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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
12 septembre 2010

Robert samedi 25 Décembre 1976 l'épingle

Robert samedi 25 Décembre 1976 l’épingle



Je suis d'abord réveillé par des coups de pieds que je veux commencer par rendre puis je m'aperçois que c'est encore une fois Coco. Quelle sangsue cette gosse ! Alors au lieu de la frapper, je la retourne dos à moi et la serre. Ça ne la réveille même pas, par contre je me bats contre elle pour lui enlever son pouce de la bouche car ça fait un bruit qui me donne la nausée.

Décidément je dormais mieux dans la chambre d'Olivier. Pourquoi le lit des parents bouge ? Je me redresse et je recouche vivement en mettant l'oreiller sur ma tête et celle de Coco. C'est pas vrai ça , ils n’ont pas honte ? On dort tous dans la même pièce franchement !

Oh la la je repousse Coco. J'ai pas de gant, je me mords la lèvre, j'ai trop envie. Je les hais ! Rouler en boule, j'essaie de penser à autre chose mais non pas possible. Je les déteste. Les filles aussi le matin elles sont comme nous ? Bon bin tout à l'heure, j'irai laver mon tee shirt que j'enlève le plus discrètement possible.



La chambre est vide. Ah ouais il est dix heures trente déjà. Aller debout ! De toute façon j'ai faim.

Pourquoi j'ai plus de tee shirt, moi ? Ah oui, je rougis en pensant à Richard et Gisou. Bon maintenant comment je crois qu'ils ont fait leurs filles. Franchement des fois je me trouve très con.



Lorsque je sors de la chambre, l’oncle des filles ouvre la sienne. Il se tourne vers moi.

- Bonjour jeune homme. Bien dormi ?

Je fais la grimace.

- Voui si on veut.

ça a l’air de l’amuser.

- Oh ! dur de dormir par terre ?

- Non, trop de monde dans cette chambre.

Il me montre l’intérieur de sa chambre en riant.

- Je t'aurais bien offert de venir dans la mienne, mais je ne crois pas que ton père soit d'accord.

Je réponds trop vite et m’en veux de suite.

- Moi non plus. D'abord il tique puis sourit. Oups, c'est sorti tout seul, j'espère que je ne l'ai pas vexé. J'aimerais me rattraper mais quoique je dise je vais encore plus m'enfoncer. Désolé, je dois aller pisser et aussi laver mon tee shirt.

Hum ça aussi sûrement car là il sourit encore plus. Bref, je file. Ras le bol quoi, c'est le premier homo que je rencontre, enfin je pense, je ne sais pas moi s'il y a des codes, des trucs à dire ou pas dire. Bien évidement hors sexe, mais là je ne m'y risquerais pas.



Sur la table, il n'y a plus rien des sucreries d'hier, zut, j'espérais bien en remanger.

- Bonjour Mamie Sophie.

- Oh tu as mis mon pull, il te va bien. Alors tu as ouvert tes autres cadeaux.

- Non, je vais le faire après avoir déjeuné.

- Tu viendras nous les montrer ?

- Oui Mamie.



Dans la cuisine, Gisou me sert du lait et un bout de brioche. J'ai envie de rire quand je la regarde car je ne peux m'empêcher de penser à ce matin.

- Qu'est-ce qui t'arrive ?

Je détourne les yeux.

- Rien !

Mais je m'étrangle en buvant et elle me tape dans le dos.

Richard vient se servir un verre d’eau et s’étonne de me voir tousser.

- Qu'est-ce qui lui arrive encore ? Il est malade ?

- Je ne sais pas, il rit bêtement depuis qu'il est arrivé et maintenant s'étrangle en buvant.

- Pardon Richard. Ce dernier s'écarte pour laisser passer Olivier qui va jusqu'au placard, prend une tasse, se sert du café et va pour ressortir mais quand il passe devant moi me montre mon verre de lait. C'est très bien de recharger le matin.

Et me fait un clin d’œil.

Là, je ne m'étrangle plus, je manque de recracher le lait que j'ai dans la bouche. Et je deviens écarlate. D'abord Richard ne réagit pas puis :

- Donne ça et va dans la chambre on en reparlera tout les deux.

Reparler de quoi ? Je ne comprends pas.





Dans la chambre, les filles sont toutes regroupées sur le matelas d'Isabelle qui coiffe une des jumelles. L’autre jumelle maquille Véro ce qui me donne envie de rire. Maïté, elle maquille Yvette en tirant la langue.

Pour aller jusqu’à mon lit, plutôt que de les contourner, je passe sur le lit des parents et là je découvre Coco silencieuse au milieu de mes paquets éventrés. Je me laisse tomber à genoux à côté d’elle et la redresse puis la secoue en lui criant dessus. Surprise, elle se met à pleurer.

- Non Coco ! Tu n'avais pas le droit, ce n'était pas à toi. Je voulais les garder ces papiers cadeau. Tu es méchante , méchante, méchante !

Isabelle et Mathilde me l'enlèvent des mains. Mon matelas est couvert de petits bouts de papiers colorés. Je pleure en les ramassant puis les porte à la poubelle dans la cuisine.

Les mutters me regardent passer inquiètes.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je refuse de laisser Gisou ou Sylvie me tenir. Elles me suivent jusque dans la chambre. 

Elles ressortent avec Corinne qui pleure toujours.

J'ai deux maquettes, un avion et un porte avion. Ainsi que deux livres sur l'astrophysique et le dernier, c'est une grosse encyclopédie sur l'astronautique mondiale. Reste juste un petit cadeau emballé. Mais je ne l'avais pas hier soir ? Je le prends et le mets contre mon ventre puis je serre mes jambes entre mes bras et la tête entre eux, je me balance légèrement d'avant en arrière.

Isabelle vient s'asseoir à côté de moi et m'entoure de ses bras.

- Je suis désolée je n'ai pas correctement surveillé Coco.

- C'est pas grave, je suis juste trop con.

Je la repousse et me lève. Je sors et vais m'enfermer dans les chiottes assis par terre derrière la porte. Je n'en sors que lorsque Rémy me demande de lui céder la place.

Je ne sais pas où aller pour être seul.

Dans le salon, il y a un énorme fauteuil, je m'y roule en boule, tourné vers le dossier. J'ai toujours dans la main le petit paquet, il est plat et rectangulaire.

Mamie sophie veut que je la suive, je refuse.

- Viens manger mon garçon.

Elle me prend par le poignet mais je me débats et veux lui faire lâcher.

- Je n'ai pas faim.

Richard se met entre elle et le fauteuil.

- Laissez-le bouder, il finira bien par avoir faim.

Elle me lâche mais n’est pas d’accord.

- Mais Richard...

- Non Mamie, venez.

Je finis par m'endormir. Quand je me réveille, j'ai faim, j'entends les filles manger dans la salle d'à côté. Je viens m'asseoir à côté d'Isabelle. Mamie Sophie me pose une assiette avec un plusieurs des sucreries de Noël et m'embrasse et recoiffe mes trois millimètres de poils crâniens.

J'ai posé le petit paquet à côté de mon assiette. Il semble l’intriguer.

- Tu ne l'ouvres pas ?

Ma réponse est peut-être trop sèche.

- Non ! Plus tard.



Lorsque j'ai fini de manger, je débarrasse mon assiette et mon verre puis vais chercher l'encyclopédie et me remets sur le gros fauteuil pour le lire assis en tailleur.

- On m'a dit que tu savais bien jouer aux échecs, est-ce vrai ? Veux-tu bien faire une partie avec moi ?

- Oui Daddy.

 

Je gagne la première partie et Daddy réclame une revanche. Olivier vient se mettre derrière son père.

- Houla Dad si tu ne bouges pas ton cavalier tu vas être en échec.

- Hi my son.

Olivier s'assied sur le bras du fauteuil de son père. Je ne peux m'empêcher de le regarder et j'ai du mal à me concentrer.

Je dois finir vite cette partie car je n'ai plus envie de jouer. Je laisse Daddy gagner et  je m'en vais immédiatement après. Olivier prend ma place et remet les pions à leur place.



Dans la chambre il n'y a personne, où sont-elles ? Je les trouve dans la chambre de Mamie qui leur montre comment tricoter.

- Ah tiens, il ne manquait plus que toi. Sais-tu tricoter ?

- Oui Mamie.

- Tu as appris avec qui ?

- Ma mère.

- Et qu'as-tu déjà tricoté ?

- Rien, en dehors de petits carrés dont ma mère s’est servi pour faire une couverture. Mais toujours faire le même geste au bout d'un moment ça me donne envie de tout casser.

Mamie Sophie me sourit.

- Oh alors, il faut que tu fasses du point irlandais ou du jacquard, tu ne t'ennuierais pas.

- Non merci, je préfère lire.

Une des jumelles ricane.

- Pffff ! moi je suis sûr qu'il se vante et qu'il ne sait pas.

Je hausse les épaules.

- Pourquoi j'avouerais savoir un truc de fille si ce n'est pas vrai.

- Un truc de fille, tu l'as vu ce gros macho.

Mamie Sophie est d’accord avec la jumelle.

- Marthe a raison, il y a beaucoup d'hommes qui tricotent sans pour cela être moins virils. Quand j'étais petite fille, là-bas dans les Landes, les bergers tricotaient tout en surveillant leurs troupeaux. Et le soir, à la veillée, hommes et femmes tricotaient en bavardant à la lueur du feu. Oui et bien pour moi le tricot, la couture et tous les trucs comme ça, c'est pour les filles, elle n'arrivera pas à me convaincre. D'ailleurs Olivier tricote très bien.

J'ai envie de rire mais me contiens, mauvais exemple, je veux pas être un pédé comme lui.

Je les laisse à leur occupation de fille et retourne ma solitude. Oups, j'ai oublié mon livre dans le gros fauteuil.

Lorsque j'entre dans le salon, Daddy et Olivier me regardent en souriant. Dans le fauteuil, mon livre a disparu.

Olivier veut m’aider.

- Tu cherches ton livre ?

- Oui.

- C'est moi qui l'ai pris pour le feuilleter. Dad m'a dit que tu étais féru d'avions et de tout ce qui tourne autour et que tu avais beaucoup aimé ma chambre. Alors si tu veux, je peux te donner toutes les maquettes et tous les livres que tu voudras. Au fait, tu as trouvé mon petit paquet ?

Je reste avec mon livre que j’ai retrouvé sur le bord du buffet, dans les mains, immobile, je suis assommé par ce qu'il vient de me dire. Mais pourquoi me font-ils tous ces cadeaux ? 

Je sors de ma poche le petit paquet que je n'ai pas encore ouvert. Je repose le livre et déchire le papier du paquet, dedans il y a une sorte de grosse épingle à nourrice. J'ai déjà vu la même quelque part mais je n'arrive plus à me souvenir où. C'est un bijou en or, de ça, je suis sûr.

Mais pourquoi m'offre-t-il un bijou ?

- Ah ! Tu lui as donné ta seconde épingle, comme je te l'ai demandé, c'est bien mon fils. Il pourra la porter sur son kilt.

- Mon kilt ?

- Oui celui que tu portais hier. C'est le tien maintenant, je l'ai fait faire rien que pour toi mon petit puisque maintenant tu fais partie de notre famille.

- Mais...

En fait , je ne sais plus trop quoi dire.

Pourquoi font-ils tous comme si j'étais un membre de leur famille alors que c'est faux !

Je me rappelle bien ce que m'a dit Richard : après mes dix-huit ans, c'est moi qui choisirai de continuer à vivre avec eux. C'est bien, mais je ne serai toujours qu'un simple parasite, une pièce rapportée qui ne portera même pas leur nom.

J'ai honte car je n'arrive même pas à leur dire merci !

Je me sens tellement mal, c'est atroce. Dans une main, j'ai l'épingle et dans l'autre mon livre, je retourne vers la chambre. J'entends les filles et Mamie rire. J'ai envie d'aller tricoter avec elle, presque d'être une fille comme elles, de me fondre dans leur groupe.

Je pose le livre sur le lit des parents et m’assieds à côté. Et eux où sont-ils ?

A l'entrée, il n'y a ni leurs manteaux, ni leurs chaussures, ni ceux de Rémy et Sylvie. Je ne sais pas pourquoi, j’enfile mon blouson et mes baskets puis ouvre la porte d'entrée.

Je descends les escaliers en courant.

Dehors, il fait déjà nuit noire.

Devant moi, l'entrée de la résidence. Elle donne sur une grande rue,  je m'élance et cours, droit devant tant que je peux.

Pourquoi ? Je ne sais pas.

Je ne veux pas partir. Je reviendrai. J'ai juste besoin de sentir le froid me brûler les poumons.

Je m'arrête au milieu d'une place ronde entourée de magasins et de bars fermés.

Une main se pose sur mon épaule et me fait me tourner. Je prends un aller-retour.

Richard !

 

Je me jette contre lui et me mets à sangloter. 

Il est à bout de souffle. Il finit par refermer ses bras autour de moi.

- Je ne veux pas être qu'une pièce rapportée.

Il me tient à bout de bras devant lui. 

- Là, tu mérites une deuxième paire de claques. Viens. Et tiens, mouche-toi. Qu'est-ce qui s'est passé ? Je lui raconte, les filles, Olivier, Daddy, le kilt et lui donne l'épingle que je serre toujours au creux de la main. Il commence par la regarder puis soupire et me la fixe sur mon manteau. Tu vois le sanglier sur l'épingle c'est l'emblème de la famille de Daddy. C’est un grand honneur qu’il te fait en te l’offrant. Tu es un sanglier toi aussi maintenant. Le nom, tu sais, a peu d'importance.

En tout cas, le baiser qu'il dépose sur mon front a un goût de bonheur.







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8 janvier 2011

Véro mardi 16 août 1977 lui !

Véro mardi 16 août 1977 lui !

 

 

- Qu’est-ce qu’il fout là, lui ?

- Bin cette nuit quand j’suis descendue boire et pisser. Ils étaient encore tous en bas dans le jardin et maman dans la cuisine m’a demandé de lui dire de venir dormir avec nous.

Mossieur, d’abord a refusé puis il a fini pas accepter et donc le gros bébé a fait dodo avec nous.

- Ouais bin ils font tous chier.

Mathilde se recouche en me tournant le dos.

La pendule avec Pimprenelle et Nicolas m’indique qu’il est sept heures.

J’ai faim. Je vais récupérer la boîte à biscuits que j’ai monté hier puis viens me remettre, assise en tailleur à côté de lui, tout en grignotant les coins du petit beurre made in Mamy.

Il dort sur le dos en étoile de mer.

En fait qu’il dorme avec nous je m’en fous mais c’est pour le principe, faut bien faire comprendre ça aux autres… et aux parents surtout !

Je préférerais un vrai bébé.

Suis jalouse d’Isabelle.

Une : elle va avoir un bébé et deux : un bonhomme et… trois : elle n’aura plus les parents sur le dos. Moi j’ai encore un an avant de pouvoir quitter cet enfer.

Et lui, je lui en veux aussi. S’il avait été normal, il aurait encore un an avant d’avoir le bac, puis je serais allée avec lui faire une prépa et j’aurais tenté de faire Salon comme lui. C’est Papa qui aurait été content et Maman qui aurait tordue ses mains dans tous les sens en faisant une crise comme d’hab.

Du coup bin... ils iront tous se faire voir, je ferai un boulot avec des gamins.

Pas puéri ou un truc dans ce style, j’aime les gamins plus grands mais pas trop. En plus on peut être interne pour préparer l’IUFM donc loin de Maman que du bon !

 

Fanfan se glisse à côté de moi et prend un biscuits en me faisant une grimace. Je lui fais chut du doigt.

- Oui, j’ai vu.

Mais elle a quoi cette môme ? Elle est tarée franchement ! Je lui fait signe de se taire et elle ouvre sa gueule. Pas une pour rattraper l’autre.

Je me lève. Il y a ses fringues d’hier soir sur la pile. Il fait la même taille que moi au niveau vêtements. Et hop un Robert roux.

 

- Véronique tu m’enlèveras ces vêtements, tu es ridicule ma fille.

- Oui maman mais le ridicule ne tue pas alors ce n’est pas grave. Il est où Papa ?

- Il est allé accompagner Rémy au train à Lyon.

Je vais entourer Sylvie de mes bras.

- C’est pas trop dur tatie ?

- Non ma chérie, je finis par en avoir l’habitude, c’est gentil ma grande.

 

Il ne descend qu’après les autres filles, il a remis ses pantalons tout recousus.

- Ah c’est toi qui me les avais volés !

Je me lève et tourne sur un pied devant lui.

-T’as vu, ils me vont mieux qu’à toi.

- Bin je t’en fais cadeau.

- T’as vu maman, il me les donne, j’irai au collège avec.

- Alors ça. Cela m’étonnerait.

Il secoue la tête d’un air désespéré. J’éclate de rire en voyant que lui et Papy font exactement la même tête.

Ils sont assis l’un à côté de l’autre.

Avant de monter je vais mettre mes bras autour de leur cou, les serre et leur dit tout bas :

- Je vous aime ! Avant de m’enfuir vers la chambre.

Mais avant de monter je les vois se retourner puis échanger un regard aussi surpris et encore une fois identiques. Mais c’est fou ça, pourtant c’est pas son grand-père ?

 

 

 

 

 

30 mars 2010

Robert Dimanche 21 Mars 1976 vacances de Pâques 2

Robert Dimanche 21 Mars 1976 mon tour

 

Quelqu'un ouvre les rideaux roulants et le soleil déjà haut envahit la pièce. Je serre la couverture sur ma tête. Pas envie de me lever et de quitter le rêve que je faisais et là envie d'arriver au but. Mais non ! Je fonce vers les toilettes.

 

- Robert, sors, j'ai envie de faire pipi.

- Désolé, Yvy, caca !

- Maman ! Robert, il ne sort pas des toilettes.

- On peut plus chier tranquille.

Bon en fait il faut surtout que j'arrive à calmer Monsieur qui n'a qu'une envie, celle d'arriver au bout de mon rêve des plus chauds. J'imagine une douche froide.

Richard trouve les mots appropriés.

- Je vais chercher Gâche pour te sortir de là ? Purée radical ! Je tire la chasse et sors, il est devant la porte, un sourire moqueur aux lèvres. Ah ! Je savais que penser à ce cher capitaine, te couperait la chique. Je rougis jusqu'aux oreilles. Yvy entre dans l’étroite pièce en nous regardant tous les deux bizarrement.

Il me suit jusqu'à la cuisine où je suis accueilli par Gisou qui veut me mettre une main sur le front. Je l’évite en lui jetant le regard le plus méchant possible. 

- Tu es malade poussin ?

Son inquiétude amuse Richard.

- Non il n'est pas malade, c’est juste un ado bourré d’hormones qu’il ne sait pas encore contrôler.

- Ah ah ah ah ! Trop drôle. 

Je vais poser mes fesses sur la chaise mais il l'enlève. 

- Eh ! 

Je la récupère et cette fois, je la tiens pour m'asseoir. Trois fois, il passe son bras au-dessus de mon bol pour attraper des trucs de l'autre côté de ma place quand je fais mine de porter mon bol à ma bouche. Je n'ai pas de petite cuillère, je me lève pour en prendre une. Je m'assois, il me la prend des mains.

- Ah merci, c'est gentil, je n'en avais pas.

- Ah et c'est quoi les deux à côté de ton bol ? Eh ! Mais en fait j'en avais déjà une .

- Là, en tout cas, tu n'en as plus.

Je me bats contre lui pour la récupérer, mon bol de café manque de se faire renverser.

Gisou nous attrape par l'oreille tous les deux. Avec Richard nous nous regardons et nous éclatons de rire. Mais nous finissons mon bol et moi de l'autre côté de la table. Sans... petite cuillère.




- Gisèle, as-tu vu l'heure à laquelle on part ?

- Oui chaton.

- On va arriver à pas d'heure là-haut.

- L'important c'est d'y arriver.

- Oui mais une fois arrivés, tu sais tout ce qu'on aura à faire ?

- Oh oui, moi je devrai préparer le repas, m'occuper des petites, ranger les bagages entre autres choses et toi mon chéri ?

J'entends Richard grogner sans répondre. Cela me fait sourire.

 

A dix heures, la voiture est chargée et nous, installés. Je suis à côté de Fanfan et Coco. Derrière moi, Isabelle, Yvy et Véro.

Nous roulons depuis un moment, nous venons de passer Avignon quand Fanfan commence à pleurer et à se plaindre du ventre. Je blague avec elle et ouvre grand ma fenêtre pour qu'elle ait de l'air.

- Richard arrête-toi, ta fille va vomir.

- Oui ma chérie, à la prochaine aire. Je ne peux pas m'arrêter n'importe où.

Mais ce qui devait arriver, arriva, et bien sûr non pas devant elle, dans le vide, non ! Elle vomit sur moi. J'en ai plein le pull et le pantalon, les mains et même sur la figure. Derrière ça glousse, ces idiotes trouvent ça marrant. Même Coco et la coupable trouvent ça drôle, pas moi !

Lorsque Richard arrête enfin la voiture sur une place de parking sur une aire d’autoroute au milieu de nul part, je me précipite hors de la voiture et enlève mon pull et m'essuie le visage avec l'intérieur. Je sors mon sac qui était sous mes pieds dans la voiture et le pose par terre, je fouille dedans et en sors une tenue complète : slip, pantalon, tee-shirt, sweat et chaussettes, puis en courant je file vers les sanitaires.

Là, je réalise que j'en ai plein sur les chaussures.

Du coup, je ressors pieds nus, chaussettes dans la poche, torse nu, le sweat et le tee-shirt propres à la main.

Je fais une boule avec mon linge sale autour de mes chaussures.

Richard, debout devant les sanitaires, surveille Coco et Yvy qui s'amusent sur une araignée en cordes. Je lui mets mon paquet de linges sales dans les mains, il tend les bras pour l'écarter de lui.

- Ça pue, n'est-ce pas ? Merci à ta fille. Elle est où Gisou ?

- Chez les femmes, elle nettoie Françoise.

Filles, garçon, je m’en tape. J'entre et me fais accueillir par Isabelle et Véro. Cette dernière essaie de m’attraper par le bras, je la repousse et je la vois reculer jusqu'à la porte d'un des WC puis tomber dans le petit espace, sa tête heurte la céramique avec ce bruit caractéristique d'une noix de coco vide.

Une dame sort d'un box et me regarde d'un air horrifié. Je lui fais un immense sourire.

Je me mets devant le lavabo à côté de celui de Gisou qui a assis Fanfan dessus et à l'aide d'un tee-shirt mouillé la débarbouille. Là, je mets ma tête sous le robinet et me lave au savon.

- Robert, ici, ce sont les toilettes des femmes.

- M'en fous.

- Pourquoi es-tu pieds nus ?

- Demande à Fanfan.

On entend Véro pleurer. Isabelle est avec elle et l'aide à se relever.

- Maman, Véro elle saigne.

- T'as un truc pour m'essuyer ?

Gisou soupire.

- Prends ton tee-shirt, et ne pas vous battre tous les deux, c'est possible ?

Je me sers donc de mon tee-shirt.

- Tu sais que c'est le seul que j'ai et que je vais rester torse nu, merci Fanfan. Cette dernière me tire la langue, sa mère la pose au sol et se tourne vers Véro, puis me prend mon tee-shirt humide pour essuyer la coupure nette que Véro a sur la tête. Je trouve que le sang a presque la même couleur que ses cheveux. Hé, mais, il va être tâché maintenant. Vu le regard que me jette Gisou, je préfère me taire à ce sujet là. Fichtre, je pue toujours autant. Gisou, je peux faire quoi d’autre ?

- Tu prendras un bain au chalet, mais faut trouver une solution pour tes chaussures car il y a de la neige là-haut.

Deux femmes accompagnées d'une ado entrent. Les trois me regardent surprises, l'ado affiche de suite un grand sourire auquel je réponds. Je prends une claque sur la tête de Gisou.

- Toi, mets ton sweat et disparaît à la voiture.

Là-bas, Richard a sorti le rehausseur de Fanfan et enlevé le tissu qui a rejoint mes vêtements dans un sac poubelle.

- Pourquoi es-tu pieds-nus?

Je lève les yeux au ciel et soupire.

- Vous ne pouvez pas oublier mes pieds un jour ?

- Et ton sweat ne serait pas mieux sur ton dos ? Mets un tee-shirt dessous.

- Pour ça faudrait que j'en ai un.

Je le vois alors vider le petit espace derrière la dernière banquettes pour accéder à son sac. Il en sort un tee-shirt qu'il me lance et une paire de baskets.

J'apprends donc qu'il met du quarante trois.

Le tee shirt me va jusqu’aux cuisses mais ses chaussures me vont bien. Je décide de les adopter.

Il regarde Véro arriver en tenant mon tee shirt plié sur sa tête.

- Elle a quoi, elle encore ?

Gisou lui montre sa blessure en soupirant et en me désignant du menton, je préfère m'éloigner un peu.

 

Enfin nous repartons.

L'odeur dans la voiture est infecte et plusieurs fois Gisou me dit de fermer ma vitre mais je finis par ne plus obéir.

- Si je la ferme, je vomis.

Derrière moi, les filles ont mis leurs anoraks, gants et bonnet et une couverture sur leurs genoux. Je trouve qu'elles font du cinéma, il ne fait pas si froid. Devant Gisou se retourne tout le temps et échange des regards inquiets avec Richard.

La coupable, elle, dort, un sac poubelle ouvert devant elle. J'essaie aussi de dormir mais à partir d'Albertville, les lacets ont raison de moi, mon petit déjeuner pourtant lointain remonte, je me force à ne pas vomir et de le ravaler. Les filles hurlent que je suis dégueu.

- Vous préférez quoi que je vous vomisse dessus ?

Elles ont réveillé Fanfan qui n'est pas mieux que moi.

- Tu vois Richard, quand je te disais qu'on aurait dû rester à Aix . Robert utilise le sac de François s'il le faut.

Je ferme les yeux. Je veux dormir mais bien sûr, là, je n'y arrive pas.

- Maman, il se gratte.

Gisou se retourne carrément et oui, j'ai gratté la plaque de boutons que j'ai sur mon bras, ça fait mal, ça saigne, mais je ne pense pas à autre chose.

 

Lorsqu'on arrive enfin je suis couvert de boutons et j'ai envie de m'arracher la peau.






































































2 juin 2010

Robert Mardi 21 septembre 1976 Solenzara 2

Robert Mardi 21 septembre 1976 Solenzara 1

 

Nous arrivons à l'endroit marqué d'une croix rouge à sept heures.

Je suis sur les nerfs. 

J’ai la tronche des mauvais jours, les mâchoires serrés, des petits yeux, bon  y a aussi que je suis mort de fatigue, le sac pèse la mort et j’ai l’impression de ne plus avoir d’épaules ou plutôt si, en avoir mais dans lesquelles les sangles du sac se sont incrustées jusqu’aux clavicules et même dans les clavicules. C’est avec plaisir que je le pose dans la soute du bus. Les poings serrés même lorsqu’ils ne tiennent plus ces put… de sangles. J’ai mal aux pieds et un genoux explosé. Mon froc est trempé et mon état physique fait que Gâche m’empêche de monter directement dans le bus et m’inspecte me tenant le menton puis me forçant à ouvrir les mains.

- Vas voir Lorient qu’il te désinfecte.

Ce dernier sort en souriant, moqueur, la petite caisse bleue avec une croix rouge dessus, des premiers soins.

- Il t’a collé une trempe ?

- Non j’suis tombé !

Trois coups de pschitt  pschitt, de l’eau pour me laver les mains puis encore du pschitt pschitt et me revoilà bon pour le service.

Nous avons une heure de retard, Monsieur Marion (tiens ça rime avec gros co… ) refusait de courir et n'a pas arrêté de me contredire sur la direction à prendre. Donc pas de petit déjeuner pour nous. Dans le bus, quand je passe à côté de lui, Claude me glisse en douce un petit pain.

- Laisse-moi passer ! Sourire niais du débile congénital. Mais lève-toi que je puisse passer !

Gâche lui se relève et s’approche. Je passe au-dessus des jambes du rouquin qui accentue son sourire crétin, pour accéder à mon siège.

Je me tasse contre la vitre, en mangeant mon pain. 

Je croise le regard de Gâche qui ne me dit rien. 

Garrot à côté de moi, dès que le bus commence à rouler, répond aux questions des collègues qui veulent savoir pourquoi je suis dans cet état et il me décrit comme un moins que rien.

Oui, je me suis pris le pied dans une racine et oui j'ai dévalé une pente mais je l'ai remontée seul et sans son aide trop occupé à se foutre de ma gueule comme à l'instant.

Mais quand, il dit que à cause de moi, nous nous sommes perdus car je ne regardais pas la carte, ça en est trop !

Je me redresse et lui tombe dessus.

Debout, je suis encore trop petit par rapport à lui mais là, coincé, assis dans son siège, il est à portée de mes poings. Il se met en boule mais je suis à genoux sur lui.  Le pire c'est qu'il n'essaie même pas de se défendre, ça m'énerve encore plus. Il ne fait que se protéger mais quand ses bras sont devant son visage je frappe au torse alors il descend sa garde et je lui démonte la gueule. Ses lunettes volent. 

Nguyen assis sur le siège devant nous me saisit le bras gauche et Morvan assis à la rangée derrière nous, me saisit le bras droit et ils me plaquent contre la vitre. Mais ma haine est devenue tellement forte que je suis devenu berserk1. Puisqu'on me bloque les poings, je continue à coup de pieds, il se laisse tomber dans la galerie centrale. Je ne vois pas venir le poing de Gâche.

 

Je reprends conscience dans un bus en mouvement, je suis à côté de Lorient, j'ai très mal à la mâchoire. Pourquoi n'est-ce pas Garrot à côté de moi ?

Puis, je me rappelle.

Lorient me fixe :

- Calmé ?

- Oui !

- Il aurait dû savoir qu'il ne faut pas te pousser à bout.

- Je crois que j'ai fait le con.

- Vous avez fait les cons tous les deux et Gâche aussi de vous mettre ensemble. Mais toi, tu es allé trop loin.

- Il va comment ?

- Regarde par toi-même.

Je me redresse et tous les regards convergent vers moi. Garrot est assis au fond, à la place d'origine de Lorient, il a une très sale gueule et plus de lunettes. Je croise son regard bleu de myope.

Je me rassois, pas fier.

- J'ai honte.

 

- Tu peux, mais ce qui est fait est fait. Mais si je puis me permettre de te donner un conseil, mets la vraiment en sourdine pendant le reste du trek car Gâche se fera un très grand plaisir de te démonter la gueule.

Je me masse la mâchoire et l’arrière du crâne où j’ai une petite plaie. Je crois que c’est surtout ma tête en percutant la vitre qui m’a assommé.

- C'est pas un poing, c'est un marteau-pilon.

Lorient sourit.

 

A Toulon, nous regardons le bus s'éloigner.

Nous sommes en rang par deux devant la bouche béante d'un ferry pour la Corse. Ce sera la première fois que je monterai sur un bateau.

Je regarde Garrot debout à côté de moi, quelqu'un a raccommodé ses lunettes avec du scotch d’électricien vert. 

J'aimerais lui dire que je regrette.

Mais... d'un côté, je ne sais pas comment faire et de l'autre je ne suis pas vraiment désolé. Il y a un moment que cela couvait entre nous deux, il m'a fait chier toute l'année dernière, ça devait péter un jour, entre nous deux.

Et je vais encore lui casser la gueule s’il continue à me sourire à chaque fois qu’il croise mon regard. 

Par contre, Lorient qui reste à côté de moi, me fusille du regard. Je baisse la tête mais je boue à nouveau.

Gâche nous fait signe de se mettre en rang par un. Garrot se glisse derrière moi. Mais Le Pitaine remonte la file et fait passer Le binôme de Nevière devant nous et s’adresse à Xavier :

- Tu seras le major dorénavant.

Lorsqu’il le dit, son regard est fixé sur moi, puis fait passer Garrot devant moi, dorénavant, il sera le pilote, moi le nav2.

Nous montons par les escaliers jusqu'au troisième pont, les gens s'écartent devant nous. Gâche m'a mis une petite cantine dans les bras, les autres portent la même à deux. Elle est super lourde et j'en chie à la monter, je serre les dents et me refuse demander de l'aide.

Arrivé à destination, je la laisse presque tomber. Derrière moi, ils se sont mis à deux pour monter quatre autres cantines identiques. J'ai mal aux bras.

Gâche s'approche de moi.

- Posez votre sac Weissenbacher, et descendez chercher la cantine qui est restée en bas.

J'obéis. 

Par contre la remonter m'arrache des larmes. Des gens me regardent goguenard. Un homme, me la prend des bras sans me demander mon avis et va presque la jeter au pied des gradés.

- Pauvres cons !

Je ne sais pas quelle contenance prendre. Gâche me fusille du regard. 

Le bateau a quitté le port.

Je rejoins les autres. Ils sont tous en train d'ouvrir leurs sacs de couchage et de les étaler le long d'un mur, les uns contre les autres. Je vais les imiter lorsque Gâche me fait signe de venir le voir.

- Allez chercher votre sac.

Je le lui ramène, il l'ouvre et le vide sur le sol. A genoux, je le refais. Il me fait signe de le mettre sur mon dos.

- Cent pompes.

Avec le sac ? C'est folklo, à vingt, je commence à plus pouvoir. Lorient m'aide en tenant le sac. Gâche le pousse puis me relève, m'arrache le sac du dos et le vide à nouveau. Il renouvelle son jeu une dizaine de fois. A chaque fois, je me bats avec le vent qui veut éparpiller mon linge autour de moi et avec le roulis qui lui fait rouler tout ce qui est plus ou moins rond. 

Je serre les dents car je ne veux pas lui donner le plaisir de me voir pleurer et je sais qu'il ne me lâchera pas jusqu'à l'arrivée. Le soleil tape fort, et si eux se sont mis à l'ombre. Moi, je suis en plein cagnard.

Mon sac sur le dos, j'attends qu'il recommence, il me fait signe de venir. J'avance et remarque qu'on a pas mal de spectateurs.

- Alors vous avez chaud Weissenbacher, vous demandez grâce ? Je reste immobile et le fixe. Mon père a fait pire que toi, je ne céderai pas devant un gros con comme lui. Bon, qui ne dit mot consent et bien sac au sol.

Il me saisit par le bras et me traîne jusqu'à une douche que je n'avais pas vu et qu'il me dit d'actionner. Putain quelle est froide mais je reste en dessous immobile en le fixant. Il sait d'où je viens ce gros con ? L'eau froide je n'ai eu que ça jusqu'à mes quatorze ans. Lorsqu'elle s'arrête, je la relance en le fixant d’un regard provocateur.

Autour de nous, j'entends les gens murmurer. Il m'aboie de rejoindre les autres mais de rester au soleil pour sécher.

C'est l'heure du repas, j'ouvre les cantines et sers ceux qui ne dorment pas. Je vais pour prendre moi aussi un sandwich et il me fait non du doigt, je le repose. Je vois Lorient et Caprais discuter avec lui en me tournant le dos.

Il me fait signe d'approcher.

- Weissenbacher, vous n'auriez pas oublié quelque chose ?

Je réfléchis :

- Non, mon capitaine, j'ai obéi à tous vos ordres.

- Et pensez -vous que vos supérieurs ne se nourrissent pas ? Je ne peux m'empêcher de sourire. Oh putain, qu'ai-je fait ? Ah cela vous fait rire ? Vous voyez ces escaliers? Vous les montez et faîtes vingt fois la coursive au pas de course, si vous touchez quelqu'un ou si vous vous arrêtez, je vous touche aussi.

Putain, pourquoi le colon n'est-il pas venu avec nous.

Je cours, c'est assez drôle de zigzaguer entre les gens qui me regardent passer. Certains sont goguenards, d’autres affichent diverses nuances de mécontentement ou de surprise. Je suis devenu l'attraction du voyage. Certains me souhaitent bon courage à mon troisième passage. 

Je croise l’homme qui m’a remonté la cantine. Gâche me fait signe d'arrêter et de venir.

- C’est bon, mange, il reste trois heures avant l'arrivée tu peux aller dormir.

Je zappe la bouffe et m'enfile dans mon sac, je suis HS, je ne fais pas long feu.

 

C'est Garrot qui me réveille.

- Debout, on est à quai.

J'ai du mal à regarder son visage qui a des colorations allant du noir au vert. Lui, il est déjà prêt, son sac sur son dos. Il m'aide à finir mon sac et lorsque l'on se met en rang, il prend l'autre poignée de la cantine.

- Merci !

- Normal, je suis ton binôme.

Pourquoi est-il comme ça avec moi ? Il ne semble même pas m’en vouloir.

J'ai faim mais je le garde pour moi.

On reste ainsi, immobiles debout, en longue colonne par deux jusqu'à ce que les escaliers soient vidés de tous les autres voyageurs.

Sur le quai, un camion nous attend, nous y posons les cantines. Puis il démarre et nous commençons notre marche qui nous fait d'abord traverser la ville de Bastia jusqu'à notre but lointain : la base de Solenzara.



Il fait super chaud et nos sacs sont lourds.

Premier arrêt à l'extérieur de la ville pour manger. Nous entourons le camion.

Nous sommes contents de pouvoir nous asseoir, enfin moi, je ne peux le faire qu'après avoir distribué à chacun sa ration.

J'ai droit au sandwich de midi et à celui du soir. Je les savoure même si je leur trouve un goût bizarre. Le café nous redonne un peu d'énergie pour continuer mais nous commençons à rêver de rentrer à l'école. 

Avant de repartir nous remplissons une énième fois nos gourdes.

Les étoiles sont déjà hautes lorsque Gâche nous fait signe de nous arrêter, nous sommes sur une plage. Nous rejoignons nos sacs à viande 3 avec satisfaction. Des militaires en treillis, nous ont rejoints avec deux jeeps. Ils nous souhaitent une bonne nuit. Certains, dont moi, ne les entendent même pas le dire.

 

 

1 Berserk. : "Partir en live", "péter un plomb". Se dit de tout système ou individu devenu incontrôlable.

Dans la mythologie nordique, le berserk est un guerrier enragé de fureur sacrée, et insensible à la peur et aux blessures.

2 NAV ou Nosa : Navigateur Officier Système d’arme. En place arrière dans un avion de chasse.

3 Sac de couchage

6 septembre 2010

Robert vendredi 17 Décembre 1976 vacances 1

Robert vendredi 17 Décembre 1976 vacances 1



- J'en connais une qui va être déçue que tu ne viennes pas.

- Oui, et bien vu comment a fini mon séjour de l'année dernière, je serai bien mieux ici.

- Bon alors fait un bisou de ma part à Isabelle ?

Le livre d'allemand traverse l'espace entre moi et la porte mais ne trouve personne et finit son vol au sol avec un bruit mat. Claude ne l'a pas attendu.

Derrière moi Marion joue l’outragé. 

- Tiens ! Comment oses-tu voyons, abîmer un livre ? Toi, l'élève studieux.

- Tu veux que je te l'envoie aussi ? Non, pour toi, ce sera mon dico d'anglais qui pour la petite histoire doit bien peser dix kilos.

Il vient de se doucher et nu debout devant son lit, me fait des gestes obscènes. Je préfère l'ignorer.

J'ai mieux à faire, je replonge dans mon bouquin d'astrophysique, ma marotte du moment.



Une heure plus tard, il passe ses deux bras autour des miens, sa joue contre la mienne, et sa main droite se referme sur mon entre-jambe.

- Ne m'oublie pas mon amour !

Je le repousse  

- Lâche-moi !

Et la pointe de mon compas pénètre facilement la chair molle de sa main entre le pouce et l'index. Il hurle.

- Putain mais t'es dingue, j'étais gentil, je te faisais juste un câlin d'adieu.

Je ne me retourne même pas.

- Ce serait trop bien si c'était de vrais adieux !

Mon front heurte mon bureau, heureusement sur mon gros bouquin. Cette fois, ça en est trop. Je fais lui faire la peau. Mais comme Claude, Marion a disparu dans les escaliers. Enfin seul !

Lui, je ne le regretterai pas.

Derrière moi, la chambre est un véritable souk. Encore une fois, il n'a rien rangé. Je soupire. Le pire c'est que ce con pourrait être un super copain, mais il est tellement... je n'ai même pas de mots pour le décrire.

Il est dix-neuf heures. J'ai faim. Je regarde par la fenêtre. Quatre garçons, sûrement des sixièmes ou des cinquièmes, traversent la cour portant des sacs aussi gros qu'eux. Je les envie un peu. Moi, je n'ai pas de famille chez qui aller.

Je prends mon blouson et vais voir si Firmin a prévu quelque chose pour moi. Hélas, la porte du mess est fermée ainsi que celle de la cuisine.

La porte de la cave du colon aussi, je regarde vers leur appart mais les volets sont fermés.

- Vous êtes encore là Weissenbacher ?

Je salue Gâche.

- Oui mon capitaine. Comme d'habitude, seul et oublié de tous.

- Ne vous inquiétez pas, le colon va vous récupérer. Passez tout de même de bonnes fêtes. Mais rangez-moi votre chambre ou je vais être obligé de sévir.

- Oui mon capitaine. Vous rentrez chez vous ?

- Mon chez moi c'est ici. Mais oui, je vais chez ma sœur, elle vient d'en avoir un cinquième, elle bosse pour moi et mon frère. Il se met à rire. Je vais donc aller pouponner, ça me changera des morveux dans votre genre.

Il me tape plusieurs fois sur la tête en souriant. Je le regarde s'éloigner avec son barda sur l'épaule. Heu, où est passé le Gâche qui me déteste ?

Bref, retour dans ma chambre. J'ai toujours ce putain d'exo à finir et après un peu de ménage.



Je ferme le bouquin, mon estomac gargouille, il est comme moi, il aime la ponctualité. Je pose mon front sur le bouquin et reste ainsi un moment, les bras ballants vers le sol. J'ai envie de rien, et incroyable mais vrai, même pas... de tout ranger autour de moi.



- Bonhomme ça ne va pas ?

Je sursaute, me redresse d'un coup, ma chaise est éjectée contre le lit avec un bruit qui se répercute plusieurs fois.

- Mutti ?

- Et bien, c'est quoi cette porcherie ?

Richard en civil, est derrière elle, il a cet air sévère qui ne présage rien de bon.

- J'allais ranger.

J'ai honte. Rapidement je commence par mon bureau. Puis par mon lit, dont je retends les draps. Richard se met de l’autre côté du lit.

- Défais-le plutôt. Je vais t'aider. Occupe-toi du côté de ton collègue, mais celui-là, il ne manque rien pour attendre.

- Non, c'est ma faute, il allait le faire mais il était en retard alors je lui ai dit de tout laisser que je m'en occuperai.

Alors Richard me tenant par le bras me fait faire le tour des autres chambres, suivis par Gisou.

- Eux aussi étaient pressés, mais eux, ils ont trouvé le temps, tu sais pourquoi ?

Je secoue la tête. Il penche la tête sur le côté et fronce les sourcils. Mauvaise réponse ou...

- Non, mon colonel ! Cette fois je me fais secouer et pousser en avant. Non Richard.

Ce n'est toujours pas la bonne réponse.

- Pourquoi vous a-t-on mis ensemble ?

- Pour qu'on devienne amis et c'est fait ?

- Non bordel !

Gisou lui pose la main sur l’avant-bras.

- Richard calme-toi !

Il la regarde presque surpris, puis reprend sa respiration.

- Oui Gisou, tu n’as pas tort, désolé. Pour que tu arrêtes de te faire marcher sur les pieds par ce grand escogriffe. Tu sais pourquoi il n'a rien rangé ? Parce qu'il a un esclave servile, parce qu'il sait que tu vas tout faire à sa place. Et franchement, tu me désespères !

Nous sommes revenus dans la chambre. Même Gisou m'aide.

- Non ça, ça reste là. C'est lui qui portera son sac de linge sale à la buanderie à la rentrée, c'est lui qui se fera taper sur les doigts. En l'aidant ainsi, tu ne lui rends pas service. Gisèle, tu as fini ?

- Mais tu n'as presque rien de civil ici.

Elle a mes slips et tee shirts dans les mains. Je les lui prends et les mets dans mon sac où il n'y a déjà mes quatre paires de chaussettes.

- Bin non, juste ce avec quoi je suis revenu et que je vais remettre là, pour aller au chalet, si je viens avec vous.

Richard pose le sac blanc du linge sale de Marion au pied de son lit.

- Et bien non, tu ne viens pas au chalet avec nous. J'ai l'impression que le Monde, que mon Monde s'écroule autour de moi. Houlà, fais pas cette tête. Je n'ai pas dit que tu ne venais pas avec nous. Sinon, d'ailleurs, que ferait-on ici ?

- Ah c'est malin ! Tu es l'homme le plus diplomate de la Terre franchement. Ce qu'il a voulu dire, c'est que nous n’allions pas au chalet. Nous allons passer Noël chez mes parents. À Toulouse. C'est la tradition, une année chez les uns, une année chez les autres.

Ouf, je me remets à respirer normalement. Il a pris mon gros sac de linge sale. Moi, mon sac kaki presque vide et mon sac à dos. Derrière moi, Gisou éteint la lumière et ferme la porte.



A l'appart, les filles en robe de chambre décorent un grand sapin artificiel. Fanfan et Coco viennent me prendre par la main.

- Viens nous aider.

Mais Gisou m’intercepte et m’expédie vers la salle de bain.

- Non, d'abord, il va se mettre en pyjama. Hop, hop, dépêche-toi !



Je pose mon sac dans l'entrée et vais les rejoindre. Il n'y a plus grand chose à faire et Richard fixe la flèche tout en haut. 

Véro vient passer ses bras autour de mon cou. Je commence par me débattre puis en soupirant, ne bouge plus.

- Papa, il dort où ce soir ?

Richard surpris a un petit sourire moqueur.

- Ici. Quelle question franchement. Tu crois qu'il va traverser la cour en pyjama ? De plus, tous les bâtiments sont fermés.

Véro me lâche exaspérée par la réponse de son père. Je fais un pas sur le côté pour m’éloigner d’elle.

- Mais non Papa, voyons ! Je pensais au matelas sous notre lit. Il pourrait dormir dans notre chambre.

Véro le dit, en affichant un immense sourire. Richard marque la surprise et se met à sourire en me voyant secouer la tête et les mains en m’éloignant encore plus.

- Oh non, non ! Je préfère encore dormir à la cave.

Là, il plisse les yeux semblant penser à quelque chose d' intéressant.

- Je devrais te prendre au mot, tu aurais de jolies copines à huit pattes. Je fais la grimace et tous se mettent à rire mais s'arrêtent étonnés en entendant mon ventre gronder. Mais attends, tu as mangé ce soir ?

J’écarte les bras dans un geste d’évidence.

- Bin non.

Là, il ne sourit plus et s’énerve.

- Mais bordel, pourquoi tu ne dis rien ? Gisèle, ma chérie, ce garçon est affamé. Et me tenant par les épaules, il me pousse jusque dans la cuisine. Et en plus il ne disait rien. Franchement je ne sais pas ce que nous allons faire de lui.

Trente secondes après, j'ai un énorme sandwich dans les mains, contenant, jambon tomate et gruyère. Et devant moi un grand verre de lait , deux yaourts et un tupperware contenant des restes de gâteau au chocolat.



Pendant que je mange, Gisou et les filles transforment le canapé en lit.  Où je m'endors en regardant les guirlandes du sapin qui clignotent et que j'ai refusé qu'ils éteignent.

Elles sont comme ma vie actuelle.

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10 octobre 2010

Robert mardi 17 février 1977 Lâché

Robert mardi 17 février 1977 Lâché

 

Mes doigts sont gourds autour du manche et mes pieds répondent trop lentement… mais…

- Papapa je suis fatigué. Je suis plus fatigué que quand je suis à l'école.

- Et si tu dormais ?

- Mais je dors.

- Robert on va s'écraser, redresse, redres...

 

- Ça y est tu es réveillé ?

Richard penché au-dessus de moi, arrête de me secouer.

- Oui. j'aurais du mal à ne pas l'être, à moins d'être mort comme dans mon rêve.

Son visage marque la surprise.

- Et bien, tu fais de joyeux rêves,  toi, dis donc !

- Je rêve tout le temps que je m'écrase et qu'on se tue, toi et moi ou Papapa et moi.

Richard soupire en secouant la tête et s'en va.



Je lève la tête vers le ciel bleu où au-dessus de l’aéroclub, quelques stratus se déchirent lentement

- Tu vas où ?

Je me retourne sur Richard harnaché comme moi d'un parachute.

- Bin dans le 800.

Il me tient par le bras et me montre l'ASK.

- A toi l'honneur. Comme ça, si tu te craches, tu ne tueras que toi et je ne me lèverai plus la nuit pour te réveiller.




Je n'ai pas vu le temps passé. Moi qui n'aime pas le silence, celui-là, me va. Juste celui du vent qui porte les ailes de mon albatros. La voix me fait sursauter.

- Ici, la tour de contrôle, un message de vos parents, ils ont faim. 

Je les entends rire derrière.

Un coup d’œil à ma montre m'apprend qu'il est quatorze heures quinze. Pas envie de descendre même si là, d’un coup, mon estomac se rappelle à moi.

- Qu'ils aillent manger.

Cette fois, la voix m'est familière.

- Tu comptes revoler ?

Heureusement qu’il ne peut voir le geste énervé que je lui fait.

- Oui, OK ! OK ! j'ai compris.

A peine, le léger aéroplane posé, ils n'attendent même pas que je sois sorti pour le pousser vers le hangar. Pourtant ils sourient et n’ont pas l’air si énervés.

Par contre, une fois le planeur sous le hangar, je m'en fais extraire et enlever le parachute sans douceur. Et deux autres pilotes se joignent à eux pour me porter, chacun un bras ou une jambe. Et… trente secondes plus tard, je ressors entièrement trempé d'une piscine pour gosse décorée de flamands roses, où ils m'ont jeté dedans, la tête la première.

- Tiens bonhomme ! Cul sec ! Il me tend un verre en plastique. Le premier vol solo ça se fête !

Je grimace en avalant cul sec le champagne contenu dans le verre en plastique.

Richard me tend des vêtements.

- Maintenant, va t'habiller, on s'occupe du planeur puis on rentre, on va se faire sonner les cloches au chalet.




En arrivant, je fourre tout mon linge dans la machine à laver devant Gisou qui dans mon dos les ressort et me suit en les gardant à la main, puis fonce sur Richard qui se retrouve avec mon pantalon et mon pull sous le nez..

- Que lui est-il arrivé? Pourquoi revient-il habillé de propre et les autres vêtements trempés ? Il lui est arrivé un accident ?

Rémy tout sourire se lève et vient vers moi.

- Alors, tu as fait plouf ?

Très fier de moi, je confirme.

- Oui.

Il me tape sur l’épaule.

- Bravo ! Bientôt le grand bain.

Richard, le regard amusé, tape sur l’épaule de son frère.

- Attends Frangin, ne mets pas la charrue avant les bœufs , s'il est pris ce sera dans trois ans et sinon ce sera dans quatre ans.

Gisou écoute les deux hommes avec une mine de plus en plus inquiète, puis me saisit par le bras.

- Toi ! Houla, ne fuis pas. Elle me tient par la manche, mes vêtements trempés toujours dans l’autre main. C'est quoi cette histoire de petit et de grand bain ?

Richard répond à ma place.

- Gisou lâche-le, avec Papapa et deux collègues on lui a fait prendre un petit bain de siège bien froid dans une piscine gonflable avec vingt centimètres d'eau. C'est ce que subit tout pilote après son premier lâché.

Son air effrayé s’accentue.

- Mais il n'était pas prêt et si...

Je regarde Richard pousser Gisou vers la cuisine et fermer la porte derrière eux.

Papapa se laisse tomber dans son fauteuil en soupirant.

- J'en connais une qui va avoir du mal dans quelques mois.

Je regarde tristement le grand-père, je le trouve optimiste. Quelques mois? Pour Richard ça se compte plutôt en années… Mais soyons optimiste… Une année, ce sont des mois, donc… Je souris… Oui, dans quelques mois…









9 novembre 2010

Robert dimanche 3 Avril 1977 coquille vide.

Robert dimanche 3 Avril 1977 coquille vide.

 

Sept heures sur ma montre.

Douze heures que je dors.

Je baille.

Un pantalon de jogging.

Je descends aux sanitaires.

Je remonte avec la bouteille de lait prise devant Richard sur la table.



Midi, je remets mon pantalon de jogging.

Retour aux sanitaires.

Je dépose en passant la bouteille de lait vide dans l'évier.

Avant de remonter, je prends une autre bouteille de lait.

Devant la porte de la cuisine, j'esquive tel un toréador, le taureau Richard et regagne ma chambre.



Dix-neuf heures.

Je remets mon pantalon de jogging.

Dépôt de la bouteille dans l'évier puis rego pipi-room.

Monsieur ronchon est debout devant la fenêtre frigo. Je renonce à prendre du lait.

Devant les escaliers, Papapa m'attend et m'empêche de passer.

Richard m'attrape par le bras et me fait me tourner.

- Ça suffit maintenant.

Ça suffit quoi ? Moi, quand je dis ça suffit, ils s'en foutent. Et bien moi aussi. Qu'il frappe s'il en a envie, je m'en fous.

Ils sont à table. Me tenant par le bras, il m’emmène jusqu'à la table. Je me laisse faire. Je m'assieds, dos à la table, comme il m'y a poussé. J'hésite à le regarder ou pas ? Le fixer c'est trop, ce serait le défier. Là, je ne veux pas le défier, je veux juste lui montrer qu'il peut me forcer à faire des choses jusqu'à une certaine limite.

Gisou l’écarte et il rejoint sa place.

- Allez, assieds-toi correctement.

Je lui obéis et elle me sert une assiette de soupe.

D'habitude, je dis merci. Là, non.

Je prends ma cuillère et vide lentement, très lentement, par des demi-cuillères, mon assiette. 

Je laisse ma cuillère dans l'assiette. 

Je remets mes mains sous la table. 

Dos voûté, je regarde mon assiette.  

J'attends que le temps passe. 

J'ai un ongle sale, je le nettoie avec un autre. D'habitude avant de passer à table, je me lave les mains. Je ne l'ai pas fait.

Gisou m'arrache les oreilles en m'enfilant un pull. Je reste ainsi le pull juste sur mes épaules. 

J'entends les filles rire pas elle.

- Mets ton pull et arrête ton cinéma.

Je finis de l'enfiler.

Quel cinéma ?

Devant moi, sur une assiette, deux tranches de rôti et des légumes.

J’attends qu’elle me l’ordonne.

- Robert mange !

J’obéis, je mange.

D'abord la viande, que je découpe lentement et consciencieusement en tout petits bouts. 

Je pose le couteau. Puis, un bout après l'autre, je les mâche longuement. 

Entre deux bouts que je mastique très longuement, je pose ma fourchette, je remets mes mains sous la table et je ne regarde ni mon assiette ou très peu, ni autour de moi. 

Je ne me redresse pas. 

Puis les légumes.

J'entends Mathilde dire à Véro : "On dirait qu'il va pleurer."

Non j’ai pas du tout, du tout envie de pleurer, je lutte plutôt contre mon envie de rire.

Je suis le dernier à finir. D'habitude je suis le premier et j'ai le temps de vider une autre assiette.

Au fond de moi, une autre assiette ne serait pas de refus mais là, je leur refuse et me refuse ce plaisir.

Mammema vient mettre sa main sur mon front.

Richard tape du plat de la main sur la table et se lève. D'habitude, j'aurais rentré la tête dans les épaules, là je ne sursaute même pas, je le surveillais.

Par contre, j’ai un mal fou à ne pas esquisser un sourire.

Je dois éviter de me mordre les lèvres.

Pas bouger, rester impassible.

- Rémy, Papapa, un petit calva pour accompagner le calendos ?

Gisou, elle a sursauté.

- Richard t'es sûr ?

- Oh oui !

Elle continue de débarrasser mais vient poser son verre devant son mari.

- Bon et bien, tu m'en donneras aussi, il accompagnera très bien la tarte aux pommes.

Là, j’ai beaucoup de mal, à ne pas montrer mon étonnement.

Là, j’ai beaucoup de mal, à ne pas la regarder.

Gisou de l'alcool ? Décidément, c'est le jour des surprises.

Ma part de tarte est devant moi sur son assiette. 

J’attends qu’elle me dise de manger.

Personne ne me le dit.

Papapa prend mon morceau et le mange.

Au moins, elle n'est pas perdue pour tout le monde.

 

Ils sont tous sortis de table.

J'attends qu'elle me dise de le faire

J’attends.

J’attends.

 

Les filles vont se coucher, elles viennent m'embrasser, l'une après l'autre, je ne leur rends pas.

Je reste prostré.

- Tout à l'heure, je viendrai te rejoindre dans ta chambre.

D'habitude, j'aurais répondu à Véro, là, non.



Je suis seul à table depuis une heure.

Sylvie entoure mon cou de ses bras pour m’embrasser.

- Bonne nuit ma puce, arrête vas. Ma sœur elle ne t’a rien fait.

Rémy lui, me bouscule, me faisant basculer de droite à gauche et de gauche à droite en poussant sur mes bras avec ses larges mains. D’habitude j’aurais ri, là, rien. alors il me passe la main sur la tête me la rejetant doucement en arrière. 

- Bonne nuit le morveux.

Mammema s’assied à côté de moi, dos à la table, elle me fixe, se lève, m’embrasse, m’effleurant la joue.

- Bonne nuit gamin, tu en veux tant que ça à ton père ? Comme je ne réponds pas, elle s’éloigne. Je l’entends monter de son pas lourd, ses pieds glissant sur le bois des marches.

Mon père, j'ai fait une croix sur lui, Richard par contre...

- Bonne nuit gamin, ne sois pas trop dur avec eux.

Eux ? Non lui, oui ! 



- Richard.

- Non, Gisou, vas te coucher.

Elle me tient par les bras et sa voix est douce.

- Allez ma puce, viens te coucher.

Je commence à me tourner pour la suivre, elle m'a pris la main. Mais Richard l’écarte et l’accompagne jusqu’aux escaliers.

- Oh non, c'est trop facile. Laisse-le et toi monte.

 

On est plus que tous les deux.

Je suis à califourchon sur le banc, comme m'y a laissé Gisou. Je fixe le banc.

Il vient s'asseoir en face de moi. Pose la bouteille sur le banc entre nous deux. Oh, lors de la réunion de famille, j’en ai vu d’autres comme celle-là : brune au ventre généreux, elle n’a pas d’étiquette, il reste des traces de bouchon ou d’autre chose à l’extérieur du goulot, et aussi je crois de toile d’araignée. Il la sort d’où ? Je ne l’avais jamais vu dans le placard à bouteilles.  Il pose son petit verre à côté.  Il le remplit puis le vide d’un coup.  

La bouteille est presque vide. 

Je lève les yeux. 

On se fixe tous les deux.

Il se met à rire en secouant la tête.

Il repose tellement violemment le petit verre sur la table qu'il se fend.

Je me mets debout devant le banc, prends la bouteille et cul sec je finis de la vider puis vais la poser à l’envers dans l'évier.

Je reviens devant lui et lui tends la main.

- Allez viens, on va se coucher, j'ai pitié de toi, chose que tu n'as jamais avec moi.

Il éclate encore de rire.

- Putain, un jour, je te tuerai.

Maintenant je m’autorise à sourire.

- Non, parce que sinon tu n'auras plus d'adversaire à ta taille. 

 

Il monte avec moi, un bras sur mes épaules. Je le laisse devant la porte de sa chambre. Je monte quelques marches puis me retourne ne l’ayant pas entendu ouvrir sa porte. Il me regarde, son visage en grave. A quoi pense-t-il ? Je lui souris, il baisse les yeux puis rentre dans sa chambre. Peut-être ne le saurai-je jamais.

6 janvier 2011

Gisou mercredi 10 août 1977 table basse

Gisou mercredi 10 août 1977 table basse

 

- J’ai besoin de savoir. La table, il la vernit ou pas ? Auquel cas, il ne vous la donne pas aujourd’hui. En sachant que c’est le même bois traité que la maison.

- Non alors c’est bon.

- OK !

 

- Gisou, au lieu d’un gros gâteau si nous faisions une petite tarte au chocolat par personne. Ce sera plus pratique je pense à emmener dans la petite maison.

- Oui c’est une très bonne idée.

 

J’abandonne Sylvie et Mamy pour monter ranger les chambres.

Les filles dorment encore. Des bruits de voix dans leur chambre m’apprennent qu’elles sont réveillées.

- Les enfants descendaient déjeuner. Mais avant rangez et ouvrez les fenêtres pour aérer.

La porte s’ouvre sur Mathilde qui vient m’embrasser.

- Déjà fait Tatie, tu veux que je t ‘aide pour les lits ?

- Non ma chérie c’est gentil.

Des trois c’est celle qui ressemble le plus à sa mère et pourtant avec sa sœur ce sont deux polycops l’une l’autre. Il faut bien les connaître pour arriver à les reconnaître.

Richard a déjà fait notre lit. Je me contente de secouer un peu les oreillers et de ramasser notre linge sale que je pose dans la panière prévue à cet usage, où les gamines ont déjà posé leur leur ainsi que les grand-parents et Sylvie.

A l’étage du dessus, la chambre du garçon est plongée dans le noir. J’ouvre grand les volets, le temps de ranger un peu. Mais en fait il n’y a rien à ranger. Son lit est fait.

Sans sa panière à linge juste un caleçon mais c’est vrai qu’il s’est lavé hier soir. Lorsque je secoue son oreiller, je le porte à mon visage. Il n’a pas la même odeur que Richard ou Rémy qui en dehors de leur after shave et presque la même en dehors du fait que Rémy transpire plus et donc a une odeur plus forte.

Je range dans son armoire le tee shirt et le pantalon que Mamy a une nouvelle fois rapiécé. Il a de la chance qu’elle le fasse car avec moi, ces trois pantalons immondes auraient déjà terminé au feu.

Sur son bureau la maquette du porte-avion tient tout le plateau. Dessous un cahier. Doucement je le prends et l’ouvre.

Des dessins.

Certains me donnent envient de brûler ce torchon.

D’autres me font sourire. Des plans millimétrés en 3D de la table ronde qu’il fabrique avec les hommes. Puis des avions, des avions et encore des avions. Mais sur toutes les pages des gribouillis et je finis par réaliser que ce sont des signatures. Des lignes et des colonnes rectilignes de signatures qui évoluent de page en page. Je souris car quelque part elle imite celle de Richard. Mais son nom de famille est plus long.

Je remets le cahier à sa place. Je referme les volets. Avant de refermer la porte, je reste à embrasser la pièce d’un regard. Il y a trois ans, je ne faisais qu’en rêver.

 

 

- Corinne au dodo.

- Non pas aujourd’hui.

- Et pourquoi donc mademoiselle ?

- Parce que c’est mon anniversaire et que j’ai droit de faire ce que je veux.

- Ah bon ? Mamy, Papa, vous le saviez ?

- Zut ! Je n’ai pas fini son cadeau, pourrait-on le fêter demain.

- Non aujourd’hui !

- On s’y tient mais alors viens vite faire la sieste pour laisser à Papa le temps de finir ton cadeau.

Elle regarde son père puis s’approche de lui et le prend par la main.

- Aller debout Papa, vas le finir pendant que je vais faire dodo.

- Mais j’avais envie de faire dodo moi aussi.

- Non. Toi après.

Lorsqu’il passe à côté de moi, nos doigts se touchent.

- Aller mon amour sacrifies-toi comme moi pour la bonne cause.

- Et bien, présentement j’échangerais volontiers ton sacrifice contre le mien.

Marine au bras, je suis la petite fille jusqu’à notre lit, où je m’allonge en chantant des berceuses.

 

 

Doucement Yvette ouvre la porte de la chambre où sa mère dort avec a sœur et sa cousine. Corinne qui suce son pouce lève la tête. Yvette un doigt sur la bouche lui fait signe de venir.

La petite se met debout puis court sur le lit, saute par terre et sort de la chambre en bousculant sa sœur.

Leur mère se redresse avec sa nièce dans les bras.

- La douceur de ma fille m’impressionnera toujours.

 

En bas, suivie de sa grande sœur qui tente de la retenir, Corinne passe en trombe dans la cuisine et toujours en courant se dirige vers le garage du quel les quatre hommes sortent en la portant un impressionnant petit chalet en bois, exacte copie de celui qui les surplombe.

- C’est mon cadeau ?

- Oui mais il faudra le partager avec tes frère et sœurs.

L’ado grognon secoue la tête.

- Parce que tu crois que je vais jouer là-dedans ?

- Mais il va sans dire mon neveu. Il va sans dire.

Rémy en se moquant de lui, entreprend de fixer la porte puis les volets sur leurs gonds.

Papapa quant à lui tend une table au garçon.

- Tiens va mettre ça à sa place puis montre la à Mamy.

 

 

- Poussez-vous ! Virez vos cartes ! (Les quatre filles lèvent la tête sans bouger.) Oh vous faîtes chier !

Et sans se soucier si une tête ou des cartes se trouvent en dessous, il pose la table au milieu d’elles.

- Aïe, fais attention !

- Non, attends, y a nos cartes là.

- Aïe là c’était mon pied.

- Fallait le virer !

Mais déjà il s’éloigne laissant les gamines récupérer la moitié de leur jeu sous le meuble.

 

Dans la cuisine, il va jusqu’à la grand-mère, lui enlève la boîte de lait de lait en poudre deuxième âge qui a servi pour le biberon du bébé. Et la prenant par la main, l’entraîne derrière lui sans un mot.

- Hé là, doucement, je n’ai plus tes jambes moi.

- Elles ne t’ont jamais appartenues.

- Ne prends pas tout au premier degré.

- Oui je blaguais aussi.

- Ah !

Arrivés sous le cèdre, il la lâche et des deux mains tendues, ouvertes, il lui montre la table.

- Tadam ! Heureuse ?

Gisou et Sylvie nous les avons suivis et s’exclament avec moi.

- Oh, bravo ! C’est toi qui l’as faite ?

- Plus ou moins, beaucoup aidé tout de même.

- Alors les filles vous l’avez félicité pour son beau travail ?

- Ouais ouais, merci.

- Ouais merci, maintenant on pourra jouer dehors.

- Merci mais tu aurais pu la vernir.

Coco lui tend les bras, il la soulève.

- Elle est très belle. Tu es le plus fort.

- Fayote !

Nous nous mettons à rire sous le regard désespéré des grandes.

 

 

Laissant les deux petites jouer dans leur cabane. Le repas du soir étant prêt nous décidons de nous accorder un moment de repos en nous partageant un jus de fruit et le reste des cakes que les filles nous ont laissé.

L’un après l’autre nos maris nous rejoignent.

Rémy se laisse tomber sur son fauteuil.

- Il est où votre animal ? J'ai trouvé un bureau plus grand pour sa chambre.

- Je ne sais pas, il est reparti en vadrouille.

Juste comme je dis cela, nous le voyons se diriger vers moi. Il a encore des fleurs à la mains, des violettes cette fois.

- Tenez celui-ci il est pour vous.

Il me tend un petit bouquet. Je prend son offrande puis l'embrasse. Papy râle car la batterie de sa caméra est déchargée il n'a pas pu le filmer. Après moi Robert en offre un aussi à Sylvie et Mamie.

- C'est en quel honneur ces cadeaux mon garçon ?

Il regarde Mamie puis Sylvie et moi, s'empourpre et bafouille.

- Je ne sais pas, je les ai trouvée jolies et comme j’en ai offert à Coco et que tu as dit qu’elle avait de la chance...

Tout en disant ça, il recule vers la maison où il s'engouffre en courant.

- Mamy, je crois que tu l'as embêté avec ta question.

- Oui Sylvie j'aurais du tenir ma langue ou plutôt le remercier. Surtout que c'est trop mignon et en plus elles sentent très bon. Allez je vais m'excuser, ah là là mais je n'ai pas l'habitude moi d'avoir un charmant jeune homme qui m'offre des fleurs. Même Raoul ne m'a pas habitué à ça.

- Vous ne savez donc faire que ça nous reprocher de pas avoir fait ceci ou cela ? Et ce gamin, je vais te le mettre au plis moi, dorénavant à chaque fois qu'il fait un truc que nous ne faisons pas, je le plie en deux. Marre-moi, tu ne fais pas ceci, tu ne fais pas cela, pfff jamais contente.

Je entends Papy râler encore longtemps après qu'il soit parti.

- Tu sais Sylvie que ton homme ressemble beaucoup à son père ?

- Ah ! Pas ton homme peut-être ?

- Disons qu'il râle moins ou du moins il l'exprime moins.

- Ça pour sûr, ton homme c'est un bloc de marbre, que dis-je de granit.

Un bloc de granit au cœur de calcaire alors. Mais voilà la pierre de mon foyer qui s’était éloigné avec son frère qui revient avec lui.

- Holla les femmes nous avons grand faim.

- Vous savez ce qu'elle vous disent vos femmes ?

Richard m'entoure de ses bras et pose sa tête sur une de mes épaules.

- Que vous n'attendiez que nous pour servir ?

- Non ! Que si vous avez si faim que ça, vous pouvez toujours mettre la table car avec vos histoires de maison de poupée vous nous avez mis en retard et accaparez nos aides.

Déjà Rémy se relève et se met à crier :

- Les filles venez mettre la table.

Richard lui après m'avoir tendrement déposé un baiser dans le cou va se laver les mains et pour commencer à dresser les couverts. Le sourire et le regard que je lance à Sylvie doit être tellement éloquent que Sylvie hausse les épaules fâchée et me tourne le dos. Y suis-je pour quelque chose si Richard est largement plus agréable à vivre que Rémy.

Et flûte ces disputes stupides m'épuisent. Je vais pour parler à Sylvie lorsque Mamie sort de la maison en chantonnant. Ce qui nous fait rire et nous réconcilie sans le vouloir.

5 janvier 2010

Robert samedi 19 juillet 1975

Robert vendredi 19 Juillet 1975 interrogatoires

 

Lorsque je me réveille durant la nuit, je suis à nouveau attaché, ce doit être une obsession pour elle.

C'est une nouvelle fois Josyane qui me détache. Elle m’a remis deux petits pains et deux confitures. Elle vient chercher mon plateau alors que la sadique et l’infirmière arrivent pour les soins.

A nouveau, elles lui disent de rester pour les aider.

Je vais avoir droit à une nouvelle séance de torture.

Comme j’ai les mains détachées, je peux m’asseoir.

Elle me tartine le dos avec un truc froid qui m'apaise un peu et ne me remet pas de pansement dessus.

- Puisque tu peux t'asseoir autant que ça sèche à l'air libre. Je te mets juste une alèse pour si ça suinte et pour la pommade d'accord ?

J'opine de la tête.

Elles me recouchent bien à plat dos. Je serre les dents, j'ai peur.

La douce m’explique que ça risque de faire un peu plus mal car elles vont enlever la sonde et les drains. Je suis "ravi" à cette annonce. Je suis un peu dans les vapes mais la douleur me réveille totalement. Mais pourquoi, on ne m’assomme pas vraiment avant, à chaque fois.

Plus de sonde, mais alors qu'est-ce qu'elle était longue cette merde, elle devait bien faire trois fois la longueur de ma queue, Quel intérêt ? Et puis, au lieu de l'enlever vite comme on retire un sparadrap, non cette salope a pris son temps en me regardant. Du coup, j’ai fermé ma gueule. Elle n'a même pas paru déçue que je ne crie pas au contraire, cette conne m'a félicité d'être un grand garçon. Je lui en foutrais moi de son "grand garçon "!

Puis c'est le tour des drains. Encore un vrai délice cette torture !

 

Et après, comme si cela ne suffisait pas, elles me forcent à aller à poil jusqu'à la table et revenir jusqu'au lit. Et bien sûr tout ça avec la porte grande ouverte !

Qu'elles laissent bien sûr ouverte en partant.

J'en ai marre que personne ne me respecte.

Merde, j'ai quatorze ans !

 

C'est la première aide soignante qui, à midi, m'apporte enfin un drap et une de leur chemise de nuit. Je peux enfin m'asseoir et non, rester couché sur le côté face à la porte à me cacher comme je peux.

Cette fille, elle est adorable avec moi depuis le début, sûrement parce qu' elle est beaucoup plus jeune que les infirmières. En plus pour ne rien gâcher, elle est très mignonne.

 

 

Peu de temps après, une femme d'un certain âge très BCBG entre, elle pousse un chariot avec des livres pour enfant dessus, elle me demande si je veux de la lecture. Comme je renifle, elle me donne une feuille d’essuie-tout et me demande si j’ai mal.

- Oui mais ça passera. Vous avez quoi comme livres ?

- Tu aimes quel genre? SF, historique, aventure ou BD ?

- Je m'en fiche, je lis un peu de tout.

Elle me lit les titres. Aucun ne m’intéresse sauf deux BD des chevaliers du ciel. Elle me laisse les deux, je les ai déjà lues mais au moins je pourrais rêver.

Elle est à peine sortie qu’une autre entre, sans frapper. De toute façon ma porte reste toujours ouverte. cela me gonfle un peu, comme d’être ainsi à poil sur mon lit. En même temps, je suis plus ou moins décent, mais ma fierté en prend un coup.

- Bonjour garçon, je suis Madame Courvitt, je suis ton assistante sociale, je vais dorénavant m’occuper de toi. Je voudrais que l’on parle tous les deux, que tu me racontes ce que ton vilain papa a fait et comment ta maman était avec toi.

- Je n’ai rien à vous dire, cassez-vous, foutez-moi la paix.

- Voilà donc une bien méchante humeur pour un si joli petit garçon, je reviendrai te voir demain, tu n’as pas beaucoup de visites à ce qu’on m’a dit.

- Vous pouvez vous en passer, je préfère être seul que mal accompagné.

- Allons, allons, ne sois pas aussi agressif, je ne suis pas ton ennemie, tu sais.

- Et je ne serai jamais votre ami.

Elle me le dit en posant sa main sur ma cuisse. Je me tortille pour m’extraire de ce contact, elle enlève sa main mais ma tentative de fuite m’a fait mal.

- Qu’est-ce qui t’arrive, tu as mal ?

Je lui crie.

- Oui, à cause de vous, partez ! Ne revenez pas !

C'est le moment que choisissent deux gendarmes pour entrer dans la chambre. En les voyant, une peur panique s’empare de moi.

- Je n’ai rien fait !

Ils éclatent de rire.

- On sait bien que toi tu n’as rien fait. Je suis l’adjudant Doulis et voici le brigadier-chef Kovak, nous venons pour te poser quelques questions. Ah ! mademoiselle Courvitt, comment allez vous ?

Je secoue la tête.

- Je n’ai rien à vous dire à vous aussi !

- Je lui ai déjà demandé de tout me raconter et il refuse, c’est un sacré numéro !

- Ah ! mais à nous, il va tout raconter, hein mon petit ? Pouvez-vous nous laisser Mademoiselle ?

Elle sort comme à regret. Le sergent va fermer la porte. Ils commencent à m’interroger, je fais non de la tête en fermant les yeux. Finalement, je me bouche les oreilles en leur hurlant qu’ils doivent sortir. C'est une infirmière qui vient leur dire de partir. Ils me disent au revoir et qu’ils reviendront. L’adjudant me tapote aussi la cuisse. J’ai la même réaction qu’avec l’assistante sociale. Lorsqu’ils partent, j’éclate en sanglots. L’infirmière me surprend en venant me serrer contre elle.

A midi, je dors, on ne me réveille pas. Pour le repas du soir. Je vais mieux.

Le docteur Péret est passé, il m’a laissé des magazines: science et vie, et science et avenir. Mais surtout, merveille des merveilles, deux pyjamas dont j'enfile de suite avec bonheur, un des pantalons.

Je bouquine après le repas jusqu’à ce qu’une nouvelle infirmière vienne pour la température. Ce n’est plus la sadique, je dors libre.

 

22 janvier 2010

Robert dimanche 31 Août 1975 Aix 2

Robert dimanche 31 Août 1975 Aix 2

 

J'ai envie de pisser.

Il fait nuit.

Quelqu'un a tiré les rideaux.

Autour de moi flottent plusieurs odeurs. Je trouve vite les sandwichs. Mais d'abord, je dois trouver où vider ma vessie et boire.

Je m'aperçois alors que je suis pieds nus et je n'ai absolument aucun souvenir d'avoir enlever mes chaussures.

Je sors dans le couloir. Il y fait très noir et je ne trouve aucun interrupteur. Il font comment pour allumer la lumière. Enfin... pas grave.

Au niveau des escaliers, j'hésite, dois-je monter ou descendre ? Je décide de descendre. Au rez-de chaussez, je trouve enfin des sanitaires et des douches. Ainsi que des chambres individuelles fermées à clef. Dedans, il y a encore des affaires personnelles.

En remontant, je découvre par hasard les interrupteurs du premier étage. Ils sont tous au niveau de la cage d'escalier dans une sorte de petite armoire métallique fixée au mur en hauteur, les enfants ne doivent pas avoir le droit d'y toucher. Je trouve ça horrible mais bon, faudra que je m'y fasse.

J'éteins et monte au second et c'est pareil.

Du coup, je décide de pousser plus loin mon inspection.

Au troisième, encore deux dortoirs mais eux ont les interrupteurs dans les chambres et dans le couloir, et en plus ils ont des sanitaires.

A étage supérieur, ce sont des chambres de dix et de deux. Eux aussi, ont des sanitaires et en plus des douches. Au dernier étage, c'est sous les combles et il n'y a que des chambres de deux et pareil sanitaires plus douches. Je ne comprends pas cette différence de traitement.

 

De retour dans ma chambre, je reste dans le noir mais je mange les sandwichs en me penchant à une des fenêtres de l'autre dortoir. De là, je vois une ville et j'admire ses lumières, sûrement Aix.

Quand j'ai fini, je remonte boire.

Je n'ai plus sommeil, cela m'amuse d'être seul dans cet immense bâtiment. Je suis le seul survivant d'un univers apocalyptique. J'ai du monter et descendre cent fois l'escalier, et enfin fatigué, je regagne mon lit où je me couche enfin, après avoir enlevé mon short et mon tee shirt. Les draps et l'oreiller sentent bons malgré ma sueur.

 

Un homme me secoue.

- Debout mon gars. Il est midi, tu viens partager notre repas.

Il ouvre les rideaux. Je m'habille très vite et refais mon lit, il me regarde faire en souriant.

C'est qui encore lui, déjà ce n'est pas un militaire, il porte un bleu de travail. Sûrement l'homme à tout faire dont celui de s'occuper du gamin encombrant que je suis ?

Dehors, il fait toujours aussi chaud et le ciel est toujours aussi bleu par contre il y a un vent froid qui me surprend.

 

- Francis, tu ne m'avais pas dit qu'on avait un invité.

- C'est le c’lon qui m'a dit de m'en occuper jusqu'à d'main et de le faire travailler avec moi.

C'est la concierge qui nous a ouvert le portail hier.

- Alors c'est quoi ton petit nom mon garçon, moi c'est Madame Cohen et lui, cette vieille bleusaille c'est mon époux. Tu sais, j'ai déjà entendu parler de toi, tu serais un drôle de coco, est-ce vrai ce que l'on m'a raconté ?

- Je ne sais pas madame, mais on n'a pu que vous dire du bien de moi.

J'espère que la Courvitt ne lui a pas fait me éloges sinon je vais avoir une de ces réputations. J'accompagne ma réponse d'un grand sourire.

Elle me sourit amusée, en retour.

- Francis, si tu dois le faire travailler avec toi, trouves-lui d'autres chaussures parmi les anciennes de tes fils sinon il va se blesser, c'est assuré ! En attendant mon garçon, assieds-toi là ! Elle me montre la table où il y a déjà deux couverts et pose devant moi une autre assiette. Mais, je ne sais toujours pas ton nom et Francis a besoin de savoir du combien tu chausses.

- Robert madame et sinon du trente huit ou du trente neuf.

(En fait, j'en sais rien du tout et je réponds au hasard. Elle pose devant moi une assiette de purée et de boudin.) Merci madame, cela sent très bon.

Elle s'arrête de servir les deux autres assiettes et me regarde surprise.

- Et bien, merci à toi.

- Mais puis-je d'abord me laver les mains ?

- Oui bien sûr.

Debout devant l'évier, je prends le gros cube de savon vert et avant d'y frotter les mains, je le sens, son odeur me plaît.

- C'est du savon de Marseille, tu ne connais pas ?

- Non madame.

Vu la manière dont elle me regarde, je dois être un extra-terrestre pour elle.

Je m'assieds à nouveau, en même temps que Monsieur Cohen qui me tend de grosses chaussures de travail. Je les enfile, elles me sont un peu grandes mais en serrant bien les lacets ça ira.

- Et bien voilà, maintenant mangeons ma femme !

- Tu vois que j'ai eu raison de ne rien jeter comme tu voulais que je le fasse, nous aurons bien le temps quand nous partirons à la retraite.

Je les regarde tous les deux et me dis qu'elle sera bientôt là pour eux.

 

Toute l'après-midi, il se sert de moi comme porte-faix car il doit vider une pièce pleine de cartons pour les monter dans un grenier où on déloge des chauve-souris. Ensuite, il veut m'expliquer comment réparer une chaudière au fioul mais c'est la même que celle de l'hôtel et c'est moi qui lui montre qu'il se trompe. Du coup, je lui raconte un peu ma vie d'avant en évitant tout de même certains passages.

 

Le soir, je mange à nouveau avec eux.

- J 'espère que tu aimes la soupe.

- Oui madame, on en mangeait tous les jours chez moi.

Ce qu'elle ne dit pas c'est que derrière Francis sort saucisson et fromage dont il garnit pour lui et moi une demie-baguette. Quand il me lâche plus tard dans le dortoir j'ai le ventre plein et content de ma vie. La seule chose qui me manque c'est Caths, il faut que je trouve le moyen de lui écrire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8 février 2010

Robert vendredi 3 Octobre 1975 D'Aureilhan

         Robert vendredi 3 Octobre 1975 D'Aureilhan

 

La première sonnerie de son réveil n'est pas terminée qu'il l'arrête. Je me tourne vers lui. Je l'entends respirer fort avant de pousser un long soupir, cela me donne envie de rire mais je me retiens. Ma main se referme sur mon sexe.

- T'as pas le temps petit gars, debout, à la douche. (Il m'enlève les draps et me fait tomber derrière mon lit avant que je n'ai le temps de comprendre et ça le fait rire.) Tiens attrape et go go !

Je le suis avec la serviette qu'il m'a lancé, il n'a même pas pris le temps d'allumer la lumière. Il est à poil comme la majorité des mecs qu'on rejoint dans le vestiaire contigu aux douches. Je pose mon slip et ma serviette sur un banc et le suis avec mon gant contenant mon savon.

Putain, c'est une forêt de mecs. Et moi j'suis le nain qui essaie de passer entre les troncs d’arbre pour arriver à la flotte. Deux mains me saisissent par les bras au-dessus des coudes et me soulèvent.

- Hé les mecs, on a un bébé avec nous !

- Putain Darmon lâche-le, on a pas le temps pour ces conneries.

Je me débats comme je peux mais je ne fais pas le poids. Un savon lui percute la tempe et il me lâche, je vais pour ressortir mais Claude me récupère et me pousse sous un pommeau de douche.

- Ignore ce con !

- Et Darmon vu la taille de son vermicelle, s'il te chope sous la douche dans un an ou deux, tu vas pleurer mon gars.

Je ne sais pas qui a dit ça mais il me rend assez fier, je rigole avec les autres. Je n'ai pas le temps de commencer à me laver que Claude me tire dehors, il a mis sa serviette autour de sa taille pour regagner la chambre mais ne s'essuie pas les cheveux .

Je l'imite.

- Le matin te fais pas chier, la douche c'est juste pour laver notre gant et avoir l'air mouillé.

Notre gant ?

 

 

Dans la cour, j'hésite puis je suis D'Aureilhan. Lorient me fait signe de venir à lui, il fait reculer Nevière et me colle devant lui.

- C'est toi le major, tu as compté tes camarades ?

- Heu, non .

- Alors tu passes entre les deux colonnes, tu es aussi responsable de leur tenue alors sois intransigeant. Il me pousse devant lui jusqu'à la hauteur de Duverger donc des plus grands. Tu vois ? Lemoine votre cravate. Jussieux votre calot ce n'est pas un béret.

 

Quand le sixième passe avec la feuille d'appel, je gueule à l'image des autres.

- PREPA SUP, AUCUN ABSENT !

Lorient me montre son pouce. Je souris, je suis content de moi et pour la première fois, je me sens à ma place.

 

 

Le soir à la piscine, nous repérons, du moins, je repère encore les mêmes filles. Je ne coule plus, je commence même à maîtriser parfaitement la brasse et un peu le crawl. je veux commencer à apprendre à plonger. Claude, gentiment, accepte. Pour commencer, je plonge du bord.

29 mars 2010

Robert Samedi 20 Mars 1976 vacances de Pâques 1

Samedi 20 Mars 1976 vacances de Pâques 1

 

- Tu vas encore allé en vacances avec le colon ?

- Comment veux-tu que je le sache ?

 

Allongé, à plat ventre sur mon lit, appuyé sur mes coudes, la tête posée sur mes mains, je regarde Claude tasser son oreiller et sa couette dans son placard. J'attends qu'il ait fini ses bagages pour descendre déjeuner avec lui.

Aujourd'hui l'école se vide de 99 % de sa population, seuls les punis et ceux que les parents ne peuvent récupérer restent, dont normalement je fais parti...

 

La porte de la cave est ouverte, je regarde vers l'appart, Isabelle me fait signer de monter. J'attrape Claude par

la manche.

- Viens !

 

C'est Gisou qui nous accueille.

- Ah, tu as emmené Claude avec toi.

Il a droit à la bise lui aussi. Nous nous déchaussons et nous la suivons dans la cuisine, les filles sont à table. Isabelle plisse les yeux en regardant Claude méchamment puis se lève et quitte la cuisine.

- Je crois qu'elle t'en veut toujours.

- La faute à qui ?

- A Aline peut-être ?

Je vois son poing se serrer, mais je lui lance un grand sourire, ici je suis en sécurité.

- Vous comptez manger debout ? Robert prend le tupperware rouge dans le frigo, c'est le gâteau fromager, je pense que vous pourrez me le finir, les filles n'ont pas aimé et si Richard mange tout, il va être malade.

Dans la grosse boîte ronde il reste les trois quart du gâteau et des parts qui ont la pointe en moins.

- Et donc nous, si nous mangeons tout ça, nous ne serons pas malade? (Gisou veut m'enlever la boîte. Je l'éloigne dans l'autre sens.) Mais je je n'ai pas dit que nous ne voulions pas être malade !

Véro se lève et va poser son bol dans l'évier.

- Maman ces mecs ce sont de vraies poubelles à pattes !

- Véronique ton langage !

- Quo ? Je n'ai rien dit de mal ? Elle fixe sa mère quelques secondes. Oh ! Les hommes, non ces garçons car pour moi ce ne sont pas encore des hommes sont de vraies poubelles. J'suis contente de ne pas être un mè.. un garçon.

- Moi, ça me va d'être une poubelle tant que cela me permet de me régaler, il est très bon ton gâteau Gisou.

- Oui madame je confirme, il est très bon.

- Et des fayots en plus ! Vous me dégoûtez.

Gisou passe derrière moi pour aller dans le placard ranger un torchon puis me fait pencher la tête sur la côté.

- Tu as des boutons toi ?

- Oui hélas, mais pas trop sur la figure pas comme certains.

- Claude ton train est à quelle heure ?

- A quinze heures madame.

- Gisou tu crois que je pourrais avoir le droit de l'accompagner ?

- Faut que tu vois avec Richard.

 

 

Sur le quai de la gare il fait une chaleur étouffante.

- Purée que j'aimerais partir avec toi.

- Purée que je suis content de partir sans toi.

- Ah ! ah ! bin ne me demande plus jamais de te passer mes classeurs. Et contrairement à toi Anaïs aurait-été contente de me voir.

 

 

C'est la première fois que je suis hors de l'école tout seul, j'ai l'impression d'être... je ne sais pas quoi mais différent. J'essaie de paraître le plus grand possible. Dans une vitrine je me vois. A l'école, à part au-dessus des lavabos il n'y a pas de miroir. Ça va, je me plais, j'suis pas trop mal. Dans le magasin justement il y a des filles, je leur souris, elles doivent croire que c'est pour elles que je me suis arrêté, oh quel con ! Je pique un sprint jusqu'au coin de la rue. Pourquoi ? Je ne sais pas. Honte d'avoir été surpris, peut-être.

De toute façon, ce sont des gamines plus jeunes que moi, elles ne m'intéressent pas.

Je rajuste ma tenue puis je mets les mains dans les poches, ça fait plus cool et je rentre lentement à l'école. J'ai hâte de vieillir.

 

 

- Qu'est-ce que tu faisais hors de l'école toi ?

- J'ai accompagné D' Aureilhan à la gare.

- Et depuis quand as-tu plus de seize ans, toi !

- J'ai l'autorisation de mon tuteur.

- Mais oui, bien sûr, viens un peu ici, mon gars !

J'ai beau répéter au capitaine Gâche que j'ai reçu l'autorisation, rien ni fait. Je me retrouve traîné par le bras en salle de permanence où les punis travaillent.

- Monsieur Landrieu donnez donc des feuilles à cet animal qu'il me noircisse au moins six feuilles de son explication au fait d'être sorti de l'école sans autorisation et ce soir pas de repas pour vous jeune homme et j'y veillerai personnellement . Puis avec sa tendresse toute personnelle il me balance derrière un bureau où il jette un stylo piqué au petit quatrième devant moi, et le tas de feuilles.

J'ai renoncé à me défendre et à m'expliquer de toute façon,il ne m'écoutera pas.

Je réfléchis à comment je vais remplir ces feuilles. D'abord je demande au petit, un stylo rouge et avec, j'écris en gros sur chaque feuille un mot ou plusieurs de cette phrase :" J'avais l'autorisation écrite du colonel pour sortir du lycée." Je rends les stylos au gamin puis me lève et vais tendre mes feuilles au capitaine qui devient aussi rouge que mes écrits.

- Ah ! tu te crois malin, tu te crois intelligent, tu as quinze ans, avec ou sans autorisation tu n'as pas le droit de sortir de ce bahut ! (Là, je crois que j'ai les oreilles débouchées pour quelque temps, tellement il a hurlé.) En slip de suite !

(Quoi ? Il a pété une durite ou quoi ?) Dépêche-toi ou je le fais moi-même.

- On a pas le droit d'aller courir au soleil mon capitaine.

Bon, même protégé par Richard je préfère m'exécuter, tellement je le sens capable de frapper.

Traîné par le cou, il m’emmène jusqu’à l'escalier central.

- Tu vas jusqu'en haut puis tu descends jusqu'en bas en courant. Et tu as intérêt à courir mon gars.

Monter les trois étages ça va, descendre les cinq étages ça va, mais les remonter c'est plus dur. Quand je passe devant lui un peu trop lentement à son goût, je prends un coup dans le dos qui m'envoie valser sur les marches. Je me mords la lèvre et accélère. Quand je descends, je rase le mur loin de lui. Le retour est lent mais je puise le peu d'énergie qui me reste pour passer devant lui en courant. Dernière descente, j'espère. En bas la main posée sur la rambarde, je reprends mon souffle mais je l'entends m'intimer de me dépêcher, de toute façon mes fringues sont là-haut.

- Qu'est-ce que tu fous dans cette tenue ?

Je regarde le colon.

- C'est Gâche. il m'a puni, je dois monter et descendre en courant.

- Encore ! Sa dernière marotte depuis qu’il ne peut plus vous faite satelliser.

Je commence à remonter. Richard me double, son pas est plus lourd que le mien, surtout que je suis en chaussettes mais actuellement, largement plus rapide.

Quand j'arrive Richard a, dans une main mes vêtements et dans l'autre les feuilles. Gâche est au garde à vous, il ne me jette même pas un regard.

- Prends tes pompes et vas à l'appart, file ! je commence à m'habiller. Non disparaît !

Je ne me le fais pas dire deux fois. Je m'habille en bas, l'oreille restée à l'étage mais je n'entends rien. Je suis déçu.

La porte de la cave est fermée. Je dois sortir du bahut pour aller sonner de l'autre côté... Cohen me laisse passer sans problème.

 

C'est Véro qui m'ouvre, elle est seule, Gisou n'est pas là, elle est au docteur pour Coco et Fanfan qui ont plein de boutons. Isabelle et Yvy sont chez des copines.

Je fanfaronne, moi je ne l'ai pas eu, na !

- Et bien, tu l'auras adulte et tu vas en chier.

- Tu sais que tu parles mal ?

- Gnia gnia gnia.

- Gisou ne serait pas contente du tout de ta façon de parler et de ta tenue qui n'est pas digne d'une demoiselle.

Elle lit dans le gros fauteuil assise en travers, adossé à un des bras, les jambes passées au-dessus de l'autre. Je regarde le méli-mélo de photos faites à Noël. Sous le verre quelqu'un a glissé une photo d'identité de moi.

- T'as vu le petit chéri à Maman a sa photo avec celle de la famille. Il est content le petit chéri ?

Je ne l'ai pas entendu se lever et elle s’est collée à moi derrière moi. Elle me dépasse encore mais beaucoup moins, j'ai pris huit centimètres en sept mois. Je veux la repousser, elle cherche à m'attraper les poignets, on finit mains contre mains. Et là, je m'aperçois que je suis devenu aussi fort qu'elle. Mais je me retrouve parterre tout de même, elle fait du judo et s'en sert contre moi. Ce n'est pas juste. Elle veut s'asseoir sur moi mais j'arrive à la faire tomber, et c'est à mon tour de me retrouver sur elle en travers de son torse. J'écrase des trucs tout mous, ça me fait sourire et elle comprend. Elle s'agite, bat des jambes que ne recouvre plus sa jupe. J'y mettrais bien les mains. Elle a lâché mes mains et cette fois la lutte reprend d'une façon plus classique avec elle, elle me griffe le visage et me mord le bras. Je dois lui coincer les mains à nouveau


- Eh ! mais c'est quoi ça ?

Je la lâche et nous nous remettons debout, je regarde mes chaussettes.

- C'est lui qui a commencé, il m'a dit des choses méchantes.

Je la regarde offusqué.

- Moi ? t'es gonflée.

- Véronique tu es punie dans ta chambre, quant à toi, suis-moi.

Gisou a dans les bras une Coco couverte de boutons qui comate sur son épaule. Elle la pose sur son lit. Fanfan se déshabille est se glisse toute nue dans son lit. Je ramasse ses vêtements et les pose au pied de son lit puis vais m'asseoir à côté d'elle et l'embrasse sur la joue.

Tenu par l'oreille, je finis dans la salle de bain, assis sur le rebord de la baignoire.

- Elle ne t'a pas loupé, mais c'est bien fait pour toi.

L'alcool pique mais stoïque je ne dis rien. Lorsqu'elle sort je lui emboîte le pas. Elle me montre le fauteuil d'un doigt, je m'y assieds, le livre de Véro ( Les quatre filles du docteur March.) est posé ouvert, à côté, je note la page cent trente-sept puis commence à le lire.

 

- Alors comme ça, vous vous êtes battus ? (Je vais pour répondre à Richard. Il me fait signe de me taire.) Je ne veux pas savoir. Tu es puni comme elle. (Il me tend les feuillets que j'ai rendu à Gâche.) Assieds-toi à cette table, et tu as six feuilles recto verso pour m'expliquer pourquoi ton comportement était impoli et pourquoi tu mérite d'être puni. Mais en tout cas, elle ne t'a pas loupé.

J'aime pas sa punition mais il faut que je me vois dans une glace.

 

Elle se glisse derrière lui et m'arrache le livre des mains puis retourne dans sa chambre.

- C'est MON livre !

- Page cent trente sept.

- Oui, je sais.

Je m'ennuie. Je me roule en boule les feuilles serrées contre ma poitrine. Pose la tête sur le bras du gros fauteuil, il sent bon, il a l'odeur de cette famille.

 

Richard me secoue.

- Vas faire un sac avec tes vêtements et ton cartable. Tu défais ton lit et ramène tes draps ici. Aller ne lambine pas ! On va passer à table donc tu as juste le temps de faire l’aller-retour ?

 

On part ce soir ? De nuit ? Enfin m'en fous moi, tant qu' ils ne me laissent pas, pour moi, c'est ça l'essentiel. Ma hantise là, c'est juste de croiser Gâche mais ni à l'aller, ni au retour, je ne le vois.

 

- Tu peux les mettre directement dans la machine s'il te plaît ? Je m'exécute puis vais sortir de la cuisine quand elle me fait signe de m'approcher. Elle regarde ma joue griffée puis tire mon col de chemise. Profite que tu es là pour aller te baigner.

- Dans votre salle de bain ?

- Et tu vois un autre endroit où il y a une baignoire ? (Elle sourit.) Tu as déjà pris un bain moussant ? Je secoue la tête. Bon rejoins moi là-bas avec ton pyjama.

 

La pièce sent les fleurs, la rose et la lavande je crois. Le robinet coule et en-dessous se forme un cratère de mousse.

- Aller dépêche-toi qu'on puisse manger. Pose ton linge ici, elle me montre le sol à côté de la porte. Je viendrai le chercher.

Ah ça, dès qu’elle est sortie, je suis vite à poil, j'ai hâte d'être dans l'eau.

Je note la différence de température entre la mousse et l'eau qui me brûle mais tant pis. C'est rigolo. J'oublie de fermer le robinet et n'y pense que quand la baignoire déborde un peu. Vite j'ouvre la bonde et évacue le trop plein.

Cette baignoire est immense, allongé, je ne touche ni d'un côté ni de l'autre. Je reste couché au fond, les yeux me piquent mais c'est trop drôle.

Une tête au-dessus de la baignoire. Je m'assieds en cachant mon entre-jambe.

- Ouf, j'ai eu peur que tu ne te sois noyé. Je passais juste prendre tes vêtements. Et te poser une serviette, elle me la montre, posée sur la chaise au-dessus de mon pyjama. Tu t'amuses bien ?

Je hoche la tête. Je suis horrifié et je n'ai qu'une hâte qu'elle s’en aille. Alors, vite, vite, je sors de la baignoire et enfile mon pyjama en m'étant presque pas séché. Puis je reste là, adossé au lavabo, je n'ai pas envie de sortir, je tremble de froid et de honte.

Je me regarde dans le miroir. J'ai cinq belles estafilades qui courent de la limite de mes cheveux à mon menton. Par contre autre chose me fait les oublier, au-dessus de ma lèvre supérieure il y a un léger duvet brun.Oh merde comment j'ai fait pour louper ça ? Faut que je me rase mais j'ai rien. Je demanderai à Richard si j'arrive à sortir d'ici et affronter le regard de Gisou.

La porte s'ouvre et reste ouverte sur le vide.

- A table !

- A quoi tu joues ?

- Maman m'a dit de te le dire sans regarder dans la salle de bain.

- Bou ! Yvy part en courant et en riant.

Richard dans la cuisine nous regarde. Nous sommes tous en pyjama sauf Gisou. Je rougis en passant devant elle.

- Ton pyjama t'es largement trop petit, tu as bien grandi, c'est Mamie qui sera contente.

Hein ? Pourquoi Mammema devrait être contente de me voir grandir ?

 

Je regarde Richard et Isabelle ouvrir le canapé du salon.

- Vous savez que j'aurais largement pu dormir dessus ?

- Et j'y aurais dormi aussi. Alors tais-toi et aide-nous plutôt.

(Au lieu de ça, je reste immobile et rigole car j’imagine le colon dormant sur le canapé.) Hou hou l'ahuri, donne-nous la couverture.

 

Tout le monde dort, sauf moi. L'appart est silencieux. Je me lève et regarde par la baie vitrée restée ouverte. En bas devant l'escalier central, deux points de braise. Gâche sûrement et Lorient ou Caprais. Je parcours les fenêtres des dortoirs. Les chambres sont situées plus haut que l'appart car sous les toits.

- Tu ne dors pas ? Je rougis. Gisou fait un nœud avec la ceinture de son peignoir. Je ne veux pas la regarder, je pense à ce soir. Je lui en veux et j'ai honte. Elle passe sa main sur ma joue. Je m'écarte d'elle et me glisse sous les draps jusqu'au dessus de ma tête. Je sens qu'elle s'assied sur le lit. Je suis désolée pour tout à l'heure. Mais j'ai eu vraiment peur. Tu sais c'est mon cœur de Maman qui a réagi. (Ouais et c'était peut-être une de tes filles dans l'eau ? Je ne dis rien mais je n'en pense pas moins. J'aurais fait un mètre quatre-vingt dix, tu serais aussi venu voir dans la baignoire ? Marre marre marre.) Bon et bien bonne nuit mon garçon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

31 mars 2010

Robert Lundi 22 Mars 1976 vacances de Pâques 3

Lundi 22 Mars 1976 vacances de Pâques 3



- Vous auriez dû rester à Aix avec des gamins dans cet état.

Je suis tout à fait d'accord avec Sylvie, j'aurais été très bien dans ma chambre à l'école à pouvoir me gratter tranquille.

 

Je passe une nuit d'enfer.

Vers huit heures, Gisou monte me réveiller, mes draps sont tachés de sang, elle me force à descendre et en bas Mammema m‘enfile des chaussettes sur les mains qu'elle a attaché avec des rubans roses.

- On dirait un nouveau-né avec ses moufles.

Je regarde Véro, en plissant les yeux.

- Ou des gants de boxe.

Mais je ne les garde pas longtemps, les jugeant encombrantes pour aller pisser.

- Robert sors de là.

- Purée Mammema même aux toilettes, on ne peut pas se gratter tranquille.

- Attention qu'à cet endroit de ton individu, les boutons grattés peuvent vite s'infecter et après faudra tout couper si la gangrène s'y met.

Je la hais, comment elle a fait pour deviner. J'en ai même là, je suis au bout de ma vie.



Fanfan est toujours malade, je fais la connaissance du docteur Favre avec son fils Michel. Moi, à part des plaques noires un peu partout sur le corps, je suis en pleine forme. Pire même qu’en pleine forme, je ne tiens pas trente secondes assis. Je n'arrive même pas à me concentrer pour lire, c’est tout dire.

Le vieux toubib me souffle :

- Si ça te gratte trop, tu peux aussi te prendre un bain tiède.

Alors ça, ce n'est pas tomber dans l'oreille d'un sourd.

- Et le froid, c'est bon aussi ?

- Oui, mais en cette saison, tu vas t'attraper une pneumonie.

Il est quinze heures, les parents siestent ou sont dans le salon et les filles dans leur chambre.

Discrètement, je vais ouvrir le robinet d'une des cuves de la cuisine, puis, je vais embêter Papapa en lui proposant une partie d'échec. Je le laisse gagner. Il s'en aperçoit et ça l'énerve.

- Tu l’as fait exprès, espèce de sagouin ! Où est le plaisir de gagner dans ces conditions ?

- Non, non je vous jure mais ça me gratte trop, j’arrive pas à réfléchir.

Je fais mine de fuir aux toilettes. La cuve est pleine. Mais le truc, c'est que si je vais chercher une serviette, ils vont se douter de quelque chose donc tant pis. Je me mets en slip et entre dans l'eau glaciale. Autant l'eau me pique, autant les boutons me foutent la paix momentanément et ça je le savoure !

 

- Gisou, ton gamin est fou ! Sors de là, toi !

- Non j'suis bien. 

Je rentre la tête sous l'eau. Rémy me soulève pour m'en sortir, mais je ne suis pas d’accord du tout et me débat, l’aspergeant d’eau glacée, ce qui le fait me relâcher.

- Ah ! mais elle est glaciale, comment as- tu fait pour rentrer dedans ?

Gisou m'attend avec un drap de bain. 

- Non, je ne veux pas sortir, j'suis bien, ça gratte plus.

Richard vient alors prendre ma défense.

- Gisou, c'est Michel qui lui en a donné l'idée mais dans de l'eau chaude ou tiède, pas gelée. Puis me menaçant du doigt. Par contre, si tu attrapes en plus une bronchite, je te jure que je te laisse à l'école aux prochaines vacances.

Mammema s’en mêle et réussit à me convaincre.

- Bon, bonhomme sort maintenant, ce soir si tu veux, on fera chauffer de l'eau et on t'y laissera mijoter et pourquoi pas Gisou on pourrait essayer aussi pour les petites, si ça les calme.

A contre-cœur, j'accepte de sortir.

J'ai la peau rouge écrevisse qui forme un sacré contraste avec le noir des plaques de boutons qui pour certaines restent sur la serviette, remplacées par des plaies sanguinolentes.

- J'en connais un qui n'avait pas assez de cicatrices comme ça. Je hausse les épaules, je m'en fous. Monte te changer. Lorsque je monterai, je te tartinerai avec la crème du docteur.

Quand Gisou montera une demi-heure plus tard, je dormirai enfin et ils me laisseront dormir jusqu’au lendemain.






13 mars 2010

Robert dimanche 4 janvier 1976 retour à l'école

Robert dimanche 4 janvier 1976 retour à l'école 



- Bonjour Monsieur Cohen

- Bonsoir les gamins, alors finies les vacances.

- Et oui hélas. Le colonel est-il rentré ?

- Ah non, pas encore, tu devras attendre demain comme les autres pour le voir.





Ah, que c’est bon de retrouver ma chambre et mon lit.

D'ailleurs, mon lit est fait.

Claude n’en revient pas.

- Ben mon salaud, maintenant le colon, il te fait ton lit ?

- Non, je miserais plus sur sa femme.



Vider les sacs, ranger les livres que Claude m'a donnés sur l'étagère. Il m'a proposé de me donner tous ses Bob Morane car il les a tous lus et n'en veut plus.

Là, il s'offre les OSS et les Blade, de Gérard de Villiers, plus adultes d'après lui.

Mes premiers livres rien qu'à moi !

Nous sommes les premiers arrivés à l'étage. Demain matin, nous n’aurons pas cours, il ne reprendront que l'après-midi mais j'ai hâte.

Dans un mois, j'ai quinze ans mais depuis le 1er j'ai l'impression d'avoir déjà vieilli.



2 avril 2010

Robert mercredi 25 Mars 1976 vacances de Pâques 5

Robert jeudi 25 Mars 1976 vacances de Pâques 6

 

J'ai mis une alarme à sept heures et à sept heures trois, je suis en bas, habillé de pied en cap.

Seuls les grands-parents sont levés et Papapa est en train de plier les combinaisons, pantalons et salopettes de ski qui traînent sur le dossier des chaises. Je décide de lui donner un coup de main, à deux ça va plus vite et bientôt seul le canapé est recouvert de frusques multicolores et encombrantes.

- Merci bonhomme, mais pourquoi es- tu déjà levé ?

- Je ne veux pas me faire abandonner ici alors que les autres sont au ski.

- Prêt à prendre quelques leçons ?

- Non !  M'en fous des leçons.

- Alors d'abord tu emploies un autre vocabulaire et ensuite, tu n'as pas le choix. Ici, les enfants qui sont sous ce toit obéissent aux adultes ou en acceptent les conséquences, d'accord ? Yvy prend encore des cours à douze ans pour pouvoir obtenir sa troisième étoile. Toi, tu vas prendre quelques cours et Rémy a intercédé pour que tu aies des cours privés alors que moi, je voulais que tu les fasses avec des gamins de sept, huit ans pour que tu la ramènes un peu moins. Mais bon... c'est Richard et non moi qui a eu le dernier mot. Et samedi, tu passeras, ton premier flocon et peut-être l'année prochaine passeras-tu les autres.

Il est derrière moi, sa main sur mon épaule gauche, son visage à côté de mon oreille droite. L'homme qui me susurre son monologue n'est pas le Papapa dont j'ai l'habitude. Richard suivi de Gisou viennent de descendre et s'approchent de nous avec Coco dans les bras qui se tortille pour que son père la pose. Il interroge son père.

- Il y a un problème Papa ? Corinne d'abord tu fais un bisou à Papy.

- Non Robert !

Papapa tend les bras vers Coco qui se jette vers lui et lui entourant le cou de ses bras, lui fait pleins de bisous puis se penche et m'attrape les cheveux à pleine main.

- Corinne, non, lâche-le ! Voilà c'est bien. Non, Richard, rien de bien grave, j'expliquais encore une fois à ce jeune homme les règles de la maison. D'ailleurs debout monsieur, c'est aux enfants de saluer les adultes et non le contraire. Comme je ne bouge pas assez vite à son goût, mais bon j'ai Coco qui m'escalade. Il me saisit par le bras et me met debout, manquant de faire tomber sa petite fille.

Avec Coco au bras, j'embrasse Richard qui m'interroge du regard mais j'ai rien à dire, je suis un gosse, j'ai juste le droit de fermer ma gueule. Bon, ça ne me change pas beaucoup de l'école. Gisou, elle me serre contre elle ce qui fait hurler Coco, et me dit :

- Ça va ma puce ? Quelle mouche a piqué Papy ?

- Non, Gisou, pas une mouche, une puce. Et il se croit drôle le Papapa ? Je n'ai plus faim, j'essaie vainement de me débarrasser du petit truc roux, pour pouvoir remonter dans ma chambre. Il m’appuie sur l’épaule. Non, toi, tu restes assis et tu finis ton bol et au moins la tartine que tu as entamé. Et tu arrêtes ton cinéma de gosse martyr.

J'ai envie de hurler sur le grand-père, de lui dire : oui je suis un enfant martyr. Mais je sais que je ne peux pas me le permettre car ici je ne suis pas du tout martyrisé, bien au contraire, mais je suis vexé et je me sens trahi par Papapa qui jusqu'à présent était mon allié. Alors je me rassieds et finis mon bol et les deux tartines beurre miel que Mammema m'a préparées mais Coco qui boit son biberon debout sur le banc tenu par mon bras et le sien autour de mon cou, le lâche, ne le tenant entre ses dents, de sa main droite m'essuie les joues.

- Coco laisse-moi, faut que j'aille débarrasser mon bol.

- Viens avec toi.

Je soupire. Et puis flûte ! Je pose mon bol dans l'évier et elle son biberon puis remonte dans ma chambre où avec elle, je me remets sous la couette. Je n'ai plus envie d'aller skier.





- Debout ! Et dépêche-toi !

Coco n'est plus là. J'obéis à Papapa mais je le fais à contre cœur. En bas, ils sont tous déjà habillés. Papapa me pousse vers le canapé où il y a ma tenue de ski et des collants... je les vire et enfile la salopette sur mon pantalon de velours. Je vois Papapa ouvrir la bouche puis d'un geste de la main me fait signe, qu'il laisse tomber. Derrière moi Richard, lui, me fait signe de me dépêcher. Je n'ai pas de chaussettes, je vais pour remonter en chercher mais il m'attrape par le bras.

- Non ! savais-tu que, au bout des collants, il y a des chaussettes, tu ne veux pas de collants ? Tu feras du ski pieds nus. Mais juste un conseil : ne te plains pas, tu as bien compris ? J'opine de la tête. Pardon je n'ai rien entendu ?

- Oui... mon colonel.

Celui-là, il a dû l’entendre car je l'ai gueulé comme à l'école.

Sa main s'est levée. Il sait, que c'est d'un certain côté ce que je recherche même si je ne comprends pas pourquoi j'agis ainsi. Il s'éloigne vers la sortie sans terminer son geste.

- Gisou, tu prends le relais car je sens que la journée va être tendue.

Cette dernière me tend mon blouson de clown que j'ignore. Mais comme si elle habillait Coco, elle me l'enfile et me colle mon bonnet sur la tête.

- Allez sois gentil, au moins pour moi, pour me faire plaisir ? D'accord ?

Je fais oui de la tête mais le temps de traverser la cuisine j'ai enlevé ce putain de blouson et l'accroche à un porte-manteau dans le sas. Derrière moi, elle le récupère et dans la voiture le garde sur ses genoux.

- Tiens c'est à toi. Isabelle me passe une de mes paires de grosses chaussettes de ski. C'est Tatie qui m'a dit d'aller les chercher.

- Merci !




A la station, lorsque Gisou me redonne mon blouson, je le lance sur le toit de la voiture qui est déjà fermée.

- Bon alors écoute moi bien. Tu mets ce blouson ou je te massacre et je te jure que te ferai dix fois plus mal que ton père. Richard me plaque contre la portière du break et tient le blouson contre ma figure. As-tu bien compris ?

Leur blouson de clown, je l'enfile et accompagné par Papapa, je vais jusqu'à l'endroit où le moniteur m'attend.

La leçon dure une demi-heure sous sa surveillance. Gilles est sympa et on se donne rendez-vous pour le lendemain.

- Bin tu vois que tu n'en es pas mort ? Maintenant tu es libre jusqu'à midi où  tu nous rejoins au resto.

- Je vous rejoindrai ce soir... ou pas.

- A toi de voir, ça compensera le prix de la leçon.

Je ne lui réponds pas et me dirige vers le tire-fesse mais avant de le prendre, dans la queue, j'enlève le blouson et le jette au loin au dernier moment.

Après le tire-fesse, je prends le téléphérique, je veux aller le plus haut possible.

Au terminus, s'offre à moi, un paysage fantastique. Les Alpes, ce n'est pas le Grand Ballon avec ses pentes douces par rapport à celles qui déroulent devant moi un tapis blanc au dénivelé qui me coupe souffle. Et là, je réalise que j'ai peur. Oui j'ai peur, je n'ai jamais descendu une telle piste, je ne sais pas si j'en serais capable mais je suis ici et je n'ai plus le choix surtout que dans la cabine qui monte, je vois les quatre parents. S'ils m'attrapent, je redescendrai avec le téléphérique et j'ai assez bu à la coupe de la honte. J'ajuste mes lunettes et m'élance.

 

Ma première décision n'est pas la bonne après avoir retenu un hurlement à la première bosse, j'oublie le tout schuss pour un large zigzag qui me la fait descendre avec plus de douceur mais d'une lenteur qui m'énerve et, regardant comment descendent les skieurs plus aguerris que moi et collant aux skis de l'un d'eux, j'arrive en bas ravi et très content de moi. Et immédiatement, je me dirige à nouveau vers le téléphérique mais une main se pose sur mon épaule.

-Tu te déchausses et vite.

- Mais, je...

- Tu te déchausses.

- Mais Richard, j'ai rien...

- Robert tu te déchausses et tu viens avec moi jusqu'au break, je crois qu'il faut que j'ai une petite discussion avec toi.




Assis à la place du mort, je fais le mort.

J'ai envie de mourir.

Je n'ai pas envie d'être là, il m'a fait ranger mes skis et mes bâtons, enlever mes chaussures de ski et mettre mes grosses chaussures ridicules avec des poils dessus. Lui, a gardé ses chaussures de ski.

- Dire que je pourrais être avec mon frère et nos femmes en train de skier.

- Oui, moi aussi.

- Oh toi ! D'abord où est ton blouson ?

- Je ne sais pas.

- Tu sais combien il a coûté aux grand-parents ? Je fixe l'arrière de la voiture garée devant nous, une Simca mille jaune canari et je me demande bêtement si le gars qui la conduit est cocu. Tu m'écoutes ? Je tourne la tête vers lui, mais ne dis rien. Il soupire. Je me demande… Si tu étais vraiment mon fils, aurais-tu le même caractère ? Il a le menton appuyé sur ses mains croisées sur son volant, il regarde droit devant lui. Il a enlevé son blouson et comme moi, il est en pull. Un pull blanc identique au mien mais lui a un pantalon bleu marine dans une sorte de tissu élastique épais et moi une salopette de gosse, matelassée, rouge vif. Il enlève son bonnet et le pose devant lui, passe sa main droite dans sa brosse, coupe très réglementaire. Ton père n'a pas réussi à te casser, à casser ton côté têtu, orgueilleux et éternellement révolté...

- Non, mon père m'a appris à devoir toujours être le meilleur, à ne jamais pouvoir accepter de ne pas être le meilleur. Avec ses coups, il m'a appris à tenir tête, il m'a appris à jamais céder car je ne pouvais pas me permettre de lui faire ce plaisir. On ne fait pas plaisir à quelqu'un que l'on hait de toutes les fibres de son corps mais à qui on veut prouver qu'on est pas la merde qu'il pense que l’on est.

- A nous, tu sais que tu n'as rien à prouver ?

- Tu parles  !  Il se tourne vers moi, l'air surpris. En tout cas à moi oui.

Il soupire.

- Je ne suis pas ton père, je suis moi, je suis... juste ton tuteur. Mais... il se tait, me regarde, regarde devant lui. La buée commence à nous enfermer dans une sorte de cocon opaque. Il semble chercher ses mots. Quel âge as-tu ?

- Quinze ans.

- Et crois-tu qu'à quinze ans tu sois un homme ? Mais c'est même quoi un homme ? Trois poils au cul et au menton... et des hormones qui certains jours peuvent nous rendre dingue. Il me regarde. Je ne veux pas croiser son regard. J'essuie la buée sur la vitre de ma portière et regarde dehors en lui tournant la tête. A treize ans, j'ai cru être un homme car j'ai couché avec ma première fille et j'ai décidé que j'étais un homme et à partir de là, j'ai rendu mon père fou. Aujourd'hui je le regrette. Je sais qu’il me fixe. Je vois son reflet dans ma vitre. Et quand je te vois, je me revois en toi. J'étais aussi débile que toi. Mon frangin aussi je l'ai rendu dingue, lui que je traitais de pachyderme, le mou du bulbe car il était la force tranquille. Moi, j'étais celui que ma mère appelait Monsieur dix milles volts. Comme toi, il fallait que je prouve que j'existais, que j'étais le plus beau, le plus fort, le meilleur. Mais moi, j'avais un frère jumeau, toi, tu es seul, tu es unique, tu es pour tous dans la famille, le plus beau, le plus fort quoique ça, non pas encore mais le meilleur oui. Il se tait et a comme un petit rictus d’amusement.Tu sais que Mamie quand elle parle de toi, t’appelle le petit crack ? Non, je ne le savais pas, mais je trouve que ça me va bien. Quand on te demande de respecter nos règles, quand on te dit de faire ou ne pas faire quelque chose c'est pour te protéger. Ce matin en dévalant cette piste comme tu l'as fait, tu t'es mis en danger mais tu as aussi mis en danger tous les autres skieurs. Robert, tu es nul en tant que skieur, Yvette est plus forte que toi, peut-être même Françoise. Redescends sur Terre, ce n'est pas pour t'embêter qu'on veut que tu prennes des cours, c'est pour toi, ta sécurité et celle des autres. Je sais que tu penses que les couleurs vives de tes vêtements c'est pour te transformer en clown,mais non c'est parce que l'on te connaît. Parce qu'on veut que tu sois visible, de nous… pour pouvoir te surveiller comme on surveille un jeune chiot mais aussi… comme ce matin, pour que les autres puissent se protéger de toi. Tu vas encore grandir, et cela dépendra de toi la prochaine fois, d'avoir des vêtements aux couleurs neutres ou à nouveau criardes. Alors maintenant, nous allons tenter de retrouver ton blouson puis tu iras rejoindre les grand-parents, Coco sera ravie. Cet après-midi, nous verrons selon ton comportement, si je t'autorise ou pas à retourner skier.



Quelqu'un avait suspendu mon blouson à une branche. Personne n'en n'avait voulu. Normal, le récupérateur aurait été repéré immédiatement.

Lorsque Richard m'abandonne avec les grand-parents, aucun de nous ne prononce la moindre parole. Je m'assieds à leur table. Coco qui joue avec sa minuscule luge, descend et remonte inlassablement une petite pente de quatre ou cinq mètres. Plusieurs fois, elle vient me demander de jouer avec elle mais je ne suis pas d'humeur. Papapa en allant se chercher une autre bière, me ramène un coca.

- Merci !

Deux heures plus tard, lorsque les autres viennent nous rejoindre, c'est le seul mot que nous ayons échangé.

Le plat de patates avec du fromage coulant dessus a du mal à passer, je ne finis pas mon assiette et je refuse de prendre un dessert.

 

Richard se lève et tend à Isa son trousseau de clefs.

- Bon, on y retourne. Isabelle prend les clefs du break et va avec Robert récupérer ses skis et gardez-le avec vous cet après-midi.

Je secoue la tête.

- Non Richard, je reste là.

- Bon, c'est toi qui vois.

- Richard donne-moi les clefs, c'est moi qui vais aller avec lui au break.

- Non Papy, je n'irai pas avec toi et je n'irai pas avec mes nounous. Ce dernier me regarde surpris, est-ce parce que je ne l’ai pas appelé Papapa ? La grosse merde, le pauvre débile va garder son petit cul calé sur cette chaise comme ça, il ne mettra personne en danger, ni lui non plus au passage. J'enlève le blouson et le tends à Papapa. Tenez, vous pouvez aller vous faire rembourser ces fringues ainsi que les skis et les chaussures de ski, je ne les utiliserai jamais plus. J'ai aussi viré la salopette et en pantalon de ville et pull je me rassieds et les poings serrés sous mes cuisses, je fixe Richard qui secoue la tête et s'éloigne en poussant devant lui tous les autres.

- Bon, bonhomme ça...

Papapa pose une main sur ma cuisse.

- Ne me touchez pas !

Je me suis redressé comme un diable hors de sa boîte.

Il sursaute. Je vois qu'il hésite sur quelle attitude adopter avec moi. Mammema lui pose une main sur le bras et le force à se rasseoir au fond de sa chaise, bref à n'avoir aucune réaction.

Moi, j'ai une boule au fond de la gorge, j'ai envie de hurler, de frapper, de...

- Les clefs s'il vous plaît, je voudrais aller dans la voiture. Il hésite. Promis, juré, je ne ferai pas de connerie, je veux juste être seul et dormir. Il échange un regard avec sa femme et me les donne.

Dans la voiture, je me couche sur la banquette arrière mais je suis dans un tel état de nerf que j'arrive même pas à pleurer, je suis en boule et inconsciemment je mords mon bras et ne m'arrête que lorsque je sens dans ma bouche le goût du sang. Je m'endors alors en suçant mon pull.




- Mon dieu mais tu t'es fait mal ? Gisou me réveille en tenant mon bras, je me bats mollement contre elle. Ah, si c'était Richard, je frapperais volontiers de toutes mes forces mais elle, je ne peux pas. Bon maintenant je comprends son inquiétude la manche de mon pull blanc est presque au trois quart rose. Mais c'est une morsure ? C’est Véronique ?

- Non. Je me suis mordu moi-même. C'est bon, ce n'est pas grave.

- A la maison, je te mettrai quelque chose dessus.

- Non !

Au chalet, je monte directement me coucher et sombre dans un sommeil loin d'être réparateur et personne ne monte.

6 avril 2010

Caths mercredi 14 Avril 1976 Roberta

Caths mercredi 14 Avril 1976 Roberta !

 

Quinze jours que Catherine va de son lit au canapé de Maty et du canapé à son lit.

Comme elle dit : «le terme c'est pour bientôt», ben moi, là, j'en ai marre.

Je le hais, je le déteste, je l'exècre !

Il devrait être là à s'occuper de moi mais je ne sais même pas où ils l'ont envoyé. Eux aussi, je les déteste.

Dan aussi n'est pas là, il est parti bosser, il a trouvé grâce à Maty, un boulot de brancardier dans l'hôpital où elle bosse.

 

- Maty je vais me doucher.  Mais comme je suis cruche, elle n'est pas là non plus.

Purée, sous la douche, elle ne voit plus ses pieds et pour les laver, elle doit s'asseoir par terre et après elle n'arrive plus à se relever.

Ce n'est plus un ventre, c'est un ballon de basket, dur comme du bois. Pour se laver l'entrejambe, elle aimerait une extension à son bras. Il y a quelques mois à peine, c'était juste une fente, là, beurk, c'est large. Lorsque ses doigts passent dessus elle a la sensation de toucher le fond de mon vagin, re beurk ! Et puis… Ah dégoûtant, c'est comme si elle avait du blanc d’œuf sur les doigts. Immonde ! Elle soupire. Quand pourra-t-elle retrouver un corps normal.

 

Elle se laisse tomber sur son lit, juste avec sa serviette sur moi.

Elle est seule. Elle a la flemme de s'habiller, la flemme de bouger.

- Aaaaah ! Un coup de couteau dans le dos,et ensuite vite, vite une envie d'aller à la selle. Oh non ! Je vais pas encore avoir la gastro comme le mois dernier ?

 

Mais là, pas de nausée, juste cette crampe qui la fait courir. Pour un peu, elle a l'impression qu’elle n’arrivera pas à se retenir, qu’elle va faire caca sur son lit, tellement elle a du mal à se relever. Elle est obligée de rouler sur le côté et de se soulever en s'appuyant sur les bras.

Dans la salle de bain, elle pose sur mon front le petit thermomètre digital que lui a donné Maty. Non, elle n'a pas de température mais là, à nouveau la même crampe.

Elle court s'asseoir sur les toilettes mais rien ne sort si ce n'est trois gouttes de pipi, elle s'essuie et ses doigts trouvent bizarre sa vulve.

Plus de petites et grandes lèvres.

Oh, mon Dieu, non !

Ces crampes ne ce n'est pas du tout une gastro. Elle veut se relever mais à nouveau, cette envie de pousser.

Mais non, non, ça ne va pas, elle ne veut pas que son bébé tombe dans les toilettes, quelle horreur !

Puis une idée folle lui passe par la tête, pourquoi pas ? On tire la chasse et hop débarrassée ! Mais non, quelle horreur ! Effrayée à la pensée qu'il puisse sortir là comme ça. Elle plaque une main sur son entrejambe et pliée en deux, elle se précipite difficilement au salon où elle se laisse tomber à genoux devant le petit guéridon du téléphone.



A quatre pattes, elle respire comme le lui a expliqué Maty.

Lorsque la contraction est passée, elle appelle le service de Maty à l'hôpital.

- Il va sortir, je veux Maty ! C'est une enfant en pleurs que l'infirmière passe à ma marraine. Maty vient, vient vite ! J'ai mal ! Maty je vais mourir !

- Mais non, grande sotte, j'arrive ! Je te laisse à Jocelyne, raconte-lui tout ce que tu sens et ressens, moi j'arrive. Je t'aime ma puce.

Elle s'en fout de sa Jocelyne. Elle raccroche rageuse.

Et voilà ! Comme d'hab elle va devoir se démerder. 

Elle réfléchit rapidement. Elle a besoin d'une paire de ciseaux, d'eau chaude, de serviettes pour emballer le bébé.

Elle se lève et va dans la cuisine. Elle fouille dans les tiroirs et trouve les ciseaux et de la ficelle à rôti.

Oh putain qu’elle a mal. Oh, toi, le bon dieu, toi, l'autre connard là-haut, je te hais !

 

Les voisins doivent se demander pourquoi elle crie, c'est peut-être pour ça que j'entends quelqu'un toquer à la porte. Parce qu'ils croient vraiment qu’elle va leur ouvrir ? Par contre, elle ne doit plus crier, plus crier. Elle serre le barreau de la chaise.

Plus jamais, elle ne fera l'amour, plus jamais, elle ne laissera un homme s'approcher d’elle ! Si elle avait su, elle lui aurait mis un préservatif sur son petit asticot mais vu la taille qu'il faisait, il aurait nagé dedans.

Cette idée la fait rire.

Elle va de la cuisine au salon à quatre pattes en se roulant en boule à chaque contraction et en mordant son poing pour ne pas crier. Elle n'a pas le courage d'aller dans la chambre ou la salle de bain. Dans le buffet, il y a les nappes de Maty. Elle s’excusera auprès de sa marraine de les lui avoir pourris.

 

Elle a l'impression que les contractions ne s'arrêtent plus et que jamais, jamais elle n'y arrivera et maintenant elle a l'impression qu'on lui ouvre le bas ventre en deux. Elle a crié et tant pis, mais ce fut pire que tout. 

Elle sent la tête sortir puis attrape le bras qui suit. Il est glissant, elle pose ses fesses et finit de la faire sortir. 

- Ma petite fille. Elle pousse un cri puis plus rien.  Mon bébé, tu vas bien ? Pourquoi ne pleures-tu pas ? Tu devrais pleurer, non ? Les bébés dans les films ils pleurent pourquoi pas toi ?

Elle est contre elle.

Catherine est pliée en deux, le haut du dos contre le canapé. La tête du bébé entre ses seins et ses pieds encore encore contre son sexe béant. Elle met une main derrière sa tête pour pouvoir l’écarter un peu et la regarder. Elle a des yeux bleus grand ouverts.

- Robert, mon amour.

Mais d’un coup, une nouvelle contraction.

Ah oui, Maty lui a expliqué , il faut encore qu’elle pousse pour faire sortir le placenta.

Elle plaque  Roberta qui se tortille contre elle. 

Elle l'approche de son sein et la bébé le gobe dans sa toute petite bouche. Aaah mais ça fait mal ça aussi.

Elle se met à pleurer, elle en a marre mais marre d'avoir mal ! Mais sa mère ne lui a jamais dit que ça faisait si mal ?

Le placenta est sorti mais elle saigne beaucoup. 

Est-ce normal ? 

Elle est fatiguée. Elle s'en fout, maintenant  que Roberta est là, elle peut mourir pour aller le rejoindre. Au moins elle leur survivra et montrera à tous que Robert et elle, ils s'aimaient.



La porte d'entrée s'ouvre. Maty et Dan se précipitent vers elle, derrière eux, deux brancardiers.

- C'est maintenant que vous arrivez ? Comme d'habitude, j'ai dû tout faire toute seule ! Je l'ai faite toute seule, toute seule. Pourquoi je dois toujours être toute seule ? Pourquoi il n'est pas là avec moi ?

 

Dan la soulève et la pose sur le brancard après que Maty ai coupé le cordon qui la reliait encore à Roberta. Il lui dépose un baiser sur le front.

- Ma super baby !

- Alors elle va s'appeler comment ?

Elle regarde le jeune ambulancier qui la recouvre d’une couverture.

- Comme son père : Robert !

Il tape sur l'épaule de Dan en rigolant.

- Félicitations Robert !

- Non, moi, c'est Dan. Mais Tach, Robert n'est pas un prénom de fille.

- Ah merde, bon alors Roberta.

- C'est franchement moche.

De quoi il se mêle ?

- Je ne te demande pas ton avis, c'est moi qui l'ai mise au monde seule, alors, j'ai tous les droits ce sera soit Robert soit Roberta et je vous hais tous ! On vous déteste tous, moi et elle !

Dan sourit, Robert ou Roberta, il s'en fout, il a un bébé, son bébé sans avoir eu à le faire et il aime sa mère.



12 avril 2010

Robert Jeudi 8 Mai 1976 sales gosses

Robert Jeudi 8 Mai 1976 sales gosses

 

Vers midi, c'est la sonnerie du téléphone qui nous réveille. A peine une heure après, nous sommes près à partir.

- Je descends par les escaliers.

J'ai enfilé les larges poignées du sac sur mon dos et suivi de Véro, je dévale les marches en riant, huit étages de course. Au troisième, je manque de percuter une montagne de muscles en marcel qui porte un tout petit bébé.

- Oh pardon, désolé Monsieur ! Il est très beau votre bébé !

- Vous ne devriez pas courir dans les escaliers les enfants, c'est dangereux.

- C'est ça qui est cool !

Enfin, pour moi le plus dangereux ce n'est pas de sauter les six dernières marches de chaque envolée de marches, c'est d'avoir une dingue derrière moi qui veut me faire la peau. En bas, il n'y a encore personne et je sors sur le parvis en bas de l'immeuble. Je reprends mon souffle quand la folle me saute dessus à bras raccourcis. Je n'ai que deux centimètres de cheveux mais elle arrive tout de même à me les arracher. La voir aussi furieuse me donne encore plus envie de l'énerver mais Richard apparaît dans l’entrée de l’immeuble en même temps que la montagne de muscles et d'autres personnes, le souvenir des claques de la pauvre Coco me calme instantanément.

- Y a ton père, viens !

Et la prenant par la main, c'est une autre fuite éperdue jusqu'à la voiture garée deux rues plus loin, là, elle veut de nouveau se battre mais je la serre contre moi et l'embrasse. Je suis maintenant aussi grand qu'elle et j'aime plonger dans ses yeux verts.

- Je retire ce que j'ai dit, enfin non, mais cette carotte là, je la dévorerais volontiers.

Lorsqu'ils arrivent avec Gisou, j'ai encore mal suite au coup de genou que je n'ai pas su éviter mais je tourne tout de même autour de la voiture pour garder une certaine distance entre Richard et moi.

- Robert ça va ? Tu t'es fait mal ?

- Non, non, mais disons que certains légumes sont plus dangereux que d'autres.

J'attache ma ceinture lorsque d'autres cheveux disparaissent entre les doigts de Richard cette fois.

- Si, je vous entends ne serait-ce qu'une fois Véro et toi, je vous colle une rouste qui vous empêchera de vous asseoir pour toute la fin du voyage.

- Je veux aller dans la voiture de Papapa !

- Quelle bonne idée !

- Moi aussi !

- Moi aussi !

Une voiture klaxonne derrière nous. Ce sont les grand-parents.

- Je peux ?

- Nous aussi ?

Mammema toque à la vitre.

Je sors très vite et claque la portière presque sur les doigts d'Isabelle.

- Je viens avec vous.

Et sans attendre de réponse, je file à l'autre voiture où je me fais accueillir par un Papapa amusé.

Pendant l’heure où je reste avec eux, je les saoule de questions sur l’endroit où nous allons, pourquoi nous y allons et surtout , pourquoi MOI, je dois y aller mais à cette question, je n’obtiendrai que deux réponses : « C’est Richard qui l’a décidé parce que maintenant tu fais parti de notre famille.»

 

A mi-chemin, lors d'un arrêt les deux grandes obtiennent de changer de voiture. Je retourne donc dans le break et pour arriver sur la banquette du fond, je passe par le coffre ce qui fait râler Gisou et Richard, mais comme les deux grandes sont parties et que Yvy a pris ma place devant, j’ai toute la banquette pour moi.

 

Il est seize heures heures lorsque nous arrivons dans un petit village pas loin d’Étretat. Nous rejoignons une réunion de famille qui regroupe tous les membres de la famille Granier chaque année à l’occasion du 8 Mai. Il y a plusieurs années que Richard et Gisou n'y ont plus participer mais là c'est Rémy qui l'organise du coup, ils n'ont pas le choix.

 

Je me demande toujours ce que je viens y faire mais bon ce n'est pas comme si on m'avait demandé mon avis.

 

- Robert prends ton sac mais tu restes avec moi s'il te plaît ! Papa on va d'abord poser les sacs ou nous rejoignons Rémy ?

- On se débarrasse des sacs comme ça, nous pourrons rester ainsi avec les autres. Il me montre du menton. Et lui ?

- Il reste avec nous.

 

En fait de chambre, on a droit à un dortoir où on est accueilli par les cousines et Sylvie avec deux autres femmes qui sont des cousines des paters. Je pose mon sac sur le lit que Sylvie me montre.

- Tu peux aller rejoindre les autres garçons de ton âge, ils sont cinq ou six en bas autour du billard.

- Non, il reste avec nous Sylvie, nous devons l'introduire. D'ailleurs, voilà Rémy.

 

Nous laissons les filles et leurs mères pour descendre tous les quatre.

Dans une grande salle, il y a une bonne quarantaine d'hommes de tout âges, les plus jeunes ont la vingtaine et le plus vieux en fauteuil roulant.

 

- Alors c'est lui le quatrième R annoncé?

Tous nous entourent, je suis le sujet de toutes les questions, encore une fois, je ne comprends pas pourquoi mais ils sont tous super gentils et pour l'instant ça me suffit.

- Papapa, c'est quoi ton prénom ?

- Raoul, et oui, et mes frères portaient aussi des prénoms commençant par R. Et le chalet s'appelle le Rochet.

 

Même pour le repas, Richard me garde avec lui et je me retrouve assis entre lui et Rémy qui lui est à côté de Papapa et mammena.

- Pourquoi il est là lui ? Il ne devrait pas être avec les autres ados ?

- Demain, ce soir, il reste avec nous !

Moi, ma place me va, Richard et Rémy me servent même du vin. J'aime pas le vin rouge mais j'en bois un verre pour leur faire plaisir. Je préfère nettement la bière, mais là il n'y en a pas.

Papapa fume un énorme barreau de chaise qu'il me fait couper et ensuite me propose de tirer quelques taffes, mais même si je le ferais volontiers pour faire le beau, je refuse, car son odeur me donne déjà la nausée.

Lorsque je veux aller pisser, Rémy m'accompagne puis me ramène en se moquant de mon "bretzel" et je ne comprends pas pourquoi il le traite de bretzel et j'ai beau lui demander pourquoi il appelle mon truc comme ça, il rigole juste.

Enfin, je le soupçonne d'avoir comme son frère bien abusé du Cabernet.

Les femmes sont toutes parties et les mecs se sont regroupés autour des plus anciens. Les tables ont été poussées et ils sont, soi debout, soi assis ou simplement appuyés sur ces dernières.

Chacun a sorti des bouteilles d'alcool fort ramenés de la région d'où ils viennent.

Richard a passé un bras autour de mes épaules et me propose de goûter à tout ce que les autres versent dans son verre.

J'ai droit à des anecdotes sur les deux paters et même sur Papapa qui me les font voir sous un nouveau jours. Et après, ils se permettent de me faire la moral ?

- Attention ce que tu entends ici ne doit jamais, tu entends, jamais sortir d'ici, compris, sinon je serai obligé de te tuer.

- Ouais, ça, il y en a un autre qui a essayé et il n'a pas réussi alors toi tu ne me fais pas peur.

Il pose ses mains sur mes épaules et me tient face à lui puis reste un moment à me regarder, bien en face, pour enfin secouer la tête.

Lorsqu’il se sert du contenu d’une bouteille toute en longueur avec un dessin de lézard dessus et un cadavre de lézard dedans, je refuse tout net d'y goûter.

Rémy me passe alors une bouteille blanche sans étiquette.

- Tu aimes le miel, toi ?

- Oui, Rémy.

- Alors goûte ça. (Je ne sais pas ce que c'est mais c'est trop bon, très sucré même si ça arrache un peu la gorge quand on arrête de boire.) Non, non, tu peux garder la bouteille, ce soir, c'est ta fête mon garçon.

Ma fête ? Il me dit ça en riant, il a les yeux brillants l'air tout heureux comme Richard. Je suis bien moi aussi, sûrement parce qu'on est entre hommes. Et ça, j'apprécie de ne pas être pour une fois traité en bébé. Demain je vais pouvoir faire chier les filles, elles seront trop jalouses.

Mais bon, là, j'irais bien me coucher car j'ai du mal à garder les yeux ouverts.

- Gamin assieds-toi là en attendant qu'on aille se coucher.

- Robert tu en veux encore ? Je te pose la bouteille là.

Je croise les bras et pose ma tête dessus. Sur une table il y a un mec de couché qui ronfle tellement fort qu'il fait trembler toutes les tables. Je veux me lever mais j'ai plus la force alors tant pis.

- Non merci, j'ai la nausée. Vous me réveillerai car si je dors ici, Gisou va pas être contente.

- De toute façon elle ne va pas être contente mais ce n'est pas toi qui va prendre.

Je ne comprends pas ce qu'il raconte mais je ris avec eux de ce qui semble être une bonne blague.

 

 

 

 

 

 

 

18 mai 2010

Caths samedi 28 Août 1976 Thibaud

1                         Caths samedi 28 Août 1976 Thibaud

 

 Une semaine que Thibaud a vu le notaire et que Monsieur prend de grand airs et ne sort plus de la maison de ses parents, sauf pour aller sur Bastia avec Dan. Mais attention sans nous et pas avec le camion car il a honte lorsqu’il est avec nous, si, si.

Et une semaine que Dan n’a pas pris une seule fois Roberta dans ses bras, faut dire : on ne le voit plus. Thibaud se l’accapare tout le temps.

Déjà le Thib, je ne l’aimais pas mais là c’est de pire en pire.

Hier, ils sont revenus sapés en costard, bin oui pour monsieur maintenant qu’il est millionnaire et propriétaire, les shorts et les tee shirt c’est pas bien du tout.

Pauvre Dan quand va-t-il ouvrir les yeux ?

 Aujourd’hui c’est la rentrée des classes et la petite plage où nous allons depuis le premier jour est désertée.

J’aime bien la mer, lorsque je suis sûr la plage, moins quand je suis ur un bateau.

Dans la maison des parents de Thib on a trouvé un wind surf. Il nous a autorisé à l’utiliser.

Michka est la meilleure, puis moi puis Tiph qui la pauvre n’arrive pas ou très peu à rester dessus. Par contre elle sait très bien se servi du fusil de pêche que nous avons aussi trouvé en vidant un peu le débarras derrière la maison.

Dedans il y a toutes les affaires de Thib et sont frère avant la mort de son frère.

Et oui, nous avons appris qu’il avait un grand frère de dix ans sont aïné. Il nous a tout raconté d’un coup, comme ça, le premier soir après que le clerc de notaire nous ai accueilli pour nous donner les clefs de l’énorme bâtisse. Un énorme cube sur trois étages en bas du village. Semblerait que ce soit une tradition. Les corses qui faisaient fortune au début du siècle, optaient pour une grosse maison en dehors du village pour bien montrer qu’ils ne faisaient plus partie de la piétaille, du petit peuple. Et quand je vois comment d’un coup Monsieur se comporte, je me dis que la connerie c’est génétique. Mes parents font parti des familles les plus aisées de Munster et jamais je les

 

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ai entendu s’en vanter et il n’y a qu’à voir comment ils étaient avec Robert et sa famille. Enfin je crois…

 

 - Thib, Dan, vous venez à la plage aujourd’hui ?

Le plus jeune des deux hommes vient leur fermer la porte sous le nez.

- Tu ne veux pas un peu, nous lâcher la grappe ? Allez-y seules à votre putain de plage.

L’autre ne lève même pas la tête des feuilles qui s’étalent devant lui sur le bureau.

Michka prend son amie par le bras.

- Viens, laisse tomber !

Catherine la suit mais… non ! Elle n’a pas envie de laisser tomber.

 

 

Lorsqu’elles reviennent, ils ne sont pas là. La maison est fermée à clef et elles n’ont évidemment pas les clefs.

 - J’en ai marre, demain, j’appelle ma marraine et je lui demande de m’aider à rentrer.

- T’as bien raison, lorsque Dan t’amènera au bateau, j’en profiterai pour aller en ville, je trouverai bien le moyen de me faire rapidement trois sous puis je te rejoindrai.

- C’est une idée ça, si nous allions sur Bastia, il y a encore des touristes, à trois nous aurons tôt fait de se faire assez de fric pour nous payer nous même nos billet. Quoi ? Qu’est-ce qui t’arrive Mich ? Ça me fera chier de vendre mon cul, mais, je ne suis à ça près maintenant, mais il faudra juste que j’arrive à me faire marquer la pilule car, je veux plus d’autres kinder.

- Mais tu es folle. Typh et moi, nous vivions de ça, comme Thibaut avant que Dan, nous récupère mais toi, toi, ma puce, en dehors de ton petit puceau, tu ne sais pas ce qu’est un homme. Je refuse de te laisser faire ça.

- Je ne te demande pas la permission, non mais oh ! Tu te prends pour ma mère ? Et puis tu crois que le camionneur, il était puceau, lui ?

Là, les deux filles surprises se regardent puis Tiph se tourne vers Catherine.

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- Attends, tu as payé ton voyage en couchant avec lui ?

- Non, il ne m’a pas demandé mon avis, il s’est servi ce connard. Mais bon, on s’en fout, quand t’en as vu un, tu les as tous vus, non ?

En face d’elle, ses amies échangent encore des regards mi choqués, mi effrayés.

Elles l’énervent.

Laissant Roberta endormie dans son hamac, elle s’éloigne. Au centre du village, il y a un café où tous les hommes vont se beurrer la gueule. Elle va leur montrer à ces deux casse-pieds. Si elles ont été capable de le faire, pourquoi pas elle ?

 

 

Au bar, Catherine s’incruste entre deux Papy qui puent. Elle avait oublié que c’était ça aussi les hommes. Ils ne restent pas jeunes et souvent ils ne sentent pas la rose.

Les clients se sont tous tus et tous la dévisagent. C’est vrai qu’ils ne doivent pas avoir l’habitude qu’une fille vienne squatter leur bar.

- Jeune-fille, je te sers quoi ?

Catherine sourit à l’homme derrière le bar qui est venu se mettre juste devant elle.

- Rien. J’ai pas de sous. Je voudrais juste savoir si vous n’avez pas besoin d’une serveuse ?

Là, les sourcils de l’homme se défroncent et il affiche maintenant un sourire plutôt amusé.

- Et tu as déjà fait ça ?

Catherine secoue la tête et hausse les épaules.

- Non, mais j’apprends vite.

- Et puis qu’est-ce que je ferai d’une serveuse ?

- Chai-pas moi, je pourrais servir vos clients, nettoyer le sol voir les murs, les tables, les verres, tout ça quoi. Je tenais la caisse dans la boulange de mes parents.

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Il se met à rire, les clients l’imitent.

- Et tu crois que je vais confier mon oseille, comme ça à la première souris venue ?

Cette fois c’est Catherine qui est amusée, il la prend pour quoi le vieux débris ?

- Bin si vous avez des souris, je sais aussi m’occuper des pièges à souris.

A nouveau il se met à rire.

- C’est toi la souris, ma petite. Et puis causes-tu corse ? Car ici, les anciens, il vont te passer commande en corse, tu feras comment ?

Catherine soupire en le fixant droit dans les yeux.

- J’apprendrai. Mais bon… elle jette un regard rapide à la dizaine d’alcoolos réunis dans ces trente mètres carrés. Une serveuse jeune, blonde, aux yeux bleus, vous rajeunirait peut-être votre clientèle.

Puis elle descend de son tabouret de bar.

Sur une table, un peu d’argent traîne, rendu de monnaie, oubliée ou pourboire. Elle y prélève un franc qu’elle va mettre dans le juke-box. Elle présélectionne trois chansons des Muvrini. Elle aurait bien mis des titres plus jeunes mais là, ça ne servirait à rien.

Elle passe entre les tables, ramasse tous les verres vides, les portent derrière le comptoir, le proprio la regarde faire avec un petit sourire en coin.

Elle est presque aussi grande que lui mais il a le même tour de taille qu’elle, il y a quelques mois.

Bientôt l’évier est plein, elle le vide puis essuie sa petite vaisselle et la range.

Le vieux devant le comptoir a son verre vide. Elle s’en saisit et le lave.

- Je vous sers autre chose ?

Le vieux sourit, bouche gercée, édentée et haleine fétide. Lui, son foi crie pitié sans être entendu.

- Dammi un basgiu !

Alors pour cela, elle n’a pas besoin de traducteur.

- Désolée mon vieux mais ça, c’est réservé au père de ma fille. Et si tu ne veux plus boire, dehors ! Pendant ce temps, avec l’éponge, elle a commencé

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à nettoyer le dessus du bar. Arrivée devant lui, elle pousse sans douceur les bras du vieil homme qui crache alors sur le comptoir. Elle l’essuie, après un nouveau coup de pschit pschit puis rince l’éponge et continue le reste du comptoir.

Elle a fini, elle revient devant le vieux.

- T’es encore là, toi ? Alors je te sers quoi ?

- Le Toussaint, il ne prend que des pastis secs, jusqu’à ce que sa femme vienne le chercher. Tu lui en sers un toutes les heures, il paie en fin de mois quand sa retraite de cheminot tombe. Vas nettoyer les tables, je descends ranger les fûts que j’ai ramenés ce matin.

- J’suis engagée ?

L’homme qui commence à descendre l’étroit escalier ne la regarde même plus.

- On peut dire ça, à l’essai.

 

Il est dix-neuf heures trente, elle a au moins quatre heures devant elle à supporter cet endroit crasseux et qui pue autant que ses clients, mais elle espère y gagner suffisamment pour retourner sur le continent.

Elle ouvre les fenêtres en grand. Fenêtres dont il faudra qu’elle fasse les carreaux.

 

A minuit, elle voit arriver Dan.

Tiens donc, tiens donc.

Elle est en train de mettre les chaises sur les tables pour nettoyer le sol qui colle sous la semelle de ses baskets.

Il s’appuie au chambranle de la porte, le visage mauvais.

- Monsieur, nous avons fermé.

- Je sais, je l’attends elle.

Le patron lui fait un signe de tête puis l’ignore.

Au troisième lavage du sol, Catherine estime que c’est net, enfin plus qu’avant.

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Elle finit de ranger puis rejoint Dan dont elle entoure la taille et rejetant la tête en arrière elle interroge l’homme qui les regarde de derrière son comptoir.

- A demain ! À quelle heure ?

- J’ouvre à six heures, si tu veux un café croissant .

- OK ! À demain !

Elle sait qu’il les regarde, s’éloigner, elle se dit qu’il doit sûrement être déçu.

 

- A quoi tu joues ?

- Moi, je bosse, j’ai pas d’héritage et je dois me nourrir et payer les couches de ma fille.

- Hum. Ta fille ça fait deux heures qu’elle pleure et qu’on te cherche.

- Et un bib vous avez essayé ?

- Oui, elle n’en a pas voulu, le même sale caractère que sa mère.

- Et bé, elle tétera au lit avec moi, mais d’abord je vais me laver et brûler ces fringues.

Il soupire amusé.

- Si tu les brûles tous les soirs, que mettras-tu après ?

- Les fringues de Thib, qu’il ne met plus.

- T’es jalouse de lui ?

- Non, même pas, mais on ne te voit plus et lui non plus, maintenant que monsieur a du fric, monsieur nous traite comme des chiens... ou des chiennes.

- Hum…

Elle s’arrête et le force à la regarder.

- Dis-moi que c’est faux ? Et Roberta quand l’as-tu prise pour la dernière fois ?

- Ce soir et je dois être devenu sourd à cette heure.

- Pfff petite nature, elle t’a seulement rappelé que tu es son parrain et son papa d’adoption.

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- Ouais !

 

 

Michka lui tend le bébé dont la morve se mêle à sa bave.

- Tiens prends ta fille, ça urge.

- Attends !

Elle enlève son tee shirt puis torse nu, récupère le bébé qui férocement, se suspend à son sein.

La jeune mère sème ses vêtements jusqu’à la douche et s’amuse à voir Michka la suivre pour les ramasser l’un après l’autre.

Sous le jet d’eau chaude Roberta, s’agite, ferme les yeux, chouine mais ne lâche pas le sein.

Catherine s’allonge dans la baignoire, sa fille allongée sur son ventre.

Michka qui la suivie ,l’admoneste.

- T’endors pas ou vous allez vous noyer toutes les deux.

- Viens avec nous.

Elle sourit, hésite puis se désape avant de venir s’asseoir dans l’eau chaude au-dessus des pieds de son amie qui les retire pour ensuite les poser sur ses cuisses. Elle se met alors à les masser.

Au début, Catherine était gênée par le physique de Michka, son sexe d’homme et ses seins de femme, puis elle s’y est habituée. C’est son visage, si doux, si féminin qui lui plaît chez elle et ses gestes tendres.

L’eau chaude et les massages ont raison de la jeune maman, ses yeux se ferment tout seuls.

Alors elle se lève et s’enveloppe dans le grand peignoir de bain de la mère de Thib qu’elles utilisent toutes les trois puis va s’allonger sur son lit où elle ne fait pas long feu. Laissant à son amie, le soin de mettre une couche à sa fille.

- Mitch, réveille-moi demain à cinq heures quarante-cinq.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


1 juin 2010

Robert Lundi 20 septembre 1976 trek

Robert Lundi 20 septembre 1976 trek

 

Se prendre un sac à doc avec des gamelles et autres objets de ce styles, en pleine tronche ce n'est pas franchement génial mais quand c'est à une heure du matin et qu'il y un papier épinglé dessus, c'est assez efficace comme réveil.

Claude est à la fenêtre dans la seconde.

- Mec grouille en bas, il y a Gâche qui veille sur des cantines. Tu savais quelque chose ?

- Nop, et pourquoi aurais-je su quoique ce soit ?

- Bah t’es copain avec le colon.

- Parce que tu crois qu’il a franchement quelque chose à foutre de moi et à me mettre dans la confidence pour quoique ce soit ?

Du couloir nous arrive le bruit des autres chambres qui s’activent comme nous.

 

Le sac est plein, le lit est fait, chambre au carré, nous habillés et sac sur le dos, nous descendons en courant pour rejoindre à la même vitesse le bus après avoir deux par deux saisi une des cantines pour la déposer en son ventre.

Le mistral expédie plus d'une casquette de l'autre côté de la cour, faisant retentir des cris de rage et le choc de caisse posées sans douceur.

Bientôt le bus est plein et silencieux.

Les deux caporaux Lorient et Caprais sont assis aux deux extrémités. Gâche passe parmi nous, puis debout à côté du chauffeur, il brandit une feuille.

- Attention voici les binômes. Celui que je site en premier côté fenêtre le second côté couloir Arnaud-Colin, D'Aureilhan-Lacquemand, Weisembacher-Garrot...

Oh putain non ! Pourquoi il nous a séparés ?

Garrot s'assied à côté de moi avec un grand sourire. Moi non, ce mec je le hais du plus profond de mon âme.

De l'autre côté du couloir, Claude et Greg me font le pouce. Ouais, vous pouvez rigoler, je vous hais autant que lui et en plus, il pue !

Le nez collé à la vitre, je regarde le paysage défiler, le trajet est court.

Ils nous font sortir.

Nous nous regroupons autour de Gâches qui distribue une boussole et une carte à chaque binôme.

Je m'éloigne en regardant la carte, une croix verte, une croix rouge et une plan typographique. Je regarde autour de moi pour voir la géologie du terrain. Garrot me l'enlève des mains puis fait tourner plusieurs fois le papier, non ? Il ne sait pas lire une carte ? Il fout quoi en spé ce mec ?

- Donne-moi cette carte !

Il me la tend puis son regard myope glisse sur moi et un sourire apparaît.

- Hola microbe, ici c'est p’toi qui commande.

- Je suis ton major.

- M'en tape !

Au loin, je vois Claude et Greg s'éloigner avec les autres. Je me jette mon sac sur le dos puis cours pour les rejoindre.

- Pitié les mecs, je peux rester avec vous ?

Les deux me regardent avec un sourire moqueur. Nevière passe derrière moi et me tape sur le sac :

- Bon courage !

La jeep où Gâche a pris place avec Lorient et Caprais s'arrête à notre niveau.

- Weisembacher, soi vous restez avec Garrot, soi vous démissionnez de suite mais cela équivaudra à la porte de l'école. (Malgré la nuit noire, je distingue son sourire satisfait.) Et si vous restez avec D' Aureilhan et Lacquemand, vous les disqualifiez aussi.

Je le hais lui aussi. Garrot nous rejoint lentement. Il salue le capitaine, j'en profite pour récupérer la boussole, la carte je m'en fous, je l'ai mémorisée. L'autre abruti, il n'a qu'à me suivre. Je m'éloigne.

- Weisembacher un binôme c'est deux !

Comme si je ne le savais pas.

Je stoppe pour attendre l'autre escargot aux pieds plats en soufflant et la tête vers un ciel où les étoiles me narguent. Ah voilà la constellation dessinée sur la carte.

 

 

3 juin 2010

Robert Mercredi 22 septembre 1976 Solenzara arrivée

Robert Mercredi 22 septembre 1976 Solenzara arrivée

 

- Debout les fillettes. A poil et à la flotte les gonzesses.

 

Première fois que je nage dans la Méditerranée.

Nous nous amusons comme des gamins. Lorient et Caprais nous rejoignent et ne sont pas les plus calmes. Gâche lui, assis sur le capot d'une jeep, nous surveille de loin en discutant avec les autres militaires.

Par contre pour l'habillage, je découvre le plaisir du sable qui s'insinue partout.

Pour le petit déjeuner nous avons de nouveau des sandwichs et du café. Mais cette fois-ci assaisonnés au sable qui crisse sous les dents, une horreur mais ça ne nous coupe pas l'appétit.

Nous reprenons la marche mais une demie-heure après le pitaine nous fait nous arrêter pour secouer nos chaussures et chaussettes pleines de sable.

Certains commencent à avoir de belles ampoules, Lorient reprend son rôle d’infirmière. Je pourrais pas, j’ai la nausée en le regardant éplucher le talon de Bex.

A midi, nouvel arrêt pour une nouvelle dose de sandwichs et de café. Nous pouvons aussi refaire le plein d'eau dans nos gourdes et vider plusieurs quarts malgré l’interdiction de Gâche d’en boire plus d’un mais nous sommes assoiffés. Puis notre marche reprend et les capots nous apprennent à pisser en marchant car Gâche refuse qu’on s’arrête.

- Vous n’aviez qu’à m’obéir et pas tant boire ! qu’il nous assène.

On rouspète un peu mais on trouve ça plutôt rigolo.

Il fait nuit lorsqu'on arrive en vue de la base. Le mess n’est ouvert que pour nous et les cuistots se moquent de notre appétit. Après deux jours de sandwichs jambon beurre ou pâté caoutchouteux, nous trouverions bon n'importe quoi et reprenons tous de leurs raviolis.

On apprécie aussi la douche qui nous débarrasse du sable et du sel qui nous ont grattés toute la journée.

Nous apprécions aussi les lits picots dressés juste pour nous dans le coin d’un hangar qui sent l’huile et l’essence.





3 août 2010

Robert mercredi 27 Octobre 1976 vacances de la Toussaint 2

  Robert mercredi 27 Octobre 1976 vacances de la Toussaint 2



- Et Hop ! Je soupire mais reste immobile sous mon matelas au sol. je finis par être blasé, le pire c'est que ça continue à l'amuser. J'me casse, passe de bonnes vacances. Ah, au fait j'prends tes dessins pour me branler dessus.

Là, par contre, je me débats contre draps et matelas pour me redresser.

Non, l'enveloppe est toujours là ainsi que son contenu, j'en peux plus de ce mec.

En plus, il est cinq heures et le réveil est pour dans une heure. Je refais mon lit et me recouche, mais... car, bien sûr, il y a un mais. Marion s'est cassé, ça c'est cool, mais il a laissé son lit en vrac comme son bureau. J'en peux plus de ce type. J'essaie de ne pas y penser. Tiens, plutôt rêver d'Anaïs, ou de Véro, mais non, rien à faire.

Lorsque la sonnerie du réveil retentit, la chambre est rangée au cordeau. Il a même laissé son sac de linge sale cet enfoiré car il sait pertinemment que je m'en occuperai aussi. Je le déteste !

En bas, pour le lever des couleurs, peu de monde, je suis le seul pour les derniers niveaux. Lorient me déplace pour me mettre à côté des secondes, bref de mes anciens collègues de dortoir de l'année dernière. Pas de passage du petit sixième. Et quand je passe devant le colon en me dirigeant vers le mess, il m'arrête.

- Demain, pas besoin de descendre, tu peux rester au lit et à midi, viens manger à l'appart.

Je vais pour me dégager violemment et l'envoyer chier mais son uniforme et ses lunettes noires me freinent et je lui réponds poliment.

- Oui mon colonel !

Mais toute la matinée, je pèse le pour et le contre et enfin le pour l'emporte. J'ai envie de revoir Gisou et les filles.

Firmin m'a embauché pour la matinée, Jul n’est pas là.

Mais malgré le grand tablier dont il m'a affublé, mon uniforme est bon pour le lavage et j'ai même de la salade dans mon slip. Et ça l'amuse en plus. Bon, en vrai, moi aussi, on a bien rigolé.



Lorsque je sonne à l'appart, ils sont déjà à table. Une chaise est libre entre Isabelle et Véro, j'hésite, puis en haussant les épaules je vais m'y asseoir. Mais Gisou m'intercepte et m'entraîne devant l'évier, où elle me tient devant elle. Je lui souris, qu'est-ce que j'ai encore fait ? Il semblerait que j'ai des traces suspectes sur le visage et le cou, qu'elle m'enlève très consciencieusement avec un coin de torchon mouillé. Comme à chaque fois, je balance entre trouver cela humiliant, ou agréable. Je ferme les yeux quand elle me dépose un bisou rapide sur le bout du nez.

- Lave-toi les mains, cochonnet. Arf ! je sens que je vais m'entendre appeler comme ça d'autre fois par des rouquines qui se font des messes basses peu encourageantes. Tu sais comment tu vas occuper ton après-midi ?

- Oui Gisou, je dois aider Monsieur Cordier à ranger le CDI. Et j'ai hâte de voir les nouveaux livres qu'il a reçus.



Dans leur cuisine, il fait super chaud et je tombe rapidement le pull.

Isabelle semble avoir chaud aussi.

- Maman, je peux prendre des glaçons dans mon eau ?

- Oui, mets-les dans un bol comme ça tout le monde pourra en avoir. Robert, passe-moi ton assiette.

J'ai passé la matinée à engloutir tout ce que Firmin me proposait mais cela ne m'empêche pas par gourmandise, d'accepter une deuxième assiette de gratin de patates. Et puis, je sais que cela fait plaisir à Gisou.

Par contre, l'assiette m'échappe des mains et finit au sol quand le glaçon introduit dans mon col de chemise descend le long de mon échine.

- Ah, c'est froid !

J'ai repoussé ma chaise qu'Isabelle empêche de tomber en riant. En plus, mon pantalon baillant à ma taille, le maudit iceberg finit sa course dedans. Je l'y récupère en me tortillant.

- Isabelle dans ta chambre !

Gisou n'a pas à le redire car la coupable totalement hilare est déjà sortie de la pièce. Quant à Richard, s'il aide Gisou à réparer les dégâts de mon assiette renversée, je vois qu'il a du mal à se retenir de rire.

- T'en faut un devant pour que ce soit symétrique ! Et profitant que j'ai la main coincée dans mon dos, cette enflure de Véro m'en glisse une poignée devant.

- Non ! Je vous déteste !

Là, je m'en fous, je j'ouvre mon froc et en me secouant j'arrive à tous les faire tomber mais j'ai des envies de meurtre sur les deux filles qui ont disparues. Même Gisou est en train de rire. Et soyons honnête, je ne peux m'empêcher de rire aussi, je me suis fait avoir comme un bleu. Et une fois rhabillé, je m'assois à ma place et me saisis du plat pour le nettoyer scrupuleusement avec la cuillère de service. Non, mais oh, c'est pas pour un ou deux glaçons que je vais me laisser abattre.

- Baisse la tête !

Ah maintenant, j'ai droit à de l'air brûlant dans le dos.

- Vous comptez me tuer aujourd'hui ?

Gisou me force à rester la tête penchée en se moquant gentiment de moi.

- Arrête de chouiner gros bébé, je te sèche juste.

- Mais ça brûle ! Je me lève et veux enlever le sèche-cheveux des mains de Gisou. Elle le dirige vers ma figure alors je lui retourne vers la sienne, faisant voler ses cheveux et cela m’amuse, on dirait qu'elle a comme une grande auréole, ou une crinière rousse. Wahoo une lionne !

Je réussis à le débrancher en tirant sur le fil.

- Puisque c'est comme ça, je ne donne pas de dessert à quelqu'un de mouillé.

- Gisou, là où c'est le plus mouillé, je ne laisserai pas y mettre ton engin de destruction.

- Oh ! Elle sourit amusée et dirige son feun vers le bas.

- Ah non, stop ! Je le lui récupère et le passe à Richard que je ne surveille pas. Et trente secondes après il me le glisse dans la ceinture. Ah non pas toi aussi ! Bon bin je préfère encore m'en aller !

Je prends mon pull sur la chaise.

- Non assieds-toi, Richard éteints moi ça ! On l'a assez embêté. Tiens mange !

Et elle me pose une coupe de salade de fruits devant moi et un bisou sur la joue. Bon, si on me prend par les sentiments...





Lorsque je sors de chez le colon, je croise Monsieur Deschamp dans les escaliers. Oups, je devais aller le voir chez lui ce matin, j'ai oublié.

- Ah ! Tu viens chez moi ? Et bien, remontons ensemble mon petit.

Il me prend le bras me faisant faire demi-tour.

Richard sort de chez lui lorsque nous arrivons à son palier.

- Monsieur Deschamp vous emmeniez cet enfant chez vous ? Hélas pour vous, il est attendu au CDI.

- Et bien ce n'est pas grave, ce n'est que partie remise. Tu passeras demain matin, mon garçon et cette fois n'oublies pas.

- Oui, je vous le promets monsieur.

- Ah désolé mais demain ce garçon ne sera plus dans l’école.

Il me lâche et c'est Richard me tenant à son tour par le bras qui me fait descendre presque en courant les trois étages. Arrivés en bas, il me tient face à lui.

- Tu mets un pied chez lui, je le bute, compris ?

J'opine de la tête, mi effrayé, mi-étonné. Et il ne me lâche qu'une fois devant le CDI pour me quitter sans un mot.
























































5 août 2010

Richard vendredi 29 Octobre 1976 vacances de la Toussaint 4

  Richard vendredi 29 Octobre 1976 vacances de la Toussaint 4



- Il dort encore ?

- Je vais le réveiller.

Papy retient Véronique par la manche de son pull.

- Houla non, jeune fille. Pour une fois que vous ne vous disputez pas et que la maison est calme. Je veux qu'elle le reste. De plus, on est vendredi et ça nous évitera de l'entendre se plaindre parce qu'il y a du poisson sur la table. Il mangera lorsqu'il se lèvera.





- Et bien, il a battu son record.

Tous les regards se tournent vers l'ado qui apparaît en bas des escaliers. Torse nu et pieds nus, sans se presser, il fait le tour de la pièce pour embrasser tous ceux qui s'y trouvent.

- Oui Coco, après, d'abord je vais pisser.

Dès qu'il revient dans la cuisine, elle se remet à lui tendre les bras, sur la pointe des pieds. L'ado soupire et la soulève. Elle, tout sourire, lui passe les bras autour du cou, ses jambes ceinturant sa taille. Il soupire à nouveau, baille à se décrocher la mâchoire puis s'étire. Cela la fait rire. Il se lave les mains, puis mouille les joues de la gosse qui lâche son cou, basculant en arrière, il la rattrape.

- Hé t'es folle ! Tiens-toi, tu vas m'aider à porter ma bouffe.

Entre son ventre et son torse, il cale du pain, et différentes boîtes, garde juste en main la bouteille de lait et son mug qu'il a rempli du café tiède qui restait dans la cafetière, dont il a posé la verseuse dans l'évier.

Sur la table, il pose tout puis l'enfant à côté.

- tatine !

- Non pas de tartine pour elle.

- Désolé Coco, Folcoche a dit non. Bon de toute façon Coco je te comprendrais de rien manger vu ce qui cuit dans le four.

- Tu vas voir ce qu'elle va te faire Folcoche, espèce de sale morveux.

Il mord dans son pain puis se lève et vient entourer de ses bras le cou de Gisou en se mettant derrière elle et l'embrasse sur le joue.

- Pardon. Toi, je t'aime bien mais toujours pas le poisson.

Papy s'est assis à califourchon sur le banc à côté de sa place. L'ado se rassied et, de sa main, dissipe la fumée de la pipe de l'homme.

- Plus loin, ça pue.

- Fillette. L'ado l'ignore. Tu sais quelle heure il est ?

- Non, j'ai oublié ma montre là-haut car quelqu'un m'oblige à l'enlever tous les soirs.

Et il jette un regard noir en direction de Gisou que ça amuse.

- Il est plus de dix-sept heures.

L'ado suspend son geste de porter son mug à ses lèvres et reste rêveur un instant, sourit puis finit son contenu. Se lève en souriant à l'homme.

- Et bien mon petit déjeuner-goûter fut bien bon. Il pose Coco par terre. Tiens, aide-moi à ranger. Il lui tend la boîte de beurre. Elle le suit, ravie et très fière jusque dans la cuisine où il rince son mug puis la verseuse de la cafetière. Il range beurre, confiture et fromage dans la fenêtre-frigo. Se retourne et bute sur la gamine qu'il reprend dans les bras, frotte son nez contre le sien puis va la déposer debout sur le banc. Je te laisse, car mon bide plein réclame une petite sieste.

Devant l'air triste de la gamine, il sourit, lui pose une bisou sur le nez puis remonte quatre à quatre les escaliers vers sa chambre.

Là, il referme les volets, enlève son unique vêtement, frissonne en se glissant sous sa couette froide et soupire.

- Brrr, je n'aurais pas dû me lever.










4 septembre 2010

Robert samedi 11 Décembre 1976 Plongeons.

Robert samedi 11 Décembre 1976 Plongeons.

 

Un grand nombre d’élèves préfère la piscine aux autres sports.

C'est vrai que c'est plus agréable en hiver, de passer une heure dans la flotte à s'amuser que devoir subir un prof qui te fait courir quelque soit la météo.

Mais pour ceux qui comme moi, y vont pour s'entraîner, cela commence à être

Robert samedi 11 Décembre 1976 Plongeons.



Un grand nombre d’élèves préfère la piscine aux autres sports.

C'est vrai que c'est plus agréable en hiver, de passer une heure dans la flotte à s'amuser que de devoir subir un prof qui te fait courir quelque soit la météo.

Mais pour ceux qui comme moi, y vont pour s'entraîner, cela commence à être galère.

Et ce soir, c'est pire que d'habitude. Le grand bassin grouille de garçons faisant tout et n'importe quoi sauf nager et même la piscine sous les plongeoirs est pleine, nous empêchant de nous en servir. Et en plus Monsieur Jolliot est en retard.

Et ça, ça me fout en rogne. Un prof n'a pas le droit d'être en retard. D'ailleurs je ne trouve pas normal qu'il soit seul, il devrait avoir un autre maître nageur avec lui car là, si un gars reste au fond, personne ne le verra. Faut que j'en parle au colon.

Bizarrement quand Jolliot apparaît, la piscine s'éclaircit.

On peut enfin s'entraîner.

- Vous savez que pour avoir accès aux plongeoirs il faut d'abord avoir fait quatre aller-retour ? Ça souffle dans les rangs. Et un certain nombre quittent les escaliers. Accroupi au bout du trois mètres, j'attends en claquant des dents. A toi !

Enfin !

A peine suis-je sorti du bassin que Monsieur Jolliot me fait signe de remonter puis ouvre deux fois la main. OK ! le dix mètres, le pied ! On est peu à plonger de là-haut. Beaucoup y montent surtout ceux qui viennent pour la première fois mais beaucoup redescendent par les escaliers.

 

Deux demis étages plus haut, un gamin tente de redescendre les escaliers mais les gars le bousculent sans tendresse en se moquant de lui. Je l’arrête.

- Stop ! Calme-toi. Allez remonte, sois un homme ! Plonge ou saute mais ne te dégonfle pas comme ça.  Mais d’abord sais-tu au minimum plonger  ?

Le petit sixième, enfin, il est aussi grand que moi, a les larmes aux yeux.

- Oui, mais j'ai trop peur.

Je le tiens par les deux bras et je le sens trembler.

Derrière moi, des second cycle se moquent de lui.

- Laisse tomber vieux, c’est un gros bébé à sa maman.

- Oui, il a oublié ses couilles chez ta môman ?

Je me retourne vers eux en soufflant.

- Vous faîtes chier les mecs. Faîtes-vous greffer un cerveau. Que celui qui n’a pas eu peur la première fois, me le dise.

Un terminal, je crois…

- On a eu peur mais on a sauté.

-  Moi aussi j’ai eu peur la première fois, c’est normal mais j’ai eu la chance d’être avec un copain. Veux-tu qu'on plonge ensemble ?

Je lui trouve des yeux de cocker.

- Tu l'as déjà fait ?

- Oui, plusieurs fois. D'ailleurs si tu veux, tu remontes avec moi. Je plonge sinon je vais me faire cranter puis je remonte et là, nous sauterons ensemble, et si cela peut te rassurer, tu pourras me donner la main.

Il remonte donc avec moi. Je plonge. A mon retour, il est toujours là. Chahuté par tous ceux qui sont passés devant lui mais il n’est pas redescendu. Il lâche la barre où il se cramponnait des deux mains pour saisir ma main.

- Après, j'aurais plus peur ?

- Pas sûr, mais en bas tous tes potes te regarderont autrement. Je vois une lueur briller dans ses yeux.Je me pose alors une question… Ce n'est pas toi qui en a envie ? Il secoue la tête. C'est quoi ton prénom ?

- Vivien.

Derrière nous, les garçons continuent à plonger ou sauter. A chaque fois, sa main serre un peu plus la mienne.

- Bon, alors, je te fais deux promesses. D'abord si tu sautes avec moi, ils te respecteront beaucoup plus et ensuite je te promets que je ferai en sorte qu'ils ne t'emmerdent plus.

- Si je te donne la main, ils vont me traiter de bébé.

- Qu’ils le fassent devant moi. La première fois, j'ai donné la main à mon meilleur copain. Ah ! tiens justement Claude confirme-lui.

 

Quelques secondes plus tard, nous sautons tous les trois, main dans la main en riant.

- Tends bien les jambes !

Lorsque nous sortons de l'eau, nous le regardons rejoindre un groupe de garçons. Avec Claude que je mets au courant, nous savons que maintenant, du moins jusqu'à la fin de l'année, Vivien ne se fera plus emmerder et sinon, nous saurons qui emmerder à notre tour.

Mais derrière eux, un bonnet avec des papillons attire mon attention.

Claude me la montre.

- Tu as vu qui est là ?

- Ouais, j'ai vu. Et t’as vu qui est devant elle ? Tu viens me soutenir ?

Il secoue la tête.

- Tu veux te faire bannir ?

- Il faut ce qu'il faut.

- T'es vraiment ouf toi !

- Ouaip !

Je tape sur l'épaule du terminal.

Yvette se glisse à côté de moi et me prend par la main.

- T'en veux encore une ?

- Robert, tu me fais sauter de là-haut comme le garçon ?

- Attends, peut-être après.

Le terminal se retourne .

- Tu la connais ? Tu les connais ? Ah, je comprends mieux le pourquoi de ta droite l’autre soir.

- Veux-tu que je lui explique quelles étaient tes intentions envers elle ?

- Non mec, c'est bon, je te la laisse. Mesdemoiselles !

Il s’éloigne rejoindre ses potes. Véronique me fixe. 

- Tu t’es battu pour moi ?

Un immense sourire éclaire le visage de Véro, je ne peux que sourire à mon tour amusé et content.

- Pour toi, non. Pour ton honneur, oui. Je lui ai juste fermé le clapet à ce malotru, tu n’aurais pas apprécié ce qu’il disait sur toi.

- Ah bon, raconte ?

Je n'en avais pas envie, ce n'était pas le genre de propos que l'on répète à une fille.

- On fait la course ?

Je me jette à l’eau avec Fanfan dans les bras, qui me tape lorsque nous refaisons surface, puis je m’éloigne sur le dos, l’autre couchée sur mon torse. Ses deux sœurs ont tôt fait de me rattraper.

- Fais attention, elle ne sait pas encore nager et on n’a pas eu le temps de lui mettre des bouées.

- Elle ne risque rien avec moi sauf si je coule.

Je fais semblant de couler, Fanfan recommence à hurler. Monsieur Joliot me hèle.

- Weissenbacher, si j’entends crier encore une fois la petite Granier, vous sortez du bassin et je vous exclu pour la semaine.

- Oui monsieur !

On sort, pour aller lui mettre des bouées, autour de moi, j’entends les autres garçons chuchoter.

- Ce sont les filles du colon.

- Ouais t’as vu, j’ai l’impression qu’il sort avec la plus grande.

Ah, si cela pouvait être vrai, mais je n’en ai plus le droit, seulement celui de jouer le grand frère protecteur.

Yvy comme Fanfan me demande de les faire sauter du dix mètres. J'accepte mais l'une après l'autre. Je commence par Fanfan, qui me surprend en restant bien silencieuse.

- Maintenant reste avec Véro, moi je remonte pour Yvy.

- Non, je recommence, c'était trop cool.

Et avant que je l'arrête, là voilà repartie dans les escaliers et qui double sans se gêner tous les mecs qui attendent leur tour. J'ai envie de la piler, car devinez sur qui ça va retomber ? Sur Bibi !

Quand j'arrive enfin en haut avec Véro sur les talons, Yvy tient fermement Fanfan contre elle.

Véro s’approche du bord puis recule effrayée.

- Purée mais c'est super haut !

Je souris en la regardant.

- Tu croyais quoi ? Mais maintenant t'as plus le choix. Je lui souffle dans l'oreille. A compter deux mecs par marche, tu finis comment si tu redescends au milieu d'eux ?

Je vois ses yeux s'agrandir puis elle se tient à mon bras et regarde en bas.

- Tu me donnes la main ?

- Moi, je veux que tu me lâches.

- Bon, Fanfan vas-y et rappelle-toi de bien serrer les jambes. A la fin de ma phrase, elle est déjà en-bas.

Véro, je peux pas vous donner la main à toutes les deux à la fois.

Je vois Yvy qui s'approche du bord et saute. Bon et bien, il ne reste plus qu'elle.

- Mes frangines sont folles.

- Tu sais que tu as vingt mecs qui attendent derrière nous et qui se pèlent comme moi. Et tous les autres mecs qui n'attendent qu'une chose : que tu te dégonfles et que tu redescendes en passant entre eux. Honnêtement, elle me fait pitié. J'ai une envie folle de la câliner mais là, je ne peux pas ! Aller comme moi, orteils sortis et...

J'avoue, je l'ai poussée. Et elle hurle les trois secondes que dure la chute. Je la suis en plongeon arrière que j'essaie impeccable pour que monsieur Jolliot ne m'engueule pas trop. Mais bon, c'est sans surprise que je réponds à sa demande d'approcher.

- Dehors ! Je joins les mains avec l’air suppliant. Non, j'ai dit dehors, serviette et dehors, vous ne vous approchez plus d'elles ou je préviens leur père. Ah tiens donc, ça vous fait rire, très bien, vous vous débrouillerez avec lui.

- Je suis désolé monsieur, je ne me moquais pas de vous, mais j'ai pensé à la réaction de la femme du colonel quand elle l'apprendra et comment dire, j'ai plus peur d'elle que de lui.

Il secoue la tête avec un air épuisé, en me montrant le vestiaire du doigt..








galère.

Et ce soir, c'est pire que d'habitude. Le grand bassin grouille de garçons faisant tout et n'importe quoi sauf nager et même la piscine sous les plongeoirs est pleine, nous empêchant de nous en servir. Et en plus Monsieur Jolliot et en retard.

Et ça, ça me fout en rogne. Un prof n'a pas le droit d'être en retard. D'ailleurs je ne trouve pas normal qu'il soit seul, il devrait avoir un autre maître nageur avec lui car là, si un gars reste au fond, personne ne le verra. Faut que j'en parle au colon.

Bizarrement quand Jolliot apparaît, la piscine s'éclaircit.

On peut enfin s'entraîner.

- Vous savez que pour avoir accès aux plongeoir faut avoir d'abord fait quatre aller-retour ? Ça souffle dans les rangs. Et la plus part en sorte. Accroupi au bout du trois mètres, j'attends en claquant des dents. A toi !

Enfin !

A peine, suis-je sorti du bassin que Monsieur Jolliot me fait signe de remonter puis ouvre deux fois la main. OK ! le dix mètres, le pied ! On est peu à plonger de là-haut. Beaucoup y monte surtout ceux qui viennent pour la première fois mais beaucoup redescendent par les escaliers.

- Aller remonte, sois un homme ! Si tu sautes ou encore mieux si tu plonges. Mais tu sais plonger ?

Le petit sixième (enfin, il est presque aussi grand que moi.)a les larmes aux yeux.

- Oui, mais j'ai trop peur.

- Tu veux qu'on plonge ensemble ?

- Tu l'as déjà fait ?

- Oui, plusieurs fois. D'ailleurs si tu veux, tu remontes avec moi. Je plonge, je remonte et là, nous sauterons ensemble, et si cela peut te rassurer, tu pourras me donner la main.

Il remonte avec moi. Je plonge. A mon retour, il est toujours là.

- Après, j'aurais plus peur ?

- Pas sûr, mais en bas tous tes potes te regarderont autrement. Je vois une lueur briller dans ses yeux. Ce n'est pas toi qui en a envie ? Il secoue la tête. C'est quoi ton prénom ?

- Vivien.

- Bon, alors, je te fais deux promesses. D'abord si tu sautes avec moi, ils te respecteront beaucoup plus et ensuite je te promets que je ferai en sorte qu'ils ne t'emmerdent plus.

- Si je te donnes la main, ils vont me traiter de bébé.

- La première fois, j'ai donné la main à mon meilleur copain. ah ! tiens Claude confirme-lui.

Quelques secondes plus tard, nous sautons tous les trois, main dans la main en riant.

- Tends bien les jambes !

Lorsqu'on sort de l'eau, nous le regardons rejoindre un groupe de garçons. Avec Claude que je mets au courant, nous savons que maintenant, du moins jusqu'à la fin de l'année, Vivien ne se fera plus emmerder et sinon, nous saurons qui emmerder nous aussi.

Mais derrière eux, un bonnet avec des papillons attire mon attention.

- Tu as vu qui est là ?

- Ouais, j'ai vu. Et t’as vu qui est devant elle ? Tu viens me soutenir ?

- Tu veux te faire bannir ?

- Il faut ce qu'il faut.

- T'es vraiment ouf toi !

- Ouaip !

Je tape sur l'épaule du terminal.

Yvette me prend par la main.

- T'en veux encore une ?

- Robert, tu me fais sauter de là-haut comme le garçon ?

- Attends, peut-être après.

Le terminal se retourne, .

- Tu la connais ? Ah, je comprends mieux le pourquoi de ta droite hier.

- Veux-tu que je lui explique quelles étaient tes intentions envers elle ?

- Non mec, c'est bon, je te la laisse. Mesdemoiselles !

- Tu t’es battu pour moi ?

Un immense sourire éclaire son visage, je ne peux que sourire à mon tour amusé et content.

- Pour toi, non. Pour ton honneur, oui. Je lui ai juste fermé le clapet à ce malotru, tu n’aurais pas apprécié ce qu’il disait sur toi.

- Ah bon, raconte ?

Je n'en avais pas envie, ce n'était pas le genre de propos que l'on répète à une fille.

- On fait la course ?

Je me jette à l’eau avec Fanfan dans les bras, qui me tape lorsque nous refaisons surface, puis je m’éloigne sur le dos, l’autre couchée sur mon torse. Ses deux sœurs ont tôt fait de me rattraper.

- Fais attention, elle ne sait pas encore nager et on n’a pas eu le temps de lui mettre ses bouées.

- Elle ne risque rien avec moi sauf si je coule.

Je fais semblant de couler, Fanfan recommence à hurler. Monsieur Joliot me hèle.

- Weisembacher, si j’entends crier encore une fois la petite Granier, vous sortez du bassin et je vous exclu pour la semaine.

- Oui monsieur !

On sort, pour aller lui mettre des bouées, autour de moi, j’entends les autres garçons chuchoter.

- Ce sont les filles du colon.

- Ouais t’as vu, j’ai l’impression qu’il sort avec la plus grande.

Ah, si cela pouvait être vrai, mais je n’en ai plus le droit, seulement celui de jouer le grand frère protecteur.

Yvy comme Fanfan me demande de les faire sauter du dix mètres. J'accepte mais l'une après l'autre. Je commence par Fanfan, qui me surprend en restant bien silencieuse.

- Maintenant reste avec Véro, moi je remonte pour Yvy.

- Non, je recommence, c'était trop cool.

Et avant que je l'arrête, là voilà repartie dans les escaliers et qui double sans se gêner tous les mecs qui attendent leur tour. J'ai envie de la piler, car devinez sur qui ça va retomber ? Sur Bibi !

Quand j'arrive enfin en haut avec Véro sur les talons, Yvy tient fermement Fanfan contre elle.

- Purée mais c'est super haut !

Je souris en la regardant.

- tu croyais quoi ? Mais maintenant t'as plus le choix. Je lui souffle dans l'oreille. A compter deux mecs par marche, tu finis comment si tu redescends au milieu d'eux ?

Je vois ses yeux s'agrandir puis elle se tient à mon bras et regarde en bas.

- Tu me donnes la main ?

- Moi, je veux que tu me lâches.

- Bon, Fanfan vas-y et rappelle-toi de bien serrer les jambes.

A la fin de ma phrase, elle est déjà en-bas. Véro, je peux pas vous donner la main à toutes les deux à la fois.

Je vois Yvy qui s'approche du bord et saute. Bon, bin, il ne reste plus qu'elle.

- Mes frangines sont folles.

- Tu sais que tu as vingt mecs qui attendent derrière nous et qui se pèlent comme moi. Et tous les autres mecs qui n'attendent qu'une chose : que tu te dégonfles. (Honnêtement, elle me fait pitié. J'ai une envie folle de la câliner mais là, je ne peux pas !) Aller comme moi, orteils sortis, lève les bras et...

J'avoue, je l'ai poussée. Et elle hurle les trois secondes que dure la chute. Je la suis en plongeon arrière que j'essaie impeccable pour que monsieur Jolliot ne m'engueule pas trop. Mais bon, c'est sans surprise que je réponds à sa demande d'approcher.

- Dehors ! Non, j'ai dit dehors, serviette et dehors, vous ne vous approchez plus d'elles ou je préviens leur père. Ah ça vous fait rire, très bien, vous vous débrouillerez avec lui.

- Je suis désolé monsieur, je ne me moquais pas de vous, mais j'ai pensé à la réaction de la femme du colonel quand elle l'apprendra et comment dire, j'ai plus peur d'elle que de lui.

Il secoue la tête en me montrant la sortie du doigt..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

7 septembre 2010

Robert samedi 18 Décembre 1976 vacances 2

Robert samedi 18 Décembre 1976 vacances 2

Ce sont leurs rires étouffés dans mon dos qui me réveillent. Coco et Fanfan sont couchées à côté de moi, je les attrape et les serre contre moi en les chatouillant.

- Les parents sont déjà réveillés ? Devant leur réponse négative, j'arrête et mets un doigt sur mes lèvres comme aurait fait leur mère. Alors chut, dodo, ou vous retournez dans votre lit.

Coco se cale contre moi et son pouce à la bouche, me tourne le dos. Fanfan elle, reste les yeux grand ouverts dans le noir à me regarder. Libre à elle, moi je dors.



C'est le bruit des volets roulants que l'on ouvre qui me réveille.

- Aller debout jeune-homme, viens déjeuner. Je me lève et commence à faire le lit. Gisou me fait signe de venir. Allez, viens ! Le lit, on verra plus tard.

Et joignant le geste à la parole, elle me fait passer devant elle.

Richard qui est debout, vient s'asseoir sur la chaise que je viens de tirer pour moi. Pas grave, je vais prendre l'autre. Mais il change d'avis et s'assied dessus avant moi. Je vois les filles pouffer. OK ! Il veut jouer à ça ? Je prends mon bol, le rempli de café et saisissant une des tartines qu'il vient de se faire, je me dirige vers l'évier et debout, face à la fenêtre, j'entreprends de déjeuner. Je l'entends se lever, puis me serrant la nuque d'une poigne qui me fait grimacer, il me force à venir m'asseoir puis pousse autour de mon bol les quatre tartines de beurre miel qu'il vient de faire. Puis se penche vers moi.

- Moi, il y a longtemps que j'ai fini de déjeuner.

Oups !

 

Dans le parking, j'aide Richard à fixer la remorque au break.

Juste avant, j'ai aidé Isabelle et Véro à y descendre des sacs en jute remplis de cadeaux ainsi que des cadeaux plus gros dont un très gros et lourd avec marqué sur l’étiquette : «Pour le cordon bleu dont j'ai l'honneur d'être le cobaye». Ça m'a fait rire même si je ne sais pas ce qu'est un cordon bleu, car j'y ai reconnu l'écriture de Richard.



Le trajet pour Toulouse, normalement, est plus court que pour aller au chalet.

A Arles, on bifurque vers la Camargue.

Je comate dans mon coin mais j’en sors en voyant un panneau indiquant "Mas Garrot". Richard me surveille dans son rétro. Je fais semblant de ne pas l'avoir vu mais je n'ai pas dû être convaincant car Gisou se retourne en souriant vers moi puis demande à mes voisines.

- Les filles, cela vous dit d'aller voir des chevaux et des taureaux ? Regardez comme ceux-là.

J'oublie momentanément le panneau, subjugué par la beauté noire de l'animal qui se dresse à moins de dix mètres de nous. Gisou devant, a ouvert la fenêtre et mitraille l'animal avec son appareil photo. Au loin, de l'autre côté, il me semble voir la mer, cette Méditerranée que j'ai traversée en septembre. Autour de nous c'est moche, enfin je trouve ça moche. C'est des herbes jaunâtres, des buissons verts rabougris et de la flotte stagnante où je n'aimerais pas aller me baigner. Par contre, autour du fier animal, donc on voit bouger les muscles sous un peau d'un noir luisant qui brille sous le soleil, il y a une multitude d'oiseaux.

- Maman, là-bas, des flamands roses !

Ah bin merde, moi qui croyais que ces oiseaux ne vivaient qu'en Afrique !

Nous passons sous une arche en pierres blanches sur laquelle est écrit en rouge : Haras camarguais du mas Garrot.

Oh non, qu'est-ce qu'on vient foutre là ?

Je traîne les pieds contrairement aux filles qui courent déjà toutes vers les écuries.

Un bras s'enroule autour de mon cou et un poing me frotte le sommet du crâne.

- Yes, vous êtes venus ! C'est cool, j'ai ma petite chérie avec moi ! Pa j't présente mon copain de chambrée.

- Bonjour, jeune homme, Marion ne tarit pas d'éloges sur vous. Je suis content que votre père ait accepté mon invitation.

Marion est le portrait craché de son père. Grand, sec, aussi moche et tous les deux avec des lunettes. Il serre la main de Richard et Gisou.

Marion lui m'entraîne toujours vers un enclos en me tenant par le cou. Je me laisse faire blasé. Je me vengerai à la rentrée.

- Qu'est-ce qui t'a pris de dire à ton pater que le colon était mon père ?

- Mais c'est ce que tu as dit l'autre jour, non ?

- Oui pour qu'on me foute la paix.

Il s’est arrêté pour me fixer surpris puis se remet à marcher.

- Oh et puis moi, je m'en tape ce que tu fous avec lui, c'est votre vie, pas la mienne. Comment tu la trouves ?

Devant nous un cheval blanc nous regarde arriver et essayant de manger la corde qui la retient à un poteau.

- C'est un cheval.

Il se tourne vers moi, l’air choqué.

- Ah non, elle c'est ma Fifine. La plus belle. Et bien vu comment son cheval me regarde de travers, il a l’air aussi ravi de me voir que moi de le voir. Holà ma beauté, regarde je te présente le mec le plus chiant que je connaisse.

Bon maintenant j’en ai marre, je me dégage de ses bras.

- Si je suis chiant pourquoi tu ne me fous pas la paix.

- Parce que j'sais que j'l'suis autant qu'toi.

- Putain de raison.

Il se met à rire.

- Bon aller grimpe ! Il me saisit la main gauche et la pose sur le devant de la selle puis joint ses mains devant moi. Je secoue la tête et m’écarte. Il est fou ! Quelqu'un pose un escabeau entre nous. C'est un mec, copie conforme de Marion qui rigole lorsque je me tourne vers lui. Ah ! j'te présente Michel mon grand frère. Tu tombes bien, aide-moi à le convaincre de monter sur Fifine.

Et voilà que le gars me soulève comme si je ne pesais rien et Marion fait passer ma jambe droite au-dessus du canasson. Me voilà donc assis sur le dos de ce pauvre cheval. Bordel que c'est haut.

- Ho ! ho! bouge pas l'animal !

Et les deux qui rigolent. J'ai les pieds trop courts pour les étriers alors le Michel me les resserre après m'avoir donné les rênes puis me les reprend et dirige ma monture, pour rejoindre le colon. Là, il me les rend. Je ne sais pas comment les tenir, il m'explique mais déjà un fou furieux criant "yep, yep yep", passe à côté de moi et me plaque un chapeau de cow-boy sur la tête. Et bien sûr, voilà, la Fifine qui le suit à la même vitesse. J'en lâche les rênes pour m'accrocher aux multiples petites tresses de sa crinière.

- Marion, non ! Arrête-toi ! Je te déteste. Je vais tomber. Arrête-toi !...

Je sens mon petit déjeuner qui tend à remonter. Et en plus comme un con, j’essaie de retenir le putain de chapeau dont il m'a affublé et finalement le laisse pendre dans mon dos. Enfin, au bout d'un temps qui me semble une éternité, il s'arrête, et mon cheval en fait de même. Il se penche et lui tend un bout de pomme. Il récupère les rênes et me les tend, mais je n'en veux pas, je veux descendre. Ce que je fais.

Là, c'est lui qui hurle. Et tape sur la pauvre jument qui part en courant et sans me laisser le temps de réaliser, il me soulève par le blouson et me prend devant lui couché et nous repartons au galop. 

Je regimbe.

- j'en ai marre, c'est pas drôle ! Lâche-moi !

- Ouais quand on ne sera plus à côté de Rusti . Car Rusti, c'est le taureau alpha de la manade. Tu as bien failli finir sous ses sabots. Il stoppe son cheval et m'aide à m'installer devant lui sur la selle, lui s'est reculé sur les fesses du cheval. Regarde !

Le gros animal est là, fouillant le sol de sa patte. Qu'il est beau. Il m'en montre d'autres, un peu plus loin et un groupe de vaches.

- Ils sont tous à vous ?

- Oui mais attends, je vais te montrer ce qui sera ma vie plus tard. Et nous repartons au galop mais là, solidement maintenu, je n'ai plus peur. Je n'ai jamais réalisé qu'il était aussi fort. Il m'impressionne, ce n'est plus le crétin que je déteste lorsque nous sommes à l'école. Quand nous nous arrêtons, devant nous une vingtaine de chevaux aussi blancs que Fifine. Tu vois, eux, ce sont les miens, pas ceux de mon père ou de mon frère, non, les miens. Je les ai tous vus naître. J'ai toujours calculé pour que leur naissance tombe lors de vacances et c'est moi qui ai choisi les parents, je ne laisse rien au hasard. Aller dis moi qu'ils sont beaux?

- Oui ils sont super beaux.

- Hé regarde, ceux-là sont pour toi !

Nous levons tous les deux les yeux et je lève les bras et les agite, Il se met à rire et fait pareil, au-dessus de nous, deux mystères passent super près du sol. Les chevaux s'égaient sauf notre monture, puis je vois un des avions ralentir et tanguer d'une aile sur l'autre. Je hurle de joie. Il nous a vu et salué.

Nous rentrons autant excités l'un que l'autre. Et c'est moi qui lui dit de galoper, ce qu'il accepte.

A peine le cheval à l'arrêt, il se laisse glisser par l'arrière et moi sur le côté. Je me précipite vers Richard.

- T'as vu les mystères ? Ils nous ont salué.

Marion laisse son canasson à un homme et vient surenchérir derrière moi.

- Oh purée oui, ils ont fait peur aux chevaux mais c'était trop cool ! Par contre Rusti a bien failli encorné cet abruti qui a mis pieds à terre juste devant lui. Pa j'peux libérer Fadja ?

- Oui, bonne idée, venez mesdemoiselles, cela vous dit de caresser un taureau.

Je les abandonne sauf Véro dont je prends la main, pour suivre en courant Marion. Mais on stoppe lorsque nous voyons Marion sauter par-dessus une barrière derrière laquelle un monstre noir se met à courir vers lui, puis s'arrêter et se frotter à lui. Marion nous fait signe de venir. D'abord pas rassuré, bientôt nous caressons le dos soyeux de l'énorme animal.



Ce n'est qu'après avoir déjeuné avec eux autour d'un barbecue où ils nous régalent de viande de taureau, que nous reprenons la route vers Toulouse. Et je promets à Marion que je reviendrai. Peut-être pas pour faire du cheval mais pour encore admirer ces énormes démons noirs qui me fascinent et m'effraient.



Il est vingt heures lorsque nous laissons les petites et Gisou monter chez leurs grand-parents et où avec Isa et Véro, nous aidons Richard à vider la remorque.

Bientôt Rémy vient à notre aide avec ses trois filles.

- Je vois que vous êtes aussi chargés que nous. Dis-moi frangin, tu sais que tu vas repartir encore plus chargé. J'éclate de rire en voyant la tête que fait le colon. Enfin la remorque est vide et ils me laissent monter seul au troisième chez les MacDailly, allant eux, garer la remorque dans le garage de la famille.

C'est un vieux monsieur aussi roux que ses filles, qui vient m'ouvrir.

- Ah ! Voilà enfin celui dont nous avions hâte de faire la connaissance. Lorsque je l'embrasse, j'ai l'impression d'un peu sentir Gisou ou Sylvie. Et il a les mêmes yeux verts qu'elles. Sophie vient t'en donc découvrir ton nouveau petit-fils.

Petit-fils ? Bon OK ! Décidément.

Cela me rend heureux et triste tout à la fois.

Grand-mère Sophie est comme me l'a décrite ses petites filles. Un visage ovale illuminé par un grand sourire, de long, très long cheveux bruns et surtout des yeux d'un noir impénétrable . Elle me tient un moment à bout de bras puis me serre contre elle. Ce qui me met mal à l'aise et me donne envie de rire pour le cacher, ce qui donne chez moi, un sourire bizarre. Pour la décrire, je dirais qu'elle est moelleuse, toute douce et sent bon.

- Alors donc voilà notre petite pièce rapportée. Je vois ce qui a fait craquer mes filles. Bienvenue parmi nous mon petit. Elle m'enlève mon blouson et le pose sur tous les manteaux qui recouvre déjà un pauvre perroquet. Elle me prend par le bras et m'emmène par un long couloir qui serpente dans un vieux appartement qui doit bien dater du siècle dernier. Gisèle et lui, tu vas le faire dormir où ? Pourquoi pas dans la chambre d'Olivier ?

- Oui, c'est aussi ce que je pensais, en plus il y sera dans son élément. Gisou ouvre la porte d'une chambre qui me laisse béat. Au centre, un lit recouvert d'un plaid et juste au-dessus. suspendus au haut plafond plusieurs dizaines de maquettes d'avions. Pour la plupart des biplans de la première guerre mondiale. A la tête du lit, sur le pan de mur entre deux fenêtres, un immense tableau représentant des hurricanes en pleine attaque, entourés des feux multicolores d’explosions.

- Wahoo ! je veux la même chambre !

Les vieux éclatent de rire et m'abandonnent à mes contemplations.

Ce soir-là, quand Gisou viendra me dire bonsoir, je dors déjà, écroulé sur le bureau et plusieurs livres ouverts sur de merveilleuses photos.

- Bonhomme, c'est dans un lit que l'on dort pas sur une chaise.

- Hein ? Oh, oui ! Gisou regarde ça c'est...

- Oui demain bonhomme, demain.








12 mars 2010

Robert jeudi 1 janvier 1976 bonne année

Robert jeudi 1 janvier 1976 bonne année

 

Où je suis encore ?

Un grand lit et je suis tout nu dedans.

Les volets sont ouverts et la lumière du soleil me donne mal à la tête.

Assis au bord du lit, j’ai la tête qui tourne. Mes fringues sont au pied du lit, je les prends et m’habille. Je ne me rappelle, ni où je suis, ni quand et comment je suis arrivé dans ce lit.

Merde, où est Claude ? Cela m’est revenu d’un coup, la fiesta du réveillon, la villa d’Arcachon au milieu de nul part.

Par contre, mes pompes... disparues.

Lorsque j’ouvre la porte, j’ai la nausée et je cours aux toilettes.

À côté des WC, un mec est assis, un bras sur la cuvette, j’ai à peine le temps de le virer que je m’y vide plusieurs fois.

À l’entrée de la petite pièce, il y a un petit lavabo, je m’y lave les dents comme je peux avec un doigt à qui je trouve d’ailleurs un drôle de goût. Et je retourne me vider.

Ça va mieux, mais je décide de trouver la salle bain. Elle est fermée à clef et le bruit à l’intérieur me fait comprendre qu’ils sont au moins deux dedans. Bref, donc direction la cuisine.

Il y a des corps endormis de partout. Même dans la cuisine. La maison est dans un état inqualifiable.

L’évier est plein mais j’arrive à trouver du savon et me lave les mains plusieurs fois puis la figure et les dents.

Maintenant trouver Claude, mais d’abord je cherche si je ne peux pas manger un truc… il reste trois fruits au fond du bol. Au premier, je réalise qu’ils sont alcoolisés, alors j’arrête de suite.

Dans le frigo, du jambon, j’en gobe quatre tranches telles quelles car je ne trouve pas de pain. Il y a une cafetière, je trouve les filtres et le café, je la mets en route.

 

Claude est dans un lit avec Aline.

Ils auraient pu fermer la porte de la chambre… je recouvre Aline car si c’était ma nana, je n’aimerais pas qu’on la voit ainsi dévêtue puis ressors en fermant la porte.

Je fais le tour des quatre chambres, les lits sont tous pris et à chaque fois, je ressors, les yeux pleins d’images volées.

Dans le jardin, des couples sont ensemble dans des sacs de couchage.

C’était pas un réveillon, c’était une partouze !

Et je suis déçu car je trouve même Ghislaine avec son ex.

Un truc me console un peu, un tout petit peu, je ne suis pas le seul à être resté célibataire.

Une horloge dans le salon m’indique qu’il est treize heures. Je comprends pourquoi j’ai faim.

Par contre, je commence à paniquer car je n’ai toujours pas retrouvé mes souliers.

Après avoir tourné en rond un bout de temps, tout en buvant mon café, je décide de prendre un grand sac poubelle et de faire le tour de la maison et d’y jeter tous les verres en plastique et bouteilles que je trouve. Par contre, je me refuse à ramasser les préservatifs et autres saloperies qui traînent un peu partout.

L’odeur du café en a réveillé certains.

- Et petit, c’est toi qui a fait le café ?

Cette fois, c’est la fois de trop. Je fonce sur le mec et lui colle un coup de boule.

- JE NE SUIS PAS TON PETIT !

Le pauvre mec n’a pas tout compris mais il a pris pour tous les autres.

Quand Claude descend, réveillé par les cris, ils sont à quatre pour me tenir et c’est dans les bras d’Aline que je finis par me calmer.

Une heure plus tard, ils ne reste plus que les vrais copains de Claude, une dizaine pas plus.

Je retrouve mes chaussures sous le lit où j’ai dormi mais où comme un con, je n’ai JAMAIS regardé. Quant à ma fourragère et ma cravate, elles ont servi de couronnes à des filles.

- Mais pourquoi aussi es-tu resté en uniforme ?

- Mais peut-être parce que je ne suis pas un nabab comme toi et que ce sont mes seules fringues .

 

Par contre, quand Claude m’engueule car je ne les aide pas à briquer la maison, je hausse juste les épaules en lui montrant les trois gros sacs poubelles fermés dans un coin de la cuisine puis sors m’installer sur la balancelle sans coussin dans le jardin.

 

Nous décollons vers dix-neuf heures laissant une maison propre et rangée.

- Dis-moi Claude, qui m’a mis au lit hier soir ou cette nuit ?

Les deux devant se regardent.

- Ni moi, ni Aline. Pourquoi ? Et puis comment ça au lit ?

- Il se trouve que ce matin, je me suis réveillé à poil dans un lit en cent quarante, dans la chambre du haut, juste en face de la salle de bain. Celle avec un beau tableau de femme nue alanguie sur un sofa.

- C’est le lit des parents ça. Et tu étais seul ?

- Ah oui, jusqu’aux dernières nouvelles. Mon dernier souvenirs, c’est d’avoir peiné à finir un second verre de fruits au sirop.

- Tu t’es avalé deux grand verres à bière de sangria ? Claude, si tes parents apprennent ça, t’es mort. Et tu te souviens de quoi d’autre ?

- Que Claude a voulu me faire fumer un truc qui n’était pas une cigarette, mais si tu veux, je peux aussi inventer d’autres trucs à raconter à Monsieur d’ Aureilhan.

- Toi, tu fermes ta gueule ou tu ne retournes pas vivant à Aix.

- Ah si ! Tiens, ça me revient, je me souviens qui m’a mis au lit.

Je fixe Aline qui rougit jusqu’au oreilles et se tourne pour regarder la route, droit devant elle.

Claude lui, me surveille dans son rétroviseur intérieur.

- Alors s’est qui ?

- Non, non, en faite je ne m’en souviens pas vraiment… juste que c’est une jolie fille.

 

 

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