impression d’étouffer, mon cœur bat si fort que je pense qu’il va finir par exploser. Il est si gros qu’il empêche mes poumons de se remplir. La bouche ouverte comme un poisson hors de l’eau, j’essaie de respirer…

Les yeux ouverts, les mains sur mes oreilles, je ne veux pas l’entendre arriver.

Je sais qu’il est là, je le sens derrière moi.

Non pas derrière moi !

Je rejette la couette, je me débats mais je suis encore si faible et lui toujours si fort, mais cette fois je ne me laisserai pas faire.

Comment un petit garçon peut-il lutter contre un homme adulte.

- Robert c’est moi, regarde-moi.

Cette voix…

Mais la peur obture tous mes sens. Il me tient les mains, j’ai envie d’hurler mais rien ne sort. Les yeux ouverts je ne vois rien enfin si lui, au-dessus de moi. 

Les coups que j’attends ne viennent pas... ni le reste d’ailleurs.

Il est juste là, au-dessus de moi. 

Nous attendons tous les deux.

Mais lui, qu’attend-t-il ?

Peu à peu, l'air entre à nouveau dans mes poumons et mon cœur se calme.

Son image lentement s’efface, remplacée par un visage inquiet, avec des yeux noisettes, bordés de rides et au-dessus cette ride, cette barre que j’ai toujours envie de toucher.

- Richard ?

Il me sourit.

- Bien sûr. Tu t’attendais à voir qui d’autre ? Il enlève son genou de mon ventre, est-ce pour cela que je n’arrivais plus à respirer ? Tu n'essaies plus de me frapper ?

- Non… je ne crois pas… je ne me permettrais pas.

Il continue à me sourire mais cette fois l’air amusé.

- Et bien le jour où je te collerai une droite, je t’autoriserai à me la rendre.

Là, je suis surpris, lui me frapper ? Même si… me connaissant, je risque un jour de le pousser vraiment à bout. Mais maintenant que je les connais mieux, je verrais plus Papapa le faire.

- Oh ! tu le feras sûrement parce que je la mériterai… je pense.

Il s’assied à côté de moi. Je me suis redressé, assis face à lui.

- Aller viens là gamin. Il a dû sentir mon recul puis ma réticence lorsqu’il veut me serrer contre lui, il semble hésiter mais continue son geste. Il sent le vétiver comme Papapa mais l’odeur du tabac en moins. 

- Qu’est-ce qui…

Nous avons commencé puis arrêté ensemble notre phrase, je m’écarte et tous deux restons à nous regarder. Comment ai-je pu avoir peur de lui ?

- De quoi avais-tu peur ?

Je m’assieds en boule contre le mur, les yeux fixant la couette.

- De rien.

Je sais comme lui que c’est faux. Je m’appuie contre le mur, saisit puis m’entoure de ma couette, et y cache mon visage derrière.

- Tu sais que je ne te crois pas.

Évidement que je le sais. Un silence s’éternise puis…

- J’ai cru que tu étais lui.

- Ah ! Et bien merci !.

Il se tait mais sa voix était comme cassée.. Je lève la tête pour le regarder. Il fixe le mur en face de lui.

- Désolé.

Je m’en veux, il me regarde.

- Tu me vexes.

Comment lui dire que je le sais, que je m’en veux, que ce n’était pas moi, que c’était mon moi d’il y a deux ans, celui qui… Je m’en veux…

- Désolé… je ne voulais pas.

Il me sourit mais garde son air triste.

- Je sais… je me doute. Tu refais des cauchemars ?

Je secoue la tête et frissonne.

- Non… rarement. Là, ce n’était pas un cauchemar.

Là, je ne dormais pas.

- Tu veux qu’on en parle ?

J’hésite, je ne saurais pas lui expliquer. 

- Non… plus tard.

Il me lève le menton de sa main droite.

- Promis ?

Peut-être, un jour. Quand je saurai mettre les mots sur ce qui m’est arrivé, d’abord je veux le raconter à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui lui, saura m’expliquer. Et peut-être après alors… 

- Oui.

Il se lève. 

Moi aussi. 

La main sur la porte, il me montre mon lit. 

Je souffle. Prends ma couette à bras le corps en fait une boule que je pose au milieu et lui montre les deux mains tendues vers le lit avec un grand sourire. Il lève la main comme pour me frapper, je ne pare pas. Il sourit. Il pose sa main dans mon cou, et m'attire vers lui.

- Je te préfère comme ça.

Moi aussi…







10 octobre 2010

Robert mardi 17 février 1977 Lâché

Robert mardi 17 février 1977 Lâché

 

Mes doigts sont gourds autour du manche et mes pieds répondent trop lentement… mais…

- Papapa je suis fatigué. Je suis plus fatigué que quand je suis à l'école.

- Et si tu dormais ?

- Mais je dors.

- Robert on va s'écraser, redresse, redres...

 

- Ça y est tu es réveillé ?

Richard penché au-dessus de moi, arrête de me secouer.

- Oui. j'aurais du mal à ne pas l'être, à moins d'être mort comme dans mon rêve.

Son visage marque la surprise.

- Et bien, tu fais de joyeux rêves,  toi, dis donc !

- Je rêve tout le temps que je m'écrase et qu'on se tue, toi et moi ou Papapa et moi.

Richard soupire en secouant la tête et s'en va.



Je lève la tête vers le ciel bleu où au-dessus de l’aéroclub, quelques stratus se déchirent lentement

- Tu vas où ?

Je me retourne sur Richard harnaché comme moi d'un parachute.

- Bin dans le 800.

Il me tient par le bras et me montre l'ASK.

- A toi l'honneur. Comme ça, si tu te craches, tu ne tueras que toi et je ne me lèverai plus la nuit pour te réveiller.




Je n'ai pas vu le temps passé. Moi qui n'aime pas le silence, celui-là, me va. Juste celui du vent qui porte les ailes de mon albatros. La voix me fait sursauter.

- Ici, la tour de contrôle, un message de vos parents, ils ont faim. 

Je les entends rire derrière.

Un coup d’œil à ma montre m'apprend qu'il est quatorze heures quinze. Pas envie de descendre même si là, d’un coup, mon estomac se rappelle à moi.

- Qu'ils aillent manger.

Cette fois, la voix m'est familière.

- Tu comptes revoler ?

Heureusement qu’il ne peut voir le geste énervé que je lui fait.

- Oui, OK ! OK ! j'ai compris.

A peine, le léger aéroplane posé, ils n'attendent même pas que je sois sorti pour le pousser vers le hangar. Pourtant ils sourient et n’ont pas l’air si énervés.

Par contre, une fois le planeur sous le hangar, je m'en fais extraire et enlever le parachute sans douceur. Et deux autres pilotes se joignent à eux pour me porter, chacun un bras ou une jambe. Et… trente secondes plus tard, je ressors entièrement trempé d'une piscine pour gosse décorée de flamands roses, où ils m'ont jeté dedans, la tête la première.

- Tiens bonhomme ! Cul sec ! Il me tend un verre en plastique. Le premier vol solo ça se fête !

Je grimace en avalant cul sec le champagne contenu dans le verre en plastique.

Richard me tend des vêtements.

- Maintenant, va t'habiller, on s'occupe du planeur puis on rentre, on va se faire sonner les cloches au chalet.




En arrivant, je fourre tout mon linge dans la machine à laver devant Gisou qui dans mon dos les ressort et me suit en les gardant à la main, puis fonce sur Richard qui se retrouve avec mon pantalon et mon pull sous le nez..

- Que lui est-il arrivé? Pourquoi revient-il habillé de propre et les autres vêtements trempés ? Il lui est arrivé un accident ?

Rémy tout sourire se lève et vient vers moi.

- Alors, tu as fait plouf ?

Très fier de moi, je confirme.

- Oui.

Il me tape sur l’épaule.

- Bravo ! Bientôt le grand bain.

Richard, le regard amusé, tape sur l’épaule de son frère.

- Attends Frangin, ne mets pas la charrue avant les bœufs , s'il est pris ce sera dans trois ans et sinon ce sera dans quatre ans.

Gisou écoute les deux hommes avec une mine de plus en plus inquiète, puis me saisit par le bras.

- Toi ! Houla, ne fuis pas. Elle me tient par la manche, mes vêtements trempés toujours dans l’autre main. C'est quoi cette histoire de petit et de grand bain ?

Richard répond à ma place.

- Gisou lâche-le, avec Papapa et deux collègues on lui a fait prendre un petit bain de siège bien froid dans une piscine gonflable avec vingt centimètres d'eau. C'est ce que subit tout pilote après son premier lâché.

Son air effrayé s’accentue.

- Mais il n'était pas prêt et si...

Je regarde Richard pousser Gisou vers la cuisine et fermer la porte derrière eux.

Papapa se laisse tomber dans son fauteuil en soupirant.

- J'en connais une qui va avoir du mal dans quelques mois.

Je regarde tristement le grand-père, je le trouve optimiste. Quelques mois? Pour Richard ça se compte plutôt en années… Mais soyons optimiste… Une année, ce sont des mois, donc… Je souris… Oui, dans quelques mois…









Publicité
Publicité
9 octobre 2010

Robert Lundi 16 février 1977 glaçon !

Robert Lundi 16 février 1977 glaçon

 

J'ai eu un mal fou à m'endormir et à quatre heures, je suis réveillé.

 

Je regarde ma montre toutes les cinq minutes.

Je la secoue et lui dis d'aller plus vite tout en sachant que cela ne sert strictement à rien.

Pour finir, j'en ai tellement marre que je finis par la balancer de l'autre côté de la pièce. Résultat des courses, je me lève pour la récupérer. Tremblant de froid et de peur de l'avoir cassé. De plus, évidemment, ça me donne envie de pisser et j'ai la flemme de descendre. Du coup, et bien j'ouvre la fenêtre et volets  et arrose dehors. Par contre, le bruit ne me plaît guère et malgré l'obscurité je m'aperçois qu'en-dessous, il y a le break de Richard. Et maintenant, j'ai des envies de meurtre sur moi-même. Bref, envie de jeter une corde par la fenêtre et de me pendre.

Là, pas le choix. Habillage et descente façon ninja en faisant gaffe aux marches qui craquent. Prendre le liquide vaisselle, retrouver la grosse éponge qui sert à laver les voitures et go, dehors !

Purée, il fait si froid que l'eau gèle sur la voiture, mais bon au moins elle est propre. Par acquis de conscience, je fous quelques seaux sur la remorque de l'ASK.

Je range le seau et l’éponge et remonte.

Je bute sur Papapa dans les escaliers.

- Pstttt gamin, tu viens d'où ?

- Pipi.

Papapa me fait un signe de la main et continue de descendre et moi à monter.

Dans la chambre, je suis content d'enlever mes fringues rigides car trempées. Et ma couette, même si elle est glaciale, me semble plus chaude qu'eux. Ras le bol dans une heure c'est sept heures, je veux me lever tôt pour qu'on aille à l'aéro-club.

 

La porte s’ouvre sur Richard qui semble plutôt énervé.

- Qu’est-ce qui t’a pris ce matin ?

Heu, pourquoi qu’il m’engueule ?

- Hein ? Quoi ?

Il reprend sa respiration, puis, plus calme.

- On peut savoir pourquoi tu as mis de l'eau sur la voiture ?

- Je n'ai rien fait.

Richard me colle alors mes fringues trempées sous le nez.

- C'est Papy qui nous a dit t'avoir vu remonté trempé à six heures alors maintenant tu te lèves et tu vas rattraper tes bêtises car grâce à toi la voiture est scellée, y compris serrure et moteur.

Oups ! Ce n'était pas mon but. Et comment veut-il que je sache quoi faire ?

En bas, il me pousse vers la cuisine puis vas jeter mon pantalon trempé sur le banc à côté de son père.

- Papa, tu avais raison, mais dès fois je me demande ce qui lui passe par la tête. Toi, vas mettre tes pompes. 

Après avoir mis mes baskets encore trempées je reviens dans la cuisine et mets une casserole sur le feu.

- Tu fabriques quoi maintenant ?

Je m’écarte par prudence de lui.

- Je fais bouillir de l'eau et comme elle sera bouillante elle fera fondre la glace et débloquera la serrure.

Il soupire et éteint le gaz.

- Et par moins vingt tu crois qu'elle va rester chaude combien de temps ta flotte ? Trente secondes gros nigaud.

C'est là où je vois Mammema battre des œufs;

- Un flan ! C'est ça ! Mammema il est où votre chalumeau pour faire cramer vos flans ?

Elle me regarde horrifiée.

- Mais je ne fais pas brûler mes flans, malheureux !

Richard semble presque content.

- Bonne idée mon gars pour la serrure mais pour le moteur ?

Voyons, voyons voir. Avec quoi le réchauffer  sans flamme ? 

- Si on peut ouvrir le capot on peut mettre dessus une couverture chauffante.

Richard sourit.

- Me demande si Mamy et Papy vont être d'accord pour qu'on salisse leur couverture chauffante ?

- Suffit de mettre un drap entre la couverture et le moteur.

Mammema lui fait signe d’aller la chercher. Je le vois disparaître puis revenir.

- Enlèves moi ces pompes trempées et mets en d'autres.

Il en a de bonnes, lui. Lesquelles ? Je suis le seul à mettre du quarante-quatre et je n'ai que ces baskets. Je les enlève puis les pose devant la cheminée de la cuisine.





- Bon maintenant si tu veux aller voler tu me dis pourquoi tu as dû laver la voiture à cinq heures voir peut-être quatre heures du matin.

Autour de nous, tout s'est arrêté, j'ai même peine à croire que j'entends encore le tic-tac régulier du coucou suisse posé au-dessus de la cheminée.

Comme si j'allais leur avouer que c'est parce que je suis le mec le plus con et flemmard de la Terre. 

- Tant pis, je ne volerai pas aujourd'hui.

La voix de Richard me poursuit dans l’escalier…

- Robert ! Je m'arrête sur la quatrième marche et me retourne pour le regarder. Mets une croix dessus, temps que tu ne me l'auras pas dit.

Je monte quelques marches puis redescends mais là, je vois toutes les filles me regarder et renonce. Je remonte m'enfermer dans ma chambre.



A midi, c'est lui qui vient me chercher, je suis couché sur mon lit pieds nus et en tee shirt.

- Tu n'as pas froid, il caille dans ta chambre.

- Oui c'est pour ça que je réclame un chauffage. mais bon, j'suis blasé, je fais des pompes ou d'autres trucs pour me réchauffer.

- Sinon, tu vas me dire le pourquoi du comment ?

Je secoue la tête sans le regarder.

- Non, tu iras le répéter à tout le monde.

Je le vois aller à la fenêtre, l'ouvrir et regarder en bas. Puis éclater de rire.

- Tu sais, un jour Rémy a pissé comme ça sur la tête de Papy. Allez hop en bas, à table. Et soyons clairs, nous l'avions deviné depuis le début. Mais comme tu n'as pas eu le courage de l'avouer, je maintiens la punition.

Je le hais, je le hais, je le hais !

Assis en tailleur sur mon lit, je boue.

La porte claque devant moi, qu'ils aillent tous se faire foutre ! Le courant d'air que ça provoque me rappelle que je suis en train de me transformer en glaçon, je regarde mes orteils qui ont commencé à bleuir.

Je me mets donc à faire des flexions en étant sur les orteils mais j'aime pas la sensation que j'éprouve alors avec un soupir, je prends des chaussettes et je me dis que même si je suis punis, je peux tout de même descendre les réchauffer devant la cheminée avec mon livre.



En bas, ils sont à table.

Je vois les filles se faire des messes basses et rire entre elles.

Papapa tapote le banc à côté de lui.

Oh et puis flûte, j'ai faim. Je vais donc dans la cuisine me laver les mains. J'y croise Gisou.

- Pense à aller faire pipi avant de venir à table et de te laver les mains.

- Hein ?

Quoique, bonne idée mais celle qui l'est moins c'est d'y aller en chaussettes.

 

- Mammema je peux en reprendre ?

Elle me passe le plat.

- Oui mon petit.

 

- Mamy ne lui met pas trop de sauce, c'est du liquide tu sais.

Je regarde Rémy.

- Quoi ? Moi je veux du truc jaune…

Mammema me souffle.

- De la polenta.

Je la regarde.

- Ah ! OK ! De la polenta c'est sec alors oui je veux bien aussi plein de sauce.

Rémy a du mal à pas rire.

- Peut-être mais ça va te donner envie de faire pipi.

Je comprends alors, la pique de Gisou, je rentre la tête dans les épaules.

- Richard je te déteste ! Et je le fusille du regard.

- Ce n'est pas moi qui ai deviné c'est Mamie car elle a engueulé les autres hommes se trouvant autour de cette table car il y avaient des traces jaunes suspectes sur le rebord de la fenêtre et la fenêtre de ta chambre est juste au-dessus.

Je fixe alors Rémy avec un sourire moqueur.

- Bin moi au moins j'ai pas pissé sur la tête de quelqu'un pas vrai Rémy ?

Ce dernier fusille son frère du regard.

- Richard t'es un enfoiré.

Ses filles le questionnent.

- Papa, t'as fait ça ?

Lui me fusille du regard à son tour.

- Robert, je vais te faire la peau !

Je suis debout aussi vite que Rémy et vais me planquer derrière Gisou et Sylvie mais cette dernière, me passe un bras autour de la taille.

- Chéri, je te le tiens.

Je tente de me libérer.

- Noooon, ce n'est pas du jeu là !

Mais c'était sans compter la curiosité des filles qui décident de prendre mon parti et viennent me libérer de leur mère.

- Non, Maman lâche-le. Robert c'est sur la tête de qui qu’il a fait ça ?

Rémy me fixe.

- Suis sûr qu'il ne le sait pas de toute façon.

Je le nargue.

- Oh si Rémy, je le sais, mais je ne le dirai pas si tu me promets que tu ne me feras rien.

- Promis.

Dois-je lui faire confiance ?

- Je veux voir tes deux mains. Oh et puis, j'ai pas confiance. Dans cette famille vos promesses vous ne les tenez jamais.

Les filles  m'entourent surtout celles de Rémy.

- Si, si Robert, nous on te promet de faire tout ce que tu veux jusqu'à la fin des vacances si tu nous le dis.

Je regarde les jumelles qui sont devant moi, mains jointes.

Maïté se met à rire.

- Hé les frangines vous vendez votre âme au diable là.

L’une d’elle secoue la tête, sa longue natte suit le mouvement, venant taper la figure de Justine qui la saisit et tire dessus, la jumelle se retourne vers elle, l'œil mauvais. Moi ça m’amuse.

- Non, il est con parfois mais ce n'est pas le diable.

Ah ouais j'suis con, OK ! Je passe mes bras autour du cou des jumelles pour rapprocher leurs têtes de mon visage. Rémy de l'autre côté de la table me fait non d’un doigt menaçant. Je lui souris. Et tout bas.

- Sur votre tête quand vous étiez dans votre landau devant la maison.

Les deux se tournent vers leur père, horrifiées. Elles sont les seules à m'avoir entendu. Moi, en tout cas, je file dans ma chambre sans demander mon reste.



Un peu plus tard, je les vois arriver avec un plateau. La première ouvre la porte, l’autre vient le déposer sur le lit où je lis emballé dans ma couette.

- Comme promis.

Comment ça ?

- J'ai rien demandé !

Je me méfie car avec les filles maintenant je me méfie toujours !

- Non, mais comme t'avais pas fini ton repas, on te monte ton assiette et ton dessert. Faudra juste que tu redescendes le plateau. 

J’avoue que je suis agréablement surpris, ça leur arrive donc parfois de ne pas penser à me jouer des coups tordus ?

- Ah c'est gentil merci !

 

Je renifle tout, soulève les assiettes, essuie les couverts avec ma housse de couette, on ne sait jamais. A l'odeur et au goût, rien de suspect. C'est vrai qu'elles ont fait une promesse, mais bon.

Par contre, le jour où elles découvriront que je leur ai menti, j'aurais intérêt à numéroter mes abattis.



Je descends le plateau pour le repas du soir. Rémy semble calmé. Par contre dans la cuisine, Mammema me dit de laver ce que je viens d'apporter et que demain j'aurais à nettoyer la fenêtre. Penaud, je le lui promets.

Elle sourit amusé et de la main me caresse la joue.

- Oui toi, je sais que tu tiens tes promesses.

Hum ça veut dire quoi ça ? Est-ce la vérité ou un message caché ?

 

A table, je me glisse entre Gisou et Mammema. Cela amuse les pater.

- Tu me fuis mon garçon ?

- Non, Papapa mais je n'ai pas mon nom gravé sur le banc à côté de toi.

- Ou alors tu as peur que quelqu'un me fasse pipi sur la tête et tu as peur des dommages collatéraux dus à ton mensonge ?

Mon regard se porte sur les jumelles qui ont un sourire que je n’aime pas.

- Tu t'es régalé avec le contenu de ton plateau tout à l'heure.

Et les six chieuses d'éclater de rire... j'ai alors un frisson et comme un goût bizarre au fond de la gorge.






8 octobre 2010

Robert Mardi 15 février 1977 Justine

  Robert Mardi 3 février 1977 Justine



Je ne sais pas ce qui me réveille mais c'est trop tôt pour moi, ma montre indique juste onze heures du matin. Je vais me remettre sur le ventre et replonger dans mes rêves lorsque je comprends que je dois impérativement descendre.

Et flûte, pourquoi doit-on toujours se taper la soupe le soir, surtout qu'elle était super bonne et que j'en ai bien repris trois fois. Bon aussi, je n'ai qu'à m'en prendre à moi-même !

En plus, l'air dans la chambre est gelé et de voir mes vitres givrées finit de m'empêcher de lambiner. J'attrape juste un pull et un pantalon et tout en enfilant mon tee shirt, je dévale en slip les deux étages pour buter quelques marches avant le rez-de-chaussée dans une fille aussi grande que moi avec des yeux noirs en amande absolument magnifiques. Je bégaie un salut incompréhensible puis finis les trois dernières marches à reculons pour me retrouver dans les bras des jumelles secouées d'un fou rire. Je leur abandonne mes fringues pour filer dehors. A mon retour, elles ont disparu et je m'habille rapidement sous les sarcasmes de Rémy et Papy.

- Alors Justine te fait perdre ton pantalon ?

- Rémy c'est sa langue qu'il a avalée.

Je trouve Rémy et Papapa drôles, ni l’un ni l’autre.

- Gna gna gna. Rémy, Qu'est-ce que vous faîtes ici ? Pourquoi Maïté n'était pas avec vous ? Et c'est qui cette fille ?

Papapa s’éloigne après avoir posé sa main sur l’épaule de son fils et me désigne du doigt.

- Aïe, la machine à questions s'est mise en route, bon courage mon fils. Ah et toi, ta mère te fait dire qu'on mange dans moins d'une heure, donc tu ne vas pas piller la cuisine.

Ma mère ? Ah oui Gisou. Mais j'ai faim moi ! Tant pis je me contenterai de boire du lait.

- Alors Rémy ? C'est qui cette fille ?

Une voix de fille derrière moi, me fait sursauter.

- C'est de moi que tu parles ? Tiens Rémy, je dois te donner Marine.

Il me désigne de la tête.

- Passe-la un peu à ce jeune malandrin pendant que je finis de réparer ce truc.

Son sourire est plus joli que le truc bavouilleux qu'elle me tend. Je fuis devant elle en faisant non des mains et en tournant autour de la table. Lorsque je passe derrière Rémy, il me fait un croche-patte et je me retrouve à plat dos sur le sol.

Et elle vient se mettre au-dessus de moi.

- Ah bin, voilà ! Mon nom, c'est Justine et je suis la copine des jumelles depuis la maternelle. Et toi t’es Robert.

Elle me pose le bébé dans les bras et je la vois remonter les escaliers en courant. Contrairement aux filles, elle n'est pas en robe mais en jogging.

- Tu ne veux pas que je remonte son truc à musique et toi tu la prends car moi là, heu, très peu pour moi. Non, Rémy, quelle horreur, elle bave. Je tiens le bébé baveur à bout de bras et regarde la bave couler au sol et sur son espèce de sac de couchage. C’est dégueulasse ! Rémy pitié, j'en fais quoi ? Rémy bordel, bon je la pose par terre comme ça elle n'ira pas plus loin.

Il ne me regarde pas mais le ton de sa voix n’est pas tendre.

- Tu la poses, je t'explose.

La mienne est plus geignarde j’avoue.

- Mais je n'ai pas demandé à l'avoir moi. Et puis... Je cherche une excuse. J'ai envie d'aller aux toilettes, je ne pourrais pas avec elle.

Il soupire.

- Tu en viens.

Et zut !

- Oui mais pour le reste. Tu imagines, je la pose sur mes genoux pendant ce temps ? Son microscopique tournevis toujours maintenu sur la vis, il tourne la tête vers moi. Heu, bon, ça va, j'ai compris ce regard. Rémy pitié, fallait réfléchir avant de la faire, moi je n'aurai pas d'enfant, comme ça je m'embêterai personne avec.

- Ouais, ta mère aussi n'aurait pas dû t'avoir, tu nous aurais pas emmerdé.

Là, même si je suis blessé, je suis tout à fait d’accord avec lui.

- Dans le cas présent, si elle ne m'avait pas eu, je ne serais pas en train de me faire baver sur les mains par ta fille. Et désolé, si mes parents m'ont eu. Mais honnêtement, vu mon enfance, je me serais passé, bien franchement, d'exister.

Il a enfin fini et pose son tournevis et se lève. Il me tend les mains.

- Donne-moi ma fille et désolé. Je ne pensais pas ce que j'ai dit.

Je me débarrasse du fardeau baveux. Ça finissait par être douloureux de la tenir ainsi à bout de bras.

- Oh ne le sois pas, je le pense moi-même chaque jour ou presque que Dieu fait.

Cette fois c’est une voix grave qui me fait sursauter.

- Et qu'est-ce que tu penses ?

Papapa tend les bras à Rémy pour prendre Marine, je l'empêche de marcher dans la flaque de bave. Ces trucs c'est tout petit et ça a une capacité de production sonore autant que de divers fluides qui m'horrifient.

- Attention je vais nettoyer ! Je disais à Rémy que j'étais d'accord avec lui que je n'aurais pas dû naître.

Lorsque je reviens avec la serpillière, Rémy fait la gueule et Papapa, Marine dans les bras me sourit. Mais je ne comprends pas pourquoi.





- Et je pourrai venir voler aussi ?

Je fixe la jolie brunette d’abord surpris puis enchanté.

- Oh oui Richard, avec moi dans le 800, allez dis oui.

- Pas aujourd'hui, là, tu vas d’abord prendre en main l'ASK. Et avant tu devras te mettre en situation d'instructeur dans le 800 avec moi, et on verra si tu gères un élève qui s'affole.

En fait elle est sympa comme fille.

Par contre, moi qui espérais des vacances tranquilles sans les jumelles, avec donc une Véro moins chiante, là c'est mal barré.

En plus maintenant, il y a un truc en plus, tout petit avec des cheveux blonds en pétard sur la tête qui passe son temps à hurler, à baver, à vomir et qui pue.

Et maintenant le nouveau jeu des parents est de vouloir me la mettre dans les bras.Et moi, je les fuis.

Finie la douce chaleur du rez-de-chaussée, je préfère la sécurité du froid polaire de ma chambre.



En attendant le repas du soir, je commence la nouvelle maquette que Rémy m'a apportée, une goélette du dix-huitième siècle. Moi qui n'aime que les avions, à chaque vacances, j'ai une maquette de bateau en plus dans ma chambre.

- Alors elle te plaît Justine ? Véro se vautre sur mon lit puis se glisse sous ma couette. Et enfin s'assied le dos contre un mur, mon oreiller dans ses bras. Mais ça caille ici.

- Hé ! tu pourrais toquer avant d'entrer.

- Pourquoi faire ? Tu toques toi avant d'ouvrir en grand notre porte à chaque fois que tu passes devant.

Je souris, content de moi et me lève en soupirant pour refermer la porte.

- Non. Mais ce n'est pas pareil. Et puis, je ne rentre pas et ne reste même pas devant. Sors de mon lit !

Je la vois remonter ma couette.

- Bin si, c'est pareil. Non, j'ai froid.

- Frileuse.

Je l’entends s’agiter sur mon lit mais je l’ignore. Ça l'énerve.

- Alors t'as pas répondu pour Justine.

Elle est drôle l’autre, je vais peut-être lui répondre : Oui elle me plaît, j’aimerais la sauter.

- Elle n'est ni rousse, ni blonde.

- Et ?

Et quoi ? Elle m’énerve à jouer celle qui ne comprend pas.

- Tu es rousse et Caths est blonde.

- Le jour où je tombe sur ta Cath, je la dépèce vivante.

Là, elle me fait rire.

- J'aimerais voir ça, deux tigresses se battant pour moi.C’est vrai que ce serait le rêve, les voir toutes les deux se battre. 

- Robert regarde.

Je me retourne.

- Non pose-ça ! Elle a pris ma maquette de Spitt et fait mine de la jeter. Pourquoi tu fais ça ? Je ne détruis pas tes affaires moi ?

Cette fille m’énerve à un point. Et son sourire, là, fait peur !

- Si tu la fais voler, je veux aussi voler avec toi.

Je hausse les épaules, pas moi qui décide pour ça.

- Madame la jalouse, débrouille-toi avec ta castratrice de mère.

- Je peux l'être aussi.

- Être quoi ? Oh ! Essaie mais pitié maintenant pose cet avion et fiche-moi la paix.  C'est ma première maquette, à chaque fois que je la vois, je lui trouve des défauts supplémentaires. Oh et puis si ça t'amuse de tout casser gratuitement, vas-y. Ce n'est pas moi qui me ferai punir. Quoique, ils risquent de trouver pleins de trucs à me reprocher. Je me tais un instant avant de reprendre tristement. Je me demande pourquoi je suis né. Ma fée marraine a dû me maudire à ma naissance. 

Nouveau silence car je viens de me poser une colle à moi-même. C’est qui déjà ma marraine ? Ah y réfléchir je n’en sais fichtrement rien.

- Non, mais j'hallucine, monsieur joue les dépressifs alors que Papa achète un avion pour ses beaux yeux.

Je hausse les épaules.

- C'est ton grand-père qui l'a acheté. Et la couleur de mes yeux vient d’une mutation génétique ce qui veut dire que je suis taré.

- T'es trop con !

Je lui montre la porte du doigt.

- Sors d'ici !

Elle secoue la tête.

- Non, j'suis bien là.

Et flûte, je la laisse parler dans le vide, jusqu’à ce que je réalise que je ne l'entends plus.

Elle dort. la maquette posée sur la couette. Sans bruit je la récupère.

Bon maintenant j'espère qu'aucun parent ne va monter sinon je vais en prendre pour mon matricule alors que je n'y suis pour rien. Ras le bol !

Je déteste cette fille.





Tiens. On toque à ma porte ? Qui est cette perle rare ?

- Oui ! heu non, non, attends !

Je suis sur la poignée en un éclair, empêchant Justine de l'ouvrir totalement.

- Je dérange ?

Cette fille est franchement différente de ses copines.

- Oui, enfin non, non. Kepassa ?

Faudrait que je me décide, là j’suis pas crédible et je le vois à son sourire.

- On m'envoie te chercher pour manger.

Ouf c’est que pour ça.

- Oki, je viens.

Elle commence à s'éloigner puis fait demi-tour. Je la suivais des yeux.

- Tu n'as pas vu Véro ? Elle a disparu depuis deux heures. On ne la trouve pas.

Jouons l'étonné.

- Heu non. Tu sais Véro et moi c'est plutôt tendu.

Grand sourire… pas plus convainquant… je suis trop nul ! Elle remonte les quatre marches.

- Tu ne sors plus avec elle ?

Là, par contre, je ne fais pas semblant d’être surpris.

- Quoi ? Qui t'a dit ça ?

Elle a alors, un sourire moqueur… mais si… joi.

- Bin elle.

Là, reste bête, oui bête. Comme l’imbécile que je suis qui croyait stupidement que la question était réglée depuis longtemps.

- Oooooh ! Elle est gonflée. Et bien, s'il te plaît garde ses allégations pour toi d'accord ? Car je n'ai pas du tout la même vision des choses qu'elle. Oh purée, oui, je la trouve très très gonflée. Je ferme la porte énervé puis vais secouer une couette d'où émerge un truc plein d'ongles. Aïe !  Debout ! Faut descendre manger. Alors comme ça on sort ensemble ?

Debout sur mon lit, elle commence par me regarder surprise puis se met à sourire. Elle descend du lit, vas à la porte, l'ouvre mais avant de sortir et de refermer celle-ci derrière elle, me lance :

- Et bien écoutes, tu m'as jamais dit que tu avais rompu, donc oui !

Mais je vais la tuer ! Ma porte claque devant moi et je l'entends se mettre à descendre en courant.

Je la suis lentement et sans bruit, luttant contre des envies de meurtre et de trucidage en règle.

En bas, je vais directement me laver les mains. Lorsque j'arrive à table. Papapa me fait signe de venir m'asseoir à côté de lui. Heu, comment dire, non très peu pour moi. Et là, c'est Yvette qui vient s'y asseoir laissant libre la place entre Véro et Justine. Mieux ou pire ? Je verrai bien.

De l'autre côté de la table, Papapa ne me quitte pas des yeux.

Aïe, aïe, aïe, je fais en sorte de ne pas une seule fois mettre mes mains sous la table, ni réagir.

Toujours sourire, bien mâcher sans montrer que je souffre car Véro me trucide la cuisse gauche tout en blaguant gentiment avec ma voisine de droite. Je déteste cette fille ! Aaaïeee !

Je suis content quand le repas se termine, et j'aide à débarrasser quand à la sortie de la cuisine, Papapa passe derrière moi, et un bras autour du cou, il m'entraîne dehors ainsi colleté, penché en avant.

- Véronique était où ?

Non pitié ! Bon autant dire la vérité.

- Quoi ? oh ! Dans mon lit. Je le vois devenir rouge. C'est bon, pas besoin de faire une crise d'apoplexie, moi, je n'y étais pas dans mon lit, j'étais à mon bureau. Elle est venue me menacer de casser toutes mes maquettes si je sortais avec Justine. Le truc, c'est que Justine est mignonne mais n'est pas assez féminine pour moi. Et comme on se pelle dans ma chambre, d'ailleurs au passage, un petit chauffage ne serait pas de refus. Elle s'est mise sous la couette et s'est endormie. C'est pas tout ça mais je suis dehors en chaussettes et Gisou va me tomber dessus parce que j'aurais dû mettre des chaussures.

Il melâche et je lui fais face.

- On s'en fout de tes chaussettes. Mais tu te rends compte de ce que tu viens de me dire ?

J’enfonce les mains dans mes poches.

- Oui, c’est la vérité. Pourquoi ? Justine le sait. Elle aussi est montée dans ma chambre. Comme il n'y a pas de verrou. Ah oui ça aussi j'aimerais bien un verrou. Non parce que moi je commence à en avoir marre que tout le monde prenne ma chambre pour un hall de gare.

Il a l’air de chercher ses mots.

- Mais tu vas nous rendre dingues.

Bin oui, bien sûr c’est évidemment moi la cause de tout.

- Moi ? Mais... je n'ai rien fait.

Il me fixe.

- Et tu crois que Richard va gober ça ?

Je hausse les épaules. Ai-je le choix ? Ou plutôt a-t-il le choix ?

- Il faudra bien car c'est la vérité…  Encore une fois !

- Bon et bien va dans ta chambre, on en reparlera.



Au premier, la porte de la chambre des filles est ouverte et Véro est juste à l'entrée.

Je la plaque contre la porte, d'une main sous la gorge.

- Toi, un jour, je te démonterai ton joli petit visage et même les éboueurs, ils ne voudront plus de toi.

En montant dans ma chambre, je l'entends pleurer mais je m'en fous. Je sais que je ne lui ai pas fait mal. Maintenant j'attends les parents… qui ne viendront pas.






















7 octobre 2010

Robert Lundi 14 février 1977 en forme

  Robert Lundi 14 février 1977 en forme

 

Au dortoir il fait froid.

Le matin, aller se doucher c'est presque une torture, on a l'impression que toutes nos extrémités vont tomber sous forme de glaçons mais sinon pour la nuit, une couette ou une couverture suffit largement.

Ici, lorsque tu écartes un pied ou une main, de plus de dix centimètres de ton corps, tu as l'impression de glisser dans une nappe de mercure. Alors je fais comme dans ma chambre à Munster, je m'enroule dans ma couette.

 

Hier soir, comme tous les soirs quand elle vient me faire le bisou, Gisou Tiens ça rime bisou et Gisou. J'adore ! m'a enlevé ma montre car gna gna gna. Gna gna gni, elle est phosphorescente. Elle va me donner le cancer et patati et patata, en plus elle est sûre d'elle. J'ai bien essayé d'en discuter avec elle mais j'ai fini par renoncer. Je l'enlève quand je suis ici pour lui faire plaisir. Mais là, je regarde ma montre qui est posée sur ma table de chevet donc à des kilomètres de ma main qui si, je la sors, va se retrouver congelée et se briser.

En plus, je ne comprends pas pourquoi je suis réveillé.

Je suis en vacances et un garçon au creux de l'adolescence. Donc, qui a besoin de sommeil pour se remettre du dur labeur de l'école.

Je me tourne, si je ne la vois plus, je n’y penserai plus.

Putain de cerveau, arrête de me demander quelle heure il est !

Et voilà, c'était couru d'avance, maintenant j'ai envie de pisser.

Ras le bol !

Où sont mes fringues ? Oh non, Gisou je te déteste !!! Tout nu dans ce congélateur, fouiller dans mon sac : slip, tee shirt, pantalon , chaussettes, pull.

Je descends.

Dans la cuisine, je passe à côté de Gisou.

- Je te déteste !

Et lui pose un bisou sur la joue avant de sortir. Toujours pas de neige mais mon regard tombe sur la remorque. Un genou qui monte, un bras levé, le coude qui descend : Yes !

Je ne veux pas qu'il neige. Mais quelle heure est-il ? Oh non ma montre, je l'ai laissée là-haut ! Je retourne à l'intérieur… deux étages. Ma précieuse qui m'indique qu'il est huit heures trente est gelée lorsque je la pose sur mon bras.

Aaaah, pipi !

Je danse sur place puis dévale les escaliers.

Retour dehors puis retour dedans, vidé.

 

Ah que c'est agréable de se laver les mains avec de l'eau chaude.

Gisou me pose une main sur l’épaule me faisant sursauter… 

- Pourquoi me détestes-tu ?

- Parce que tu m'as pris mes vêtements. Parce que ma montre à cause de toi était sur ma table de chevet et que, lorsque j’ai sorti mon bras de ma couette pour la saisir, il a été surgelé et ensuite, encore à cause de toi, je l'ai oubliée et j'ai du remonter la chercher et donc encore à cause de toi, j'ai failli me pisser dessus tellement j'avais envie. Mais ce n'est pas grave. Je t'ai pardonnée.

Je lui fais un énorme sourire plein de dents, et un bisou sur l'autre joue puis je vais m'asseoir à côté de Véro à qui je pique sa cuillère et sa tartine entamée car j'ai trop faim et pas la patience d'attendre de m'en faire une. Je ferais bien la même chose aux autres filles mais maintenant elles les planquent.

Mammema semble plus amusée que les filles.

- Houla, tu es déchaîné ce matin.

C'est vrai que je me sens en forme.

- Richard on va voler à quelle heure ?

- Voler pas sûr, faudra d'abord le sortir de sa remorque et le monter puis après nous verrons et... ce n'est pas toi qui l'inaugureras, faut pas rêver tout de même.

Zut ! Oui, c’est évident, je rêvais hélas, mais bon je me contenterai de l'autre avec Papapa et c'est déjà super.



Rester dans la chambre est devenu carrément impossible ! Il y fait un froid polaire.

Je me fais donc une raison et redescends.

Mais en attendant qu’ils se décident à décoller du chalet, je ne sais pas quoi faire.

Je commence donc par m’installer confortablement sur le canapé en tissu. Mon préféré car il est bien face à la cheminée et n’a pas des accoudoirs en bois hyper durs. J’ai même descendu ma couette et emballé dedans, je me plonge dans mon roman, une histoire d’humanoïdes robots qui se révoltent.

Mais mon cerveau refuse de se laisser capturer par l’intrigue. Je laisse tomber le livre au sol et mettant ma couette par-dessus ma tête, bien coincée tout autour de moi qui suis sur le côté roulé en boule, je me laisse aller à rêver…

Ouais mais bon… sous la couette fait chaud, trop chaud.

Et tel un diable hors de sa boîte, je la rejette, me mets d’un bond debout, la plie au maximum puis la pose contre un accoudoir de l’autre canapé puis fonce dehors. Faut que je bouge sinon je vais exploser.

Dehors, il fait aussi froid que dedans… je fais le tour de la remorque, laisse mes doigts courir dessus.

Essaie de l’ouvrir mais il y a un gros cadenas et une chaîne en plus de la serrure.

Retour à l’intérieur.

- Qu’est-ce que tu fichais en pull et pieds nus dehors.

- Je respirais l’air frais. Stoppé net dans mon élan par Gisou qui me tient par le bras, je manque de me retrouver sur les fesses et pose la main sur la cuisinière pour me retenir. Putain mais c’est chaud !

Du coup, elle me lâche le bras pour me saisir l’autre main que je lui enlève en la secouant et j’en profite pour la fuir et rejoindre les deux pater assis devant un café.

- Richard, vu qu’on ira pas, je peux au moins l’ouvrir pour le voir ?

Il ne me regarde même pas.

- Et que veux-tu ouvrir ?

- La remorque.

Il a juste le coins des lèvres qui se soulèvent presque imperceptiblement.

- Laquelle ?

Je soupire.

- OK ! J’ai pigé !

Demi-tour toute, contourner le canapé pour éviter Gisou, saisir ma couette et direction ma chambre : autant dormir.



Dix minutes plus tard, suis de retour. 

Une, j’ai mal à la main et deux je n’arrive pas à dormir, à cause de ma main mais surtout parce que je suis super sur les nerfs.

Rapide tour d’horizon : les pater n’ont pas bougé, les trois petites jouent avec des aimants à fabriquer une sorte de mosaïque sur une plaque de métal carrée. Isa et Maï tricotent quant à Véro, elle lit. Hum hum. Je souris.

Je croise le regard de Papapa qui bouge légèrement la tête de droite à gauche et de gauche à droite.. Même pas drôle !

Richard se tourne vers moi.

Retour dehors après avoir évité Mammema et Gisou. J’enfile mes baskets assis sur la table de jardin. Et là… je ne sais toujours pas quoi faire. Je me laisse tomber sur le dos les bras en croix sur la table.

Le ciel de plomb me semble tellement bas que j’ai l’impression qu’en levant la main, je vais pouvoir le toucher.

V’la-t-y pas que je le fais de lever la main. Mais je suis vraiment frappé, moi, dans mon genre !

Mon regard  se pose alors sur le grand cèdre et oh ! Son sommet est dans les nuages.

Ni une, ni deux, me voilà en train de l’escalader.

Je regrette de n’avoir pas pris de gants car ma main me gêne, mais suis un homme, un futur soldat et Papa serait content : j’endure sans rien dire.

Bon, je m’arrête tout de même pour la regarder, j’ai des cloques sur la paume et certaines se sont ouvertes. Bah ce n’est pas grave, je montrerai à Gisou, ça lui fera plaisir de pouvoir me torturer.

- Où est-il encore ce gosse ?

Je baisse les yeux et je vois les parents devant le préau. Pourquoi me cherchent-ils ? J’ai envie de les appeler puis me retiens, d’abord grimper. Levant la tête, je ne vois plus le nuage qui couronnait l’arbre. Tant pis, je continue, je veux savoir ce que ça fait d’être dans les nuages.

J’ai l’impression d’avoir encore plus froid et je m’aperçois que je suis trempé. Je regarde à nouveau vers le haut et là… plus rien !

Vers le bas… plus rien !

En fait, je suis en plein dedans, dans une sorte de brouillard très épais. C’est à peine si je vois ma main quand je tends le bras. C’est le pied !

Mais j’ai du mal à garder les yeux ouverts car ils me brûlent et mes doigts comme mes pieds sont engourdis comme lorsque plus petit, je marchais pieds nus dans la neige et qu'Annie me faisait hurler en me frottant les pieds et les mains quand je retournais à l’intérieur. Donc maintenant faut redescendre, opération plus délicate.

Pourquoi les branches semblent-elles plus fragiles ?

Richard du sol me guide.

- Sous ton pied droit, à droite. Sous ton pied gauche plus bas à droite.

A peine ai-je posé les pieds au sol que je lève les bras pour me protéger de la menace de la main de Papapa qui s’est levée mais qui redescend en tenant le poignet de ma main brûlée.

- Gisou. Je l’ai retrouvé ! Nous passons devant Richard qui me regarde impassible. Que fera-t-on de lui ?

- Rien Papa car il sera mort avant d’être adulte.

- Bah vous avez... non ! Toi, t’as bien survécu. Donc il a peut-être une chance d’y arriver.

Ça fait bien rire celui qui a survécu.

 

Une fois ma main bandée, Gisou s’en va avec sa boîte à pharmacie. Elle n’a pas dit un mot et ne m’a même pas regardé, rien !

 

Les filles mettent la table. Je veux les aider. Mammema m’envoie me changer car je suis trempé. Je m’assois devant la cheminée presque dos contre les vitres. Je sécherai. Là-haut, il fait trop froid.

- Mais ce n’est pas possible, cette fois tu veux mettre le feu à tes cheveux ou à tes vêtements ?  Elle me fait lever. Enlèves ton pull et mets ce plaid sur tes épaules. Qu’est-ce que tu as ?

Je réponds la tête dans mon pull.

- Je m’ennuie.

Mammema me regarde les sourcils froncés, son visage près du mien. J’aimerais être télépathe mais je ne le suis pas…

- Tu vas manger puis tu feras la sieste.

Je secoue légèrement la tête.

- Pourrai pas dormir.

Elle semble préoccupée.

- Parce que ta main te fait mal ?

- Non, j’suis juste… Je ne sais pas comment dire, pas énervé, c’est pas ça. Je m’ennuie, mon cerveau s’ennuie et mon corps aussi. Là, j’ai envie d’aller courir et en même temps, je pense à trop de choses. Tu crois que je pourrai aller faire du vélo cet après-midi ou simplement courir ?

- D’abord ce sera devoirs et après vois avec Richard s’il ne veut pas en faire avec toi ?

- Je suis désolé d’être comme ça certains jours. C’est comme si j’avais bu cinq cent cafés, à l’école ces jours-là, c’est les jours où je me fais le plus cranter. Et ça me fout encore plus les nerfs et du coup j’ai envie de taper sur tout le monde.

Elle fait semblant d’être effrayée en souriant.

- Holà, ne me tape pas, d’accord ?

Sa demande me donne envie de rire.

- Oh toi, j’ai jamais envie de te taper, ni Gisou ou Sylvie. Par contre Richard oui, souvent. Mais je ne le ferai jamais. J’accentue bien sur le jamais. Véro aussi mais parce que c’est une fille, j’en ai pas le droit.

Je me tais. Je suis debout, devant Mammema qui me tient par la petite couverture toute douce en mohair qu’elle m’a mis sur les épaules. Elle me sourit. Elle a des yeux très clairs mais ni verts ni marrons. Elle est face au feu et dedans je vois danser les flammes et pourtant je n’y vois que douceur.

Derrière elle, les autres ne nous regardent pas. Véro se bat avec les petites pour qu’elles rangent. Isabelle et sa cousine sont déjà assises et discutent à voix basse, presque front contre front. Richard débouche une bouteille de vin et Papapa coupe du pain.

J’ai parlé très bas, d’ailleurs je ne sais pas pourquoi je lui ai dit tout ça, je suis gêné et j’ai honte maintenant. Ducoup je me tortille, sur place.

- Vas voir Gisou, elle s’en veut de t’avoir fait mettre la main sur la cuisinière.

- Oh c’est pour ça ? Mais ce n’est même pas vrai. Elle n’y est pour rien.

D’ailleurs elle arrive avec la soupière, je vais la lui prendre.

- Donne, c’est lourd, je te la porte.

Elle refuse.

- Non, pas avec ta main.

- Ma main n’a rien et si je n’étais pas un imbécile, je ne me serais pas brûlé.

Je pose la soupière au milieu de la table puis vais soulever Véro en la prenant sous les bras.

- Arrête de les emmerder. Si elles ne veulent pas ranger c’est parce qu’elles n’ont pas fini leur dessin. La journée n’est pas finie, elles pourront continuer après. Là, la seule chose que t’es arrivée à faire c’est faire pleurer Fanfan.

Mammema s’interpose entre nous.

- Vous deux ça suffit et toi jeune homme, ce soir tu devras t’occuper de les faire ranger, fini ou pas, compris ?

Véro s’éloigne vers sa chaise en râlant, qu’elle écarte tellement brusquement de la table qu’elle la renverse.

- Non mais de quoi je me mêle ? Monsieur je sais tout, Monsieur, je…

Richard lui dit de se calmer.

- Véronique ça suffit ! Et ramasse cette chaise. Franchement pas un pour rattraper l’autre. Vous avez quoi tous les deux aujourd’hui ?

- Mais Papa c’est toi qui m’a dit de les faire ranger et maintenant c’est moi qui me fais engueuler. J’en ai marre de ce mec. Non j’en ai marre de tous les mecs, je vous déteste tous !

Gisou réagit à son tour.

- Véronique, ton langage !

- Oh maman, toi aussi je te déteste.  Elle se met à imiter Gisou sur la tête de sa cousine qui repousse ses mains. Oh la la, mon petit garçon. Oh la la, mon pauvre petit chéri. T’es réellement pitoyable maman. J’ai vraiment qu’une hâte, c’est de pouvoir me casser de cette famille de merde.

- Véronique dans ta chambre !

- Mais Papa ! Quand lui, il est énervé, vous ne lui dîtes rien, par contre moi... suis punie.

Je dois absolument apprendre à me taire.

- Car moi, j’y monte tout seul dans ma chambre.

Papapa se retourne sur moi.

- Oh toi ! Tu te tais ou tu y vas aussi dans ta chambre.

Je recule puis m’élance pour aller vers l’escalier mais il me rattrape et me pousse vers ma place. Et toi, Véronique, dans trente secondes, tu es assise et muette comme une carpe ou je vais moi aussi péter un plomb.

Véro s’assied tellement vite qu’elle rate sa chaise et s’affale, tout le monde éclate de rire sauf Gisou et Mammema qui vont la relever inquiètes, mais elle va bien et se remet à râler. Preuve par mille qu’elle va bien.



Après le repas, le soleil se pointe deux petites heures et ils me demandent de les aider à sortir l’ASK de sa boîte.

Je le trouve trop beau.

Je crois que je suis amoureux d’un planeur…
















6 octobre 2010

Robert Dimanche 13 février 1977 agréable punition.

   Robert Dimanche 13 février 1977 agréable punition.



Dans le break, nous avons nos places attitrées. Véro et Isabelle encadrent Yvy sur la dernière banquette. Devant elles, derrière Richard : Coco. Au milieu, Fanfan puis moi derrière Gisou.

Mais dans la majorité des déplacements je finis à l'avant. Soi parce que les parents finissent par en avoir marre de m'entendre me plaindre de Véro et Isa qui me tirent les cheveux, me tapent, me pincent ou dans les cas les plus gentils, Isabelle derrière moi, peut passer des heures à me raconter tout ce que elle et sa sœur aimeraient me faire. Et si habituellement ça commence de façon très gentille, ça monte crescendo vers des tortures auxquelles même les moines de l'inquisition n'auraient sûrement jamais osé penser.

 

Bref. Mais là, vers Avignon, il se passe quelque chose d'absolument inhabituel. Je dois m'interposer entre les deux grandes qui se battent pour une raison que j'ignore, puisque je dormais quand elles ont commencé.




Debout tous les trois contre la porte du coffre du break, nous attendons que Richard veuille bien parler.

Je suis entre les deux filles et nous nous jetons des petits regards mi-amusés, mi-craintifs.

Gisou elle, console Yvy qui a subi les dommages collatéraux de cette bagarre. Je sais qu'il ne nous frappera pas mais par contre je sais qu'on risque d'être punis et pour cela, il a de l'imagination.

 

- Richard, fais-les rentrer. Mais Robert va à l'arrière avec Véronique et Françoise au milieu. Je garde Yvette à côté de moi et cette peste monte avec toi. Maintenant, pas de ski pour vous trois, à la place, je vous donnerez des corvées.

- Hé c'est pas juste, moi j'ai... aïe, aïe, aïe.

Richard me tenant par l'oreille me fait entrer dans la voiture. Fanfan m'accueille toute contente.

- Va voir Véro, moi je dors.

Cette dernière se fait moqueuse.

- Regarde Fanfan, monsieur boude.

Je ne boude pas, je dors ! Ou du moins j’aimerais dormir… malheureusement avec Véro c’est impossible  et je le lui exprime.

- Monsieur en a marre de toi et Isabelle.

Je vois Gisou déjà assise qui se tourne vers nous.

- Alors moi, je n'aurais pas la patience de votre père. Vous voyez ce que je veux dire ?

Je plie mon blouson et le glisse entre la vitre et moi.

Ras le bol ! Elles commencent bien ces vacances.



- Toi, il faut que je te mesure, tu es un vrai champignon. Je hausse les épaules et si je laisse Mammema m'embrasser, je ne lui rends pas et aide Richard à vider la voiture et la remorque en tirant la gueule.  Mon fils, se seraient-ils encore disputé ?

- Non, nous ne nous sommes pas disputés, elles se sont disputées et moi j'ai essayé de protéger Yvy qui prenait des coups. Mais... bien entendu, je suis puni comme ces deux... Là, je préfère taire le nom d'oiseaux dont j'aimerais les affubler. Car, si j'étais pas aussi le méchant dans l'histoire cela n'aurait pas été drôle. Et franchement j'en ai marre, marre et marre.

J'ai un carton dans les bras et violemment le passe à Véro qui titube, puis je pars en courant dans la maison en claquant les portes du sas derrière moi.

 

Dans la grande pièce Mathilde met la table.

- T'es toute seule ?

- Oui, je ne vois personne d'autre que toi et moi.

- Pas ça. Il n'y a pas tes parents et tes sœurs ?

- Non, ils...

- Cool ! Deux connes de moins.

Enfin une bonne nouvelle.

J'ai gardé mes baskets, elles finissent balancées à l'autre bout de ma chambre et le mur me sert de punching-ball. Je casserais volontiers tout ce qui se trouve dans cette pièce et en même temps, je ressens cette envie de me faire mal. Cette violence me fait peur. Je finis encore en boule contre un mur assis au sol. La dernière fois Papapa, m'a dit : pleure plutôt, ça défoule aussi mais ça ne fait de mal ni aux autres, ni à toi. Oui, mais… on m’a appris à ne pas pleurer.




- Robert viens manger. Les parents, ils ne sont plus fâchés contre toi. J'ouvre la porte sur Yvy qui se colle à moi passant ses bras autour de mon cou. Je leur ai dit que tu ne te battais pas mais que tu essayais de tenir les mains des deux barjots. Par contre, je ne leur ai pas dit que c'était à cause de toi qu'elles se disputaient.

- A cause de moi ? De toute façon, soit c'est moi, soit c'est à cause de moi, elles me gonflent. Elles ne peuvent pas m'oublier ?

Elle me tire hors de la chambre en me donnant la main.

- Viens on va manger ou on va se faire gronder parce qu'on n'est pas venus de suite.

Je stoppe à mi-escalier.

- Tu n'as pas dit ce qu'elles se disaient.

Elle a un joli sourire mais se remet à me tirer.

- Descends et je te le dirai.

J'y crois pas mais je la suis. En bas, sur la dernière marche je la tire par une de ses nattes.

- Alors ?

Elle attrape ma main en faisant la grimace.

- Lâche-moi ou je crie et tu vas te faire punir.

Je la lâche, de toute façon, je ne voulais pas lui faire mal.

- Garce. T'es comme tes sœurs.

Elle me tire la langue en riant.

- J'ai promis de ne rien dire.

Avant qu'elle ait mis le pied sur le sol de la grande salle, Richard la chope et la soulève en la chatouillant.

- Et qu'est-ce que tu as promis de ne pas dire?

Elle hurle et rit tout à la fois.

- Riiiieeeennnnn ! Lâche-moi !

Je les contourne et vais m'asseoir à table.

Les parents passent le repas à râler qu'il n'y a pas de neige. Qu'il n'y a pas d'hiver cette année. Ils m'épuisent. Ils ne savent que râler.

Mais en tout cas la punition de Gisou tombe à l'eau, ça me ferait presque rire car la météo les punit eux aussi.

 

Je débarrasse mes couverts puis me mets à chercher mon sac.

- Richard il est où mon sac ?

- Là où tu l'as laissé.

- OK ! Alors puis-je avoir les clefs de la voiture s'il te plaît.

- Les voilà, mais tu en profiteras pour vider la remorque d'accord ?

- Oui ! Merci !

Je suis devant la porte du sas lorsque je me rappelle que mes baskets sont dans ma chambre donc remonter puis redescendre pour enfin sortir, aller jusqu'à la voiture et là je prends mon sac resté devant la banquette arrière.

Maintenant la remorque !

Mais derrière la voiture, il n'y a plus la petite remorque mais une très longue remorque. J'en fais le tour en retenant mon souffle. Dessus, il y a marqué ASK. Bordel mais c'est le nouveau planeur. Je cours jusqu'au sas puis je m'arrête, faut d'abord que je vide la remorque. Elle est sous le préau. J'en allume la lumière. La remorque est bien là mais elle est vide. En fait, il parlait de celle du planeur !

Je ne fais que l’ouvrir et caresser le nez du nouvel oiseau.

Quand je reviens dans la grande salle, je décide de les prendre à leur propre jeu.

Je fais le tour de la table pour tous les embrasser en évitant de finir par un des deux vieux.

- Bon bin bonne nuit !

- Robert, tu as vidé la remorque ?

- Heu, bin non puisqu’elle est vide.

J'ai beaucoup de mal à garder mon sérieux devant la surprise du père et du fils.

- Comment ça elle est vide ?

Je joue l’innocent.

- Bin écoute Papapa, j'ai allumé la lumière, j'en ai fait le tour et il n'y a plus rien dedans. Et j'ai même regardé en dessous.

Je vois les deux hommes se regarder puis se lever et se diriger vers la cuisine. Par contre Mammema semble amusée et me fait signe de vite monter. Je lui obéis en riant.

 

Je suis déjà couché quand je les vois débarquer.

- Tu sais ce que l’on va te faire ?

Je retourne à mon bouquin pour ne pas rire.

- Me punir ? Déjà fait !

Papapa m’enlève mon livre qu’il pose sur mon bureau.

- Tu t'es bien moqué de nous.

Cette fois je souris, content de moi.

- Moi ? Oh Papapa, je n'oserais pas.

Il regarde son fils qui a pris en main une de mes maquettes de bateau et la retourne en tous sens.

- Alors à toi de voir, puisque tu ne l'as pas vu, je vais donc rendre ton cadeau.

Là par contre, c’est moi qui suis abasourdi.

- Mon cadeau ?

Il joue d’un air détaché avec un côté de sa longue moustache.

- Plus ou moins. Ce n'était pas ton anniversaire, il y a quelques jours ?

Je suis sans voix. Là, oui, maintenant j'ai envie de pleurer. Il continue.

- C'est une monoplace, tu y voleras en solo. Avec Richard on t'accompagnera dans l'autre. Puisque, tu as ta licence maintenant rien ne t'en empêchera.

Papapa s'est assis sur mon lit, je me redresse et lui passe les bras autour du cou.

- Merci, mais vous êtes complètement fous.

Il a le même sourire que Rémy.

- Non, tu sais Richard voulait l'acheter depuis longtemps. Je te l'ai dit cet été. Et j'en ai trouvé un d'occasion, alors je n'ai pas hésité. Et puis Richard compte le redescendre sur Aix pour s'en servir même en dehors des vacances. Et cela nous donnera une bonne excuse à Lucette et moi pour descendre à Aix plus souvent.

 

Après leur départ, j'éteins la lumière pour pouvoir rêver du lendemain que j'ai hâte de voir arriver.




5 octobre 2010

Robert samedi 12 février 1977 Et flûte !

Robert samedi 12 février 1977 Et flûte !



Les niveaux collège ont déjà presque tous évacué les lieux, et il n’en reste plus beaucoup à côté du second cycle et des prépas.

Il gèle et en plus le Mistral s’infiltre partout et j’ai l’impression que mes doigts sont tailladés par mille petites lames de rasoirs incrustées dans la corde avec laquelle je hisse le drapeau pour les couleurs.



Dans le couloir, devant la salle de collage, même plus d’une demi-heure après j’ai du mal à tenir mon classeur qui tombe au sol dans un fracas abominable, libérant toutes ses feuilles. Les vomissant d’un jet sur bien trois mètres.

Mes deux camarades sur les nerfs, sursautent et cela déclenche chez eux un fou rire nerveux qui résonne dans le vide glacial de couloir mortel1.

Je me laisse tomber à genoux et m’empresse de ramasser le contenu du classeur quand... par le plus grand des hasards, à mon grand désarroi. Claude et deux collègues ouvrent les portes de droite du couloir et Lorient une de celles de gauche provoquant un courant d’air qui fait se soulever les légères pages. Les transformant en un nuage d’étourneaux s’élevant en une sorte de petite tornade devant la porte que le professeur choisit d’ouvrir juste à cet instant, d’un geste vif provoqué par sa volonté de faire évacuer la salle d’examens par les trois élèves qui les ont déçu par leurs erreurs et leur lenteur à répondre.

Assis sur mes talons, je regarde sans un geste, étant dans un état d’absolue désespérance, mes légers aéronefs improvisés s’engouffrer dans la salle de classe comme mus par une même volonté de me fuir. Et ce, sous les yeux ahuris de l’homme et des trois ados qui stoppent net leur progression hors de la pièce.

Puis d’un coup, plus de vol, plus de bruit mais sept regards braqués sur moi qui de mon côté embrasse la situation en me disant que je n’ai plus qu’à me faire hara-kiri.

Heureusement l’homme, un professeur venant d’un autre lycée de la ville, civil celui-ci, est pris d’un énorme fou rire et se penche pour lui-même se mettre à m’aider, immédiatement suivi par toutes les autres personnes présentes.



- Bon alors nous allons pouvoir commencer. Ça va mon petit ?

- Oui je vous remercie monsieur de m’avoir aidé.

- Mais c’est normal et puis, tu avais un air si pitoyable et si désemparé, assis au mieux de cet envol de papiers sauvages que je n’ai pu qu’avoir pitié de toi mais attention maintenant c’est fini la pitié alors dis-moi : ………….





Bizarrement en arrivant dans ma chambre à midi, je suis accueilli par un Marion hilare qui veut savoir si c’est dur de dompter un troupeau de feuilles sauvages, et me montre mon bureau où trône un classeur neuf.





- Tu nous accompagnes jusqu’à la gare ?

- Oh c’est vrai que je peux sortir, je vais demander à Gâche.

 

Ce dernier me dit qu’il n’y a pas de souci et me note sur la feuille de sortie. Lorsque je m’éloigne, il me rappelle. Je me retourne.

- Weisembacher, n’emmenez pas de classeur avec vous, avec ce Mistral, on ne sait jamais.

Je souris mais je me dis que je vais en entendre parler pendant longtemps.






- Ah tu es là. Je t’ai cherché, tu étais où ?

Assis au milieu de mon lit, les jambes écartées, un pied pendant de chaque côté de ce dernier, je trie l’énorme paquet de feuilles toutes mélangées pour pouvoir ensuite les ranger dans le nouveau classeur.

- T’as pas demandé à Gâche ? J’ai accompagné Claude et Marion jusqu’à la gare.

- Heureux de ta nouvelle liberté ?

Richard s’est assis à cheval sur ma chaise en face de moi.

- Oui, c’était assez grisant. J’ai enfin réalisé avoir vieilli et ça m’a fait bizarre.

Nous restons un instant sans parler puis il se lève et range la chaise sous mon bureau.

- Mets tout ça dans ton sac, tu finiras au chalet. Puis lorsque tu seras prêt rejoins nous à l’appart, tu dors avec nous ce soir comme ça nous pourrons partir tôt. Enfin si tu veux venir avec nous bien sûr.

Pour toute réponse, je me lève et sors mon sac de l’armoire.




1 Petit clin d'œil au couloir de la mort de Saint Cyr...

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 > >>
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 628
grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
Newsletter
0 abonnés
Publicité