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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
4 janvier 2011

Robert mercredi 20 Juillet 1977 farniente

Robert mercredi 20 Juillet 1977 farniente



Il n’y a pas le moindre souffle de vent, j’ai beau fixer les plus petites branches de l’arbre, je n’y discerne même pas un mouvement d’un micron. 

Ah si !  Non c’est un stupide piaf, qui parcours la branche en sautillant, la queue levée, une fois vers l’Ouest, une fois vers l’Est. Il semble s’apercevoir de notre présence et se penche… tellement que je le verrai bien se retrouver tel un chiroptère, la tête en bas. Mais après une trille s’envole.

- Richard j’aimerais savoir ce qu’on va nous apprendre là-bas.

Je l’entends soupirer.

- Tu verras quand tu y seras.

Sa réponse ne me convient pas une fois de plus.

- Allez, sois sympa !

Il soupire une nouvelle fois et j’entends Rémy et Papapa étouffer des petits rires. Faut dire que j’essaie tous les jours de lui soutirer ces précieuses infos.

- En tout cas, il y a un truc qu’ils vont attendre de toi c’est que tu obéisses sans râler comme une fille.

Gisou réagit de suite.

- Hé jeune-homme, c’est quoi ces propos ?

Couché sur le dos entre la chaise longue de Richard et le pliant de Gisou, je « farniente » avec eux.

- Pourquoi tu n’es pas avec les filles ?

Je tourne la tête vers l’arrière en levant le menton pour regarder Mammema allongée sur son transat à côté de celui de Papapa de l’autre côté du cercle parental. 

Je lui grogne une réponse désabusée.

- La seule qui ne m’envoie pas chier, c’est Coco.

Sylvie me gronde pas contente.

- Quel langage mon petit. D’ailleurs elle est où encore celle-là ?  Mutti qui s’évente avec son grand chapeau blanc, s’arrête et avec lui montre le chalet . Non, continue j’aimais bien, ça me faisait un peu d’air.

- Maïté la fait monter avec elle pour qu’elle fasse la sieste avec Marine. D’ailleurs Sylvie, tu ne l’allaites plus du tout ?

- Gisou, n’aborde pas les sujets qui fâchent par pitié. Rémy en disant cela se lève de sa chaise longue qui jouxte celle de Papapa. Qui veut un café ? Je vais m’en servir un sinon je vais m’endormir. Mammema lève la tête vers lui.

- Et bien dors mon petit. Regarde ton père.

La réaction de Rémy ne se fait pas attendre.

- Maman, j’ai pas soixante-dix ans.

Mammema lui répond mécontente.

- Soixante-neuf sale gamin, arrêtes de nous vieillir. Robert mon chéri, tu veux bien aller chercher une bouteille de limonade et des verres, car c’est vrai que j’ai un peu soif moi aussi. Et prends-toi du gâteau si tu veux.

Dans la cuisine, je me bats pour rire, comme à notre habitude avec Rémy, pour pouvoir me servir moi aussi un café. Et si je reviens avec un plateau avec des tasses et des verres. Lui ramène une table basse et la bouteille de limonade.

Sylvie nous accueille ravie.

- Merci, mon homme. Quelle bonne idée cette table. Il nous en faudrait une que l’on puisse laisser dehors.

Papapa se redresse en soupirant.

- Ça les garçons, ça veut dire : fabriquez-nous une table basse pour le jardin.

Mammema ramasse le chapeau de paille que son mari a fait tomber et lui remet sur la tête.

- Vous pourriez en profiter pour apprendre à Robert à travailler le bois. Ce gosse a l’air de s’ennuyer. Tu n’as pas pris de gâteau, ma puce ? Je secoue la tête, je n’ai pas faim. Gisou il ne mange pas beaucoup en ce moment ton gamin, tu ne trouves pas ?

Ils me regardent tous, je m'allonge à nouveaentre Richard et Gisou qui tente de m’appuyer sur le nez pour m’embêter.

- Il a peut-être fini sa poussée de croissance... qui sait.  Je fais mine de me relever. Reste, j’arrête.

Mammema sursaute.

- Ah mais c’est ça que j’ai oublié de faire, je n’ai pas encore mesuré les enfants. Bon les grandes ça fait deux vacances qu’elles n’ont plus bougées. Lui par contre, je sais qu’il a grandi. On verra bien à la Toussaint.

Richard fait non de la tête.

- Maman, en Octobre, il a de fortes chances de ne pas être parmi nous.

- Ah c’est vrai. Et bien, je le re-mesurerai la prochaine fois qu’on aura le plaisir de le revoir.

J’ai fermé les yeux, couché sur le dos, je suis leurs conversations sans vraiment les suivre. Juste avant de venir, avant de me donner les tenues kakis, Madame Calliop m’a mesuré… un mètre soixante et quinze. Si j’ai fini ma croissance, je devrai m’en contenter mais ça ne m’empêchera pas, d’un jour pouvoir péter la gueule à mon géniteur.

Mais si je n’ai pas beaucoup d’appétit c’est parce que j’ai tout le temps comme une boule dans l’estomac.

Et sinon oui, je m’emmerde. Les copains me manquent. Même Marion me manque, enfin pas vraiment lui, mais de pouvoir me disputer avec lui. J’ai hâte d’être à Salon et de retrouver Despéro que je connais et de m’en faire d’autres.



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1 avril 2010

Robert mercredi 24 Mars 1976 cabri

Robert mercredi 24 Mars 1976 cabri

 

Les volets claquent, je remonte la couette sur ma tête. Mais je me retrouve avec cette dernière entièrement remontée au-dessus de ma tête.

- Salope !

Je connais ce rire dans les escaliers. Un jour, cette fille, j'en ferai de la viande hachée, heureusement que j'étais sur le ventre.

Elle m'a jeté un tee shirt et un caleçon long bizarres que j’enfile. Dès que je bouge, ils font des étincelles. Arf, je ne suis pas très rassuré, et si ça me cramait ? Je vais d'abord fermer la porte puis la fenêtre, il gèle. Oh ! dehors c'est tout blanc. C'est trop beau, le ciel semble aussi blanc que la vallée. Il n'y a pas de bruit. Je reste devant ce paysage immaculé un moment puis le froid me rappelle à la réalité.

 

J'arrive en bas juste habillé avec les fringues que m'a laissées Véro. Le tee shirt me serre trop quant au caleçon, faut que je le tienne car il m'est trop grand.

- Gisou ton nouveau pyjama, il ne me va pas.

J'ai droit à l'effet escompté, ils se marrent tous. Et elle secoue la tête.

- Mamie, on peut lui mettre quoi ? Le haut ça va, j'ai la taille au-dessus et même deux tailles au-dessus, je pense car même s'il n'a pas de poitrine, il a un torse plus large que les filles.

- Aaaah un pull de fille !

J'entreprends de l'enlever rapidement, lâchant le bas qui obéit à la pesanteur. Là encore, je rigole car j'ai vu l'espace d'une seconde le regard horrifié de Gisou, ils croyaient quoi ? J'ai mis un slip dessous. Je l'enlève aussi et vais remonter pour m'habiller.

- Non reste-là et déjeune, il ne faut pas partir trop tard si on veut pouvoir skier.

- Yes !

Là, je suis content et je l'exprime.

- Tu sais skier ?

- Papapa, je suis tout de même né aux pieds de Vosges.

- Donc, tes parents avaient les moyens de t'emmener skier ?

- Heu… non, j'y allais avec Caths et j'utilisais les fringues et le matériel de ses frères quand ils étaient petits.

Richard semble amusé.

- Mais elle ne faisait donc rien sans toi.

Il y a quoi d’amusant là-dedans ? Oh je parle de Caths et moi, là !

- Oui, bien sûr. Ce qui énervait sa mère, amusait son père et moi, ça m'allait d'être déjà un parasite.

- Tu n'es pas un parasite ici.

- Oui Richard, si tu le dis.

Devant sa tête ronchon, je lui fais un immense sourire mais ça n'a pas l'air de lui suffire.

…………………………………………………………………

J’ai huit ans.

Le matin, je dois descendre dès que j’entends mon père se lever car s’il vient me réveiller, c’est avec une paire de taloches.

En bas, sur une chaise, ma mère me prépare mes vêtements propres. Je m’habille alors très rapidement avant l’arrivée de la première de mes sœurs, sinon mon père jette mes vêtements dehors et je finis de me vêtir dans le froid.

Ce ne sont jamais des vêtements neufs, je porte souvent les vêtements des grandes ou ceux des garçons Lutz.

J’ai huit ans. Je trouve un pantalon rose à fleurs. Je le prends puis faisant un grand détour pour passer loin de mon père, je vais voir ma mère.

- Maman, c’est un pantalon de fille, je ne peux pas le mettre pour l’école, ils vont se moquer de moi.

- Je n’ai plus d’autre pantalon propre à te mettre, tu n’as qu’à être plus soigneux.

- Ce n’est pas grave qu’il soit sale, mais pas un pantalon rose de fille, maman!

- Désolée mon garçon, ils sont tous mouillés : il fait froid, ils sèchent mal.

Mon père me soulève par le col de la chemise.

- Monsieur a un problème, Adélaïde ? Importune-t-il sa mère qui travaille ? Va t’habiller et tais-toi !

- Mais papa, c’est un pantalon de fille !

- Il est propre et non troué, sois content d’en avoir un sur les fesses.

- Mais je ne suis pas une fille !

Mon père m’attire vers la table, où il saisit son gros Opinel.

- Oh ! mais on peut arranger ça !

Je me débats en hurlant.

- Non, non, je vais le mettre !

Il me donne un coup de poing dans le dos qui me projette dans la cour et referme la porte derrière moi. Une de mes sœurs descend les escaliers. J’enfile ce maudit pantalon qui va m’attirer des moqueries ou même pire en cours. J’ouvre la porte et entre. Ma mère m’a rempli un bol de café au lait. Mon père est plus rapide que moi : il le prend et le boit.

- Râler donne soif, et coupe l’appétit : un verre d’eau devrait te suffire, mon petit.

…………………………………………………………………

Gisou et Sylvie sont de retour et posent un tas de fringues sur le canapé.

- Bonhomme, viens ici.

- Je ne mettrai pas de trucs roses.

- Tu vois ma sœur, je te l'avais dit.

- Ni ceux avec des dessins car ce sont des dessins de filles.

Gisou soupire et pousse sur le côté certains vêtements.

- Tiens, enfile ça, il devrait t'aller.

- Ce sont les filles qui mettent des collants.

- Il sera sous ton pantalon, personne ne le saura.

- Si, moi, et elles !

Je lui désigne les filles très attentives à leur tentative de me déguiser en elles.

- Bon Robert, tu le mets ou je m'énerve.

Je me retourne vers Richard.

- Là, vous êtes comme mon père.

Comme je le vois se lever avec son regard de colon, je préfère disparaître dans ma chambre ou je m'habille normalement.

 

- Dépêche-toi de descendre, les autres sont déjà partis, nous, on t'emmène à Chamonix pour te refaire ta garde-robe.

Je stoppe au milieu des escaliers.

- Je ne porterai jamais de robe !

Papapa sourit et me pousse.

- Descends au-lieu de dire des bêtises.

 

Dans le magasin, je vois arriver le moment où je vais ressortir en slip mais Papapa décide pour nous deux. j'ai non seulement droit une combinaison de ski mais aussi à une salopette et un blouson assorti, ainsi qu'une paire de chaussures de ski et des après-ski à l'ancienne avec des poils dessus, même si je leur préférerais des bons gros moon-boots mais Mammema trouve ça moche autant que sûrement moins résistants et efficaces. Et suprême argument : Gisou sera d'accord avec elle. C'est comme le blouson et la combinaison aux multiples couleurs éclatantes pour pouvoir bien me repérer sur les pistes. Ouais ben, il n'y a pas qu'eux qui pourront me repérer ! Par contre avec leurs sous-vêtements, s'ils espéraient que j'arrête de me gratter, là c'est raté.

 

Nous rejoignons les autres sur la terrasse d'un restaurant. Les filles pouffent en me voyant avec mon blouson de clown.

- Et voilà Mammema ! Si elles, elles se moquent de moi, qu'est-ce qu'ils doivent penser les autres ? Richard et Rémy ne disent rien mais je les vois sourire. Ouais, vous aussi vous pouvez vous moquer de moi. Je voulais un blouson bleu comme le votre mais elle m'a forcé à prendre celui-ci.

Du coup, je l'enlève, ouvre la salopette, enlève mon pull, remets ma salopette et enfile le pull par-dessus. Le blouson lui, je le jette à Mammema, je ne le remettrai pas. De toute façon, j'ai trop chaud.

- Mon Dieu, garçon, tu m'as fait peur, j'ai cru que tu allais te déshabiller entièrement.

Je fusille Sylvie du regard et hausse les épaules.

- Remets-moi ce blouson, tu vas attraper la crève.

- Bon Gisèle, j'aimerais manger tranquille, alors laisse-le se geler.

- Merci Richard.

A mon tour de me prendre deux regards qui en disent long.



- Houla tu vas où, là ?

- Au tire-fesse avec les filles.

- Tu as quel flocon ?

- Aucun. Vous croyez que mes parents avaient les moyens ?

- Bon c'est ce que l'on pensait, tu viens avec nous. Enlève tes skis.

- Hé, mais, non !

 

- Tu as quinze ans. Et tu dis savoir skier depuis tout petit. OK, alors suis-moi.

Je suis le moniteur jusqu'au tire-fesse. En haut de la piste, il me fait signe d'attendre.

- Je te laisse ici, je descends pour te montrer ce que tu as à faire. Tu descends ensuite, lorsque je te fais ce signe.

Je suis le gars du regard.

En bas, il y a les six adultes, ça ne me met pas du tout la pression. Enfin, la compétition, moi, j'aime ça. En vrai, je ne sais pas vraiment si j'aime ça, mais un truc au fond de moi, me dit que je dois être le meilleur, que je n'ai pas le choix, c'est comme ça. Je n'aime pas perdre. Non, je déteste perdre. Je déteste savoir que quelqu'un peut-être meilleur que moi.

 

En bas, je m'arrête en chassant la neige juste devant le moniteur. Il a sa feuille, regarde son chrono, son barème.

- On peut dire que tu sais skier, c'est évident mais tu manques de technicité et de vitesse.

- Pourquoi vous ne m’avez pas dit que la vitesse comptait ?

Il reste la bouche ouverte, je n'aime pas les gens comme ça.

- Tu feras mieux la prochaine fois. Avec un peu d'entraînement et un coach, tu pourrais t'améliorer car tu n'as pas l'air d'avoir peur. Voilà ton chamois. Cabri, car tu manques tout de même de maîtrise.

Je lui serre la main mais une fois qu'il a le dos tourné son papier, j'en fais une boule et dans ma poche, ensuite, il ira à la poubelle.

Sa descente, je vais la faire mille fois mais son cabri, il peut se le carrer où je pense.

Je passe à côté de Richard qui m’interroge.

- Alors ?

- Alors rien. Je remonte.

- Attends, donne-moi le papier.

- Je lui ai laissé.

- Je l'ai vu te le donner.

- Vous avez rêvé.

Il ne semble pas convaincu mais cela m’est égal.

Direction le remonte pente, la bleue c'est trop facile.

Je monte dans la nacelle à côté d'une jeune femme. Je vois qu'elle regarde mon bonnet, seule pièce de mon déguisement que j'aime, c'est celui de l'école. Je lui souris, je me demande quel âge elle me donne ?

Je repère au loin Isa et Maïté, je suis partagé entre rester près de cette jeune femme et rejoindre les grandes. Oh et puis flûtes, les trois prennent leur temps, moi, je veux faire le plus de descentes possibles donc pas envie d'attendre. 

 

Papapa m’attend en bas de la piste.

- Stop, tu enlèves tes skis et tu me suis.

- Déjà ? Je voudrais encore en descendre une ?

- Non, les autres sont déjà partis et ta grand-mère nous attend à la voiture et je ne sais pas où on va mettre tes skis. Tu m'épuises. La prochaine fois si tu veux, je te paierai un cours pour t'améliorer. Cabri cela t'a vexé ?

Je ne réponds pas, donc ils sont allés parler au moniteur et je parie que le cours, ils l'ont déjà réservé et payé.



J'ai pas mes après-ski qui sont restés dans le break donc c'est en chaussettes que je monte dans le cabriolet. Quant à mes skis, ils rentrent pile poil en travers de la voiture, deux centimètres de plus, je restais sur place.




Au chalet, je suis accueilli par Richard qui me félicite.

- Bravo pour ton diplôme.

Il voulait me vexer ? Il a réussi. Il ne semble pas comprendre pourquoi, alors qu'à midi, à table, les grandes se vantaient toutes de leurs chamois. Alors je lui en foutrais de mon "cabri". Je disparais dans ma chambre.

 

A dix-neuf heures, la porte s'ouvre d'un coup :

- bé bé bé le cabri est attendu à table.

Mon livre l'atteint en plein front, elle hurle. Immédiatement je m'en veux et me précipite pour la consoler mais cette pourriture m'accueille d'un coup de genou bien placé. En plus, ne respectant pas la convention de Genève, elle me bourre de coups de poing et de pieds alors que je suis roulé en boule par terre.

 

- Ça va bonhomme? Il y avait tellement longtemps que vous ne vous étiez pas battus, dis donc.

- Elle est folle cette fille.

Richard soupire.

- Vous pourriez réellement être frère et sœur alors. Aller debout et vas enfiler un froc et un pull, et on descend manger.

- Non, je n'ai pas faim.

- Oh, tu me fatigues.

Quand on arrive en bas, je suis torse nu, il a mon tee shirt dans la main et m'empêche de remonter. Il laisse tomber tous mes vêtements au sol et se bat avec moi pour me faire asseoir à table. J'en pleurerais presque. Lui, ça a l'air de l'amuser autant que les autres adultes et surtout Papapa et Mammema.

- Lucette, cela ne te rappelle pas des souvenirs ?

- Oh si Raoul, c'est bien. Au moins maintenant, il se met à ta place.

- Et encore, il a de la chance, il n'en a qu'un, moi, j'en avais deux.

 

Rémy est allé ramasser mes vêtements.

J'arrête de me débattre, je regarde par en-dessous autour de moi. Sylvie et Mammema servent. Richard repousse Gisou qui s'approche.

- Bon, maintenant, tu t'habilles ou je dois le faire ?

Je le regarde avec l'envie de lui tenir tête mais j'y renonce car je me trouve en fait très con, comme ça en caleçon surtout qu'en m'asseyant sur le banc il me l'a presque enlevé. J'enfile mon tee shirt et ma chemise. Il fait trop chaud pour le pull, je le lance sur le canapé. J'enfile mon pantalon, je le remonte en me tournant rapidement pour ne pas montrer mes fesses à tout le monde. Mais hélas !

- A vu tes fesses !

Les filles pouffent et moi je pique un fard et impossible de m'enfuir car j'ai toujours Richard devant moi. Merci Coco !



Je n'attends pas vingt deux heures pour remonter. Quand j'embrasse Véro pour lui dire bonsoir, je m'excuse.

- Désolé pour le livre, mauvais réflexe.

- Bin moi, je ne regrette rien, ça défoule.

Je la hais !





14 avril 2010

Robert dimanche 11 Mai 1976 réunion de famille 5

Robert dimanche 11 Mai 1976 réunion de famille 5



Lorsque j’arrive dans la salle à manger en portant Coco, je me fais accueillir par un :

- Alors les petites vous avez bien dormi ?

Je jette un regard noir à Papapa et retourne me coucher. Non je n’ai pas bien dormi, Fanfan a passé la nuit à me bourrer de coups de pieds et quand j’ai voulu mettre Coco entre nous, cette dernière s'est mise à hurler réveillant toute la maison et je me suis fait pourrir par Richard.

Du coup ce matin, j'avoue que je n'ai pas envie de rigoler.

Mais c’est traîné par un bras par Richard que je reviens dans la salle à manger.

Heureusement pour eux, ce qu’il y a sur la table me réconcilie avec la vie. Par contre comme je n’ai toujours pas de fringue, je finis avec un pantalon de Papapa où je rentre dix fois resserré par une de ses ceintures et le tee shirt de Rémy que je refuse de quitter car il y a le sigle de la marine nationale dessus et un dessin avec associés plusieurs sortes de navires. Mes chaussures elles, ont séché alors je ne suis plus pieds nus, sinon j’aurais mis une paire de baskets de Papapa qui met la même pointure que moi, du quarante, je crois. Mammema me dit que c’est abusé les grands pieds que j’ai pour ma taille. Ça me vexe un peu j’avoue, sur le coup je me vois avec des pieds de clown nain.



Même en étant partis à huit heures de Paris, nous arrivons après dix-neuf heures sur Aix car nous nous sommes souvent arrêtés. 

Les filles m’ont fichu une paix royale que j’ai fortement appréciée.

Même les parents ne sont pas comme d’habitude.

Pas de discussions stériles, pas de chansons. Heureusement d’ailleurs car ça m'a évité de me retaper celle que Isa et Véro chantent en boucle. Et à chaque arrêt, ils ont changé de conducteur, alors que les autres fois, celui qui avait le volant refusait de le lâcher.

Quant à moi, j’ai hâte de me remettre en uniforme, de retrouver Claude et de ne plus voir Véro et Isa !






3 septembre 2010

Robert vendredi 10 Décembre 1976 portefeuille 2

Robert vendredi 10 Décembre 1976 portefeuille 2



Lors du salut au drapeau, sous une pluie battante nous pouvons voir que la foudre a frappé le mât et avec Marion, nous échangeons un regard. Nous l'avons échappé belle.

A dix heures, une fois de plus, je me retrouve devant le bureau de Richard mais cette fois, pour moi ,j'en suis sûr, c'est la dernière.

Monsieur Cohen vient confirmer devant moi, où son fils a trouvé mon portefeuille que j'ai dû poser sur le bureau devant moi et Richard le prend pour l'inspecter et le garde en main lorsque, enfin seuls tous les deux, il vient s'asseoir devant moi, sur son bureau.

- Il y manque quelque chose ?

- Oui mon Colonel. De l'argent et une photo.

- Où étais-tu, hier soir ?

- À la piscine mon colonel, monsieur Jolliot pourra vous le confirmer, il m'a donné des cours de plongeon. Et nous n'en sommes partis qu'à la sonnerie du repas.

Il m'expédie en classe où j'ai du mal à suivre.

Il a gardé mon portefeuille.

Les collègues essaient de me remonter le moral, me disant de ne pas m'inquiéter. Mais je n'y arrive pas.

C'est le caporal Lorient à midi, à l’entrée de la cantine qui me rend mon bien.

- Tiens ! ça t'appartient, je crois. Tu as un nom en tête ?

Marion qui me suit, répond à ma place.

- Gâche, je suis sûr pour le faire virer.

- Garrot vos accusations sont graves même si je serais plutôt enclin à penser comme vous. Mais là, il a loupé son coup car Monsieur Jolliot a confirmé votre présence à la piscine. Mais toi, tu as intérêt à te tenir à carreau.

Tout semble être rentré dans l'ordre.

Mais une fois couché, je passe des heures à essayer de me souvenir du visage de Caths. Le pire c'est qu'avec ma mémoire, cela n'aurait pas du me causer de soucis mais je suis strictement incapable de me remémorer ses traits et durant quelques jours, je m'endors en mouillant mon oreiller.

4 octobre 2010

Robert jeudi 10 février 1977 16 ans

Robert jeudi 10 février 1977 16 ans

 

Ce matin à mon réveil, sur mon bureau, il y a un paquet enveloppé de papier kraft.

Oh merde c'est vrai, c'est mon anniversaire.

- Aller ouvre-le, on s'en fout de la douche. Viens, je t'aide !

Je tente de le tenir hors de portée de Marion mais c'est mission impossible. 

Lorsque le papier craque, une boîte à biscuits en fer blanc tombe sur le sol dans un fracas épouvantable, libérant plusieurs dizaines d'araignées et autres insectes en gomme de sucre brillante. 

On se dépêche de tous les ramasser puis de nous habiller car nous sommes déjà en retard. Mais avant de partir, je mets une des araignées en bouche, une bien rouge.

J'ai du mal à crier lors du passage du sixième et c'est peu compréhensible, je fais semblant d'avoir une énorme quinte de toux ensuite. Richard fronce les sourcils mais dès que Gâche a le dos tourné, je fais doucement sortir les pattes de l'araignée entre mes lèvres et je vois alors Richard sourire et lui-même a d'un coup, une quinte de toux.

 

A la récréation, je passe à son bureau.

- Bonjour Madame Dionis. Le colonel est-il là ?

Elle me sourit et me fait signe d’entrer.

- Oui entre, il t'attend et bon anniversaire.

- Merci.



Il est assis derrière son bureau et semble content de me voir.

- Alors tu n'as pas eu trop peur ce matin ?

Je prends un air terrifié qui l’amuse.

- Oh si terriblement ! Mais je vais me venger en les dévorant toutes.

- Tu passeras ce soir à la maison, dire merci à Gisou, c'est elle qui les a cherchées et attrapées.

Je fais semblant d’être impressionné.

- Quel courage !

Nous nous mettons à rire tous les deux. La sonnerie de fin de récré retentit. Il se lève.

- Je t'accompagne, faut que j'aille voir Firmin.

 

C'est amusant car toute la journée, je me suis senti différent alors que non, je suis strictement pareil qu'hier.

 

A dix-huit heures, après les cours, au lieu d'aller jusqu'à la piscine, je m'arrête à l'immeuble du colon.

Au troisième, c'est Yvy qui m'ouvre.

- Bon anniversaire ! Tu as amené les bonbons ?

Je fais semblant d’être surpris.

- Heu, non, j'aurais dû ? Merde, je suis désolé, je n'y ai pas pensé.

Yvy malgré tout avec Coco et Fanfan s’est suspendu à mon cou pour me faire des bisous que je leur rends volontiers. Par contre derrière, il y en a une que ça énerve énormément.

- Vous voyez ce que je vous avais dit : il ne pense qu'à lui.

Gisou écarte Isabelle puis les petites pour pouvoir m’embrasser à son tour en jetant à Véro, un regard moqueur.

- Véronique en même temps, ces bonbons sont pour lui, il en fait ce qu'il veut.

Réponse qui ne la satisfait pas.

- Mais maman, à nous, tu ne nous offres pas de bonbons. Ce n'est pas juste !

En riant, j’enfonce le clou.

- En tout cas, je peux te dire qu'ils sont très bons.

Je dois bloquer les mains de Véro qui veut me taper, ainsi que son genoux Du coup, lui tenant les mains, je la retourne et la tiens, dos contre moi et je m'aperçois avec un très grand plaisir que la maintenir est devenu pour moi très facile.

Gisou nous sépare.

- Vous allez vous arrêter tous les deux un jour ? Vous êtes épuisants. Et toi, d'avoir un an de plus, cela ne te rend pas plus intelligent. Je vais téléphoner à Richard pour voir s'il peut venir ou si tu souffles tes bougies sans lui.

Justement la porte s’ouvre derrière moi.

- Non, je suis là ! Faut bien que je sois là pour l'empêcher de se disputer avec l'autre peste. dit-il en fusillant Véro du regard.

- Je suis pas une peste, dit-elle en tapant du pied et en croisant les bras devant sa poitrine.

Sa mimique me donne envie de rire. Alors je sors un insecte de ma poche sans lui montrer.

- Mais non, t'es pas une peste, c'est moi qui suis un emmerdeur. Ouvre la bouche.

Au lieu de le faire, elle me fixe avec méfiance.

- Pourquoi j'ouvrirais la bouche ?

Coco sur la pointe des pieds, se met devant elle et ouvre grand la bouche. Je lui glisse alors une énorme araignée dans la bouche.

- Voilà pourquoi : j'en avais emmené qu'une hélas. Mais devant sa tête de plus en plus énervée, j'éclate de rire. Purée Véro, t’es trop drôle quand tu t'énerves comme ça, mais t'es aussi trop bête ! Tiens ! J'en ai une pour chacun même pour lui mais à y réfléchir, je ne sais pas s'il la mérite. Richard fait mine de me frapper puis de m'attraper mais je me réfugie derrière Gisou, à qui j'en donne deux. Tu peux lui donner la sienne s’il te plaît. J'ai trop peur de lui.

Elle les prend en le regardant.

- Ah non, alors. Il est déjà assez gros comme ça, je garde les deux pour moi.

Là, nous nous mettons tous à rire car imitant Véro, il tape du pied et croise les bras.

- C'est pas juste !

Alors Fanfan lui tend la sienne à qui il manque déjà deux pattes.

- Tiens Papa, moi, je te donne la mienne.

- Oh ma Françoise, t'es un amour. Je t'aime ma poussinette, mais tu sais, si je veux une araignée, cette nuit, il suffira que j'aille reprendre la boîte dans la chambre de cet affreux.

Je joue l’offusqué sachant pertinemment qu’il ne le fera pas.

- Hé non, t'as pas le droit. Bon, maintenant, ce soir, pas sûr qu'il en reste.

Gisou donne les deux araignées à Richard puis un bras autour de ma taille, l’autre me tenant un bras, elle m’emmène jusque dans la cuisine où sur la table, je découvre un gâteau rectangulaire avec dessus, dessinée, une sorte de piste d’atterrissage avec quatre petits avions en plastique bleu, posés dessus.

- Oh purée, mon avion fois quatre.

Gisou s’étonne.

- Ton avion ?

J’explique : 

- Oui quand j'avais quatre ou cinq ans, je suis allé jouer avec Caths dans le bac à sable de l'hôtel et j'y ai trouvé un petit avion en plastique comme ceux-là, mais il était rouge. Je le cachais sous mon matelas car mon père disait que je l'avais volé. Pourrais-je les récupérer ?

- Bien sûr, mais le gâteau te plaît-il ?

- Oh oui Gisou, il est trop beau et il doit être trop bon.

Je l'embrasse puis souffle les bougies et pour rire pousse la tête de Coco qui se retrouve le nez dans le gâteau. Elle commence par vouloir se mettre à pleurer puis se met à rire et frotte son visage contre moi, qui me recule trop tard.

- Non Coco, mon pantalon. Les filles se mettent à rire. Hé, ce n'est pas drôle du tout.

Richard me tape sur l’épaule.

- Oh si garçon, tu es l'arroseur arrosé. Fallait pas commencer.

En attendant je suis furax.

- Ouais, mais moi, je dois tenir avec ce froc jusqu'à samedi. Et samedi, je voulais sortir avec les copains et aller en ville avec un pantalon tâché, surtout à cet endroit, c'est franchement pas cool.

Gisou me fait me tourner vers elle.

- Attends, je vais te nettoyer ça. Enlève le, tu le remettras en partant.

Je refuse offusqué, cherchant un torchon pour m’essuyer moi-même.

- Heu non. 

Ça l'amuse.

- Oh la la, fais pas tout ce cinéma, comme si au chalet tu ne te baladais pas en slip tout le temps.

Qu’est-ce qu’elle raconte ? Même pas vrai !

- Non, pas tout le temps.

- Oh tu m'agaces, enlève tes mains. Tous nos actes ont des conséquences mon petit. Puis se tournant vers les filles. Et vous, vous n'avez pas un gâteau à servir ?

Débarrassé de mon pantalon, je m'assieds pour manger.

 

Quand je repars, mon pantalon sent super bon et il est tout chaud car Gisou l'a séché au sèche-cheveux.




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12 octobre 2010

Robert Samedi 19 février 1977 deux hispaniques

  Robert Samedi 19 février 1977 deux hispaniques



Sept heures !

En bas les parents sont bien silencieux.

Je déjeune puis je vais fouiller dans les livres du placard.

Déception, j’ai tout lu.

- Papapa, il y en a ailleurs des livres ?

Je me retourne vers Gisou qui me répond à sa place.

- Des livres pour enfant, oui.

Je me tourne pour la regarder incrédule. Elle se fout de moi ? On ne dirait pas.

- Non merci. Gisou, je peux aller prendre ceux sous ta table de chevet ?

Elle continue à coudre sans me calculer plus que ça.

- Oui, un après l’autre. Mais tu viens me montrer à chaque fois celui que tu prends.

Yes !

- D’accord. Les escaliers sont vite avalés. Par contre avec les quatre livres que contient le petit meuble, j’irai pas loin. Et dans celle de Richard, un seul. Et le marque page, m’indique qu’il en est à la moitié. Pourtant lui je l’aurais bien lu. Cinq minutes plus tard, je redescends avec deux livres. Gisou je commence par lequel ?

- Houlà, tu es sûr que tu veux les lire ?

Elle a l’air surprise en voyant les deux livres posés sur ses genoux.

- Oui, pourquoi ?

Moi, je lis tout, à partir du moment où c’est écrit…

- Alors celui-là, tu l’auras lu en une heure. Et celui-là par contre, je pense qu’il risque de te rebuter.

- Pourquoi ? C'est quel genre ?

- Beaucoup de descriptions et des phrases tarabiscotées.

Cool ! Comme ça mon cerveau se mettra peut-être sur off, pendant ce temps.

- OK ! alors je commence par lui.

Et sautant par-dessus le dossier du canapé, j’atterris à plat dos dessus, suivi d’un craquement sinistre.

- Robert, tu le casses, tu nous en achètes un autre.

- Oui, Papapa.

Sais pas avec quel sous mais oui, si je casse, je remplace.

 

Vers neuf heures, les filles descendent l’une après l’autre déjeuner.

Coco qu’Isabelle suit de près, me saute sur le ventre..

- Coco, aïeeee, tu fais mal.

Isabelle me passe la main dans les cheveux, amusée. 

- Bonjour petit être fragile.

Pfffff ! n’importe quoi ! Et vire ta main pleine de doigts !

- Isabelle, je ne suis pas fragile, j’ai juste une partie de mon individu qui est sensible.

Elle se met à rire.

- Oui c’est bien ce que je dis : petit être fragile.

Pfff m’énerve. Coco se couche sur moi, soulevant mon livre.

- Coco, pousse-toi, je ne peux plus lire.

Aucune réaction de sa part.

- Maman bibi.

Elle me gonfle, pourquoi toujours sur moi ? Mammema au moins l’a compris.

- Corinne, regarde Papy dans son fauteuil, va le boire avec lui.

La petite prend son biberon mais ne semble pas d’accord pour bouger.

- Non ! Merci mamie.

La grand-mère tente encore.

- Corinne, descend de là.

Mais la gosse n’est pas d’accord.

- Non, je veux rester avec lui.

Je soupire et, posant mon livre au sol, nous installe mieux.

- Bon alors mets-toi comme ça, tu me serviras d’appui livre. Et maintenant mets ta main là.

La tête surélevée par une pile de coussins, les jambes pliées et les pieds nus bien à plat, mes cuisses servent de dossier à Coco qui, jambes repliées, m’offre ses tibias et ses pieds comme repose livre, sa main gauche me tenant le livre ouvert. La droite tenant son biberon reposant sur le haut et le centre de la couverture du livre.

Je lis, plus rien n’existe autour de moi.

Les coussins sous ma tête disparaissent et le bruit qu’elle fait en percutant le bois du dossier est celui d’une noix de coco qui explose.

- Aie !

La surprise me fait étendre les jambes, Coco roule dans le vide sans lâcher le biberon, je vire le livre pour la suivre et atténuer sa chute en l’entourant de mes bras. Je retombe au-dessus d’elle, sur les genoux et les coudes.

Papapa se précipite.

Je me relève en me mettant sur la pointe des pieds et les poings puis debout.

Coco se bouche le nez.

- Dis que je pue. Et cette garce qui opine de la tête. Je reprends mes livres et, fâché, me frottant la tête, je décide de remonter. La prochaine fois, je te laisserai tomber.

 

Cinq minutes plus tard, je redescends.

- Gisou, je remets ton livre à sa place. Papapa on ira cet après-midi ?

- Où donc garçon ?

C’est Richard qui répond.

- Non, monsieur le voltigeur, vous vous rappelez que vous êtes interdit de vol, jusqu’à ce que je décide du contraire.

J’ai alors presque le geste de Véro de taper du pied mais me retiens.

- Mais j’ai su gérer.

Il me regarde.

- Et ?

Je soupire.

- Non, rien. Je retourne vers les escaliers. Mais c’est pas juste.

Je le vois sourire.



Après le repas de midi, Sylvie et Gisou veulent nous emmener visiter Chambéry, en ne prenant qu'un seul des deux breaks.

Je ne veux d'abord pas venir mais Richard me fait comprendre sans un seul mot prononcé, que je ne peux déroger à la corvée.

 

Nous entasser tous dans la voiture est déjà un exploit. Les jumelles, Isa et Véro s'installent totalement à l'arrière avec Coco. Mathilde, Justine et moi prenons place sur la première banquette avec Fanfan sur mes genoux, Yvy sur ceux de Justine et Marine dans les bras de sa sœur. Heureusement, nous ne voyons pas de Schtroumpfs sur le chemin sinon nous aurions été bons pour rentrer à pied !

 

Ce que les mutter ne savent pas : c'est que la ville fête carnaval ce jour-là, enfin, moi je l'ignorais. Nous profitons donc du défilé.

Je prends Coco sur les épaules pour qu'elle ne se fasse pas marcher dessus dans cette cohue. Gisou passe son temps à nous photographier ainsi que des enfants qu'elle trouve bien déguisés.

Les trois emmerdeuses, elles, passent leur temps à me comparer aux mannequins des chars. Je suis donc entre autre chose : un singe ( king-Kong apparemment. ) un troll ou un truc semblable, un skieur bedonnant puis le bonhomme carnaval lui-même.

Fanfan accrochée à ma main, me rassure.

- Mais non, tu es beaucoup plus beau.

Qu'est-ce que j'aurais été bien au chalet, tranquille pour une fois avec un bouquin !

Justine, elle, ne dit rien portant Marine à part égale avec les jumelles. Elles essaient plusieurs fois de me la refiler mais je préfère encore porter aussi la Fanfan qui traîne des pieds.

Dans la rue où nous sommes garés, j'ai repéré une armurerie et après avoir posé les deux petites, je m'éloigne pour y jeter un œil.

Ce qui a attiré mon regard, c'est un superbe P90. Bien sûr, il ne tire que des billes mais il ressemble trop au vrai. Je le verrai bien suspendu au mur de ma chambre. Tout comme ces deux sabres de samouraï.

Cela me donne aussi, l'occasion de renseigner deux jolies hispaniques qui se sont perdues. Malheureusement l'espagnol ne fait pas partie des langues que je parle. Heureusement l'anglais nous sort de ce faux pas et je peux plus ou moins les remettre dans la bonne direction.

Mais ma brève escapade consistant à traverser une rue déserte, me vaut un sermon de deux heures de Gisou que j’écoute en soufflant.

- Mais, je n’ai fait que traverser la rue.

- Nous verrons ce qu’en dira ton père.

Je marmonne.

- Ce n’est pas mon père.

Déjà tournée, elle se retourne vers moi.

- Qu’as-tu dit ?

Je monte dans la voiture.

- C’est pas juste !



Pour le voyage de retour, j'ai le malheur de m'asseoir à nouveau entre Mathilde et Justine.

Nous n'avons pas démarré depuis cinq minutes que Véro, assise juste derrière moi, estime que je n'ai pas à dormir mais à répondre à ses questions au sujet des deux touristes, et me colle deux claques simultanées qui résonnent dans toute la berline. Là, c'en est trop ! Balançant Fanfan sur les genoux de Justine surprise et accessoirement sur Yvette, je me retourne et à genoux tente à mon tour de lui en coller au moins une. Mais toutes les filles s'interposent évidemment.

Le fait que Gisou gare la voiture puis descend et ouvre notre portière côté route, me et nous calme instantanément.

- Dehors, toi et Véro ! Je ne vous supporte plus, vous rentrez à pied, cela vous calmera !

A peine sommes-nous sortis qu'elle redémarre. Nous laissant comme deux imbéciles au milieu de la chaussée.

Véro me fixe.

- On fait quoi maintenant ?

Tremble-t-elle de froid ou de peur ?

- Rien ! Nous attendons. Elle reviendra nous chercher.

Mais elle n’a pas l’air convaincu et commence à marcher. Je la suis, pas du tout, du même avis.

- Tu crois ? Ce n'est pas le genre de la maison.

Je  la fait stopper et se retourner vers moi.

- Hum... Disons qu'il va faire nuit dans moins d'une demi-heure, que tu n'as pas ton blouson et que ta mère t'aime. Donc elle reviendra. Allons nous installer à l’abri pour les attendre .

La route est bordée de chaque côté, par un talus de terre d'un mètre de haut environ, nous nous asseyons dessus. Me mettant au-dessus d'elle, elle s'assoit entre mes jambes, au chaud contre moi, à l'abri de mon blouson. Je l'entoure aussi de mes bras.

Elle a les cheveux lâchés et j'enfouis mon visage dedans, ils sentent bon.

Au début, je la sens trembler puis se calmer, n’a-t-elle plus froid ou peur, je n'ose pas lui demander.

D'elle-même, elle se colle d'avantage contre moi levant un visage souriant vers moi.

- Tu es tout chaud. On est bien là tous les deux, finalement.

 

- Bonjour les enfants. Je peux vous déposer quelque part ?

La quinquagénaire coiffée à la mode des années cinquante, dans sa 204 blanche, s’est arrêtée devant nous et l’ado qui doit avoir notre âge mais dont je ne saurais dire si c’est un garçon ou une fille, assis à côté d’elle, l’a laissé ouvrir sa vitre en soupirant mais en l’aidant d’aucune manière et nous jette un regard épuisé qui m’amuse.

Je laisse Véro répondre. 

- Non, non, merci, nous attendons nos parents.

 

Il y a pas mal de circulation. Mais peu de voitures s'arrêtent. Après la quinqua, un couple de personnes âgées. Par contre lorsque des camionnettes blanches passent devant nous, j’suis pas serein mais je me dis qu’on est deux et que je ne fais plus “petit garçon”.

 

Gisou met vingt minutes pour revenir, je l'aurais bien attendue d'avantage mais le soleil a déjà disparu derrière les hauts pics enneigés et on commence à être gelés tous les deux. 

Elle ne descend pas de la voiture. Mais nous y entrons comme nous en sommes sortis, mais poussant Justine, je garde Véro contre moi, un bras autour de ses épaules.

 Fanfan revient sur mes genoux mais Véro reste collée à moi la tête sur mon épaule, jusqu'au chalet.

Ce trajet est très silencieux.

Justine nous glisse juste à l'oreille que Gisou s'est arrêtée à une cabine téléphonique avant de faire demi-tour pour venir nous reprendre. Cela ne me surprend pas et me fait sourire.

Richard et Rémy nous accueillent en jouant les surpris.

- Eh ! Ils sont là, eux aussi ?

En passant entre eux pour pénétrer dans le chalet, je ne peux m’empêcher de blaguer aussi à ma façon et leurs sourires disparaissent.

- Comme si vous ne vous en doutiez pas ? En tout cas, plusieurs fois des camionnettes blanches sont passées… et j’étais content d’avoir mon opinel sur moi.

Par contre Gisou me fixe, songeuse et ennuyée. J'ai envie lui demander à quoi elle pense, mais laisse tomber car Véro et Justine m'entraînent déjà me tenant par la main, à l'intérieur.

7 décembre 2010

Robert jeudi 30 juin 1977 remise de prix

Robert jeudi 30 juin 1977 remise de prix



Cette année, je n'ai pas de bol, je suis de corvée nettoyage extérieur. A moi, le balai et le râteau sous un cagnard d'enfer.

Il est prévu plus de quarante à l'ombre cet aprem et donc la distribution des prix se fera en intérieur dans l'auditorium et en soirée.

 

Après le repas de midi, ils nous font descendre dans la grande cour en short et tee shirt pour nous faire mettre en rang.

- Et les mecs, pourquoi il y a les pompiers ?

Nevière se met à rire.

- Ils viennent inspecter nos systèmes anti-feu.

LHiver nous montre les lances déroulées au sol.

- On a toujours eu ces tuyaux dans l'école ?

Je le corrige très docte.

- Ce ne sont pas des tuyaux mais des lances à incendie.

Andréani rigole.

- On en a tous une.

Xavier sourit en levant les yeux au ciel.



Quand Lorient passe en courant devant nous, je l'apostrophe.

- Mon caporal, il est où l'incendie ?

- C'est vous !

Il a, à peine terminé de parler que des quatre coins de la cour les lances tenues par deux pompiers se sont mises en route et nous arrosent.

De deux cent quatre vingt bouches sortent des cris, autant d'amusement que de surprise ou même de douleur.

En face de nous, vingt soldats du feu.

J'entends alors Gâche et Richard crier.

- Hardi les gars, vous n’allez pas vous laisser faire. A l'attaque !

Avec les autres, nous nous précipitons vers nos assaillants. Bientôt les plus petits volent sous le puissance des jets d'eau pourtant pas à leur maximum.

- On se dispatche, on se mélange, les plus grands avec les petits, donnez-vous la main !

Je rejoins les cinquième et en grappe humaine, nous faisons front.

A un moment donné, pour reprendre mon souffle, je tourne le dos au jet et lève les yeux. Sur le balcon, il y a des spectatrices rousses mais pas uniquement.

Il y a 10 lances, nous avons formé des groupes de trente. Avec un troisième, un seconde, deux terminales et deux premières plus grands que moi, et des petits, nous conquérons notre lance. Mais au lieu de l'éteindre comme ils nous en ont donné l'ordre, j'ai envie de m'amuser.

Qu'est-ce qu'on risque, demain c'est les vacances.

- Les mecs à trois on vise le balcon là-haut puis le staff.

Pour ça, on va devoir aider un autre groupe à conquérir une lance mieux placée. On s'y précipite et un autre groupe de vieux nous rejoint et nous éloignons les plus petits. En fait on conquiert deux lances intéressantes.

Je crie.

- Retour de feu !

Et en un seul mouvement, le balcon puis tout le staff : strasse et rats, se trouvent arrosés.

Mais nous ne nous attendions pas à leur réaction. Les miloufs se précipitent vers nous de suite suivis par les profs. Les pompiers reprennent alors possession de leurs lances et le groupe d'élèves rebelles que nous sommes, nous nous retrouvons regroupés et bientôt sous des jets puissants qui nous font demander grâce.

Les lances éteintes, nous disparaissons tous dans nos chambres pour nous habiller pour le soir.



Dix-huit heures, en rang les élèves regardent les familles traverser la cour pour se diriger vers le bâtiment de l'auditorium.

Avec ceux de ma classe, je suis de corvée pour les accueillir et leur distribuer la feuille d'accueil.

Le colon et Gâche sous le grand portail nous surveillent. Grande tenue et gants blancs, nous devons rester "dignes". C'est moi qui accueille les parents de Claude. Je vouvoie Anaïs et lui remet sa feuille, très protocolairement, refusant tout rapprochement corporel et son père la retient.

Peu de temps après, je vois arriver Gisou avec la troupe de filles qui était sur le balcon. Comme elles se dirigent vers moi, je propose à un couple dont l'homme est en tenue d'officier de la Légion de les accompagner jusqu'à l'auditorium. Au retour, je vais pour me retrouver face à elles quand Gâche m'intercepte pour aller aider Caprais. Je l'en bénis.

Bientôt, Monsieur Cohen nous renvoie car le flux se tarit et nous reformons les rangs et c'est Richard qui nous passe en revue et donne l'ordre de marche. Entre nous soit dit, je plains les plus jeunes qui sont restés en rang plus d'une heure sous le cagnard avec juste une distribution d'eau et d'une petite tablette de chocolat. 

Bon, le chocolat, ça, par contre je n'aurais pas dit non.

Les classes, une par une, entrent par l'allée centrale.

Elles passent ainsi au milieu des familles assises.

Devant la scène, elles se scindent en deux et disparaissent en coulisse où ils les ont tous fait s'asseoir par terre sauf les sixièmes.

Mais pour nous pas de coulisses.

Arrivés au pied de la scène, je me retourne, m'immobilise et les autres se scindent en deux s'alignant de chaque côté de moi dos à la scène.

Synchrones, regardant devant nous, nous passons nos calots sous notre ceinture puis gueulons :" Chic à Aix !"

Nous sommes applaudis mais derrière, nous entendons les pas de Gâche et Richard.

- Bienvenue à vous tous.

Les sixièmes arrivent accompagnés de leurs professeurs et s’alignent au fond de la scène pour recevoir leurs diplômes et leurs récompenses.

Puis les cinquièmes, les quatrièmes, et cetera.

Purée qu’est-ce qu’il fait chaud. Pourtant la clim tourne à fond mais nous sommes juste sous les projos. Je sens la sueur couler sur mon visage et dans ma chemise sous ma veste.

J'ai soif, contrairement aux petits nous n’avons ni bu ni mangé. J'entends Nguyen chuchoter :

- Me sens pas bien.

Au troisième rang , Gisou me sourit, elle tient une bouteille d'eau à la main.

Tant pis, je me ferai punir, mais c'est un cas de force majeure. En trois pas, je suis sur elle, lui arrache presque des mains la bouteille et la donne à Jacques qui, surpris, hésite puis la vide.

- Bois !

Richard s'est retourné, invité par un professeur à regarder vers le public. 

Il s'approche du bord, il me regarde sévère puis son visage passe par plusieurs expressions.

- Vas en cuisine avec Nevière chercher des bouteilles d'eau. Mais il n'a pas fini sa phrase que plusieurs parents se sont déjà levés et nous nous retrouvons tous avec une bouteille en main. Allez derrière, rejoindre les autres.

Nous disparaissons donc nous aussi en coulisse où nous sommes accueillis par Madame Lang qui nous fait enlever nos vestes et même, pour certains d'entre nous, coucher au sol.

Mais c'est très vite notre tour.

Le poil sec et l’œil vif, nous faisons une entrée acclamée.

Richard et Gâche tournent tous les deux le dos à la salle et on peut voir qu'ils sont à la limite de rire.

Peuvent se moquer, tiens !

- Et pour finir, les héros du jour qui, ce soir, nous quitteront définitivement pour s'envoler vers d'autres cieux à l'image de Despéro et Weissenbacher qui sont acceptés à l'école de l'air de Salon. Garrot, D'Aureillan, et Echevarria iront eux à Saint Cyr...

Je n'écoute pas la suite, le soleil et la chaleur n'ont pas eu raison de moi, par contre cette annonce oui. Tout le mois Richard m'a dit et répété : " Réfléchis bien où tu voudras aller l'année prochaine."

J'ai une sorte de sifflement dans les oreilles, devant moi, tout devient flou et j'ai l'impression que mes jambes ne me portent plus.

Je prends une claque puis deux, celle-là est efficace, je tends les mains pour me protéger de la suivante.Gâche et Richard me soulèvent par un bras pour me remettre sur pieds.

- Ça va où tu sors ?

Je lui fais un salut des plus raides.

- Bon pour le service mon colonel.

Il s'éloigne et continue. Moi, je suis rouge. Mais de honte car là-bas, les filles se foutent de moi. Bon, elles n'ont pas tort.

Je suis le dernier à recevoir mes livres et mon diplôme.

Enfin Richard m'appelle en tant que major exaequo avec Nevière.

- Encore ! Alors tu ne t'es pas amélioré en sport ?

- Si mon colonel mais je ne serai jamais aussi bon que lui sur beaucoup d'autres points.

Nous sortons, je laisse mes livres à Marion puis je retourne sur scène avec Nevière et les autres majors.

Cette fois c'est Nevière qui reçoit la fourragère dorée et comme l'an passé, Richard lui fait remettre par le major des sixièmes. Mais Xavier lui, met un genou au sol devant le gamin et Lorient rapporte en souriant son tabouret en coulisse.

 

Ce n'est que lorsque la scène est, cette fois envahie par tous les autres élèves que nous lançons tous notre calot en l'air en gueulant.

Puis les majors vont offrir à Richard et à Gâche une boîte de cigare de la Havane offertes par un parent d'élève. Je sais que cette boîte finira à Paris chez Papapa.

Moi, je récupère des mains de Gisou, un gros bouquet de fleurs que j'offre à Madame Lang qui s'est faite amenée des coulisses tirée et poussée par toute une troupe d'élèves.

- Pour vous remercier d'être toujours là avec votre infini patience devant nos états d'âmes et nos petits bobos.

Elle m'embrasse et me chuchote : "Toi, je te regretterai".

 

Nous devons maintenant tous retourner dans nos chambres, mais avant... Ceux qui ont leur famille et qui ont reçu des prix vont les leur confier. Je fais de même avec Gisou. Qui m’accueille inquiète.

- Et alors, qu'est-ce qui t'est arrivé ? Ça va mieux maintenant ?

Je danse d'un pied sur l'autre, pas très à l'aise.

- Pourquoi il ne me l'a pas dit plus tôt pour Salon ?

Gisou sourit amusée.

- Oh c'est pour ça ?

- Pas seulement, je pense.

Richard entre deux familles vient nous rejoindre et me serre contre lui et me dépose un baiser sur le front. Je sens le regard de tous les autres élèves. Il dépose un smack à Gisou et ébouriffe Véro qui râle, sans me lâcher. Il rend officiel ma version.

- File ranger et vider ta chambre. Ce soir, tu dors à la maison.

Je le regarde s'éloigner vers une autre famille puis abandonne Gisou pour rejoindre mes camarades.

- Hé c'était vrai ? C'est ton père ?

- Je ne suis pas un menteur.

- Pourquoi tu ne portes pas son nom ?

- Parce qu’il ne m’a pas reconnu.

Un mec me tire en arrière, je loupe une marche et atterris dans ses bras.

- Tu vas me manquer ma petite femme.

Je me débats pour qu'il me lâche.

- Pas moi !

Autour de nous, ils se marrent tous.

 

En fait nos chambres sont déjà finies, nous n'avons plus qu'à réussir à faire entrer dans le gros sac blanc, tout l'uniforme que nous portons sur le dos. Puis en civil, le descendre à Madame Calliop.

- Hé, pourquoi tu passes par cet escalier ?

Plusieurs mecs me regardent me diriger vers l'escalier central.

- Comme ça, j'aiderai des plus petits à porter leur sac qu'ils n'auront pas à traîner.

Nevière passe devant moi.

- Bravo mec, bonne idée.

Venant de lui, je me sens flatté.

 

En passant par les deux étages suivants, nous passons le mot, aux Sup et aux terminales.

Gâche et Caprais, d'abord surpris, nous regardent passer en nous tapant sur l'épaule. Eux aussi, ont l'air heureux et fiers.

Je balance mon sac sur la banque devant Madame Calliop qui me donne un papier à signer.

- Toi, tu nous auras donné du boulot.

- Désolé.

- Ne le sois pas, j'ai eu le plaisir d'assister à la métamorphose d'une chenille en papillon.

Je la regarde gêné.

- Alors ce sac ne peut pas être le tien. Et elle me montre un tout petit slip.

- Ah zut, je me suis trompé de sac, celui-là, c'est le sien.

Je soulève le sixième à côté de moi, et l'assieds sur la banque. Le sourire de Madame Calliop s'est agrandi. Je lui donne ensuite mon propre sac et pars avec mon papier. Dehors je vais le donner à Gisou.

- On te laisse la porte de la cave ouverte, nous rentrons.

Je fais oui de la tête puis ajoute.

- Tu sais que j'ai la clef ?

- Mais alors tu me faisais descendre pour rien ?

Je me mets à rire.

- Bah le sport c'est bon pour la santé.

Elle n’a pas l’air fâchée.

- Oh toi !

Mais je suis déjà en train de remonter.

A l'étage, on s'échange des adresses. Des promesses de se revoir. Il y a des larmes, certains se connaissent et se côtoient depuis dix ans.

 

La porte de la chambre se ferme derrière Garrot, je le regarde s'approcher de moi, suspicieux.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Je recule jusqu'à être acculé contre son armoire.

- Juste te dire un au-revoir. Pas un adieu car je sais qu'on se reverra forcément un jour.

Je lui tends la main qu'il saisit mais trente secondes plus tard, il m'embrasse, mais pas comme on s'y attendrait d'un simple copain. Je suis tellement saisi que je ne réagis pas et le laisse faire.

Quand il arrête, il se recule et me regarde avec un sourire triste. Prend sa grosse valise et sort de la chambre sans un mot.

Moi, je ne bouge pas.

 

En face de moi Claude me regarde, il est devant notre porte, sa valise derrière lui.

- Viens me dire au-revoir l'abruti.

- Pas comme lui ?

- Quoi ?

- Je viens de me faire violer la bouche par Marion.

- Oh ! T'avais toujours pas compris ? Non, t'inquiète. Pour moi, t'es juste un petit con que j'aurais bien aimé avoir pour petit frère. On se serre la main puis une accolade. Passe nous voir à Bordeaux, les parents t'accueilleront volontiers et la frangine aussi. Il se met à rire. Surtout elle !

Cette fois nous rions ensemble. Je lui tape sur l’épaule.

- Tiens, d'ailleurs. Je t'accompagne.

 

Monsieur et Madame D'Aureilhan me reformulent la même invitation que Claude. Je suis maintenant plus grand qu'Anaïs que je serre contre moi et lui chuchote :

- La prochaine fois que l'on se verra, je t'offrirai un cadeau et on s'en servira.

Elle se met à rire et chantonne : "paroles, paroles... "

Clause se met à rire aussi et me tape sur l'épaule.

- A la revoyure !




Je suis seul à l'étage.

Je passe dans toutes les chambres pour vérifier que rien n'a été oublié. J'éteins des lumières. Dans les douches, une serviette de l'école finit dans mon sac, je la porterai à Madame Calliop un autre jour.

Enfin. En dernier. C'est la lumière de mon bureau que j'éteins. J'ai du mal à partir. Une nouvelle partie de ma vie se termine.

Je vais la regretter.

J'angoisse pour celle qui va commencer dans un mois.

Puis je repense à Marion et m'essuie la bouche. 




C’est avec un bonheur indéfinissable que je pousse la porte de l’appartement.

- Hello ! Qui vient accueillir le meilleur, le plus beau et le plus fort ?

La porte des filles claque, apparemment pas elles, ni leurs copines.

Coco me tend les bras.

Gisou m'attend à l'entrée de la cuisine en souriant. Ça sent bon, j'ai faim, je pique un bout de pain que je partage avec Coco.

Mes fesses prennent un coup de cuillère en bois mais c'est plus une caresse qui m'amuse.

En passant devant la porte d'entrée, je prends mes sacs pour les porter dans la grande salle mais Coco qui est descendue de mes bras me tire en me tenant des deux mains quatre doigts de ma main gauche, jusqu'au bureau de Richard où ils ont ajouté un nouveau canapé en cuir qui ouvert m'offre la vision d'un lit.

- Pour toi !

Ému, je m’allonge dessus, elle vient m’y rejoindre. Le bureau interdit de Richard et je vais y dormir.

Lorsque je me redresse, il est devant moi. Il est en train d'ouvrir sa vareuse et sa cravate, il sourit. Il vient me poser sa casquette sur la tête et son poignard sur les cuisses, puis s'éloigne vers sa chambre.

Coco suit son père.

Je me rallonge en chien de fusil, sa casquette et son poignard serrés dans mes bras.
















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5 janvier 2011

Robert mercredi 10 août 1977 table basse

Robert mercredi 10 août 1977 table basse

 

- Mammema j’ai un truc pour toi.

Je la prends par la main et l’entraîne dehors jusqu’au pied du cèdre où les filles installées sur les fauteuils en tissus des parents, jouent aux cartes sur une table basse que j’ai posé devant elles quelques minutes auparavant.

Gisou et Sylvie nous ont suivis.

- Oh, bravo ! C’est toi qui l’as faite ?

- Plus ou moins, beaucoup aidé tout de même.

- Alors les filles vous l’avez félicité pour son beau travail ?

- Ouais ouais, merci.

- Ouais merci, maintenant on pourra jouer dehors.

- Merci mais tu aurais pu la vernir.

Coco me tend les bras, je la soulève.

- Elle est très belle. Tu es le plus fort.

- Fayote !

Les mutter se mettent à rire.

 

Au loin devant le garage, Papapa appelle les filles qui se précipitent toutes, jetant les cartes sur la petite table. J’ai posé Coco qui les suit, suivie de peu par les mutter.

Moi je ramasse les cartes qui sont tombées au sol et en fait un joli paquet que je pose bien au milieu de la table ronde.

- Tu ne viens pas ?

Mammema s’est arrêtée et m’attend.

- Si mais je sais pourquoi, il les appelle.

- Oui moi aussi. (Évidemment, le contraire eut été étonnant. Pourtant les mecs m’ont dit : ce sera une surprise, n’en parle pas.) Je sais aussi que tu les as bien aidé à la fabriquer. Ça t’a plu ?

Je hausse les épaules avec une grimace.

- J’suis pas fait pour ça. Mais ça passe le temps. Même si je préfère lire.

- D’ailleurs je suis contente que tu restes moins enfermé dans ta chambre.

- J’ai pas envie de rester seul.

- Ce n’est jamais très agréable de rester seul.

- Ouais si tu le dis.

Elle m’a pris le bras et s’y appuie.

 

 

 

Les deux dernières, équipées d'un sac de jute muni de trois ouvertures pour la tête et les bras, peignent consciencieusement les murs du futur logis de leurs poupées. Richard assis en tailleur à l'intérieur finit de visser des tablettes devant les fenêtre. Papy tourne autour en filmant. Il s'est offert une nouvelle caméra pour son dernier anniversaire et tout est occasion de s'en servir.

Il la tourne vers nous, je me cache derrière Mammema.

 

- Maman vient voir mes jolies fleurs.

Fanfan à genoux décore le bas des murs extérieurs de le petite maison en bois de fausses jardinières d'où sortent des fleurs extraordinaires certaines tellement grandes que leurs pétales s'étalent même sur le toit ce qui fait râler Yvy en train de dessiner avec un pinceaux des sortes de tuiles dessus.

- Elles sont superbes mon amour. Si les miennes pouvaient être aussi belles j'en serais ravie. Et toi Yvy ne tombes pas et fais attention de ne pas mettre de peinture sur la tête de tes sœurs.

- Elles n'ont qu'à pas rester en-dessous. Tu sais ça porte malheur de passer sous une échelle.

Richard appelle à l’aide en riant.

- Qui vient aider un pauvre Papa. J'arrive plus à bouger, je suis coincé, qui vient m'aider. Toutes les filles se précipitent pour le tirer par la main ou par le cou. Il tire la langue fait semblant d'être étranglé puis d'un coup les saisit et les attire avec lui dans la maison. Je ferme la porte derrière elles en poussant Maï qui est encore à moitié dehors. Il la chatouille, elle se met à rire. Richard ouvre les volets d'une des fenêtres et y passe la tête.

- Coucou Maman !

Véro le pousse et fait pareil en faisant une grimace.

- Coucou Maman. Viens dans la maison Maman !

- Mais il n'y a pas de place pour moi, ma chérie.

- Comment oses-tu refuser l'invitation de ta fille, honte à toi mère indigne !

Il re-ouvre la porte et elle doit venir s'asseoir sur un des petit tabourets qui forme le mobilier pour nain que Rémy a patiemment fabriqué. Richard s'appuie contre ses jambes et Corinne leur sert un thé virtuel, leur bonheur fait plaisir à voir.

- Toc toc ! On peut entrer aussi ?

- Houla garçon il n'y a plus de place attends que je sorte, je te cède volontiers ma place.

- Non non pas bougé Papa. Roro là !

Corinne me tire par la main à l'intérieur et je tombe sur les jambes de Richard qui accuse le choc par un outch qui nous fait rire.

- Tiens Corinne un bouquet de fleur pour ta maison.

- Merci Roro. Gentil Roro, Papa, Maman ne m’a pas donné de cadeau, elle..

- Elle n'est pas gonflée votre fille. Et tonton, il peut entrer ?

- Non tonton il est trop gros !

La petite secoue la tête avec véhémence et essaie d'empêcher Rémy d'entrer.

- Mais non mais non, en se poussant nous y arriverons. Rémy sort la petite table et les trois autres tabourets sous le regard désapprobateur de la petite qui se met à pleurer. Je la prend dans les bras en lui expliquant que ça va être drôle. Elle m’entoure le cou de ses bras avec un air pas convaincue du tout.. Rémy passe la tête par la fenêtre.

- Et vous trois là, il y a encore une chite place pour vous.

Rémy s'assoit à côté de Richard et je me cale contre la paroi entre le tabouret de Gisou et Rémy avec toujours la puce dans ses bras et son bouquet de fleurs sauvages dans sa main gauche. Bientôt les autres arrivent et avec force contorsionnements et fous rire nous arrivons à tous tenir dans leur petite maison à l'exception des grand-parents qui nous filment ou nous photographient en s'amusant autant que nous.

Les pater sont ravis, leur œuvre est résistante et suffisamment grande pour tous nous accueillir.

Enfin... nous sommes tous entrés mais delà à dire que nous sommes bien installés. Les jumelles sont autant sur leur père que sur Mathilde assise au sol à côté du tabouret de Sylvie, Isabelle de l'autre côté, Yvette et Françoise l'une sur les genoux de Gisou et l'autre sur Sylvie et Véronique plus ou moins couchée sur tout le monde se tenant au cou de son père.

Alors Mamy nous fait passer une plateau avec plein de tartelettes. Sur trois d’entre elles, une bougie.

- Bon anniversaire Corinne !

Une fois les gâteaux avalés. Pour sortir, Papy doit nous aider car ça crie dans tous les coins.

- Aïe lève ton coude !

- Non pas ton genoux !

- Mathilde ton pied !

Là je me retiens de frapper les jumelles qui font exprès de me marcher ou de me tomber dessus.

- Alors, vous voyez que nous y sommes arrivés à leur construire, il nous a fallu du temps mais nous y sommes arrivés.

Le plaisir et la fierté des pater m'amuse.

- Oui vous êtes les meilleurs.

Et le chouchoutage des mutter aussi.

- Hé vous en oublié un qui a bien aidé semble-t-il.

- J’ai fait que poncer.

- Oui ça on sait vu le nombre de pansements que t’as sur les doigts.

Je fais la grimace en plaquant mes mains dans mon dos.

- J’suis un intello moi pas un manuel.

Fanfan revient du chalet avec un petit vase à fleurs en plastique où Coco met son petit bouquet et va le poser sur la table que Rémy a remis dans la maison, puis ferme la porte derrière elle.

- C’est chez moi !

- Hé non, c’est la mienne aussi. Fanfan se bat avec sa sœur pour ouvrir la porte puis abandonne et passe par la fenêtre ce qui déclenche les hurlement de sa petite sœur et un avalanche de coups de sa part.

Retour de Richard dans la maison.

Moi, j’en ai assez vu et surtout entendu.

Dans la vallée, le vieux clocher retentit cinq fois. Je vais récupérer mon chapeau de brousse puis mon vélo.

- Attends garçon je viens avec toi, y a trop de cris pour moi ici.

Je souris en me disant que j’suis bien d’accord avec lui. Une des raisons qui fait que plus tard je n’aurais pas d’enfant.

Finalement Rémy se joint à nous. Son frère, lui, est coincé dans sa maison de poupées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

21 janvier 2011

Robert Vendredi 11 Novembre 1977 premier week-end

Robert Vendredi 11 Novembre 1977 premier week-end

 

Le 11 Novembre, cela veut dire cérémonies et pour nous la bleusaille, l’occasion pour nous de montrer et de démontrer notre savoir-faire pour la première fois.

Cette fois nous n’iront pas bien loin. Salon même ou dans les villages aux alentours.

Avec une vingtaine d’autres, toutes brigades mélangées, j’ai la chance de me retrouver à la cérémonie qui se déroule au cimetière de Salon. 

Pourquoi la chance ? Parce qu’il y a vingt ans, Mossieur Richard y a fait lui aussi sa première cérémonie. Et c’est heureux que je marche dans ses pas.

Et puis ce monument n’est pas comme les autres. Ce n’est pas une statue, c’est une sculpture à même la paroi rocheuse et son auteur est inhumé au pied de son œuvre. 

Pendant les différents discours des personnalités présentes, j’ai le temps de détailler l’ouvrage de pierre. Je ne suis hélas pas sensible à l’art en général. Mais ce “sublime réveil” me met mal à l’aise. Pourquoi réveiller ces hommes qui ont fini de souffrir ? Ne peut-on pas les laisser à leur repos éternel ? Pour moi qui pense qu’il y a un après où tout est calme et paix  pourquoi revenir dans cet avant fait de souffrances et d’horreur ? Enfin les artistes ont des idées bizarres et je ne suis pas un artiste et n’en serais jamais un. 



Une heure une.

Mon sac est bouclé et je piaffe déjà au milieu de mes camarades de brigade. L’un d’eux s’amuse à me voir consulter ma montre toutes les secondes…

- Hé t’as quoi là ?

- Hâte d’être dans le train pour Aix. Hâte de retrouver ma chambre, enfin ce qui me sert de chambre dans ma famille d’accueil.

Ghislain se penche vers moi.

- Tu as le temps, je le prends aussi et il n’est qu’à quatorze heures trente.

 

Et c’est un peu en tirant la gueule que je vais avec les autres avaler mon steak frites qui me reste un peu en travers car ayant fait rapidement le calcul, je ne pourrai revoir Richard et Gisou que ce soir, vers dix huit heures… ces six heures vont me sembler longues, mais longues…

Et avec ma chance habituelle, le train est annulé et avec Ghislain nous ne partons qu’à quinze heures trente.

 

Enfin heureusement que ma condition de militaire me permet de ne payer que vingt-cinq pourcent du billet et que Richard continue à me donner de l’argent de poche, sinon ce week-end ne serait resté qu’un rêve…

 

A Aix avec Ghislain nous nous donnons rendez-vous pour dimanche soir. Là, je fais connaissance avec sa femme qui l’accueille comme un poisson pourri. Je ne comprends pas pourquoi il ne l’envoie pas paître lui aussi. Car ce n’est pas de sa faute franchement si la SNCF annule des trains. Mais, j’apprécie qu’elle me propose de me déposer devant l’école.

 

Là… personne !

Bon, j’ai les clefs.

La porte à peine refermée derrière moi, je laisse tomber mon sac et les yeux fermés, je reste quelques minutes à humer l’odeur de l’appartement. Je m’en remplis les poumons.

Si quelqu’un m’avait vu, il se serait demandé si je n’étais pas un peu marteau. Ainsi debout, immobile, les yeux fermés, savourant ce plaisir presque enivrant d’être ici.

Par contre, ils sont où ?

En attendant leur retour, je vais me changer, troquant mon uniforme pour un bermuda et un sweat et faire tourner le lave-linge.

Dans la chambre des petites, il n’y a plus de lit à barreaux mais seulement un lit superposé. Ce qui m’amuse c’est de voir la famille nombreuse de poupées en chiffon de Coco trôner sur le lit. Je plains un peu Fanfan d’avoir à la supporter.

Dans l’autre chambre, rien n’a changé mais au moment où je referme ma main sur le journal intime de Véro, j’entends le bruit de la clef dans la serrure et je me précipite dans le bureau où, assis sur le canapé, je fais mine de lire.

 

- Qu’est-ce que tu faisais ?

Posant le livre dont je n’ai pas lu un seul mot… Je me lève avec Coco au bras pour embrasser Gisou.

- Bin rien, je lisais. Vu son regard je comprends qu’elle n’est pas dupe. Mais je te jure que si.

- Qu’est-ce qu’il y a Gisèle ? Alors mon grand, ton séjour au gniouf1 t’a plu ?

- Bah c’est une chambre en plus spartiate.

Si Richard s‘éloigne déjà, Gisou elle, me passe en revue avec un petit regard critique.

- Tu as grandis mais pas épaissi. Ils te nourrissent aussi mal qu’au lycée ?

- Oh non, j’ai droit à deux entrées, deux fromages et deux desserts si je veux et celui qui sert, finit par bien me connaître et me sert des assiettes avec deux fois le contenu des autres. Mais tu sais, je crois qu’il faudra que tu t’y fasses.

Au regard qu’elle me jette. Je comprends qu’elle ne s’y fera jamais.

- Le repas est prêt. Au moins ici, tu mangeras à ta faim.

La laissant rejoindre Richard. Moi c’est dans la chambre des filles que je suis Véro.

- Tiens ça tombe bien que tu sois là, j’ai interro en maths lundi et j’y pige que dalle.

- Ah ! Ce n’est… que pour ça que t’es contente de me voir ?

S’appuyant sur son bureau, debout une jambe repliée, son pied posé sur sa chaise et un crayon à la main qu’elle mâchouille. Véro me sourit amusée.

- Et pourquoi devrais-je être heureuse de te voir ?

Je fais une moue innocente.

- Je ne sais pas... Je ne t’ai pas manqué ?

- Et pourquoi m’aurais-tu manqué ?

Coco toujours dans mes bras, me saisit le visage et me force à la regarder.

- A moi, tu m’as manqué.

Je frotte mon nez au sien, ce qui la fait rire.

- Ah bin voilà, ça fait plaisir. Au moins, j’ai manqué à quelqu’un.

Fanfan qui est venu s’asseoir sur le lit du bas. Maintenant, devenu le lit d’Yvy, se lève et se colle à moi, m’entourant la taille de ses bras.

- A moi aussi, tu m’as manqué.

Yvy qui n’a pas bougé, soupire.

- Ouais, à moi aussi. Mais pas vos disputes avec Véro alors essayez de ne pas vous disputer ce week-end.

Véro alors plisse les yeux et son crayon s’envole vers moi, je l’intercepte puis retour à l’envoyeuse qui se baisse, laissant ce dernier passer par la fenêtre ouverte. Et bien sûr pour madame c’est moi le fautif.

- Hé, non ! Mais t’es vraiment con toi ! Et je fais comment maintenant ?

Appuyée à la fenêtre, Véro se penche, je me colle derrière elle ayant posé Coco sur le lit l’entourant de mes bras.

- Ce n’est pas une excuse pour se suicider.

Elle se retourne. Elle est coincée entre la fenêtre et moi, son visage à quelques millimètres du mien. 

Dans la cour il y a encore des élèves et… Gâche, qui lève la tête. Je me recule très vite. Bordel, il est temps que je me trouve une copine moi !

 

- Je vais chercher un truc en bas !

La porte de l’appart claque derrière moi.



Évidemment Gâche a déjà ramasser le crayon. Il me le tend.

- Où est ton uniforme ?

- Dans le lave-linge. Et je ne vois pas pourquoi chez mon tuteur, je serais obligé de le garder.

 

- Pas trop dur Salon ?

- Les deux premiers mois, oui. Maintenant ça va.

Le crayon à la main, je reste à papoter avec le capitaine qui semble content de me voir. On a bientôt tous les anciens troisièmes autour de nous. Ils sont en première cette année et dire que j’ai leur âge.



Le ventre bien plein, je m’étends, les mains croisées derrière ma nuque, les jambes allongées sous la table.

Coco me grimpe sur les jambes, me forçant à les replier et face à moi, pose sa tête contre ma poitrine.

- Ah non, si tu veux rester, tu ne suces pas ton pouce.

Richard et Gisou qui font la vaisselle se retournent pour nous regarder puis après avoir échangé un sourire nous tournent à nouveau le dos.

- Dis-moi garçon, tu ne veux pas nous aider en l’essuyant et en la rangeant ?

- No soucis, mutti.

J’essaie de virer Coco. Mais cette dernière ne l’entend pas comme ça et se mettant debout sur mes cuisses, s’installe ensuite sur mes épaules. Heureusement que Gisou ne l’a pas vu faire sinon elle aurait eu une crise cardiaque.

Bref, avec mon habituel fardeau, je récupère le torchon dans le petit placard et m’attelle à la tâche, posant la vaisselle sur la table.




- Bon viens ici toi. Au dodo la vilaine fille.

- Non ! Veux rester avec lui.

- Je viendrai te faire un bisou.

Et telle une suppliciée que l’on mène à l’échafaud, je la vois s’éloigner dans les bras de son père. Criant silencieusement et tendant les mains vers moi au-dessus de son épaule.



- Tu sais... Tu as manqué à tout le monde, même à Véro.

La pile d’assiettes dans les mains, je reste stupidement à regarder Gisou s’éloigner dans le couloir à la suite de son mari.



Ils sont tous les deux devant les infos à la télé.

Je veux m’incruster entre eux. Avec Richard, pour le fun, nous nous battons un peu, mollement. Gisou me chatouille, je m’écroule au sol en riant. Richard s’écarte. J’ai gagné. J’suis bien.



La montre de Richard en bipant me réveille en sursaut. Cela les fait rire tous les deux.

Richard me tape sur la cuisse.

- Tiens remplace-moi. Vas éteindre la lumière des chambres des filles.

 

J’ouvre d’un coup leur porte.

- Bou !

- On t’a entendu arriver l’éléphant.

- T’es pas drôle Véro !

Yvy me jette un regard blasé au-dessus de son livre.

- C’est tout elle ça.

- Bon alors tu seras la seule à avoir un bisou.

Je m’assieds à côté d’Yvy qui me montre son carnet à dessins. Je ne peux pas m’empêcher de penser à Anaïs.

Une ombre me fait lever la tête mais Véro enlève la sienne.



Dans l’autre chambre, Fanfan dort déjà, la tête posée sur un gros livre sur les animaux que je lui enlève et pose ouvert sur son bureau.

J’éteins la lumière après un bisou à Coco qui comate pouce à la bouche.

 

Si je retourne dans le salon c’est pour leur souhaiter une bonne nuit avant d’aller me coucher aussi. Mais dans mon lit, je ne reste pas seul longtemps.

- Chut ! Dis rien, faut que je te raconte. J’ai une amoureuse.

Allongé sur le ventre, je me redresse sur les coudes et la regarde.

- Quoi ? Corinne Granier, une, je veux dormir et tu dois rester dans ton lit. Et deux, les filles, elles ont des amoureux pas des amoureuses.

Allongée sur le côté, la couette ne laissant que le sommet de sa tête sortie, elle la secoue violemment.

- Y a pas de garçons dans mon école alors on se marie entre nous.

Je me laisse tomber, le visage dans mon oreiller.

- De mieux en mieux. Rappelle-moi… tu as quel âge ?

Elle ne me répond pas à ma question mais m’en pose une en retour.

- Et puis, c’est quoi un amoureux ?

Elle m’épuise…

- Coco vas te coucher !

- Je suis couchée ! C’est comme toi et Véro quand vous vous embrassez ?

Je lève la tête la fusillant du regard.

- Hé ! J’embrasse pas Véro.

Elle tire la paupière basse de son œil droit avec son index.

- Oui, oui, je te crois. C’est pas ce qu’elle dit à ses copines en tout cas.

Là, ça commence à m’intéresser.

- Corinne Granier ou tu me racontes tout ou j’appelle Papa. Dans le noir, je discerne un grand sourire. Bon, alors j’appelle Maman.

Je l’entends soupirer et elle repousse la couette pour sortir son bras droit.

- Pfff t’es pas drôle. Le matin c’est elle qui m’emmène à l’école et elle y va avec Béatrice et c’est «Robert, il m’a embrassé» à chaque fois.

Si ça pouvait être vrai.

- Mais c’est une vraie mytho cette fille ! Dis-moi Coco comment je ferais pour l’embrasser tous les jours alors que je suis à Salon ?

Je crois que j’ai donné matière à réfléchir à la petite cervelle rousse qui se tait.

Ouf je vais pouvoir dormir ! Je me recouche.

D’un coup elle se redresse et s’assied sur les talons.

- Tu sais que je sais lire ?

- C’est bien et moi…. tu sais que je dors ?

- Même pas vrai sinon tu ne parlerais pas. Écoute : «Il était une fois trois petits cochons. Ils vivaient dans une jolie maison avec leur maman. Ils s'appelaient Nif-nif, Naf-naf et Nouf-nouf.»

Je me retourne et me redresse. Elle suit du doigt les mots dans son livre.

Je tends le bras et attrape un livre au hasard sur la bibliothèque. L’ouvre puis le pose sur le sien.

- Super ! Maintenant, lis celui-là !

……………………………………………………………………………………………………….

 

- «Il était une fois trois petits cochons. Ils vivaient dans une jolie maison avec leur maman. Ils s'appelaient Nif-nif, Naf-naf et Nouf-nouf.»

- Stop ! Pose ce livre. Et viens ici.

Son geste me surprend. C’est presque violemment qu’elle m’a enlevé le petit album cartonné et soulevé pour me mettre debout et me traîner jusqu’à son bureau.

Je me débats, je ne veux pas la fessée.

- Je referai pas ! Je referai pas !

Je tente de m’enfuir. Je continue à me débattre, d’essayer d’enlever sa main de mon poignet. Elle s’arrête, surprise à son tour. Elle aussi un peu effrayée je pense par ma réaction.

- Arrête, mais arrête. Calmes-toi. Elle me tient à deux mains et me secoue doucement. De quoi as-tu peur ? De moi ? J’ai arrêté de me débattre et la regarde prêt à m’enfuir à nouveau. Je voulais juste t’asseoir sur mes genoux pour que nous lisions ensemble un autre livre. Je te lâche, voilà ! Regarde, tu le connais celui-ci ?

Je secoue la tête.

Sur son bureau un pile d’une dizaine de grands livres neufs attendent qu’elle les recouvre. Elle prend le premier et me le montre. Sur la grande couverture rouge, un drôle de dessin d’éléphant.

La dame qui m’a fait si peur c’est la directrice de l’école de Caths. C’est aussi la maîtresse de la classe des grands où est Caths.

Moi, je n’ai pas le droit d’être là mais depuis deux ans, je suis l’électron libre de cette école et je crois qu’elle m’aime bien même si elle me fait peur. Faut dire qu’elle est aussi large que grande, toute habillée de noir avec des lunettes noires elles aussi. Elle crie beaucoup et elle tape sur les doigts des enfants pas sages et distribue facilement des fessées. Mais moi, elle ne m’a jamais tapé jusqu’à maintenant.

Je monte donc sur ses genoux et elle ouvre le livre à plat sur la table devant nous.

Cette fois, l'éléphant est dans sa voiture et salue avec son chapeau.

- Tu sais ce que c’est comme animal ?

- Oui c’est un petit éléphant et il s’appelle Babar.

- Ah donc tu le connais déjà.

- Non, c’est écrit là !

Du doigt, je lui montre le mot écrit en gros. Mais comme elle recommence à pincer les lèvres et à avoir l’air mécontente, je me tiens prêt à filer.

Elle tourne la page et me montre les mots en bas de la nouvelle page.

- Tiens, lis ça.

Alors là, je suis OK !

- Dans la grande forêt un petit éléphant est…

En plus, je ne connais pas ce livre.

Lentement, suivant les mots de mon doigt, je lis. Je suis tout à ma lecture. Je ne fais plus attention à ce qui m’entoure, tout comme tout à l’heure quand elle m’a surpris assis sur le tapis, les jambes allongées, l’album posé dessus.

Je lis à haute voix car je ne sais pas encore lire autrement et parce que comme ça, j’ai l’impression que quelqu’un me raconte une histoire. J’aime ça qu’on me lise des histoires. Même si ce n’est pas des histoires comme quand c’est papa le journal.

Dans la classe autour de nous, les autres enfants se sont tus et m’écoutent.

Je sursaute et me tais à mon tour lorsque Madame Karfelden se met à parler.

- Vous voyez, vous devriez avoir honte, les enfants. Il a deux ans de moins que vous et lui, il sait lire.

J’affiche d’abord un grand sourire, très fier de moi. Mais ce dernier disparaît devant l’air furieux de Caths derrière son bureau au premier rang.

J’ai quatre ans et elle six.

…………………………………………………………………

 

- Ah non ! celui-là je sais pas le lire.

Je le referme en souriant et le remets à sa place. Lui enlève l’album des mains et lui mettant un bisou sur la joue, la force à s’allonger dans mes bras.

- C’est pas grave. Je t’apprendrai. Mais maintenant, dodo !























1prison

7 août 2010

Caths mercredi 17 Novembre 1976 18 ans

Caths mercredi 17 Novembre 1976 18 ans



Je me redresse sur un coude pour regarder ma bouillotte se glisser derrière le volant.

- Où vas-tu ?

-  Chut dodo !

Je suis à nouveau réveillée lorsqu’il se penche au-dessus de moi pour secouer l’endormie à côté de moi.

- Tu verras. Pour l’instant dors. Michka tu me remplaces s’il te plaît, Moi je vais dormir je suis HS.

- OK !

Demain c’est mon anniversaire… enfin non . L’horloge de l’église au pied de laquelle nous nous sommes arrêtés indique trois heures.

Typh monte à l’avant avant moi. De toute façon Dan m’a pris dans ses bras et posé à l’arrière avant d’y monter lui aussi.

- Dodo, jeune homme.

Je lui tire la langue en souriant.

- Suis pas un garçon.

- Alors laisse-toi pousser les cheveux et maintenant viens ici.

Nous nous chamaillons en riant quand il veut me forcer à m’allonger avec lui

- Oh les passagers clandestins vous arrêtez de faire tanguer le navire ?





Finalement, je suis bien au chaud sous les couvertures surtout que j’ai une bouillotte de cent dix kilos à côté de moi.

Nous sommes à l’arrêt et les deux filles nous ont rejoints avec Roberta qui tète son biberon humain blottie entre moi et Michka dont elle tient la main. Sa dernière lubie, quand elle tête il lui faut tenir la main de Michka et elle seule a aussi le droit de la faire manger. Et quand je râle, les trois me disent de me taire.

Roberta n’est pas ma fille c’est la leur, moi je suis juste son biberon à pattes et accessoirement son doudou.





C’est un chant qui me réveille. Des voix d’hommes accompagnent un bruit de course sur le macadam de la route.

Je me précipite à l’avant.

Je ne vois plus que le dos du groupe, des sweats verts avec LMA écrit en gros derrière. Des shorts noirs lâches sur des jambes musclées.

Michka et Typhaine se collent à moi.

- Rhôôô tu les as loupés. On les double ? Pousse-toi si tu veux que je conduise.

- Attachez la petite !

- Oui papa.

Nous rions toutes les trois, excitées et amusées. Roberta hurle, elle ne veut pas être ficelée dans son siège-auto.

- Poussez-vous ! Nous nous écartons devant la grosse voix. Roberta ! La gamine sourit et tient le visage rond et mal rasé de l’homme et se laisse faire. Et voilà ! Cette enfant a besoin d’autorité.

Là notre hilarité est encore plus totale, vu qu’il est le premier à céder à tous ses caprices.



Typhaine se serre avec moi sur le siège passager.

Nous rattrapons le groupe de coureurs et nous garons le véhicule cent mètres en avant d’eux sur le bord de la route.. Il fait très froid et du vent. Au chaud dans le camion, je me dis qu’ils sont fous. Du fond en soulevant un peu un des panneaux occulteurs, je les observe. Ils ont tous à peu près le même âge sauf deux nettement plus petits que les autres. Mais l’un a des traits typiquement asiatique et l’autre est blond.

Rapidement je reviens à l’avant où Michka fait ingurgiter à Roberta un petit pot aux fruits.

Assise sur les genoux de Typhaine, un bras autour de son cou, j’observe attentivement chacun des garçons qui passent à la queue leu leu le long de notre véhicule. Coude bien plié, collé à leur flanc, aucun ne nous calcule. Certains ont un bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles et des gants. Je les comprends vu le peu de cheveux qu’ils ont.

Je m’écrie énervée !

- Mais regardez-nous bordel qu’on voit vos yeux !

Mais déjà le dernier a rejoint le groupe. Je soupire. J’ai envie de pleurer, j’en ai marre de me raccrocher à un espoir si ténu. Et s’il était réellement mort ?

Dan à genoux derrière le siège où se trouve le siège auto, embête la gamine.

- Arrête ! Ou elle ne finira pas son petit pot.

Il se lève et retourne se coucher en riant.

- Râleuses !

Typhaine me serre contre elle, je me dégage et moi aussi retourne m’allonger sous les couvertures.

- Merci pour le cadeau mais j’aimerais qu’on s’en aille et je fais le vœux que plus personne. Vous entendez bien ? Que plus personne ne me parle de Lui !



Je sens le moteur ronronner, le véhicule avancer.

Michka en mettant en route le camion, nous demande :

- Bon je décide qu’on aille faire trois courses car on a plus de petits pots et de café et qu’après, on se tanque dans un coin et on se remet aux études. C’est bon pour tout le monde ? Personne ne répond ? Donc motion adoptée !



Cette fois c’est nous qui les doublons, leurs voix s’incrustent dans mon cerveau mais je reste le nez dans mon coussin mouillé.







Devant nous à la caisse, une femme très BCBG aux cheveux roux pétants se dispute à voix basse avec sa petite fille qui elle n’est pas discrète du tout. Il ne peut s’agir que de sa petite fille car elle a les mêmes cheveux mais ne lui ressemble pas vraiment. Au moins elles sont sûres que ce sont de vraies rousses.

- Corinne Granier ça suffit, je ne t’achèterai pas de soda.

- Pour Robert le soda !

En entendant ce prénom, nous nous regardons tous et mon cœur se serre mais j’ai dit : «Fini, on en parle plus !»

- Oh lui, il a bon dos. Si tu veux à Noël, on demandera au Papa Noël de vous en porter une bouteille.

La gamine se calme et tape des mains. Quel âge a-t-elle ? Deux ou trois ans.

Roberta la fixe, intriguée. La petite rouquine l’a vue et d’un coup lui tire la langue puis éclate de rire.

- Corinne Granier Non ! Cela ne se fait pas ! Je vous prie d’excuser ma fille, messieurs dames. Tu vois comme elle est sage par rapport à toi ?

Depuis tout à l’heure Roberta la fixe, le visage plus que sérieux. Je me surprends à croiser les doigts comme les autres. Nous attendons avec anxiété le moment où elle va se mettre à hurler. Mais non, elle observe juste, attentive. On dirait qu’elle veut tout voir. Et là cette enfant l’intrigue.

- Pas une petite fille, un bébé. Coco est un garçon comme Robert.

- Tiens, il y avait longtemps. Les garçons ne portent pas de robe comme toi. Mais d’un coup la femme se mord les lèvres. En réalisant ce qu’elle vient de dire et fixe sa fille qui essaie de l’aider en se contorsionnant sur son siège pour l’aider à poser les courses sur le tapis de la banque. Pourvu qu’elle ne l’ai pas entendu. Non Corinne, les œufs c’est Maman. La cliente avant elle, fait toute une histoire pour une erreur de dix centimes. La femme regarde sa montre. Elle semble pressée. Corinne qu’est-ce que c’est que ça ? On n'a pas besoin de ces gâteaux. La femme cherche comment se débarrasser du paquet de boudoirs puis son regard s’arrête discrètement sur la famille qui est autour du caddie qui la suit et elle pose le paquet avec ses courses.





Je regarde la femme ranger de manière méthodique ses achats dans les différents sacs ouverts dans son caddie.

Je l’envie… un peu. Sa fille, ce fils qui porte un si joli prénom, sûrement un mari avec une bonne situation. Mais d’un autre côté, je ne sais pas si je serais une bonne épouse.



Nous déchargeons notre vingtaine de petits pots, notre vingtaine de boîtes de conserve et nos baguettes de pain.

On a compté et recompté dix fois pour ne pas dépasser les cent francs de notre dernier billet. Mais bon on aura assez de courses pour au moins dix jours.

Typhaine s’écrie d’un coup:

- Zut, j’ai oublié un truc, je vous rejoins au camion.

Je la regarde s’éloigner, étonnée.

Et qu’est-ce qu’elle va acheter et avec quel argent, c’est moi qui ai le billet. Bah qu’elle se démerde !



La femme a finit de payer, elle range son sac, fait descendre sa fille du siège du caddy puis lui met le paquet de biscuits dans les mains en lui parlant doucement, accroupie devant elle. La petite nous jette des regards tout en écoutant sa mère qui finit par se relever et poussant son caddie s’éloigne.

La petite, elle reste immobile, fixant Roberta et serrant son paquet comme s’il s’agissait d’un trésor.

Dan se penche en souriant vers elle.

- Je crois que ta maman est en train de partir.

Alors très vite, elle se décide et vient jusqu’à notre chariot et en se mettant sur la pointe des pieds, pose le paquet devant Roberta puis s’enfuit en courant derrière sa mère.





Avec Michka nous rangeons nos courses dans les caisses sous les matelas. Dan lui ramène le chariot avec Roberta et revient en la lançant en l’air. Nous l’entendons hurler de plaisir et rire.



Dernier matelas remis en place. Michka me fait signe de m’approcher d’elle et me met ses deux mains devant les yeux puis me fait me tourner.

Dan m’a mis Roberta dans les bras.

Michka a enlevé ses mains.

- Ouvre les yeux !

- Bon anniversaire !

Typhaine tient un gâteau avec des bougies dessus. Où ont-ils trouvé les sous pour l’acheter, enfin m’en fous. Roberta tend les mains, avec Michka nous les lui tenons.

Aujourd’hui j’ai dix-sept ans. Je suis fille-mère, une femme, une inconnue a eu pitié de nous mais j’ai les meilleurs amis du Monde et je souffle mes bougies avec plaisir.

5 mai 2010

Richard jeudi 15 juillet 1976 ça pique.

Richard jeudi 15 juillet 1976 ça pique.


- Maman qu’est-ce que tu fais ?

- Je le rempote.

Richard soupire puis enlève le pot et la plante des mains de sa mère.

- Aïe ! Putain ça pique cette merde ! Oh et toi, arrête de sourire comme ça.

- D’après-toi, pourquoi j’ai mis des gants ? Richard dépose le cactus posé en vrac dans le pot à moitié vide, à côté de la porte des toilettes. Sa mère qui l’a suivi, le retient lorsqu’il s’éloigne. Et c’est pour l’abandonner là que tu me l’as enlevé des mains ? Autant le jeter directement à la poubelle, tu ne crois pas ?

- Ah non, mon but c’est que celui qui l’a mis dans cet état répare de lui-même ses bêtises. Et puis donne-moi ça. Il enlève les gants à sa mère et va les poser derrière le pot. Voilà ! Comme ça tu ne me diras pas que je suis un bourreau d’enfant. Mais toi, pas un mot compris ?

De sa mère qui rentre avec lui dans la maison pas un mot, par contre lorsqu’il ressort plus de pot, plus de cactus, plus de gants. Mais levant la tête, il s’aperçoit que la plante a retrouvé sa place habituelle.

Il soupire, va jusqu’au garage chercher l’échelle puis se saisit du pot qu’il pose au sol le temps d’aller ranger l’échelle.

- Putain, non ! C’est pas vrai ! qui a remis ce cactus là-haut ?

- Moi, pourquoi ?

- Et bien n’y touche plus !

Son père assis à la table en bois, le regarde sans comprendre aller chercher l’échelle et s’en servir pour redescendre le cactus. Mais cette fois l’échelle pliée reste sous le préau, adossée contre le mur du garage. Puis avec le pot, il va jusqu’à l’herbe où il le vide avant de remettre la terre au fond puis la plante dessus les racines vers le haut, en s’aidant de deux petites branches. Son père qui l’a suivi, le regarde faire un peu inquiet.

-T’es sûr que tu vas bien ?

- Très bien !

Et il lui explique la raison de son action. 

Mais à peine commence-t-il à s’éloigner que sa belle-sœur qui vient parler à son beau-père, ramasse en passant le pot.

- Oh mais t’es encore là, toi ? Lucette ne s’est pas encore occupée de toi ? Allez viens, je vais le faire moi j’ai cinq minutes.

- Ah non alors ! Si tu touches encore à ce pot je te coupe les mains.

Un peu effrayée par le ton de son beau-frère, Sylvie rejoint rapidement son beau-père qui, amusé, lui explique. Elle le regarde dubitative.

- Et tu crois toi, que le gamin va le faire ?

Il hausse les épaules.

- Honnêtement s’il ne le fait pas, je le ferai moi. Pas envie que Corinne ou Françoise y touchent.



Décidément ce cactus oublié sur sa poutre n’intéressait personne depuis au moins dix ans mais là, d’un coup Richard a l’impression qu’ils se sont tous donné le mot pour vouloir tous s’en occuper et il s’installe avec le journal et une bière dans un transat juste en face pour pouvoir le surveiller.




- Les filles vous nous mettez la table s’il vous plaît ?

Mathilde se lève et range sa broderie dans le panier à ouvrage commun puis interpelle sa grand-mère qui sort les assiettes du placard.

- Pourquoi Robert, il ne la met jamais ?

- S’il était là, je le lui demanderais aussi.

La vieille dame pose la moitié des assiettes dans les mains de sa petite fille puis lui prend le visage entre ses mains et lui dépose un baiser sur le front.

L’une derrière l’autre, chacune de ses petites-filles a pris une partie de ce qu’elle avait posé sur la desserte, même Corinne à qui elle a confié les gros couverts à salade et qu’elle regarde s’éloigner en les portant comme s’ils étaient en porcelaine de Chine.

Mathilde n’a pas tort d’un certain côté, en se levant tard, tous les matins, le gamin évite pas mal de corvées. Il faudra qu’elle en parle à Raoul pour lui en trouver d’autres rien que pour lui.

En attendant, elle décide d’aller sortir ce resquilleur de son lit.



Neuf mois qu’il est parmi eux.

Neuf mois c’est le temps pour mettre au monde un enfant. 

Lucette ramène sa main droite contre sa poitrine et en entoure sa main gauche.

Il y a vingt-cinq ans, elle montait réveiller ses jumeaux, l’un après l’autre, une chambre après l’autre. Et, comme là, elle restait un moment à les regarder. 

A chaque fois, elle se demandait comment ces ados couverts de boutons avaient pû tenir dans son ventre. Lui, il n’a été dans aucun ventre de la famille, il est arrivé il y a neuf mois. Un petit animal sauvage blessé par la vie qui hurlait sa souffrance muette. 

Aujourd’hui… Il dort, sourire aux lèvres.
De sa main Lucette lui caresse le dos. Pas un bouton, mais elle y suit les lignes blanchâtres ou brunes en relief. 

Il frissonne, a un mouvement brusque pour repousser sa main et se retourne l’air mauvais. Puis son rictus se transforme en sourire. Il remonte son drap, rougit, s’écarte et s’assied. Elle s’assied aussi, au bord du lit. Il lui passe les bras autour du cou et l’embrasse. 

- Tu te lèves mon poussin, il est midi. Tu as lu jusqu’à quelle heure cette nuit ?

- Quand Gisou est venu m’éteindre la lumière. 

Lucette sourit amusé.

- Et ce livre commencé hier s’est terminé tout seul ?

- Non ce n’est pas lui que je lisais hier. Le garçon semble surpris, cherche puis se penche vers le sol, y pose ses mains et plonge sous le lit pour y récupérer un autre livre. Lucette retient un “oh !” quand le geste de l’ado lui présente ses fesses nues avant qu’il ne se redresse et se rassoit. J’ai dû le faire tomber en récupérant ma montre. 

- Bon et bien habille-toi et descends vite, d’accord ?

A mi-étage, elle croise sa dernière petite fille.

- Et où allez-vous comme cela mademoiselle ?

- Chercher Robert.

- Non, non, les escaliers sont dangereux pour une petite fille comme toi, allez tu redescends avec moi.

- Coucou toi, tu me fais un bisou ? L’ado qui vient de les rejoindre, s'assied sur la marche au-dessus de l’enfant et la hisse sur ses genoux. La petite hurle de joie et l’entourant de ses bras et de ses jambes l’embrasse jusqu’à ce qu’il lui mette la main devant la bouche pour l’en empêcher mais elle continue en riant à embrasser la paume de sa main. Stop, stop ou je vais fondre et je vais disparaître.

La petite ouvre de grands yeux un peu effrayés puis regarde sa grand-mère qui lui fait non de la tête. Elle se met alors à rire et veut recommencer à l’embrasser mais il se lève et fait mine de la poser. Elle s’y oppose en se collant encore davantage à lui et met son menton sur son épaule.

Lucette lui fait “gare à toi” de la main en descendant derrière eux. Mais la fillette ne semble pas beaucoup apeurée et se contente de lui sourire heureuse.

Dans la cuisine, Gisou oblige sa fille à descendre et lui lave les mains pendant que le garçon disparaît dans les toilettes.

Corinne qui a faussé compagnie à sa mère, se penche au-dessus du cactus lorsqu’il ouvre la porte des WC.

- Non Coco ne touche pas ça pique ! Attends je vais le remettre à sa place. 

Sylvie qui sort de la cuisine avec le plat de crudité lui fait non de la tête.

- Si tu le poses comme ça là-haut, il va mourir. Il restera par terre tant qu’il n’aura pas été rempoté.

- Mais si Coco y touche, elle va se faire mal.

- Et oui, mais est-il tombé tout seul ?

Le pot dans une main, la main de l’enfant dans l’autre, Robert fait la grimace, soupire. 

- Vas t’asseoir à ma place et garde-moi mon assiette, j’arrive.

Mais la petite fille le suit jusqu’au tas de terre que le grand-père a ramené avec lui il y a quelques jours et entreposé juste à côté des plantations d’orties des femmes. Là, il vide le pot, remplit le fond du pot avec des petits cailloux et laisse Corinne en ajouter aussi puis le remplit d’une motte de terre qu’il casse en la broyant avec sa main et aide la fillette à en ajouter aussi. Puis glisse le pot sous la plante pour l’y faire rentrer. Y ajoute de la terre qu’il tasse avec un bout de bois puis se relève, prend l’enfant par la main et retourne vers la maison. 

Mais arrivé sous la poutre, il lâche la main de la gamine et tous deux perplexes, restent la tête levée. Mais au moment où il se décide à se retourner pour aller chercher l’échelle, deux mains le saisissent par les hanches et le soulèvent. 

Surprise, la petite fille crie autant que lui et le pot qu’il a lâché pour saisir ces mains, se brise en laissant échapper, terre, cailloux et cactus. Et un énorme “oh, non !” sort de toutes les bouches de la famille.

Lucette se lève et en passant se penche vers son mari.

- Tu vois, il aurait peut-être dû me laisser le faire !

 





  

 



















10 mai 2010

Robert mercredi 4 Août 1976 amie

Robert mercredi 4 Août 1976 amie




Trois jours que j’écris.

Je me lève, je déjeune, je me mets à la table avec mon gros gros gros cahier et je copie toute la journée.

Hier soir, je n’arrivais pas à dormir avoir je suis descendu, j’ai récupéré, livre cahier et stylo et je me suis avancé jusqu’à trois heures du matin.

Je veux avoir fini ce travail. Non, cette punition dantesque, le plus rapidement possible.

Cette nuit, dans le peu de temps où j’ai dormi, j’en ai rêvé.

Alors ce matin à sept heures, debout !

Bon, par contre, maintenant, j’ai sommeil.

Envie d’un café. Gisou va râler. M’en fous !

Rémy qui bricole je ne sais quel moteur, me regarde passer mais ne me dit rien.

Nous sommes seuls dans la pièce.

Les mutter sont allées au marché avec Papapa et le colon.

Lui... je le retiens !

Dans le placard, ma main se referme sur le mug Il y a quelques jours Rémy m’a dit que ça s’appelait des mugs. De la 107, mais je me ravise. Je sais qu’il me regarde. Je prends celle de son sous-marin. Je lui montre, il sourit.

- Si tu prends du café, sers-moi en un aussi, s’il te plaît.

Lui, il a droit à celle de l’école des mousses.

Aucune réaction.

 

En revenant, je capte qu’il y a un truc roux assis à la table dehors.

J’abandonne Rémy et avec mon mug, je vais m’asseoir à côté d’elle sur la table.

Elle est absorbée par un gros livre… sur la vie des pygmées.

Ouais, bof, je le lui laisse.

 

- Qu’est-ce qui t’arrive ? T’es toute seule ? Pourquoi vous n’ouvrez jamais les volets de votre chambre ? Pourquoi…

- Pourquoi tu poses toujours plein de questions ?

- Je ne sais pas…

Elle lève la tête vers moi, la main en casquette au-dessus de ses yeux. Je me déplace un peu, me mettant entre elle et le soleil. Elle sourit.

- Tu sais que t’es con ?

- Oui depuis longtemps. Mais pourquoi tant de gentillesse de ta part ?

Rémy s’est levé et son mug aux lèvres nous observe. Je le fixe. Il se met à rire en secouant la tête et va se rasseoir.

Marre d’être debout, je m’assieds à côté d’elle. Elle se tourne, mettant une jambe de chaque côté du banc.

- T’as vraiment l’intention de finir la punition de Papa ? Bin oui, j’suis puni, j’accepte et puis c’est tout. Je te dis ça car ils ont tous parié que tu ne la finirais pas. Et Maman a dit qu’ils étaient allés jusqu’à Grenoble pour arriver à te trouver cet énorme cahier. Et que si tu la finissais. ils mettraient ce cahier sous cloche et en vitrine.

- Il n'est pire douleur que le souvenir du bonheur au temps de l'infortune.

- Quoi ?

- Je te récite du Dante.

- Non, en plus tu l’apprends ?

Je secoue la tête.

- Non je le retiens c’est tout.

- T’es ouf comme mec !

Je hausse les épaules d’un air blasé.

- Sinon pourquoi t’es seule ici ?

- Me suis disputée avec les autres.

- Pourquoi ?

- Ça ne te regarde pas !

- OK ! Je retourne à mon cahier.

- Non reste ! Je fixe la main qu’elle a posée sur ma cuisse nue. Elle se redresse et s’assied à genoux sur le banc face à moi, sans l’enlever. La différence de couleur entre sa peau et la mienne est saisissante. J’aime bien quand t’es gentil comme ça.

- Suis toujours gentil, c’est vous qui n’êtes pas sympas avec moi.

Elle se mordille la lèvre supérieure à son habitude, la tête un peu penchée. Elle se met debout devant moi. Enlève sa main gauche de ma cuisse gauche pour la poser sur ma cuisse droite posant son autre main sur mon autre cuisse, écarte mes jambes et s’assied de nouveau à genoux sur le banc, entre elles.

Nous ne disons rien tout les deux.

Je fixe ses yeux verts.

Je sens d’un coup le mug vide, posé sur mes cuisses contre mon bas ventre.

Je déteste cette fille, je dois la fuir.

Je la repousse brusquement mais dois la retenir quand je le vois partir en arrière en battant des bras.

Le mug tombe sur les graviers. Je le ramasse vite. Et merde, il est fissuré et la anse se détache. Pourquoi d’un coup ai-je envie de pleurer. Pourquoi je n’arrive pas retenir mes larmes ?

Le cadavre au creux de mes deux mains, je me dirige vers la maison.

Rémy qui a entendu Véro crier, s’avance vers moi dans la cuisine.

- Je suis désolé !

- Il n’y est pour rien, c’est ma faute, c’est moi qui l’ai faite tomber et qui l’ai cassée. Véro se saisit du mug et se met devant son oncle qui semble hésiter. On peut la recoller, hein tonton ?

Dans la grande pièce, j’essuie mes yeux puis cahier, livre et stylo dans les mains je monte dans ma chambre.




A midi, J’entends Papapa gueuler : "à table".

J’ai encore une demi-page.

Je ne descends seulement qu’une fois le dernier point posé.



Le cahier et le livre claquent sur la table à côté de Richard et je remonte.



La porte s’ouvre. Je suis couché sur mon lit, mon oreiller sous mon torse, un livre ouvert devant moi.

- Faut que je te porte comme Coco ou tu descends seul ? Je regarde Rémy et vais pour encore une fois m’excuser. J’ai recollé la anse. Tu sais ça arrive à tout le monde de faire tomber des choses. En attendant, descends. Il y a une sole qui t’attend dans ton assiette.

J’obéis. J’accepte cette nouvelle punition.

 

Dans mon assiette : un steak haché...







12 janvier 2010

Caths jeudi 31 juillet 1975 mon tombeau

Caths Jeudi 31 juillet 1975 mon tombeau

 

- Cette chambre sera mon tombeau.

Ça c'est dit.

Depuis hier, elle n'est pas sortie. Même pour faire pipi. Elle a fait pipi dans le petit lavabo de mon coin toilette. Une chaise devant et puis voilà ! 

Elle a trouvé ça grisant. 

Elle rit en pensant à la tête que ferait sa mère si elle le savait. Elle le lui dira un jour rien que pour voir sa réaction.

Hier soir, quand elle a dit qu’elle n'avait pas faim, ils n'ont pas insisté et ce matin, ils ne sont pas venus la chercher. Du coup, elle s’est réveillée à onze heures et ça lui fait bizarre.

Maintenant, elle a faim !

Elle se lève et fouille dans son bureau, elle y trouve des chewing-gums.

Ouais mais bon, maintenant qu’elle est réveillée, elle s'ennuie.

Et si elle triait ses affaires.

Elle aimerait bien retrouver d'autres photos de lui.

D'abord récupérer un sac poubelle dans sa salle de bain. Ils sont tout petits, il lui en faudrait des plus grands mais elle commencera avec ceux-là.

En premier ses tables de chevet, c'est vite fait, tout va à la poubelle sauf les bonbons qu’elle remet dans le tiroir.

Tiens ! Les boucles d'oreille en or et argent que sa mère cherche partout. Elles rejoignent les bonbons.

Dans l'autre de la monnaie et une croix en bois que Robert lui a taillé en guise de cadeau de Noël, il y a un an.

La monnaie va rejoindre les boucles d'oreille. Le crucifix, lui, elle hésite... c'est Robert qui le lui a offert et c'est lui qui l'a fait donc il rejoint le reste mais en même temps, elle le mettrait bien à la poubelle car sur ce coup, le Bon Dieu, il a été une belle pourriture.

Bon, ras le bol du ménage, elle se recouche et s'endort en pensant à lui.

 

- Catherine ouvre cette porte !

- Non Maman, laissez moi tranquille, vous m'avez réveillée. Au moins quand je dors, je peux rêver.

- Christophe dit à ta fille d'ouvrir cette porte.

Sa mère l’hallucine avec ses certitudes débiles.

- Maman que ce soit toi ou lui, je ne vous ouvrirai pas, tu sais ?

Le ton de sa mère change, il se fait suppliant… mais pas longtemps.

- Catherine soit raisonnable, sors et viens manger ou je demande à Gérard d'enfoncer la porte.

Son père intervient timidement.

- Je peux le faire aussi.

On sent dans la voix de madame Lutz tout le mépris qu’elle a pour son mari.

- Christophe voyons, ne sois pas aussi foufou que ta fille.

Catherine se lève et, debout au milieu de la pièce, elle réfléchit à comment les empêcher d'entrer.

Puis d'un coup, elle a une idée !

Les meubles sont lourds mais elle réussit à pousser son lit, sa tête contre la porte, les pieds vers la fenêtre. Puis la commode et enfin la lourde armoire vidée de tout son contenu vient s'imbriquer devant la fenêtre ouverte les volets fermés.

Pour s'amuser, Catherine enlève le verrou, sa mère se précipite sur la porte et tente de l'ouvrir. En vain bien sûr.

En attendant, elle prend de nouveaux sacs poubelles et y enfourne toutes ses robes. Dans d'autres, ses tee shirts et chemisettes et dans d'autres encore ses pulls mais elle n’en a plus pour ses pantalons et ses shorts.

Ensuite elle ouvre ses volets et jette les sacs par la fenêtre sur le trottoir, les éboueurs auront du travail au moins. Puis elle referme ses volets, il fait trop beau dehors.

Elle entend mes parents se disputer puis s'en aller.

Assise sur son lit, elle contemple sa chambre sans dessus dessous comme sa vie. Demain sera un autre jour, en attendant elle veut encore rêver que rien n'a changé.

12 février 2010

Robert Dimanche 12 Octobre 1975 où est-il ?

Robert Dimanche 12 Octobre 1975 où est-il ?

 

- Mais non, j'ai eu beau chercher partout et je suis même retourné à la piscine ce matin pour demander à monsieur Jolliot. Il ne l'ont pas trouvé eux aussi. Je fais comment moi, maintenant ?

Debout devant mon armoire, je refais encore une fois toutes mes piles. J'ai vidé et retourné mes poches de pantalons et de blouson. Rien à faire, je ne retrouve pas mon maillot de bain.

Claude assis sur sa chaise, dos à son bureau, les pieds posés sur la barre au pied de son lit me regarde narquois.

- Sinon...

- Sinon quoi ? Bon aller arrêtes, vas y, tu penses que je l'ai paumé où ?

- Paumé, pas si sûr. Tu m'as dit que la miss avait les mains baladeuses. Il ne te manque rien d'autre ? Il était dans ta poche ou ta serviette ?

- Dans ma... oh non ! j'ai posé ma serviette sur la rambarde, tu imagines s'il est tombé et que le colon le trouve dans ses escaliers, c'est sûr, là, je suis mort.

- Imaginons le pire : ce sont ses filles, là mon pote il te castre c'est sûr. Ou pire, il te file en pâture à Gâche.

- Oh non pas ça, pas Gâche ! Mais en attendant je ne peux plus aller à la piscine moi ! Si c'est elle, qui me l'a piqué, c'est une conne car on ne se verra plus puisque je ne peux plus aller à la piscine.

27 février 2010

Robert Samedi 1er novembre 1975 les Alpes

Robert Samedi 1er novembre 1975 les Alpes



- Non Maman, je ne veux pas y aller, c'est trop glauque et lugubre.

- Ça suffit les caprices. Tu sais que c'est important pour Papy.

 

Je trouve les filles très chics. Habillées comme leurs mères et leur grand-mère d'une robe noire. Seule la dernière est emballée dans une combinaison qui la transforme en bonhomme de neige.

Moi, je suis tout en gris, un bermuda gris avec des chaussettes montantes grises, une chemise blanche avec cravate grise et un nouveau pull à torsades gris lui aussi. Et en dehors de ma chemise et de mes sous-vêtements qui ne sont pas gris mais blancs et bien sûr mes chaussures neuves qui sont noires. Je n’ai pas souvenir d’avoir jamais été habillé aussi chic.

Cette nuit, il a neigé, et la vue qui s'offre à moi depuis la fenêtre de la chambre est magnifique et me donne envie d'aller faire du ski.

- Fais-toi voir ? Gisou resserre mon nœud de cravate et m'arrange le pull. Tu es très beau.

- Merci !

Je dois avoir l'air complètement débile avec le sourire que j'affiche mais ce simple compliment m'a rendu tout heureux. Ma mère, ma vraie mère, n'a dû m'adresser ce compliment qu'une ou deux fois dans ma vie.

- C'est vrai que t'es tout beau.

Par contre je lorgne vers Véro, suspicieux. Qu'elle, elle me fasse un compliment, m' inquiète, elle me prépare quoi comme coup vache ?

- Essaie ce manteau. Ou peut-être celui-là !

Les mutter m'ont fait monter au grenier. Là, j'ai découvert une nouvelle pièce immense qui pue atrocement. Ça me pique les yeux et le nez.

Cette pièce sous les combles est remplie d'armoires et de cantines en fer empilées le long des murs. Dessus il y a marqué garçon ou fille et des tailles.

J'ai dû les aider à en déplacer certaines pour qu'elles arrivent à une caisse marquée garçons manteaux. Je me déguise donc en mini Richard. Me voilà donc engoncé dans un manteau qui me va jusqu’aux genoux, j’ai l’impression d’être en jupe comme les filles… 

Véro s'amuse à en essayer aussi mais Gisou râle qu'elle dérange et salit tout. Avec Gisou dès qu'on s'amuse, cela semble l'embêter.




Il y a longtemps que je ne suis pas allé à la messe car à l’école, elles sont facultatives. Mais j'avoue que je m'en serais passé.

A la sortie de l'église, je vois Papy serrer la main de plusieurs personnes âgées. Nous, les parents, nous entraînent jusqu'au cimetière.

Les "Granier" ont carrément un caveau familial.

 

Dire que moi, je n'ai jamais connu aucun de mes grand-parents, ah si, la maman de maman, mais si peu. Même si on me répète que ce n'est pas possible je suis sûre de me rappeler une femme avec des yeux bleus foncés, qui me chantait des berceuses dans une langue inconnue.

Je n’étais jamais entré dans un cimetière jusqu’ici. On dirait une sorte de ville avec des petites maisons. Là je me souviens du livre “L’oiseau bleu” et j’imagine les morts en tenues de diverses époques se promenant et se parlant.

Les stèles sont en majeure partie en pierre brute mais il y a surtout des tombes simples sans stèle avec ou sans croix gravées dessus. . . 



Leur caveau de famille est ouvert, j'aimerais y entrer pour voir mais des femmes me l'interdisent.

- Il y a eu une réduction, c’est plein de miasmes.

Réduction de corps ? Je voudrais savoir ce que c’est mais personne ne me répond alors, je me laisse entraîner par Richard loin de cet espèce de mini chapelle.

Lui veut me montrer le monument au mort, il y a vingt membres de leur famille inscrits dessus pour la seconde guerre mondiale et aucun pour la première. 

Je fais le tour du monument qui n’a rien de spécial, un obélisque carré avec une plaque en marbre fixée sur chacun de ses côtés.

- Pourquoi tu suis chaque nom du doigt ? Je sursaute et j'arrête de le faire. Je regarde Maïté. Je ne sais pas quoi lui répondre. Dés fois ça m'arrive aussi de le faire quand je lis un livre. Sinon, tu viens avec nous, on va chercher toutes les statues d'ange qu'il y a dans le cimetière, l'année dernière on en avait trouvé soixante douze.

Je hausse les épaules, non je n'ai pas envie, je suis vexé qu'elle m'ait surpris ainsi à faire un truc bizarre. Je préfère retrouver les hommes qui sont retournés devant l'église. Ils sont en grande discussion avec le prêtre.

Richard me voit derrière, il me prend par le bras et me fait passer devant eux. Le curé qui a sûrement vécu la première guerre mondiale me sourit.

- Ah serais-ce toi le petit Robert ?

Je fais semblant de chercher autour de moi.

- Vu que je suis le seul ici à porter ce prénom et étant le plus petit, je pense que oui.

Je prends une claque sur la tête du colon. Ce qui n’a pas l’air du goût du vieux curé.

- Laisse Richard, il n'a pas sa langue dans sa poche, c'est tout. Tu crois que tu ne l'avais pas toi quand tu étais petit ? Je me souviens encore d'un petit garçon peu discipliné, crois-moi.

Le colon pose ses mains sur mes oreilles, ça me fait sourire. j'entends juste les mots fessée et danser. Je me tourne vers lui qui me fait les gros yeux, Papapa et Rémy sont amusés puis Rémy éclate de rire. Je veux enlever ses mains mais quand il le fait, le père s'est tu et s'éloigne.

Zut !







À midi, nous mangeons au restaurant, nous y retrouvons d'autres familles qui étaient avec nous à l'église.

C'est après le petit "routier", la seconde fois que je mets les pieds dans un restaurant. Enfin non, pas vraiment car j'ai, de nombreuses fois mangé dans celui des Rozer mais ce n'est pas pareil, je m'y arrêtais en rentrant du lycée et ce n'était pas pour manger mais pour donner des cours de maths à leur fille Michelle et sa mère me payait en me remplissant le bide.

À notre retour, je m'écroule sur un des canapés. J'ai trop mangé. Les hommes eux, montent faire la sieste dans leurs chambres.

Les filles se sont une fois de plus installées avec un jeu de société. Je m'y intéresse deux secondes puis leur tourne le dos avec la volonté d'un peu dormir.



Mammema sort de la cuisine.

- Gisou, ce n'est pas grave, les grandes vont aller en chercher à la ferme. Nous n'aurons qu'à tout préparer cet après-midi comme ça demain nous n'aurons pas grand chose à ranger dans la cuisine. Et puis je passerai les payer en partant. Isabelle, Maïté c'est à votre tour d'aller à la ferme.

- Oh non Mamie.s’écrient-elles en coeur. 

Véro et les jumelles se précipitent sur leur grand-mère.

- Nous on veut bien y aller à leur place si Robert vient avec nous. 

Les mutter sont d'accord et les trois emmerdeuses ne me laissent pas le choix.

- Tu viens avec nous aujourd'hui à la ferme chercher le lait !

Pourquoi ? Moi, là, j’ai juste envie de dormir.

- Non.

Et je ne bouge pas, roulé en boule sur le canapé un coussin sous la tête et un autre dans les bras.

- Laisse tomber Mathilde, il ne veut pas se ridiculiser avec son petit vélo en n’arrivant pas à nous suivre.

Agacé, je me lève du canapé, prêt à leur montrer qui sera vraiment ridicule dans l’histoire. 

- Pff ! j'suis même sûr d'y arriver avant vous.

Les trois se regardent puis pouffent.

- En ne sachant pas où elle est, tu es fort dit donc !

- Ouais bon Véro, c'est pas faux. allez, montrez-moi le chemin. Mais au retour je vous mets la pâtée.





Nous sommes tous encore avec nos jolies tenues et les mutter nous répètent dix fois de ne pas les salir. Par contre moi j’opte pour mes baskets toutes neuves à la place de mes chaussures vernies de cérémonie. 

A peine arrivées à la ferme, elles posent leurs vélos contre un mur et courent jusqu’à l’enclos des cochons. Moi, je les suis lentement, les mains dans les poches. Véro caresse les porcelets à travers le grillage.

La propriétaire Madame Daniels la fait reculer.

- Attention ils vont te croquer les doigts.

Mathilde me désigne à sa cousine. 

- Véro, si on le jetait dans l'enclos ?

Là, la fermière fronce les sourcils puis sourit amusée devant mon regard noir. 

- Votre petit frère se ferait manger intégralement.

Là, je hausse les épaules et retourne vers les vélos.

- Suis pas leur frère, heureusement, et je suis plus vieux qu'elles.

La fermière semble surprise mais ne fait pas de commentaire, elle tend juste aux filles les pots à lait qu'elle a remplis.

Elles m'ont gonflé, je pars en avant et je les attends assis sur une borne sur le bord de la route.

- Ah vous arrivez enfin ?

- Tu sais que tu n'es pas cool du tout. Maintenant si tu veux faire la course on est d'accord mais pas sur le chemin de la maison car c'est la grand route...

- Non, je suis sûr de gagner.

- Laisse tomber Véro monsieur a peur de perdre.

Je vais réagir puis je souris.

- Je m'en fiche de perdre ou de gagner, ce que je ne supporte pas ce sont les escargots, et vous êtes encore pire : des limaces mais…  je veux bien faire la course.

Véro n’attend pas la fin de ma phrase pour s’énerver.

- Si tu veux qu'on aille plus vite tu n'as qu'à prendre les pots de lait. Puis d’un coup elle réalise ce que je viens de dire. Oh ! tu es d'accord ? Mais tu sais, on comprendra si tu renonce car nous continuons à penser qu'avec tes petites roues tu n'es pas capable d'aller aussi vite que nous avec nos grandes roues.

 

 

Il y a une route toute droite sur la gauche juste avant d'arriver à la ferme. Le but, c'est le grand chêne que l'on peut voir très loin au fond. Les bidons sont cachés au pied d'un buisson et, avec départ pieds au sol, la course commence.

Je suis sûr de gagner,ayant une bonne avance.

Quand Véro me crie : "attention à droite", je ne me méfie pas et je tourne évidemment la tête . Il va sans dire que je n'aurais pas dû.

Elle connaît parfaitement cet endroit, et je ne vois pas devant moi, la dénivellation donnant sur une fosse à purin. Je fais donc un vol plané et atterris couché de tout mon long dans une mare de boue malodorante. J'en ai partout, dans les yeux, le nez et la bouche. J'ai mal à mon bras gauche et je suis trempé. Adieu les beaux vêtements gris de ce matin, ils sont marrons maintenant. Oh non ! Mes baskets toutes neuves. Je déteste ces filles ! Je commence par m'énerver, puis je me mets à rire comme elles en m’essuyant le visage..

- Bordel, à cause de vous je vais me faire tuer par vos parents, surtout que vos mères nous ont dit de ne pas nous salir, vu qu'on va partir. Et merde, aidez-moi , je n'arrive pas à me remettre debout, je glisse.

Véro et une des jumelles me tendent chacune une main.

- Sans rancune ?

- Non, puisque je vous y invite aussi !

Disant cela, je les y précipite à leur tour. Seule l’autre jumelle, l'évite.

 

Notre arrivée est annoncée par Rémy, qui lave sa voiture et qui nous arrose au jet lorsque nous passons devant lui. Trop gentil, comme si nous n'avions pas assez froid comme ça !

- Les femmes venez vite, vous allez être ravies ! Quant à vous, laissez vos vélos ici que je les rince, mais vous puez c'est une horreur. Dîtes les gamins, vous savez que l'on part demain.

Gisou s'arrête devant nous la main devant la bouche, je crois qu'elle est horrifiée comme sa sœur. Mammema elle, prend les choses en main.

- Vous au bain, toi, déshabille-toi ! Rémy donne moi le plaid dans ta voiture.

Je dois me désaper dehors et quand je passe dans la cuisine où les trois filles sont déjà en train de se laver, Mammema m'emballe malheureusement la tête dans le plaid. Et je dois attendre mon tour devant la cheminée de l’autre pièce.

- Franchement, tu ne crois pas qu'on a autre chose à faire que rattraper vos bêtises et vous allez attraper la crève.

- Mais Gisou, je..

Doigt sur la bouche. Elle m'énerve à la fin, pourquoi je n'ai rien le droit de dire ?

Lorsque je peux enfin avoir la cuisine libre et me baigner dans l'eau chaude laissée par les filles, les hommes me suivent et, pendant que je me lave, ils me demandent de leur raconter ce qui s'est vraiment passé. Je ne me fais pas prier, même si je n'ai pas le plus beau rôle. Quand je leur avoue pour le plongeon de Véro et sa cousine, Rémy me met la tête sous l'eau en riant.














14 mars 2010

Robert dimanche 11 janvier 1976 les rois

Robert dimanche 11 janvier 1976 les rois



Nous sommes rentrés depuis une semaine.

Semaine stressante et épuisante où pour nous souhaiter la bonne année et nous remettre au boulot, dès le mardi nous avons enchaîné les devoirs sur table de quatre heures et les interrogations orales, seul devant deux à quatre profs qui enchaînent les questions à une vitesse déroutante au début. Et même moi et Nevière, pourtant les deux meilleurs de la classe, nous en étions sortis incapables de savoir si nous avions ou pas réussi.

Il pleut et, confinés dans nos chambres ce matin, nous sommes tous sur nos devoirs, pour nous avancer et pouvoir sortir pour ceux qui le peuvent, soit aller à la piscine ou au gymnase l'après-midi.

Nevière passe la tête dans l'entrebâillement de la porte.

- Claude, ça te dit "les dents de la mer" cet après-midi?

- Ouais allez. répond Claude en levant le nez de ses bouquins.

Ma tête fait un drôle de “pok” quand je la laisse tomber sur mon cahier, pour accompagner ma déclaration de jalousie et de totale désespérance

- Vous avez trop de chance !

- Dans un an, tu pourras venir avec nous.

Un an c'est long. 

Dans un mois, j'aurais quinze ans mais pour ce que ça va changer…





Au mess, Firmin nous a préparé une surprise : des galettes des rois à la frangipane.

Au dessert, nous avons reçu une mandarine, dans les faits, j'en eu deux car Jussieu n'aimant pas ça, je la réquisitionne.

J’interroge mon voisin.

- Il fait quoi Gâche ? On a tous fini là !

En face de moi, Duverger me montre les tables des rats.

- Eux aussi restent assis, ils attendent quoi ?

Derrière moi, Darmon nous fait signe de nous taire.

- Et les mecs, il y a le colon.

Effectivement, le Spé a raison, il va à la table de Gâche et des capots où le capitaine veut lui céder sa place mais on le voit refuser et venir s'asseoir à une des tables des troisièmes où il y a un absent. On se regarde en se demandant à quoi ça rime lorsque nous voyons arriver Firmin et Jul poussant des dessertes avec dessus des énormes galettes des rois. Ils s'arrêtent à la hauteur du colon et veulent le servir en premier mais celui-ci refuse. Et se lever pour les aider.

- Claude, viens avec moi. On va aller les aider nous aussi, on va aller servir les profs.

- Vas-y seul.

- Comme tu veux. Qui vient avec moi ?

C'est Nevière et un Spé dont j'ignore le nom qui me suit. Il n'y a pas beaucoup de profs donc c'est vite fini, mais quand nous retournons à notre place, le colon s'est assis et Firmin nous fait terminer à sa place.

Quand je croise le regard du colon, pas un sourire, il a même l'air fâché, je ne comprends pas pourquoi. Bah tant pis.

Enfin, c'est à notre tour et Jul avec un clin d’œil me pose deux parts sur mon assiette mais elles n'y restent pas longtemps car lorsque je passe devant Richard, il m'en prend une et l’attaque de suite en me faisant signe d'aller m'asseoir. Ce qui me vaut de me faire moquer par tous les autres élèves.

Et mon espoir de voir Firmin m'en donner une de plus est vain car il retourne dans la cuisine sans s'arrêter. Bon pas grave, vu que je suis de service, ce n'est que reculer pour mieux sauter.

Enfin Gâche donne le top du départ.

Richard vient jusqu’à notre table.

- Toi, tu viens avec moi. Il a posé sa main sur mon épaule. Firmin vos galettes étaient presque aussi bonnes que celles de ma femme.

Les deux hommes ont l'air de trouver ça amusant, moi je fixe Jul qui me fait des signes grivois. Je lui réponds par un doigt d'honneur qui se veut discret mais pas tant que ça car la claque sur la tête me montre que le colon l'a vu. Ce mec à force, me gonfle.



Cinq minutes plus tard, nous sommes au troisième étage de l'immeuble d'habitation, devant une double porte en bois ciré qu'il ouvre.

- On est là ! Enlève tes souliers sinon, elle va te manger. Je souris à l'image qu'il donne de Gisou que j'ai hâte de revoir. Mets ton calot et ton blouson sur la chaise à côté de la porte.

Richard m'abandonne pour  continuer vers la cuisine.

 

En face de la porte d'entrée, une autre double porte mais vitrée, celle-ci, qui donne sur une grande pièce où les filles sont assises autour d'une grande table à côté de Papapa qui me fait signe de venir les rejoindre.

 

- Aller viens t'asseoir à côté de moi. Il prend Fanfan sur les genoux qui migre sur les miens dès que je suis assis.  Alors c'était bien ce séjour à Bordeaux, qu'est-ce que tu nous racontes.

Je n'ai pas le temps de répondre et d'ailleurs répondre quoi ? Que Mammema par derrière, m'embrasse et coiffe des deux mains mes quatre centimètres de poils crâniens que le coiffeur n'a pas encore rasés.

- Richard ça lui va bien, les cheveux un peu plus longs. Ce dernier se laisse tomber sur le canapé en ignorant totalement sa mère.  Alors de ce séjour à Bordeaux, que nous racontes-tu ? Tu nous a manqué, je n'ai pas eu à sortir la boîte à pharmacie. Mammema, fait lever Isabelle pour s'asseoir à côté de moi. Richard, tu lui as coupé la langue ?

Véro pose devant moi une assiette avec une part de galette des rois, je sens son souffle dans mon cou.

- Je te le ferai payer !

- Mais je ne t'ai rien fait.

Je me retourne vers elle mais elle est déjà ressortie en courant sans me donner d’explication.

Richard me fixe les yeux plissés mais a un sourire amusé.

- Tu vois Maman, il a toujours sa langue et hélas l'autre peste aussi.

Les deux vieux, eux, ont aussi l'air de trouver ça amusant.

Moi, je ne suis pas à l'aise. Encore une fois, je n'ai pas l'impression d'être à ma place.

Gisou pose au milieu de la table, un grand bol rempli de chantilly et une autre galette des rois puis se penche pour m'embrasser.

- Bonne année mon garçon, j'espère que tu t'es bien amusé. Je sens ses doigts dans mon cou. Elle sort la chaînette de dessous ma chemise et regarde le petit médaillon. Et alors c'était bien le surf ?

- Humide.







À dix-huit heures quand Richard m’ordonne de partir,  Papapa me fait signe de ne rien dire et me raccompagne carrément jusqu'à la chambre. Je l'attends dans l'escalier car il monte lentement, cela lui semble pénible.

- J'ai un genou qui me pose problème, faut que je le fasse opérer.

Claude est couché sur son lit, il se met debout immédiatement, m'interrogeant du regard. Papapa va lui serrer la main.

- Alors c'est vous le Claude qui l'avez si gentiment reçu ? J'espère que ce garnement s'est bien comporté. Elle est bien votre chambre, nous, chez les jésuites, c'étaient des dortoirs et il y faisait un froid terrible.

J’ignorais qu’il avait été chez les jésuites, je le plains.

- Les petites classes sont en dortoir. Mais Richard ne t'a jamais fait visiter ?

Ma question semble l’amuser.

- Oh avec lui, je peux rêver. Là, je trouve qu'il exagère, vu comment je vois le colon être aux petits soins pour lui. Bon je vous laisse, je retrouverai bien le chemin tout seul.

Mais il n’aura pas besoin car Richard ouvre la porte d’un geste énervé.

- Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Repos ! Papa tu n'as pas le droit d'être ici.

Papapa me fait un clin d’œil.

- Tu vois ce que je te disais. Voilà, comment mon fils me traite. Bon et bien bonsoir les enfants et toi, ne mange pas sa part !

Lorsqu'ils sont partis, je tends à Claude le petit paquet qui contient sa part de galette mais déjà la sonnerie du lycée nous appelle pour le repas.

Deux étages en dessous, comme les autres nous saluons le colon et son père que nous voyons s'engager dans le couloir, il a réussi à obtenir de pouvoir visiter.














5 mars 2010

Robert Samedi 20 décembre 1975 départ pour Bordeaux

Samedi 20 décembre 1975 départ pour Bordeaux.

 

A cinq heures, je suis réveillé et en pleine forme par contre Claude a plutôt envie de me jeter par la fenêtre.

 

A huit heures vingt cinq, nous sommes dans le train. Richard est monté avec nous.

Mais avant de nous laisser, après avoir dit au-revoir à Claude, il me fait redescendre sur le quai et me donne une enveloppe.

- Mets-la au fond de ta poche et ne la perds pas. Promets-moi que tu ne l'ouvriras qu'une fois arrivé à Bordeaux.

- Oui mais c'est quoi ?

- Ton cadeau de Noël de la part de Gisou et moi. Je plie l'enveloppe en quatre et la fourre au fond de la poche avant gauche de mon pantalon. Je suis gêné car moi, je n'ai rien pour eux. Maintenant embrasse-moi et files. Et n'oublies pas que tu vas dans une familles de nobles, essaie de bien te comporter.

- Des nobles ?

- Attention, ton train va partir, grimpes !

Je reste derrière la porte qu'il ferme et le suis des yeux, s'éloigner, immobile sur le quai. Ma main reste dans ma poche sur cette enveloppe que j'ai hâte d'ouvrir. Je sais que c'est de l'argent. Je suis abasourdi par tant de largesses.

 

 

 

 

 

- Passe-moi mon billet.

- Non.

- Pourquoi ?

- Je suis majeur et pas toi.

- Ah la bonne blague ! Donne-moi mon billet. Donne-moi mon billet. Donne-moi mon billet. Donne-moi mon billet. Donne-moi mon billet. Donne-moi mon billet. ...

- Jeune-homme pourriez-vous donner son billet à votre petit frère ou autorisez-moi à le frapper.

- Je vous y autorise, cela m'évitera de le faire moi-même.

Je ne suis même pas assis à côté de la fenêtre et si c'est comme en voiture, je ne peux pas lire. Je me lève et vais dans le couloir m'appuyer à la fenêtre où je reste jusqu'à notre arrivée à Marseille.

Nous avons dix minutes pour changer de train et nous le faisons en courant et si, lui reste confiant, moi je suis à la limite de la crise de panique.

- Monte.

- Ce n'est pas notre wagon.

- Oui, mais on va y arriver par l'intérieur comme ça tu seras rassuré. Ainsi nous ne risquerons plus de louper notre train. D'accord ?

- Et t'es sûr que c'est bien notre train ?

- Oui, regarde !

Excédé, il me montre un petit panneau sur la porte du soufflé qui relie les wagons, avec dessus marqué : Bordeaux, ainsi que le numéro de notre train.

Rassuré, je le suis jusqu'à nos places.

Elles se situent dans un compartiment de huit et il est plein à part nos places. J'entre en premier et je vais m'asseoir près du mec du milieu mais sans douceur, Claude me pousse sur le siège à côté de la porte et prend place à côté du mec. Bon comme il veut.

A Montpellier, nous nous retrouvons seuls dans le compartiment. L'homme à côté de la fenêtre m’interpelle.

- Jeune-homme fermez les rideaux et la porte comme cela, si les places ne sont pas réservées, nous serons tranquilles.

Et effectivement, nous resterons seuls jusqu'à Bordeaux.

 

A Bordeaux, nous sommes attendus par son père et sa sœur. Claude lui donne une simple accolade et moi je lui serre la main.

Il est plus petit que Claude, avec une petite moustache. Il a un petit chapeau en fourrure sur la tête, de la même fourrure qui borde le col de son manteau en drap gris.

Derrière lui, la sœur de Claude reste en retrait. Elle a une bonne tête de plus que moi. elle est habillée en petite fille très sage : socquette blanche et jupe plissée grise sous une cape en laine de la même couleur dont la grande capuche me cache pour l'instant son visage. Je suis gelé et la voir ainsi jambes nues, me fait la plaindre.

 

Leur père a une DS noire.

Durant le court trajet jusqu'à leur maison, calé contre la portière, à côté de la frangine, je reste le nez en l'air, admirant les décorations de Noël de la ville. Et je rêve, m'imaginant être le président de la république.

Ils habitent une maison dans la banlieue de Bordeaux.

C'est sa sœur qui sort pour ouvrir le portail.

Elle ne nous attend pas pour entrer dans la maison.

Quand nous entrons, nous sommes accueillis par leur mère qui vient embrasser son fils après avoir récupéré le manteau et le chapeau de son mari. Elle est aussi grande que son mari, rondelette. Elle porte un petit tablier sur une robe bleue toute simple. Elle devait faire la cuisine.

- Bonjour jeune-homme, alors c'est vous le nouvel ami de mon fils ? Il nous a dit beaucoup de bien de vous. Anaïs montre-lui la chambre de ton frère s'il te plaît. Je vous y ai installé un petit lit à côté du sien, j'ai pensé que vous apprécieriez de rester ensemble.

- Merci madame. (La fille fait mine de se saisir de mon sac que j'ai posé au sol..) Non, c'est bon, je vais le porter.

Quelqu'un toque à la porte. C'est une jolie blonde aux yeux bleus, très BCBG. Au sourire de Claude, je devine qui elle est.

- Robert, Aline. Voilà les présentations sont faites, on peut y aller.

Elle se penche vers moi mais au lieu de m'embrasser comme je m'y attendais, elle me passe la main dans les cheveux et les ébouriffe. Je reste bête, surpris et agacé.

Elle a un petit rire puis m’embrasse en m’expliquant que Claude lui a confié que j’avais horreur qu’on me le fasse, alors elle n’a pas pu s’en empêcher. Je fusille Claude du regard.

Ils repartent presque de suite, me laissant aux bon soins de sa sœur.

- Bon débarras, ils sont aussi insupportables, l'un que l'autre. Viens !

La chambre de Claude et celle de sa sœur sont sous les combles et sont aussi grandes que la chambre des parents au chalet.

Celle de Claude est toute dans des teintes de marron et son lit et le lit pliant qu'ils ont installé pour moi ont le même couvre lit écossais marron.

Elle s'est assise sur le lit de son frère pendant que je regarde les titres des livres sur ses étagères. Il a surtout des Marabout junior jaunes. J'en prends un au hasard : " Les yeux de l'Ombre Jaune".

- Toi aussi tu aimes Bob Morane ?

- C'est qui ?

- Le héro du livre que tu tiens dans ta main.

- Oh, non je ne connais pas. Je le lirai ce soir.

 

- Les enfants vous venez manger, on ne va pas les attendre. Allez vous laver les mains.

Leur père est déjà assis. Anaïs me prend par la main et me fait asseoir à côté d'elle.

Le repas est silencieux, le peu de fois où elle s'adresse à ses parents, elle les vouvoie, même moi je ne vouvoyais pas les parents au chalet. Je trouve cela bizarre et très intimidant. J'en veux à Claude de m'avoir laissé tout seul.

Pendant le repas, je leur propose mon aide pour le service. Madame D'Aureilhan me fait comprendre que chez eux, les hommes doivent rester à leurs places. Je suis gêné et mal à l’aise.

Autour de mon assiette, il y a trop de couverts, Anaïs me glisse qu’il faut que je commence par la fourchette et le couteau les plus à l’extérieur pour aller de plus en plus vers l’assiette.

A la fin du repas, le père de Claude m'invite à le suivre dans son bureau où il me fait un cours complet de généalogie.

Il m’apprend qu’ils descendent directement des comtes d’Albret. Je fais semblant d'être impressionné sans l'être puisque depuis l'âge de dix ans à peu près lorsque j'ai eu confirmation de mes origines juives, j'ai décidé que je descendais directement de Jésus et donc du grand roi David. Mais, dans mon cas, seule Caths est au courant.

Claude rentre après minuit et je suis déjà couché. Je l’accueille en lui demandant s'il a bien pris son pied.

Il attrape son oreiller et, s’asseyant sur moi, il m’étouffe jusqu’à ce que je demande grâce. Il ne veut rien me raconter et me menace de m’emmener à poil dans la chambre de sa sœur si je ne me tais pas.

7 mars 2010

Richard Dimanche 21 décembre 1975 déception

Richard Dimanche 21 décembre 1975

 

Devant le chalet, la décapotable des grand-parents est déjà là, Richard gare le break à côté.

L'air embaume le feu de bois.

- Hep, les miss ne filaient pas comme ça, il y a la remorque à vider.

Gisou prend son mari par la taille, l'obligeant à lâcher les câbles qui tenaient la bâche.

- Viens, rentrons, suivons-les, nous aurons tout le temps de le faire un peu plus tard.

Il lui passe alors le bras autour des épaules.

- Tu vois, là, je suis sûr qu'il serait resté pour m'aider.

- Oui, car il a encore peur de toi, tu verras dans un an ou deux.

- Tu vois plus loin que moi mon amour.

- Peut-être parce que je suis plus optimiste que toi.

 

A l'intérieur, Mamie et Papy les accueillent entourés de leurs petites filles qui les abandonnent pour monter dans leur chambres.

- Tiens, vous ne leur dîtes pas d'allumer le chauffage ?

- Maman, ose me dire que tu ne l'as pas déjà fait ?

Cette dernière sourit mais semble chercher quelque chose derrière eux.

- Il ne manque pas quelqu'un ?

- Oh lui . Il est parti fêter Noël dans la famille de son copain de chambrée.

- Et bien, au moins nous passerons des fêtes calmes sans avoir à sortir la pharmacie. Mais vous devrez lui porter le cadeau que j’avais prévu pour lui.

19 février 2010

Gisou samedi 25 Octobre 1975 les Alpes

Gisou samedi 25 Octobre 1975 Colmar les Alpes

 

- Richard, il est bientôt midi, tu ne vas pas le réveiller ?

L'homme la regarde narquois.

- Vas-y toi, tu en crèves d'envie.

Elle se mordille la lèvre et secoue la tête comme une enfant prise en faute. Le sourire de l'homme s'accentue.

- Ce n'est pas ça voyons, mais j'aurais aimé qu'il fasse connaissance avec nous avant l'arrivée des autres. Tant de monde d'un coup, tu ne penses pas que cela risque de l'effaroucher ?

Mais n'attendant pas la réponse, elle est est déjà à l'étage.

 

Elle traverse la chambre jusqu'à la fenêtre. Suspend son geste pour regarder l'enfant qui dort à sa place. Il est aussi pâle que l'oreiller, un petit visage maigre, des traits fins malgré des mâchoires déjà bien marquées.

Un rayon de soleil vient le frapper en plein visage, à peine les volets ouverts. Il rentre ses bras nus et maigres sous la couette et se roule en boule. Puis, son visage se tend vers la lumière. Il ouvre difficilement des yeux bleus tendant vers le violet sous cette clarté qui l'aveugle. Il se redresse sur un coude mais tient serré  sa couette contre sa poitrine.

- Bonjour jeune-homme.

- Bonjour Madame.

Il grimace un sourire qui la fait sourire, elle aussi.

Faisant écran entre le soleil et lui, elle reste sous le charme de ses longs cils. Mais ensuite,  comme à chaque fois sa maigreur l'effraie.

Elle soulève la couette et aperçoit des genoux cagneux et un ventre blanc.

- Tu n'as pas de pyjama ? Tu ne dors pas nu, j'espère, je ne veux pas de ça sous ce toit. Il secoue la tête avec un sourire amusé. Bon alors, dépêche-toi de te lever, nous passons à table.




Sylvie pose le plat vide dans l’évier puis saisit le coude de sa sœur l’empêchant de retourner dans la salle à manger avec les rôtis de veau. Elle parle bas pour n’être entendue que de moi.

- Gisou, Ton gamin, tu es sûr  qu'il a quatorze ans ?

- Et bien Sylvie, c'est comme ça qu'ils nous l'ont vendu. Même si, j'avoue qu'à moi aussi, cela me semble fou. Quand dans la cour de l’école, je le vois au milieu des autres élèves, il est minuscule par rapport à ses camarades de classe. Mais ce que j'ai pu noter c'est que de loin, il ne donne pas l'impression de devoir forcer sa présence parmi eux, si tu vois ce que je veux dire. Et plusieurs fois, j'ai pu voir ses camarades se déplacer pour se mettre entre lui et d'autres qui semblaient vouloir le bousculer. Et puis, il a une bonne voix qui s'entend de loin.

- Et ce séjour en Alsace avec ton homme ?

Cette fois c’est elle qui entraîne sa sœur au fond de la cuisine.

- Richard en est revenu complètement retourné. C'est pourquoi ils sont là. Bon, vu, le peu qu'il m'a raconté, je le comprends de ne pas avoir eu envie de ramener le môme à Aix et de l'y laisser.

Sylvie scrute son visage, elle connaît bien sa sœur et là, elle la sent bouleversée. 

- Tant que ça ?

- Et bien, déjà, quand tu le verras torse nu, attends-toi à avoir un choc ma chère petite sœur.

Mais Sylvie se méprend sur ses paroles.

- Ah ça, il ne semble pas très gros.

- Si, ce n'était que ça. Lorsque je sais qu'il doit passer à l'infirmerie, je me débrouille pour y être. Madame Lang, l’infirmière, et moi sommes bonnes copines. Et la première fois où j'ai vu son dos, j'ai cru défaillir en imaginant la douleur que ce pauvre petit bonhomme avait dû supporter. Et les deux grandes qui l'ont vu en maillot à la piscine, m'ont confirmé avoir eu le même sentiment que moi. Et maintenant que Richard m'a un peu raconté par où il est passé,  je sais une chose. C’est que l’on se doit d'offrir une autre vie à ce gamin et lui faire oublier son passé.




Richard rattrape pour la dixième fois la cuillère que le bébé assise dans sa chaise haute à côté de lui, lâche au-dessus du vide.

- Mademoiselle Corinne cette fois plus de cuillère. Et il a juste le temps d'enlever aussi la petite assiette, avant que les deux mains du petit démon roux ne viennent frapper à plat son emplacement. Raté ma chérie, Papa a appris la leçon. Non Corinne. Non, tu ne hurles pas. Oh et puis zut !

 

Repoussant la chaise haute derrière lui, il se retourne et se remet à déguster le contenu de sa propre assiette tout en observant son père en grande discussion avec le gamin. Tous deux parlent bas mais cela doit tourner sur la façon de tenir ses couverts. Il voit l’homme rectifier patiemment la position des doigts de l'enfant sur sa fourchette, lui faire changer de main pour couper sa viande, plusieurs fois lui taper légèrement sur le coude pour les lui faire enlever de la table puis lui remonter les mains, de ses cuisses à sur la table à plat. Il n'a jamais vu son père aussi patient avec ses petites filles mais il est vrai qu'elles, elles ont appris cela naturellement, par mimétisme. Le gamin, ce n'est pas au mess, au milieu des autres sauvages comme lui qu'il apprendra les bonnes manières.

Rémy le sort brusquement de ses pensées.

- Richard, ta fille !

De suite, il se tourne et soupire. Le petit monstre est debout dans sa chaise. Maintenant qu'elle sait se débrêler1 toute seule, la chaise haute c'est fini. Fini la relative tranquillité.

Il pose alors la petite rouquine qui tape des mains, debout sur le sol. Son visage marque la surprise puis l'anxiété mais d'un coup, un sourire l'éclaire, et, tendant les mains vers son père, elle fait les trois pas qui la sépare des genoux de ce dernier.

- Bravo ma belle. Gisèle vient, vient vite, elle marche. Il soulève l'enfant et la pose face à sa mère qui s'est précipitée et accroupie lui tend les bras à moins d'un mètre. La petite lève la tête vers son père, le visage tout chiffonné, comme prête à pleurer et se laisse tomber au sol et à quatre pattes fait le tour de la table vers l'emplacement du garçon dont elle saisit le pull pour se redresser. Ce dernier se tourne alors vers elle et la saisit, comme s'il l'avait toujours fait puis l'assied sur ses genoux.

Gisou, d'abord vexée et déçue, s'est levée. Son homme l'attire à lui et tous deux enlacés sourient en observant la scène.

 

1Enlever sa ceinture / son harnais de sécurité

11 janvier 2010

Caths Mercredi 30 juillet 1975 noir c'est noir

 

Caths Mercredi 30 juillet 1975 noir c’est noir

 

Madame Lutz arrête sa fille en haut des escaliers qui descendent au laboratoire.

- Où vas-tu ?

- Au labo chercher la dernière plaque de gâteaux.

Madame Lutz lui fait  faire demi-tour.

- Non, c'est Annie qui ira les chercher.

Catherine ne comprend pas ce qu’on peut encore lui reprocher.

- Mais pourquoi ? J'en ai jamais fait tomber.

Sa mère la fixe avec un air sévère.

- Oui mais en bas il y a les ouvriers et les apprentis donc tu ne descends plus au labo.

 

Elle regarde sa mère avec d'abord de l'énervement puis de l'amusement, elle est sérieuse là ?

Dans la boutique derrière la vitrine, Madame Kempf hoche la tête en signe d'approbation. Elle se tourne vers elle.

- Vous, on vous a pas demandé votre avis !

La vieille a un mouvement de recul, comme choquée que Catherine ose lui adresser la parole. Vieille peau ! La jeune fille se retient de lui repéter tout ce que les ados pense d’elle et de son foulard noir.

 

Avant que sa mère n'ajoute quoi que ce soit, elle court se réfugier dans sa chambre dont elle claque la porte le plus fort possible puis s'adosse à elle et se laisse glisser jusqu'au sol, là elle se met en boule, en serrant ses genoux dans mes bras. Robert le faisait souvent, quand il était malheureux, alors elle le prenait dans ses bras et elle lui faisait plein de bisous. Mais il n'est plus là. Qui lui fera des bisous maintenant ?

Elle essaye de faire des efforts mais cela lui semble si dérisoire, à quoi ça sert ?

Elle regarde sa chambre où le soleil entre et fait étinceler les pampilles de son petit lustre et des petites lampes assorties sur son bureau et les tables de chevet. Sa mère dit toujours : " Le soleil c'est la Vie !"

Mais aujourd'hui elle aime un mort, elle aime LA Mort et elle aime le noir.

Il y a deux jours, elle a rempli le lave linge de ses vêtements et a vidé le flacon d'encre de chine dedans puis lancé un programme.

Sa mère a hurlé, a voulu la frapper mais elle aime ses vêtements noirs qui teignent aussi sa peau en noir. Et tant pis si sa mère a dû s'acheter une nouvelle machine et si elle lui a dit que la machine "noire" ne servirait plus que pour son linge. Elle m'en fout de tout.

Elle se met à tambouriner des pieds et des poings sur le sol et à hurler : " Je m'en fous de vous ! Je m'en fous de tout ! Je veux mourir !" Puis elle va à la fenêtre et ferme les volets, heureuse de ne plus voir le soleil. Heureuse d'être dans le noir.

Le noir c'est bien la couleur du deuil ? Et elle, elle est en deuil de son amour de toujours, en deuil de son bébé, de celui qui emplissait ses jours, ses nuits... qui était toute sa vie.




mais fait tomber.

- Oui mais en bas il y a les ouvriers et les apprentis donc tu ne descends plus au labo.

 

Je regarde ma mère avec d'abord de l'énervement puis de l'amusement,.

Elle est sérieuse là ?

Dans la boutique derrière la vitrine, Madame Zimmermann hoche la tête en signe d'approbation.

- Vous, on vous a pas demandé votre avis !

La vieille a un mouvement de recul, comme choquée que j'ose lui adresser la parole. Vieille peau ! Je me retiens de te dire ce que tous les ados pensent. de toi et de ton foulard noir.

 

Avant que ma mère n'ajoute quoi que ce soit je cours se réfugier dans ma chambre

J'en claque la porte le plus fort possible puis m'adosse à elle et me laisse glisser jusqu'au sol.

Là je me mets en boule, en serrant mes genoux dans mes bras. Il le faisait souvent, quand il était malheureux, alors je le prenais dans mes bras et je lui faisais plein de bisous. Mais il n'est plus là. Qui lui fera des bisous maintenant ?

J'essaye de faire des efforts mais cela me semble si dérisoire, à quoi ça sert ?

Je regarde ma chambre où le soleil entre et fait étinceler les pampilles de mon petit lustre et des petites lampes assorties sur mon bureau et les tables de chevet. Ma mère dit toujours : " Le soleil c'est la Vie !"

Mais aujourd'hui j'aime un mort, j'aime LA Mort et j'aime le noir.

Il y a deux jours, j'ai rempli le lave linge de mes vêtements et j'ai vidé le flacon d'encre de chine dedans puis lancé un programme.

Ma mère a hurlé, a voulu me frapper mais j'aime mes vêtements noirs qui teignent aussi ma peau en noir. Et tant pis si ma mère a dû s'acheter une nouvelle machine et si elle m'a dit que la machine "noire" ne servirait plus que pour mon linge. Je m'en fous de tout.

Je me mets à tambouriner des pieds et des poings sur le sol et à hurler : " Je m'en fous de vous ! Je m'en fous de tout ! Je veux mourir !" Puis vais à la fenêtre et ferme les volets.

Heureuse de ne plus voir le soleil.

Heureuse d'être dans le noir.

Le noir c'est bien la couleur du deuil ? Et moi je suis en deuil de mon amour de toujours, en deuil de mon bébé, de celui qui emplissait mes jours, mes nuits... qui était toute ma vie.

 

 

8 mai 2010

Caths Lundi 2 Août 1976 condoléances

Caths Lundi 2 Août 1976 condoléances

 

Catherine est allée promener Roberta avant qu’il ne fasse trop chaud et au retour elle remonte le contenu de la boîte aux lettres.
- Thibaud Alfonsi, vous connaissez un Thibaud Alfonsi vous ?

Thib lève la main comme à l’école.
- C'est moi, ça ! Comme si tu ne le savais pas, pourquoi ?

Elle hausse les épaules.
- Et bien, non je ne le savais pas. Pour moi, t'es juste Thib, la sangsue de Dan. En attendant , il y a un recommandé pour toi à la poste.

Tiphaine fait la grimace.  

 - Outch ! ça pue les recommandés, vas vite le chercher.

Le garçon, simplement vêtu d’un kimono rouge avec des dessins de hérons, affiche une mine terrifiée.
- Oh mais venez avec moi, j’ai jamais fait ça, moi.

Catherine ne peut s’empêcher de se moquer de lui
- Quel gros bébé !

 

Roberta ravie, gazouille dans sa poussette canne.
Michka et Typh entrent avec Thibault dans la Poste. Catherine attend dehors en poussant un petit truc qui pleure dès qu’elle arrête de bouger. Alors, elle tourne en rond sur la petite place. Elle la fixe de ses yeux bleus foncés en se tortillant.
Les autres la rejoignent, Thib est très fier de me montrer son recommandé.
Mais quelle cruche ce mec !

Catherine l’engueule, énervée et impatiente d’en connaître le contenu.
- Au lieu de l’agiter comme un débile, ouvre-le. Et d’où vient-il ?
- Attends !
Michka lui arrache presque des mains l’enveloppe, je crois qu’elle aussi n’a plus de patience avec lui, faut reconnaître qu’il est spécialement fatigant.
- De Corse, Bastia. Thib, ils sont d’où tes parents ?
- Un petit village au Sud de Bastia, Biguglia.

 

Tiphaine craque aussi.


- Michka rend-lui, qu’il l’ouvre, ça finit par être assommant. 

Elle la lui rend, et jette aux deux autres filles un regard agacé.


- Ho la la la patience ce n’est pas votre truc.

C’est Catherine qui lui répond.


- Oui, j’avoue que j’en ai plus beaucoup en stock ces derniers temps. Maintenant si tu dormais aussi peu que moi tu comprendrais.

Ça a l’air d’amuser Michka.

- Parce que tu crois que ta fille nous laisse dormir ? Tu te mets le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Et là... Elles voient le Thib se recroqueviller au sol en serrant les papiers contre lui en éclatant en sanglots. Les trois filles se précipitent pour l'entourer de leurs bras. Elles veulent le consoler.  Qu’est-ce que cette lettre peut bien lui annoncer de si terrible?

 - Qu'est-ce qui se passe ?

Il se redresse et fixe Catherine. Il s’essuie les yeux et renifle longuement.

- Mes parents sont morts en mai et personne ne m’en a averti, je hais ma famille.

De son côté Roberta s’est mise à hurler et Catherine a envie de jeter la poussette sous un camion. Comme la voiture des parents de Thib.





Lorsque Dan rentre, Thib se précipite dans ses bras et lui balance tout, en sanglotant. Bien sûr l’autre pige que dalle. Alors en criant presque, car Thib n’a pas des pleurs discrets, et elles doivent lui expliquer ce qui se passe.

Evidemment, Roberta réveillée se met à hurler à son tour dans son lit. Catherine craque, Elle venait de réussir à l’endormir, il n’y a pas dix minutes. Cette fois, Catherine ne sait pas si elle doit haïr Thib ou ses parents.

Dan me tend les bras pour la prendre.

- Non, vas te doucher d’abord et fous ce truc sous une douche froide, ça le calmera peut-être.

Thib se tourne vers elle.

- Tu es la fille la plus sans cœur que je connaisse.

- Plus que ta famille ?

Et merde ! Catherine aurait dû se taire. Il repart de plus belle et en face de moi, les trois autres me font les gros yeux.

Ras le bol !

En soupirant, Catherine retourne sur son matelas avec sa fille à qui elle colle son sein dans la bouche. Au moins Roberta. Elle sait comment la faire taire.

La petite fille a les yeux moins bleus, on peut y voir poindre le violet de ceux de son père. C’est malin, cette fois c’est sa mère qui se met à pleurer.

Thyp se couche derrière elle et l’entoure de ses bras. Elle l’embrasse au creux du cou.

- Chut ! Adorable petite maman, quand tu pleures, que tu es triste, ta fille le ressent et elle ne comprend pas.

- Tu crois qu’un jour je le reverrai ?

- Oui, je te le promets. 

4 août 2010

Robert Jeudi 28 Octobre 1976 vacances de la Toussaint 3

 Robert Jeudi 28 Octobre 1976 vacances de la Toussaint 3

 

A huit heures, la lumière m'éblouit et je me bats pour retenir ma couette.

- Véro ? Qu’est-ce que tu fous là ?.

- Debout fainéant, Papa m'envoie te dire que dans dix minutes tu dois être à la voiture sinon on part sans toi. Moi, je dois ramener tes draps et ton sac de linge sale y compris ton pyjama à Maman, mais bon, semblerait que t'en porte pas. Ah oui, Papa a dit que tu devais amener avec toi l'enveloppe avec les dessins de l'autre nénette.

- C’est ton père qui l’a appelé comme ça ?

Elle prend un air détaché.

- Oui, pourquoi ?

Moi, j’ai envie de rire.

- Oh rien, comme ça !

Ouais, c'est fou ce que je la crois.

Je l'embrasserais volontiers, elle est jalouse…

Je la compare à Anaïs : Véro est vachement plus jolie, plus fine.

- C’est d’elle aussi, ceux-là ?

J’ai mis plusieurs nouveaux dessins au mur.

- Ils sont beaux, hein ? Je me régale de la voir les regarder en plissant son petit nez avec cet air fâché qui m'amuse. Allez, viens, allons-y !

Je la pousse hors de la chambre et lui reprends mon sac de linges sales qu’elle avait saisi.

Nous ne sommes pas sortis du bâtiment qu’elle s’arrête et me fait face.

- Elle est amoureuse de toi ?

- Ouais, je crois.

- Et toi ?

- Oui, ça va, je m’aime beaucoup !

J’évite sans problème la gifle à laquelle je m'attendais.

Puis je cours jusqu’à leur voiture où j’arrive essoufflé avec les deux sacs pesant leurs poids. Richard les prend et les met dans le coffre.

Je ne peux éviter le coup de poing qu’elle me balance entre les omoplates et que lui, je n’ai pas vu venir. Elle me crie dessus, en colère.

- Tu ne m’as pas répondu !

Elle a frappé de toutes ses forces, je me masse le dos, Richard l’engueule et l’envoie dans la voiture.

Moi, je souris béatement !

- Mais tu es folle, ma fille ! Quoiqu’il t’ait dit, ce n’était pas une raison. Ça va, toi ? Vous n’allez pas passer les vacances à vous taper dessus ou je vais me mettre à frapper aussi. Compris vous deux ? Et toi, petit crétin, arrête de rigoler tout seul et va à l’avant avec moi avant que je revienne sur ma décision d’accepter de t’emmener.

Je m’assois et la regarde en riant dans le rétroviseur.

- Véro, c’est non ! Mais tu m'amuses.

Gisou s’installe derrière moi.

- Robert elle est où l'enveloppe. Que t'a donc demandé Véronique ? Regardez comme elle dessine bien cette gamine. Françoise, quand est-ce que tu dessines comme elle ?

Moi, je ne les aime pas, ces portraits : je ne les trouve pas du tout ressemblants. Richard semble les apprécier aussi.

Alors je boude à mon tour, comme Véro, chacun dans notre coin tout le trajet.

Le soir, au chalet, ils sont tous du même avis. Mammema en choisit un qu’elle met au mur au milieu des photos des filles. Cela me fait bizarre et plaisir en même temps, sauf lorsque une des jumelles fait remarquer que sur ces dessins, j’ai un visage si fin qu’on dirait une fille.

Génial ! Ces filles ont toujours le chic pour me gâcher mon plaisir. Moi, qui me rase deux fois par jour même si je ne sens encore rien sous mes doigts, dans l'espoir que ces poils tant attendus me virilisent un peu .









































Les vacances passèrent trop vite, Véro surprit tout le monde en prenant deux fois ma défense contre les jumelles. Moi, par contre, si j’avoue que je fus absolument abject plusieurs fois avec Maïté et Marthe, j’évitai d’être trop casse-pied avec elle et à table je pris l'habitude m'asseoir entre elle et Yvy.

Isabelle, un soir, revint avec Michel et ils nous firent part de leurs projets communs. Après Claude et Aline, c’était eux. Décidément ! Ce devait être la saison. Moi j'avais décidé que je serai un éternel célibataire sauf si je retrouvais un jour Caths.

Lorsque Rémy et Sylvie arrivèrent, je ne pus m’empêcher de remarquer qu’elle s’était un peu enrobée.

- Eh, Sylvie, vous avez fait un séjour chez Mamie ?

- Et non, garçon. C’est aux bons soins de mon homme que je dois mon tour de taille généreux, car la famille va s’agrandir en début d’année; ils ne te l’avaient pas dit ?

- Et non ! J'ai oublié, mais aussi je l'ai peu vu, cet asticot ce trimestre : d'abord il a été puni puis je crois que monsieur fuyait aussi un peu les filles. La seule fois où je l’ai vu à la piscine, il nous a aspergées avec un superbe plat.

- Eh ! même pas vrai, sinon je me serais fait mal.

- Oui, c’est vrai, garçon : tu es devenu un vrai champion.

Gisou semblait très fière de le dire. Moi, cela m’agaçait, même si en même temps...



1Dernier de classe

2Le dingue



28 février 2010

Richard dimanche 2 novembre 1975 les Alpes retour

Richard dimanche 2 novembre 1975 les Alpes retour



- Robert, prends ton sac et attends-moi, je t'accompagne jusqu'à ton bâtiment.


Le gamin tient son sac à deux mains, le torse penché en arrière.

Richard ferme la voiture à clef puis le rejoint et lui prend son sac puis lui pose sa main droite contre sa nuque. Il se surprend encore à penser qu'il pourrait en serrant ce cou frêle entre son pouce et son index, le casser comme on casse une tige de balsa.


La chambre du Capitaine Gâche est allumée, il fait attendre le gamin au pied de l'escalier des chambres des grands et va frapper à la porte de son subalterne.

- Bonsoir Louis ? Il y a déjà beaucoup d'élèves qui sont arrivés ?

- Non, mon colonel.

- Très bien alors. Tout s'est bien passé ?

- Oui sauf Durieux qui a tenté de faire le mur et Givrer qui s'est fait une entorse. Et vous mon colonel ? Vous ne deviez pas ramener le gamin après le procès ?

- Je vous raconterai. Avec ma femme nous avons décidé d'assumer totalement nos obligations de tuteurs et franchement je ne le regrette pas, Il est attachant ce gosse. 

Le capitaine ne semble pas vraiment d’accord.

- Moi, pour l'instant je n'ai vu qu'un gamin violent et rebelle. 

- Bon et bien bonne soirée, je l’accompagne jusqu’à sa chambre. A demain.

- Bonne nuit mon colonel.

 

Le gamin gravit les quatre étages en courant avant même que l’homme n’ait allumé la lumière. Lorsqu’il arrive, l’enfant fait glisser ses doigts sur son bureau puis se retourne vers lui, quelque chose semble le perturber.

- Je fais mon lit comment ?

Ah c’est vrai. L’homme regarde les deux lits où à leur pieds, sur le matelas nu, sont juste pliées les couvertures et le traversin en diagonale et sur celui du gamin, l”oreiller. Il ne peut s’empêcher de sourire en voyant que le garçon a consciencieusement tout posé de façon à ce que l’on voit son nom brodé en argenté par Gisou sur chaque pièce.

Il soupire et pose le sac sur le lit.

Il va leur falloir redescendre puis remonter les quatre étages.

- Viens avec moi récupérer ton sac de linge.

Encore une fois, l’enfant ne l’attend pas et dévale les escaliers sans l’attendre. Ricard se dit que demain, il va avoir du mal à se remettre à marcher… et lui à se remettre à courir.

Dans l'entrée de la boutique de madame Caliop, les grands sacs de paquetage blancs sont alignés le long du mur, regroupés par chambrées ou étages. Richard a tôt fait de prendre celui de son protégé.

- Richard…

Il se tourne vers lui, avec une expression ennuyée.

- Hum, demain tu oublies mon prénom, compris ? Que veux-tu ?

L’ado opine de la tête. Ca aussi il faudra qu’il oublie.

- Puis-je prendre celui de Claude ? C'est lui qui s'est chargé de tout avant de partir, je trouve normal de lui rendre la pareil.

Richard sourit et lui tend son sac puis se saisit de celui d'Aureilhan. Ce gosse vient encore de la surprendre agréablement.




Il l'abandonne dans sa chambre mais avant de partir, il reste quelques secondes à le regarder. 

L’enfant range le paquetage de son voisin de chambre sur son lit le long de la barre métallique. Puis ouvre son propre boudin et commence à en ranger le contenu dans son armoire. Il s'aperçoit de la présence de son tuteur et interrompt son geste, ses hauts pliés sur son avant-bras et il lui sourit.

- Bonne nuit mon grand.

- Bonne nuit mon colonel, dormez bien.

- Toi aussi, mon bonhomme.




C’est lentement que Richard rentre chez lui  en se disant que bizarrement la présence de ce petit bonhomme au sale caractère avec un accent à couper au couteau va lui manquer.




A l'appartement, Gisou finit de coucher leurs filles. Corinne fait des roulades dans son lit.

- Mademoiselle Granier c'est l'heure de dormir.

- Je vais la faire un peu téter, ça la calmera, elle n'a pas pu se défouler, elle est comme Véronique si on la laisse, elle ne dormira pas. Aller viens ma puce. Richard les grandes t'attendent.

 

Dans la première chambre, il s’assied sur le lit de  sa quatrième fille.

- Bonne nuit Françoise, tu as l'air triste qu'est-ce qui t'arrive ?

Elle vient se glisser sur ses genoux.

- Pourquoi est- il parti ?

- Qui donc chaton ?

Il sait très bien de qui elle parle mais veut qu’elle le dise, elle.

- Bin Robert ?

Il fait semblant d’être surpris.

- Parce qu'ici, ce n'est pas sa maison. Sa maison c'est l'école. Il reviendra en vacances avec nous. Cela te ferait plaisir ?

La réaction immédiate de l’enfant l’amuse.

- Oh oui.

Il l’embrasse sur le front.

- Tu l'aimes bien ?

Elle se redresse et le regarde en faisant une drôle de moue.

- Oui, il est très gentil même si on ne comprend pas toujours tout ce qu'il dit.

Richard se met à rire.

- Oh ça c'est parce qu'il ne parle pas en français quand il est énervé pour pouvoir nous dire des choses qu'il n'a pas le droit de dire sans se faire gronder, c'est un petit voyou. Bonne nuit ma puce.

 

La chambre des grandes est déjà dans le noir mais quand il pousse la porte, les chuchotis s'arrêtent..

- Alors mesdemoiselles, ça ne dormait pas ? Vous n'avez pas honte ?

Avant de se baisser vers Isabelle dans le lit du bas, il embrasse Véronique qui lui entoure le cou de ses bras pour le retenir.

- Dis Papa, Robert, il reviendra en vacances avec nous ?

Ah ! Elle aussi ? Pourtant ils ont passé leur temps à se lancer des piques ou à se disputer.

- Pour que vous passiez votre temps à vous battre ?

Elle répond en prenant un air fâché.

- Mais il est casse-pieds.

Après lui avoir enlevé les bras de son cou, il lui tapote du doigt le nez ce qui la fait rire.

- Es-tu sûre que ce soit lui qui vous embêtait ou vous qui n'avez cessé de vous moquer de lui et de l'asticoter ?

Elle prend un air angélique mais c’est sa sœur qui répond à leur père.

- Il n'était pas là pour ça ?

- Isabelle ? 

Il se penche alors vers son aînée puis s’assied sur son lit.

- Écoute Papa, on était bien entre filles pourquoi tu nous imposes un truc qui nous prend de haut et se croit plus intelligent que nous alors qu'il comprend rien à rien, sorti de ses bouquins.

L’air blasé de sa fille l’amuse et il lui répond d’un air moqueur.

- Intelligent, il l'est plus que vous mais pour ce qui est de vous prendre de haut, le pauvre, il a bien trente centimètre de moins que toi Isabelle.

Elle soupire en levant les yeux.

- Papa, tu as très bien compris ce que je voulais dire. Il n'a jamais voulu jouer avec nous, il nous fuyait ou quoi ?

Cette c’est sérieux qu’il lui répond.

- Oui, je crois que vous lui faisiez un peu peur avec vos cousines et encore une fois vous n'étiez pas très sympa avec lui.

Elle l’embrasse en vitesse et s’allonge en lui tournant le dos fâchée.

- On nous a pas demandé si nous voulions un petit frère.

Il se lève alors avec un sourire amusé.

- Depuis quand les parents doivent-ils demander à leurs enfants la permission pour agrandir la famille ?

Isabelle d’un coup se retourne et se redresse sur un coude.

- Donc c'est bien ça : c'est un peu, notre petit frère ?

Il ne peut s’empêcher de sourire. 

- Je n'ai pas dit ça Isabelle. Enfin, là, il est l'heure de dormir. Nous en reparlerons une autre fois. Bonne nuit mes princesses.




Gisou dans la cuisine range le contenu de deux gros sacs frigorifiques dans le frigo. Il vient l’enlacer 

- A-tu besoin d'aide mon amour ?

Elle se retourne vers lui, l’embrasse puis décroche ses mains pour l’écarter.

- Passe-moi les choses que je les range, ça ira plus vite et nous pourrons aller nous coucher. Car demain jeune homme vous reprenez le boulot. Le gamin était-il content de retrouver sa chambre ?

Il lui obéit en soupirant.

- Je ne sais pas, il n'a rien dit, quand je l'ai quitté, il rangeait le contenu de son paquetage que je suis allé chercher avec lui et il m'a demandé de récupérer celui d'Aureilhan pour le remercier d'avoir tout rangé à sa place. Il est gentil ce gosse. Une éducation déplorable mais gentil.

Sa femme ne le regarde pas pour lui répondre mais il voit poindre un sourire sur ses lèvres.

- Il apprend vite, j'ai trouvé qu'il avait déjà bien changé en dix jours. Il va me manquer.

Sa réponse l’amuse et le rassure.

- Ah ! À toi aussi ?

Gisou ferme la porte du frigo, plie un des sacs et le range dans l'autre puis va les suspendre dans le cellier.

Elle s'approche de son homme assis à la table, rêveur. Elle lui prend les mains puis se penche vers lui pour l’embrasser.

- Aller viens, je suis fatiguée et tu as l'air de l'être aussi, je finirai demain.

- Bonne idée.

Il se lève, lui lâche une main pour ranger la chaise. Éteint la lumière puis le couple s'éloigne dans le noir marchant d'un même pas, main dans la main.

4 avril 2010

Robert vendredi 27 Mars 1976 vacances de Pâques 7

Robert samedi 27 Mars 1976 vacances de Pâques 8



Ce matin Papapa va dans le break et je monte dans la décapotable avec Mammema et Gisou.

A la station, elles m'accompagnent à mon cours et restent pas loin à papoter en nous tournant le dos.

Gilles m’accueille avec un grand sourire.

- Alors on se le tente ce chamois de bronze ?

Je fais oui de la tête.

- De toute façon, ai-je le choix ?

Là, je crois que je le rends perplexe.

- Bien sûr, pourquoi ?

- Alors tentons le chamois d’or.

Je vois un sourire apparaître.

- T’es gonflé toi. Puis il fronce les sourcils. Ou c’est de me voir qui te gonfle.

- Non, c’est mon tuteur qui me gonfle, je voudrais lui fermer sa gueule.

Là, son visage exprime à la suite plusieurs émotions.

- Heu, oui… mais non, ça ne se passe pas comme ça.

- Allez soyez sympa.

Là, je vois que je l’énerve alors je tais en baissant les yeux, mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Je le suis jusqu’en haut de la piste.

- Alors comme l’autre fois, je descends et ensuite lorsque je te le dirai tu t'élances.

Je vais oui de la tête.

Je fixe dans ma mémoire ses mouvements, comptant entre chacun de ses changements pour d’une certaine façon les chronométrer.

En bas, il s’arrête, de suite rejoint par Gisou et Mammema. Ce qui a l’air de l'agacer, ce qui se voit à ses gestes et au fait qu’elles reculent en se parlant, penchées l’une vers l’autre.



Il lève le bras et je m’élance à mon tour, lorsque son bras arrive en bas.

Tout schuss. Je suis seul sur ce bout de piste, si je me tue, je ne tuerai que moi !

Entre chaque porte, je compte…

Quand j’arrive en bas mon sourire content disparaît à l’instant devant son accueil.

- Ton tuteur a plus que raison, tu es vraiment un fou furieux 

Il arrache presque la feuille qu’il vient de signer et me la tend. Tiens et essaie de rester en vie !

Comme l’autre fois, j'empoche la feuille et la fourre dans ma poche roulée en boule.

Puis, comme je l’ai promis à Richard, je déchausse devant les deux femmes. Gisou me tend la main.

- Alors ? Allez montre ! Il n’est pas très aimable ce monsieur. L’année prochaine, je demanderai à Jean-Yann de nous en dégoter un avec un meilleur caractère.

Sans attendre, je commence à m’éloigner. Ce qui n’est pas du goût de Mammema.

- Hep là, toi, tu restes ici. Gisèle t’a demandé quelque chose.

Tenu par le bras, je hausse les épaules. Je sens qu’elle met sa main dans la poche de mon blouson. Je me dégage et prenant le papier, je le porte à la bouche et le mâchouille ce qui les laisse bouche bée.

- Mais, non ! Mais pourquoi ?

Je ne répondrai pas à Mammema, d’abord parce que j’ai la bouche pleine et qu’il est impoli de parler la bouche pleine et ce papier en plus, contrairement à nos feuilles de cahier, a un goût abject. Et parce que je n’ai pas envie de me disputer avec elle. C’est avec Richard, alias mon colonel que j’ai envie de m’engueuler alors mes skis sur l’épaule je vais jusqu’à la voiture.

Elles me suivent.

Je pose mes skis devant le break.

- Gisou, tu m'ouvres pour que je puisse ranger mes skis.

- Tu es bien sûr ?

- Oui, oui, comme je l’ai dit à ton mari, je ne ferai plus jamais de ski.

Je la vois sourire et marmonner tout bas, en ouvrant le coffre.

- Mon mari… je t’en donnerais du «ton mari».

Quant à moi j’en profite aussi pour virer ma tenue de clown.

Et je vois Mammema faire signe à Gisou de se taire.





Gisou ensuite m’abandonne à Mammema et  tous les deux, nous rejoignons Papapa, son cigare sa bière et Coco ravie de me revoir.

- Vous devriez aller skier avec les autres, je surveille Coco.

Papapa soupire.

- Tu crois que c’est par plaisir que je reste à surveiller ce petit monstre ? J’aimerais avoir ton âge et des genoux en bon état, mais hélas ces saloperies en titane me refusent ce droit. Il soupire encore, tire longuement sur son barreau de chaise. Oh Lucette, fiche-moi la paix, ces cigares c’est la seule bonne chose qui me reste dans la vie. La Lucette n’a pas l’air ravie de l’apprendre. Oui, bo, avec toi bien sûr. Que deviendrais-je sans toi ? Tu sais bien que je serais perdu sans toi et ces purée de cachetons.

- Si tu avais si mal, pourquoi n’es-tu pas resté au chalet ?

Il lui jette un regard mauvais.

- Pour m’ennuyer ? Pour rester seul comme un vieux schnock ? Il a un geste énervé et me montre. Je suis encore bien mieux à me supporter ces deux sales caractères. On a pas à chercher pourquoi ils s’entendent si bien ces deux là !

Je ne peux m’empêcher de sourire en l’entendant se plaindre. Je ne savais pas qu’il souffrait. Pourquoi qu’il ne le dit pas ? Pourquoi ne se plaint-il pas ? Il a peur de quoi ? De qui ? Ce ne sont pas ses fils qui vont se moquer de lui, je les connais trop bien maintenant pour le savoir. Et encore moins pour le frapper. C’est pour ça que moi j’ai appris à me taire, mais lui ?

Je reste à le fixer, l’esprit tout à mes interrogations.

- A quoi rêves-tu fiston ? Lucette tu l’as drogué ? Et pourquoi est-il là ? Lucette alors, il l’a eu son chamois d’or ? Et pourquoi il n’est pas allé skier avec les autres ? Oh oh Robert !

- Oui quoi ?

- Mais arrête de poser des questions et réponds.

Je grogne en enfonçant dans mes poches mes mains que je ne sens plus tellement j’ai froid.

- C’est pas moi qui pose des questions là, c’est vous.

- Et en plus maintenant il me vouvoie, Lucette t’es sûr qu’il est dans son état normal.

La dite Lucette soupire en hochant la tête.

Moi, j’en rajoute une louche.

- Je vous ai toujours vouvoyé.

- Ah bon ? Lucette tu l’entends ce jeune gougnafier ? La Lucette qui commence à être amusée, hoche à nouveau affirmativement de la tête. Il m’a donc toujours vouvoyer ? Mais pourquoi ? Je suis donc un si vieux schnock que ça. Je me demande combien de temps son gros cigare tiendra au rythme où il tire dessus. Oui c’est ça, je suis devenu un vieux schnock.

- Raoul, tu as pris tes cachets ce matin ?

- Oui bien sûr, avant que l’on parte, avec ce froid, tu sais mes douleurs ça ne les aident pas.

Elle ne sourit plus et se lève.

- Dis-moi Robert, tu veux bien surveiller Coco ? D’ailleurs elle est où celle-là ?

Là, d’un coup on est tous les trois debout. Absorbés par les discours du vieux schnock, non c’est pas vrai, il n’en est pas un ! Nous ne l’avons plus surveillée et pfiut envolée la coco dans sa combinaison blanche.

Et après ils me font porter des couleurs vives mais leur monstre monstrueux, ils l’habillent en blanc sur la neige !

En bas de la petite pente sa luge rose, mais pas de Coco.

Je monte sur la table, tant pis Jean-Yann je te la nettoierai ! Et là, au loin, un truc blanc tout petit petit avec des pieds roses à peine visibles s’éloigne lentement mais sûrement vers les pistes de ski.

Avez-vous couru dans la neige ? C’est ignoble. Je m’enfonce à chaque pas, je regrette de ne pas avoir mes skis, je serais allé beaucoup plus vite. Non, j’ai dit que je n’y toucherai plus !

Combien de fois je tombe ? J’en sais rien j’ai les mains… je pense qu’il faudra me couper les doigts.

- Coco ! Je hurle : Coco ! Mais j’ai le vent face à moi.

J’entends alors une autre voix : Corinne ! Cela je la connais. Je regarde d’où elle vient, du haut ou presque de la piste.

Oh non, cette chieuse se glisse sous le grillage. Un skieur descend vers elle. Mais je reconnais ce bonnet rouge à pompon jaune. Sylvie s’arrête juste devant elle.

J'agrippe le grillage. Je reprends mon souffle en souriant, je n’ai plus qu’à rebrousser chemin en suivant le grillage. Rémy a pris Coco dans ses bras.

Un skieur vient à ma hauteur et glisse lentement à ma vitesse.

- Qu’est-ce que tu fiches ici ?

Son ton est plein de reproches, je ne le regarde pas, je lève la tête et cherche à voir Papapa et Mammema. Alors je laisse le grillage et coupe vers eux.



Là-bas, seul, Papapa m’attend. Lorsque j’arrive à sa hauteur il enlève son blouson et me force à le mettre puis me serre contre lui, d’une main derrière ma tête l’autre dans mon dos.

Il ne dit rien, moi non plus. Puis s’écarte.

- Allez viens, rentrons !

Avec Mammema et sans attendre les autres, nous rejoignons le cabriolet et partons.



Quand les autres arrivent au chalet, je suis dans ma chambre, en-bas ça gueule, ça s’engueule. Moi suis sous ma couette et quand la porte de ma chambre s’ouvre, je fais semblant de dormir. Et au bout d’un temps qui me paraît une éternité, elle se referme.



















6 mai 2010

Robert mercredi 28 juillet 1976 Insurrection !

Robert mercredi 28 juillet 1976 Insurrection !



Oh purée quelles vacances !

Le matin je me lève presque aussi tôt qu’à l’école mais c’est pour la bonne cause.

Avec Papapa, nous partons avant que les filles soient levées donc vers huit ou neuf heures pas plus tard.

Premier rituel : la casquette en cuir qui accompagne le décapotage du cabriolet.

Ensuite, quand nous arrivons, pendant qu’il va à l’accueil signer les registres, je passe faire un tour dans tous les hangars dire bonjour à tous ceux qui sont là puis je commence à sortir le bel oiseau et à l’astiquer même si la veille lorsque je l’ai quitté, il reluisait comme un sou neuf.

- Aller viens Alcyon, quittons l’ombre pour briller sous l’astre de lumière.

Oui, je lui ai donné un nom, j’aime bien nommer ce qui m’appartient. Et puis lui, pour moi il est celui qui m’apporte la plus merveilleuse des libertés tout en me gardant en son sein comme une mère.

Bon, je ne le raconterai à personne sinon ils vont me mettre à l’asile.

- Alors il est prêt ?

- Oui Papapa.

- Et toi ?

J’ouvre la verrière et saisis mon parachute, me le mets en équilibre sur ma tête et mon bob rose, le tiens sur mes fesses.

- Voilà !

Il sourit amusé.

- Qui m’a filé un gamin pareil ?

- Richard et Gisou.

- Et bien, j’leur tirerai les oreilles et ne leur dirai pas merci. Lui-même finit de s’harnacher. Dès que tu as fini, nous irons rejoindre les autres. Ce matin, décollage en patrouille de trois, je prendrai le manche, observe, apprends pour la prochaine fois.

 

Nous positionnons Alcyon au milieu. A côté de nous, deux autres biplaces. Deux élèves comme moi avec leurs instructeurs. Noémie qui a douze ans et Marc-Antoine en a vingt.



Dans le ciel encore une fois aucun nuage, nous nous rapprochons donc des massifs montagneux. Je surveille les autres et je sais qu’ils nous surveillent pour voir qui a réussi à choper un courant ascensionnel et l’y rejoindre pour profiter de l’ascenseur.

Hélas, notre course à l’altitude nous éloigne du chalet et de l’aéroclub. Finalement Papapa s’énerve. Depuis le début des vacances, il est tout le temps sur les nerfs. Il reprend les commandes et nous ramène. Moi je m’allonge davantage et laisse mon esprit vagabonder.

Je ne suis plus dans un planeur mais Alcyon, lui-même, l’oiseau mythique. Mais d’un coup :

- Te laisse les commandes, ne nous vomis pas !

A moi de faire atterrir l’albatros…



Une fois l’oiseau remis dans son nid, Papapa m’abandonne avec mes peaux de chamois et rejoint le bar pour son habituelle bière du retour.





Je me fais engueuler par Gisou car j’ai un coup de soleil sur les jambes. Enfin, elle dit que c’est un coup de soleil, moi non ! Nous nous disputons mais Richard s’en mêle.

- Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?

- De m’asseoir mais je…

Son doigt me montre la chaise… je m’assieds mais j’arrache le tube des mains de Gisou et me mets moi-même sa puta… de pommade. Il y a une limite à ma soumission. Je n’ai plus dix ans.



Mammema, Richard et Gisou sont montés se coucher, mais Papapa non ! Il préfère le canapé d’où il peut écouter si nous travaillons ou pas.

- Je veux entendre le bruit des crayons sur vos feuilles.

Lorsque nous sommes arrivés, le premier après-midi il a offert à chaque fille, un cahier de vacances, j’ai adoré voir le désespoir s’afficher sur leurs figures.

Moi, j’ai ramené des livres de cours volés au CDI…

 

Je m’assieds à côté d’elles en lui tournant. C’est plus facile de papoter par écrit.

Isabelle me glisse son cahier de maths sous le nez.

- C’est quoi ce truc ?

- Un logarithme népérien.

Elle ouvre de grands yeux.

- J’ai jamais fait ça moi.

- C’est facile, je t’explique.

Mais Papapa nous entend, il se lève et sort son petit classique Larousse de sa poche. 

Mais il les sort d’où ? Avec les filles on a fouillé tout le chalet, même leur chambre et on a rien trouvé, et pourtant chaque jour, il en sort un nouveau. D’un coup j’ai un flash : on a pas fouillé le garage !

- Puisque vous parlez, sortez vos cahiers de dictées.

Avec les filles, on en a ras le bol de Papapa

Bon, moi je me le coltine plus qu’elles étant donné qu’il est mon instructeur et franchement je trouve qu’il manque réellement de pédagogie.

Il ne sait que dire : «punition».

Il vit avec ses petits classiques Hachette de son époque dans la poche et les brandit comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes et je n’ai jamais fait autant de dictée de toute ma vie, que depuis ce début de juillet, une horreur ! Et pour ça aussi, les filles sont d’accord avec moi. Il est strictement nul. Il va hyper vite et refuse de répéter. Même Maï qui est soit-disant une crack en dictée, n’arrive pas à suivre.

- Non !

Là, je crois qu’il ne s’y attendait pas.

- Pardon ?

Je me lève.

- Y en a marre de tes put… de dictées, voilà ce que je fais de ton cahier !

 Papapa reste bouché bée, comme statufié. Les filles aussi d’ailleurs.

Dans la cuisine, je récupère la boîte d’allumettes et vais jusqu’au barbecue en pierre au fond du jardin, et là, calmement je mets le feu au cahier et le tient en l’air aussi longtemps que je peux puis le lâche. Les filles qui m'ont rejoint, à tour de rôle, font pareil.

Lui, il est resté dans le chalet appuyé à la fenêtre, je vois qu’il essaie de garder son calme et je commence à baliser.

Véro d’un coup, lève le poing et hurle :

- Révolution, à bas les vieux cons !

Mais elle est folle cette fille ?

- Hé ! ça va pas ? 

Mais les autres lui emboîtent le pas et se mettent comme elle à crier :

- Révolution ! Ah ça ira, ça ira, les vacances on les aura !

Elles tournent en rond autour du barbecue où nos cahiers se sont éteints et gisent à moitié carbonisés.

Isa et Maï me prennent par la main et m’entraînent avec elles dans leur ronde.

Mais la voix de Richard nous surprend et pas qu’elle !

- Vous savez comment on étouffe une insurrection ? Comme ça !

Richard a allumé le tuyau d’arrosage et nous vise l’un après l’autre. Il est près de la porte et nous ne pouvons ni rentrer, ni atteindre le robinet.

Heureusement il fait chaud et je trouve ça plus rigolo que la dictée.



Ce qui l’est moins c’est sa punition… Étant l’instigateur de la révolte, je dois copier Dante dans les trois langues… et nous ne retournerons voler que quand j’aurai fini. Les filles elles, ont été suffisamment punies par la douche froide, j’estime que ce n’est pas juste mais comme d’hab je ferme ma gueule car j’ai envie de vite retourner voler.








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