Véro jeudi 11 novembre 1975 anniversaire
Dans une semaine, c'est son anniversaire et Véronique montera à Lyon chez Sophie avec Isabelle.
Sophie, c'est sa marraine et elle l'adore. En fait, d'abord c'est la cousine de Maman et petites, elles étaient très proches et même si Maman a refusé de nous faire baptiser pour s'opposer à Granny, elle se considère comme notre marraine à toutes mais comme les autres sont encore trop jeunes, seules Isabelle et moi avons eu le privilège d'y aller chaque année depuis la mort de son mari il y a trois ans, où elle est revenue vivre en France avec ses deux filles.
Lorsque Papa m'a demandé ce que je voulais pour mon anniversaire, je lui ai répondu du tac au tac : Robert, enfin qu'il vienne manger un bout de gâteau. Il a eut l'air surpris puis :
- Ce n'est pas un cadeau mais oui pourquoi pas. Sinon à part ça ?
- Et bien ce sera : une mobylette, une paire de roller, un walkman, une chaîne hifi, une petite télé pour notre chambre, une paire de Nike, des disques, un jeans, un flacon de n° 5 de Chanel, un survol des châteaux de la Loire en hélicoptère, une semaine au club Med avec mon petit copain et puis je crois que ce sera tout. Tu n'oublieras rien j'espère mon petit Papounet chéri. Accompagnant sa prose d'un superbe sourire.
Oui mais... La veille du jour J, Isabelle a commencé à être malade et a passé la nuit à faire des aller-retour aux toilettes. Au matin, c'était encore pire et elle pleurait se plaignant du ventre.
- Tu n'as pas le droit de me faire ça Isabelle !
Et maman qui la défend, pfff !
- Comme si ta sœur le faisait exprès? Tu exagères un peu Véronique?
- Mais Maman, laissez moi au moins y aller seule.
Oui mais à cause d’elle et de son cinéma, le séjour chez marraine est annulé.
- Non, ton père et moi estimons que tu es trop jeune, tu n'as même pas encore quatorze ans.
- Mais Maman,, je les aurai dans deux jours et on me donne tout le temps seize ans.
- C'est non, ne discute plus. Tu n'iras pas toute seule.
- Ah ! Et si j'emmène Yvette avec moi, je ne serai plus toute seule ?
Là, sa mère la regarde sidérée.
- Tu es inconsciente, elle n'a pas dix ans ta sœur. Ce n'est pas grave ma chérie tu iras une autre fois.
Mais Véronique n’est pas du tout d’accord.
- Non maman, non ! Elle a d'un coup une inspiration subite. Et si c'était Robert qui venait avec moi ?
Encore une fois, sa mère la regarde stupéfaite.
- Robert ? Mais nous le connaissons à peine et ta tante encore moins, ton père va refuser c'est certain. Et puis, il a l’air d’avoir dix ans.
- Demande lui. Oh ! Maman oui, téléphone lui, allez maman sois gentille ? Ou je le fais moi si tu veux ?
Sa mère réfléchit pendant un temps qui lui paraît abominablement long puis enfin, décroche le téléphone.
- Allo Richard ! Ta fille a suggéré qu'elle pourrait aller à Lyon avec ton gamin, qu'en penses-tu ? En fond sonore Papa doit m'entendre chanter à tue-tête sur l'air de la Carmagnole : Oui, ça ira, ça ira, ça ira, avec Robert j'irai à Lyon ! Véronique tais-toi s'il te plaît, ton père a du monde dans son bureau. Bon, je téléphone à Sophie pour voir si cela ne la dérange pas. Là, Véronique comprend que son père n'a pas dit non. Elle reprend donc sa chanson de plus belle puis la met en sourdine sous le regard noir de sa mère qui essaie d’entendre ce que dit sa cousine. Elle vient juste de raccrocher lorsque la porte d'entrée s'ouvre sur Robert avec son visage des mauvais jours, poussé par Papa.
- Les filles, je vous le laisse. Gisou, je reviens les chercher dans une demi-heure au maximum. Imagine-toi qu’il a laissé tout ce que tu lui avais donné, au chalet.
Maman se lève pour souhaiter la bienvenue à Robert et l'inviter au salon une fois déchaussé. Véronique quant à elle saute au cou de son père avant de le laisser repartir puis veut aussi embrasser Robert mais il la tient à distance de sa main gauche, tenant dans sa droite son calot. Elle trouve qu'il sent bizarre : la sueur et autre chose. Isabelle se lève brusquement du canapé et les bouscule en passant à côté d’eux.
alors Véronique entreprend d’expliquer la situation au garçon qui la regarde méchamment.
- Elle est malade, c’est pour la remplacer que tu es là. Tu viens avec moi à Lyon chez ma marraine. Papa ne veut pas que j’y aille toute seule alors j’ai pensé à toi. A qui tu dis merci pour ces vacances ? Il la fusille du regard et cela donne à Véronique encore plus envie de rire. Elle est trop contente pour qu'il arrive à lui démolir le moral. Tu verras Sophie est super gentille et ses filles aussi.
Isabelle en revenant lui dépose un bisou sur la joue. Véronique alors, profite de sa demie seconde d'inattention à son égard pour lui en faire un aussi. Il s'essuie la joue en s'écartant, Maman sourit et lui fait signe d'arrêter. Alors elle aide Isabelle allongée sur le canapé à bien remettre la couverture sur elle.
Lui s’est tourné vers leur mère.
- Combien ?
Gisou amusée lui répond par une autre question.
- Combien quoi ?
- Bin de filles ? Nous nous mettons à rire et il devient tout rouge et prend un air boudeur et buté. Et puis je n’ai pas dit que j’étais d’accord.
Papa, entré sans bruit, lui pose les deux mains sur les épaules. Il semble immense par rapport à lui, en plus Robert rentre la tête dans les épaules lorsqu'il s'adresse à lui.
- Zut ! C’est bête, mais nous nous passerons de ton accord. Allons-y, je préfère être en avance plutôt qu’en retard.
Pourtant Papa lui a dit sans agressivité plutôt sur un ton moqueur. Donc lorsqu'il est en uniforme, Papa lui fait vraiment peur, mais pourquoi ?
Lorsqu’ils arrivent à la gare, le train n'est pas encore là mais il est annoncé et ils doivent se dépêcher. Papa a pris ma valise et son sac dans sa main gauche et tient Robert par le cou comme s'il avait peur qu'il ne s'enfuit. Dans le compartiment où ils ont leurs places réservées, son père hisse la valise et met dessus le sac de Robert puis less embrasse tous les deux avant de descendre rapidement.
Véronique se réserve d'office la place contre la fenêtre, puis ouvre cette dernière et envoie des baisers volants à son père qui, affichant un air sévère, lui fait ses dernières recommandations.
- Sois sage chez Sophie et n'enquiquine pas trop ton pauvre compagnon.
Véronique agite la main.
- Toujours papa toujours !
Elle referme la fenêtre lorsqu’elle ne voit plus la grande silhouette de son père. Le garçon a enlevé son blouson et s’est assis, tenant ce dernier dans les bras. Il la regarde avec un de ces airs furieux qui la fait sourire.
- Fais pas la gueule, tu es déjà allé à Lyon?
- Non ! Mais je comptais profiter de ce long week-end pour aller m'entraîner à la piscine, c'est raté !
Véronique se dit que ça tombe bien.
- Il y en a une deux fois plus grande à côté de chez Tatie.
- Ce ne sera pas pareil !
- Oh mais arrête de faire la gueule !
Mais comme il boude, elle le chatouille mais il se dégage sans douceur.
- Laisse-moi tranquille !
Elle pose sa tête sur son épaule avec un air exagérément triste.
- Tu n'es pas drôle.
Il la repousse.
- Non mais attends, je ne suis pas le bouffon de la princesse. Tu me gonfles.
Ah tiens, puisqu’elle le gonfle, elle va le gonfler pour de bon. Elle lui attrape la tête et lui souffle dans l'oreille.
- Non, ça ne marche pas !
Cette fois, il en a marre, il lui donne un grand coup de coude puis se lève et disparaît dans le couloir.
Véronique récupère son blouson tombé au sol dans sa fuite et le pose sur son fauteuil. Debout dans le couloir, il doit plusieurs rentrer pour laisser passer des gens, à chaque fois, il manque marcher sur les pieds de la dame ou du monsieur assis à côté de la porte.
Il se tourne vers elle.
- On arrive à quelle heure ?
- Attends, je te dis ça !
Elle fouille dans le sac à dos que sa mère a rempli de biscuits, bonbons et sandwichs et enfin dans une poche de côté, elle trouve ces maudits billets. Elle les trie. Remet ceux pour le retour au fond du sac puis garde ceux de l'aller en main et les lui montre.
- Nous arriverons à treize heures vingt-cinq. Cela t'avance à quoi de le savoir ? Tu n'as même pas de montre. Quand tu as faim tu demandes, OK ?
Il lui tend alors la main.
- Donne !
Surprise, elle le regarde sans comprendre ce que veut dire ce “donne !” Puis elle fait le lien avec les sandwichs.
- Quoi ? Déjà ?
Il lève les yeux au ciel exaspéré.
- Oui déjà ! Donne, j'ai faim.
Elle lui tend alors un sandwich mais quand il va le saisir…
- On dit quoi ?
D’abord surpris, il s’énerve de suite après.
- Fais pas chier, donne !
Là, la dame qui embête depuis tout à l’heure lorsqu’il entre et sort se permet de lui faire la leçon. Véronique tout sourire approuve de la tête.
- Votre sœur a raison, la politesse ne vous écorche pas les lèvres jeune-homme. On ne vous l'apprend donc pas dans votre école militaire ?
Cette fois c’est presque avec un rictus de haine qu’il rabroue la femme.
- Oui, on nous apprend en encaissant les coups ! Et c’est pas ma sœur. C’est juste une petite conne.
Et il disparaît une fois de plus.
En face de Véronique, le vieux monsieur lui sourit avec un air de pitié. Elle range le sac sous son siège puis met un des billets dans la poche intérieure du blouson de “son frère” et pose dessus le sandwich qu’elle n'a pas rangé puis se plonge dans la contemplation du paysage. Après la gare d'Orange, elle commence à s'inquiéter en ne le voyant pas revenir, elle se lève et en s'excusant poliment, sort arpenter le couloir pour voir où il peut bien être. C’est deux wagons plus loin qu’elle le retrouve installé entre deux petites vieilles. Il semble dormir. Elle retourne à sa place pour récupérer son blouson et aller le lui poser dessus. Il ne bronche pas. Un des petites vieilles entre lesquelles il est assis me demande si je le connais.
- Mademoiselle, vous connaissez cet enfant ?
- Oui c'est mon petit frère.
Elle l'abandonne mais lui en veut de ne pas être resté avec elle.
Comme elle n'a rien d'autre à faire, elle se plonge dans le livre qu’elle doit lire pour le collège : L’étranger de Camus. Super barbant mais bon pas le choix aussi...
- Véro ! Mon billet !
Perdue dans ses pensées, elle ne l’a pas vu arriver et elle sursaute.
- Vous connaissez ce jeune garçon mademoiselle ? Il prétend que c'est vous qui avez son billet.
Elle tient sa vengeance.
- Moi ! Non, désolée, je ne le connais pas.
A la gare précédente, le vieux et la vieille sont descendus et ceux qui les ont remplacés ne l'ont jamais vu avec moi.
Elle le voit sur son visage s’afficher de la surprise puis une sorte de peur et il se fait presque suppliant.
- Arrête, c'est pas drôle, donne-moi mon billet.
Le contrôleur le saisit par le bras pour le forcer à le suivre. Mais il se dégage et s'accroupit devant elle en prenant un air suppliant. Mais l'homme le force à se redresser, perdant patience.
- Bon,ça suffit ! Vous avez des papiers d'identité au moins ?
Mais ce serait-ce des larmes qui font briller ses yeux ?
- Véro mon billet, ce n'est pas drôle.
Le contrôleur cette fois perd patience.
- Bon, ta carte d'identité dépêche-toi maintenant ! Tu viens de quelle école ? D'Aix ? Tu es un fugueur ?
Le contrôleur le fait s'asseoir brutalement à côté d’elle, il lui a pris son portefeuille des mains. Elle a pitié de lui.
- Attendez monsieur, je blaguais, c'est mon petit frère. Robert, ton billet il est dans la poche de ton blouson. Vas le chercher, cours.
Le contrôleur le laisse passer mais garde son portefeuille. Il en profite pour nous demander nos billets. Robert revient presque immédiatement avec son blouson, dont il sort le billet qu'il présente au contrôleur.
- Tu as quel âge mon garçon ?
- Quatorze ans monsieur.
- Montre-moi donc ta carte d'identité tout de même et tu dois avoir une carte ou quelque chose de ton lycée militaire, non ?
- Oui monsieur.
Récupérant son portefeuille, il lui passe sa carte d'identité puis le papier signé par le père de Véronique et portant le tampon de l’école, l'autorisant à s'absenter du lycée jusqu'à dimanche soir. Le contrôleur les lui rend en souriant, lui tapant gentiment sur l'épaule en sortant du compartiment.
- Tiens ton sandwich et j'en ai d'autres si tu veux.
Sans le prendre, il s'en va. Et bien tant pis pour lui, elle le manger elle, son sandwich. Mais par acquis de conscience elle vérifie où il est. Toujours entre ses deux petites vieilles.
Lorsque le train arrive en vue de Lyon, elle va le chercher.
- Robert viens prendre ton sac. Nous arrivons.
Il la suit, elle l'entend dire poliment au-revoir aux petites vieilles qui lui souhaitent de passer de bonnes vacances et monsieur a le culot de répondre que cela l'étonnerait fort ! Oh l’enflure ! Elle va te l'étonner, tu vas voir !
Il grimpe sur son siège, attrape son sac en manquant d'assommer le monsieur assis juste à côté et file sans m'attendre.
- Robert !
Et flûte !
Véronique essaie de descendre elle-même sa valise mais heureusement la même personne se lève gentiment et me lui descend. Peut-être a-t-il peur de se la prendre sur la tête.
Dans le couloir, il commence à y avoir des gens qui attendent pour descendre. Elle se fraie difficilement un chemin jusqu’à lui.
- Pardon ! excusez-moi je voudrais rejoindre le jeune garçon là-bas, c’est mon petit frère.
Finalement, elle arrive à sa hauteur et, lâchant sa valise sur le sol, elle l'attrape par les bras et le met face à elle en le secouant comme un prunier.
- Tu ne me fais plus jamais ce coup là, tu as compris ? J'en ai marre de te courir après. Tu es strictement impossible. Tu devais rester avec moi, pas te casser comme ça. Oh, oh ! tu as compris ?
D'abord il essaie de se dégager puis se met à sourire avant de lui prendre le visage entre ses mains et de l'embrasser longuement, un vrai baiser d'amoureux. Lorsqu'il la lâche, le jeune devant eux se met à rire. Rouge, elle est contente de voir les portes s'ouvrir. A peine sur le quai, Robert me montre quelqu’un au loin.
- Ce ne serait pas ta tante par hasard ?
Il aurait eu du mal à ne pas la reconnaître comme étant sa tante avec sa crinière aussi rousse que la sienne. A côté d'elle, elle embrasse Souraya et Leila qui elles ont hérité des cheveux bruns de leur père.
- Bonjour les enfants. Je suis Sophie la tante de Véro et voici Souraya et Leila, mes filles. Toi, tu es Robert, c'est ça ? Je t'imaginais plus grand. Vous avez fait bon voyage?
Si d’abord il sourit, là son visage s’est fermé.
- Non, madame !
Véronique soupire.
- Ne l'écoute pas, il râle tout le temps, pour un oui et pour un non.
Ses deux cousines et lui se regardent de loin. Pour elles fallait s'en douter mais lui, là, il l'étonne.
sa tante laisse passer un moment de silence et d’observation mutuelle sur le quai de la gare puis se met en marche vers la sortie en donnant la main à sa plus jeune fille. Elle a fait passer le garçon devant elle pour le regarder en pensant à tout ce que lui a raconté sa cousine.
- Vous avez faim ?
C’est Véronique qui lui répond.
- Merci Tatie. Maman nous a donné tout un sac de victuailles alors ça ira.
Mais sa réponse à lui qu’elle espérait.
- Et toi Robert ?
Il répond sur un ton neutre et sans se retourner.
- Un peu, mais ça ira, je tiendrai jusqu'à ce soir et puis il doit rester des sandwichs.
La tante Sophie ouvre le coffre de sa petite Fiat et Robert après avoir posé son sac dans le coffre va s'asseoir devant sans demander la permission à personne. Quel culot ! Mais bon, elle s'en moque, elle peut ainsi papoter avec Leila.
La tante de Véronique fait visiter leur petit appartement à Robert pendant qu’elle s'installe avec les deux filles sur leur canapé. Lorsqu’elle l'abandonne, il vient se poster devant la grande baie vitrée, nous tournant le dos, les mains enfoncées au fond de ses poches de pantalon, ce qui en tend le tissu. Véronique se surprend à penser qu'il a un tout petit derrière tout rond. Et elle a brusquement honte des pensées qui gravitent autour.
La tante de Véronique le fait sursauter en lui posant les mains sur ses épaules, il tressaille légèrement mais ne se retourne pas.
- Tu t’intéresses à ces gros engins ?
- Non je serais plutôt avions. Ou hélicoptères à la rigueur.
Véronique s’autorise un commentaire qui déplaît à sa marraine.
- Et oui, monsieur ne rêve que de s'envoyer en l'air !
Sa tante lui lance un regard plein de reproches.
- Véronique voyons ! Il reste quatre sandwichs, ta mère vous en avait donné combien ?
- J'en ai mangé deux mais monsieur a fait sa mauvaise tête et n'en a pas voulu, tant pis pour lui !
Étonnée, elle se penche vers lui
- Tu n'avais pas faim ?
- Si mais Véro m'énervait trop.
Là, sa marraine lance encore à Véronique un regard plein de reproches.
- Gisou m'a prévenu que tu passais ton temps à l'asticoter, alors Véronique, ici, tu fais une trêve, compris ?
Mais cette dernière prend l’air le plus innocent possible.
- Moi ? Mais je voulais juste qu'il soit poli avec moi et non qu'il me dise comme à un chien : fait-ci ! Fait Ça ! Donne ! Je lui ai juste demandé de me dire s'il te plaît ! Monsieur le petit chouchou de Maman.
Là, le petit roquet se retourne vers elle, prêt à mordre.
- Ah ! Ah ! Madame qui joue la grande sœur et qui refuse de me donner mon billet de train histoire de me ridiculiser. D'ailleurs donne-moi mon billet pour le retour. Je ne te fais plus confiance.
- Bon et bien ça suffit tous les deux, toi, viens avec moi dans la cuisine, tu vas manger, j'ai fait un gâteau pour le goûter.
Souraya s'empresse de les suivre et elles restent seules toutes les deux avec Leila qui alors lui pose plein de questions sur lui. Pour parler plus tranquillement, elle l'entraîne dans la chambre dont elle ferme la porte avant de lui raconter tout ce qu’elle sait. Véronique aime bien la voir de plus en plus horrifiée, la main sur la bouche, les yeux comme des soucoupes. Mais Leila ne peut s'empêcher de rire lorsqu’elle lui raconte ce que lui ont fait les jumelles.
- Le pauvre, vous êtes trop méchantes avec lui, vous devriez avoir honte. Vous êtes des filles vous ne devriez pas vous conduire comme ça. De plus, il n'a pas l'air bien méchant.
On toque à la porte, c'est Souraya.
- Si vous voulez un bout de gâteau, vous devriez venir parce ton copain Véronique. Il semble capable de tout manger si on le laisse faire.
Tatie m'apprend que Monsieur s'est enfilé deux des gros sandwichs de Maman et presque la moitié du cake. Il a fait descendre tout ça avec du thé vert. Je m'assieds à la table en face de lui.
- Pardon madame, m'autorisez-vous à aller dans le salon ?
Là, il me souffle, monsieur joue les enfants de chœur. Tatie le regarde surprise elle aussi.
- Mais tu fais ce que tu veux mon petit, je suis contente de t'avoir vu manger, je sais maintenant qu'il faut que j'en prévois pour deux pour te rassasier. Mais dis-moi un peu : comment appelles-tu Gisèle, tu lui dis Madame ?
Il a un sourire gêné et secoue la tête
- Heu, non, je l'appelle Gisou.
- Bon alors moi ce sera Sophie ou Tatie comme Véro, mais pas madame, d’accord ? Et si cela t'embête pas je préfère Tatie. Il se lève et hoche la tête. Alors Les grandes de quoi vous parliez dans la chambre ?
Leila devient toute rouge et je pousse un long soupir.
- De plein de choses, il bon ton gâteau Tatie. Je dors où ce soir ?
- C'est là que j'ai un souci, avec Isabelle vous dormiez sur le canapé mais ta mère est d'accord avec moi. J'ai un peu peur de t'y faire dormir avec Robert.
Véronique lui fait un grand sourire.
- Pourquoi ? Je ne vois pas ?
Mais sa marraine ne paraît toujours pas très convaincue.
- Bon et bien, viens nous allons lui demander son avis. Nous avons pensé que Leila pourrait dormir avec toi et lui dans son lit mais le hic c'est que Souraya dormira en dessous de lui et cela m'embête aussi un peu.
Robert regarde la télé et lorsqu'elles entrent dans le salon, il se lève avec l'air du mec qui a fait le pire des conneries.
- Je... Je me suis permis de…
Mais Sophie lui sourit rassurante.
- Mais tu as eu raison. Je voulais juste te demander où tu préférais dormir…
Il ne lui laisse pas le temps d'ajouter quelque chose.
- N'importe où, sauf dans la même pièce qu'elle ! En montrant Véronique de la main. A la cave ou sur le balcon s'il faut mais pas avec elle !
Là, si les autres se mettent à rire, Véronique le fusille du regard. Et elle se jure de le lui faire payer !
Bref la tante a décidé, il emporte son sac dans la chambre puis revient devant la télé et à nouveau avec Leila, elles s’enferment dans la chambre.
Là, elle ouvre le sac de son compagnon contre l’avis de Leila qui lui dit que ce n'est pas bien de faire ça. Puis se met à fouiller pour voir ce qu'il a emporté. Des slips, des chaussettes, des baskets, un maillot de bain, un short et une casquette. Rien d'autre, il compte rester en uniforme tout le temps ? Et pourquoi un short en plein mois de novembre, ce garçon est vraiment malade ! Tous les garçons sont-ils comme lui ?
Vers dix-neuf heures, la mère de ses cousines vient les chercher pour manger. Avant de servir son jeune invité, elle lui demande s'il aime les légumes.
- Oui presque tous.
- Lesquels n'aimes-tu pas?
- Les betteraves mais je les mange. Par contre le poisson non ! Rien à faire sauf les rollmops et les sardines maintenant.
Elle sourit amusée.
- Depuis quand le poisson est-il un légume ? Les filles se mettent à rire et lui s’empourpre. Et c'est quoi des rollmops ?
Il a baissé les yeux et lui répond d’une voix basse encore teintée de son accent, ce qui le rend encore moins facilement compréhensible.
- De fines tranches de maquereau roulées autour d'un cornichon tenues par un cure-dent et marinés dans du vinaigre. Et c'est bon parce qu'elles n'ont plus le goût du poisson que celui du vinaigre.
- C'est allemand, non?
Il secoue la tête mais ne lève toujours pas la tête.
- Non alsacien, mais bon ils doivent aussi en manger de l'autre côté.
La gamine assise à côté de lui fronce les sourcils.
- De l'autre côté de quoi?
Il se tourne vers elle et la regarde surpris. Véronique aussi la regarde, elle lui fait encore et toujours penser à Ivette, la Souraya !
- De la frontière pardi ! Robert est alsacien c'est pour cela que quand il parle, on ne pige rien parfois et encore... c'est mieux qu'au début...
Puis elle fait un super sourire au monsieur qui s'il avait un flingue, elle serait déjà au sol criblée de douze balles dans le corps.
- Et bien le papa de Souraya et Leila était marocain. Tu le savais ? Il répond négativement. Gisèle m'a dit que tu voulais devenir pilote, comme leur papa qui était un ami de Richard. Ils ont leurs classes ensemble et il devenu pilote comme lui mais il s’est écrasé il y a trois ans. Enfin n'en parlons plus ! Mangez les enfants, mangez, je vais revenir.
Tous regardent la jeune femme sortir de la pièce, puis continuent à manger en silence. Leila met sa main sur celle de sa sœur qui semble prête à pleurer. Leur mère revient cinq minutes plus tard et se remet à interroger Robert comme si elle n'avait pas quitté la pièce.
- Et ce n'est pas trop dur le lycée ?
Le sujet lui convient mieux, il esquisse un sourire.
- Non ça va, en fait j'ai vu peu de changements avec la maison sauf depuis la Toussaint.
Elle joue l’étonnée pour le faire parler, histoire de mieux le connaître.
- Pourquoi, que s’est-il passé à la Toussaint ?
Véronique ne laisse pas le temps au garçon de répondre.
- Papa l'a emmené au chalet pour les vacances.
Sa tante confirme mais par un regard lui fait comprendre que ce n’est pas à elle qu’elle parler ce qui n’a pas l’air de contrarier Véronique.
- Ah oui, ta mère m'a raconté. Elle ressert le garçon qui ne refuse pas, bien au contraire. Et tu n'as pas aimé aller dans leur chalet ? Tu étais déjà allé dans les Alpes ?
Il fait non de la tête, la bouche pleine ce qui amuse la tante autant que son bon appétit.
- Non, jamais avant.
- Tu n'as pas aimé être là-bas ? Dis-moi que mes cousines ne sont pas adorables et là je ne te croirais pas !
Il la regarde alors avec un air gêné.
- Elles oui...
Véronique ne peut s'empêcher de pouffer en voyant son regard sur elle et sa tante se met à rire aussi. Ce qui le fait replonger vers son assiette qu’il finit rapidement.
- Hum, oui, je vois, mais Gisèle m'a dit que tu n'étais pas du genre calme non plus, non ?
Sa réaction, alors, la fait sourire.
- Ah bon ?
Il lui fait un tel sourire et des yeux si tendres qu'on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Véronique le tuerait volontiers !
Après le repas, il veut aller se coucher et la jeune femme lui demande d'aller d'abord se doucher.
Lorsque le film trop drôle avec Louis de Funès est terminé, Véronique et sa tante accompagne Leila chercher sa chemise de nuit.
Robert dort déjà la lumière allumée, la tête sur un bouquin. La jeune femme doucement le lui enlève, il est torse nu, Véronique et Leila se regardent, puis éclatent de rire et vont s’enfermer dans la salle de bain d'où elles sortent propres comme des sous neufs, enfin presque neufs.
Vers minuit la tant Sophie vient les prévenir que si elle doit revenir Leila dormira avec elle dans son lit, elles décident alors de se taire, demain elles auront tout le temps pour discuter.
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C'est Souraya qui les réveille. Enfin, surtout Véronique en la secouant sans douceur, pour être la première à lui offrir son cadeau.
- Bon anniversaire ! Ouvre-le vite !
Leila se lève alors très vite et revient elle aussi avec un paquet.
- Après, tu ouvriras le mien !
Abandonnant son cadeau sur le lit à côté de Véronique, elle repart.
Véronique s'assied et commence à ouvrir celui de Souraya. C'est une trousse de toilette en liberty avec brodé dessus son prénom. Dedans, elle trouve une jolie brosse assortie, ainsi qu'un lot de bandeaux et de chouchous.
- C'est moi qui ai tout fait, cela te plait-il ?
Véronique embrasse sa cousine tendrement.
- Oui beaucoup, j'aimerais savoir aussi bien coudre que toi, tu es une véritable artiste dis donc ! Bravo !
- Tiens ouvre celui de Leila.
Cette fois-ci c’est un peignoir de bain, assorti à la trousse, lui aussi brodé avec son prénom.
- Souraya c'est toi aussi qui l'a brodé ?
- Non, lui c'est Leila.
Véronique enfile le peignoir et va dans la cuisine. L'autre goinfre y est déjà, tout habillé en uniforme même la cravate.
Elle se moque de lui.
- Tu as oublié le pull et la veste Robert, ce n'est pas réglementaire comme tenue, tu vas être puni !
Il lui lance un regard noir sans s’arrêter de manger.
- Ah ! Ah ! tu te crois drôle?
Sa tante est devant la cuisinière, elle se retourne, l'embrasse puis désigne Robert avec sa cuillère en bois.
- D'ailleurs bonhomme, Richard m'a demandé de t’acheter des vêtements pour que tu ne restes pas en uniforme justement.
Il n’est pas d’accord.
- Non merci, c'est bon, je peux rester comme ça.
Mais la jeune femme soupire et insiste.
- Pitié ! Enlève au moins ta cravate. Tes vêtements puent. Hier, je croyais que c'était toi mais non ce sont eux, ils ont besoin d'être lavés, toi, tu sens bon le savon.
Il fait une drôle de tête mi-surpris, mi-vexé, puis hausse les épaules.
- Pas besoin, lundi tout part au lavage.
La tante Sophie elle, semble surprise.
- Vous ne changez de vêtement qu'une fois par semaine ? La bouche pleine, il hoche la tête. Je ne pourrais pas, vous faîtes comment pour supporter ? Vous vous lavez tous les jours j'espère?
Surpris tout d’abord, il la fixe le temps d’avaler puis explique
- Oui et non. On a accès aux lavabos matin et soir où on se lave au gant pour ceux qui ont un gant. Moi ,j'en ai un que depuis une semaine c'est Gisou qui me l'a donné et j'ai mis mon nom dessus pour qu'on ne me le pique pas. Sinon on a droit à la douche tous les vendredis. Bon en fait ce n’est plus vrai pour moi, car maintenant il y a des douches à notre étage et on y passe tous les matins mais pour les fringues sauf s’il nous arrive une grosse tuile, on n’en change que le samedi.
Tatie a l'air navrée mais répète son intention de le voir habillé autrement.
- Toujours est-il que nous irons t'acheter des vêtements tout à l'heure. Vous viendrez avec nous les filles?
Cette fois, le ton du garçon est moins conciliant.
- Mais non ! J'n'en ai pas besoin.
Et le voilà qui disparaît vers le salon. La tante de Véronique le suit. Les trois filles les entendent se disputer dans le couloir. Il ne veut pas et finalement la femme lui dit qu'il n'a pas le choix ou elle l'obligera à porter une des djellabas de Souraya pendant qu'elle lavera sa tenue. C'est vrai qu'ils ont la même taille. Nous n'entendons plus de bruit, les deux filles en face de moi pouffent. Leur mère revient tout sourire.
- Voilà c'est réglé, j'irai seule avec lui, vous serez sage pendant ce temps les filles d'accord ? Cet après-midi, que voulez-vous faire ?
Véronique en a une petite idée.
- Si nous allions à la piscine ?
La jeune femme approuve l’idée.
- Oui pourquoi pas. Véronique tu crois qu'il a emmené un maillot?
- Oui il en a un dans son sac.
Sa tante surprise la fixe étonnée.
- Et comment sais-tu ça?
- Nous dirons que j'ai regardé ce qu'il a emporté.
sa réponse n’a pas l’air du goût de sa tante…
Finalement Souraya les accompagne au magasin. Robert tire une tête d'enterrement et lorsqu'ils reviennent, Véronique voit pour la première fois de sa vie sa tante énervée.
Elle aurait bien aimé y aller avec eux.
Elle lui demande innocemment si cela s’est bien passé et la réponse de sa tante l’amuse.
- Un vrai plaisir. D'abord avec son maudit uniforme nous avons attiré tous les regards. Et je connais tout le monde là-bas ! Ensuite il faisait la tête. Refusait tous les pantalons que je lui proposais même les plus chers et c'est Souraya finalement qui lui a choisi. Ensuite il a fallu que je me batte pour savoir quelle taille il faisait. Comme lui et Souraya sont à peu près pareils, j'ai pensé que le douze ans lui irait et bien imagine qu'il nage dedans. Ils ne le nourrissent pas au lycée ? Nouvelle prise de tête pour le lui faire essayer. Bon, je pense honnêtement qu'il lui aurait été trop court. Bah comme il l'a dit, il mettra une ceinture. Pour le pull, je n'ai même pas essayé de lui faire essayer. Marre de me battre. Du coup comme il me restait de l'argent sur ce que m'a donné ta mère, je lui ai pris aussi une chemise. Et maintenant je vais aller voir s’il s'est changé ?
Les trois filles la suivent jusqu'à la porte de la salle de bain où la jeune femme doit toquer cent fois avant qu'il n'ouvre. Il en sort rouge jusqu'aux oreilles. Il a mis le pantalon neuf en drap bleu marine et le pull marin rayé bleu et blanc qui se ferme sur l'épaule.
Cela fait rire Véronique.
- Hé, l'uniforme de la marine te va bien aussi.
Il hausse les épaules. La mère des deux filles veut lui prendre son linge sale mais il refuse et elle lève les yeux au ciel.
- Quel bonheur de n'avoir que des filles ! En tout cas je suis contente de te voir habillé de propre.
Et il fourre tout en vrac dans son sac puis grimpe sur son lit où il s'allonge collé au mur. Les trois filles sont priées de sortir de la pièce par la mère de famille pour le laisser seul.
Véronique aide sa tante à la cuisine et à mettre la table, et cette dernière en profite pour lui donner son propre cadeau : deux serviettes et un drap de bain assortis au peignoir, elles aussi brodées mais elle en plus, elle a brodé des motifs du liberty un peu partout. C'est véritablement une artiste. Elle a déjà proposé à Véronique de lui apprendre à broder mais cela ne l'intéresse pas.
Tatie va chercher monsieur mauvais caractère. Elle a fait du couscous au poulet et lorsqu'elle lui demande s'il en a déjà mangé, il fait non de la tête. Ce mec hallucine Véronique, mais il sort d'où ? En tout cas, il semble aimer.
- Tu n'as vraiment jamais mangé de couscous ? Même à la cantine ?
- Avant Aix, je n'avais jamais mangé à la cantine.
Les trois filles se regardent mais c’est Sophie qui réagit en premier les empêchant de parler.
- Et à Aix ils n'en font jamais ?
- Non hélas, ce serait trop chouette !
Les quatre enfants aident Sophie à débarrasser, après un vrai gros gâteau d'anniversaire. Et tous les quatre limacent devant la télé lorsque la mère de famille vient leur rappeler leur projet pour l’après-midi..
- Les filles si vous voulez aller à la piscine pensez à mettre vos maillots.
Mais Véronique a un problème.
- Justement Tatie je ne trouve pas le mien, pourtant je suis sûre d'en avoir pris un.
Problème auquel Robert propose une solution.
- Tu n'as qu'à ne pas en mettre, comme ça après vous aurez toute la piscine rien que pour vous !
Ce qui lui vaut un regard noir et une réponse cinglante de la jeune interréssée.
- Ah ah que tu es spirituel Robert ! Et je parierais que toi tu resterais ?
Lui qui allait sortir de la pièce en direction de la chambre, se retourne et sans vraiment la regarder, semble réfléchir puis sur un ton tout à la fois sérieux et désinvolte lui explique.
- Bah, moi tu sais, je suis un futur militaire, il faut que je m'habitue à voir toutes sortes d'horreurs. ? Elle le alors avec un coussin qu'il attrape et lui renvoie en riant puis fait mine de sortir, mais repasse juste la tête par la porte. Tu veux que je te prête mon maillot ?
Mais disparaît avant qu’elle n'ait eu le temps de lui lancer encore quelque chose dessus.
Finalement Véronique adopte un de ceux de Leila même s' il lui est un peu petit.
Vers quinze heures Tatie leur annonce qu’elles iront seules à la piscine, monsieur dort ! Et refuse de la réveiller au grand dam de Véronique.
A la piscine, ses cousines lui montrent ce qu'elles font dans leur club. D'ailleurs, elles y retrouvent certaines de leurs copines. Leila est celle des deux qui nage le mieux. Elles font de la nage synchronisée, c'est trop beau. Souraya leur offre un pince-nez et l’invite à faire comme elles.
A leur retour, elles le trouvent en train de regarder la télé avec un livre à la main. La valise de Véronique n'est plus sur le canapé et de suite elle l’accuse d’avoir fouillé dedans, et le lui dit. Ce qu’il réfute sans même la regarder.
- Même pas vrai ! Je l'ai juste mise par terre pour pouvoir m'allonger. Sophie par contre, je me suis permis de finir la semoule, j'avais faim.
Cette dernière sourit amusée.
- Oh ! Tu n'as pas vu que j'avais fait des gâteaux pour quatre heures ?
Il a alors un sourire gêné puis ferme son livre et éteint la télévision.
- Heu, si, mais je n'ai pas osé.
Elle lui sourit, il s’est approché d’elle, son regard papillonne d’une fille à l’autre, il ne sourit plus. Elle prend son menton et le force à la regarder, il rougit.
- C'est bête tu ne dois plus avoir de place pour l'un d'entre eux, alors?
Il lui sourit amusé. Elle observe ce visage d’enfant sur lequel commence à se dessiner l’homme. Ces yeux à la couleur étonnantes, vifs et pétillants.
- Oh ! Ne vous inquiétez pas, je lui en trouverai bien une petite.
Et il le leur prouve ce morfale en les aidant à tous les finir.
Et Véronique une fois de plus, se demande si tous les garçons sont comme lui et mangent autant ? Car le jour où elle aura des enfants, elle ne veut avoir que des filles comme sa mère !
Dimanche matin, Sophie les emmène à la gare vers neuf heures.
Il a voulu qu’elle lui passe son billet avant le départ et Tatie l'a forcé à le lui donner. Ce n'est même plus drôle. Pareil, il a exigé qu’ils partagent toutes les provisions en deux. Contrairement à Papa, Tatie ne monte pas dans le train. Il ne monte pas son sac mais le fourre sous son siège. Le train n'est pas parti depuis cinq minutes que déjà il attaque son premier sandwich.
Véronique elle veut attendre.
- Si tu les manges tous maintenant tu n'en auras vite plus.
Il se met à rire.
- Pas grave, je mangerai les tiens.
- Alors là, tu peux toujours courir.
Mais elle ajoute amusé.
- Et d'ailleurs pour l'eau aussi, je compte bien vider ta bouteille. Monsieur a obtenu d'avoir une grande bouteille de coca en plus de sa bouteille d'eau. Quand Maman va le savoir, elle va râler, elle ne veut pas que nous en buvions. Il tend la bouteille de coca à Véronique qui hésite puis tend la main pour le prendre. Tiens, tiens, tu vas désobéir à ta maman ? Tu sais que ce n'est pas bon pour la santé. Et puis tu ne m'as pas dit s'il te plaît.
Sa main tendue est juste au-dessus de son genou. Tant pis pour lui ! Elle n'a pas les ongles très longs mais bien plantés juste au-dessus du genou, au début de la cuisse, c'est très efficace. Il crie. La bouteille non bouchée manque d’atterrir sur le mec assis à côté de lui. Véronique la récupère avec un grand sourire. Non, mais, il y a une limite à ce qu’elle accepte ! Du coup lorsqu’elle lui rend la bouteille, il la range et prenant son sac, il s'en va. Elle le suit pour voir. Bien sûr, il s'assied entre deux personnes. Elle laisse sa valise et ne garde que son sac à dos avec elle. Il n'a pas de bol, son voisin descend à la gare suivante, il va sans dire qu’elle m'empresse de le remplacer avec un grand sourire. Il fait mine de se lever. Elle le plaque sur son fauteuil.
- Reste un peu tranquille ! Tu es sous ma responsabilité, je vais me faire gronder par Papa si je te perds des yeux.
Elle le dit très fort pour que tout le monde l'entende. Ils voient les adultes sourirent. Lui d'abord, il fronce les sourcils puis d'un coup se met à rire.
- Oui petite soeur ! Je peux t'embrasser ? Tu viens avec moi aux toilettes, j'aime bien quand tu es gentille avec moi !
Véronique reste bouche bée puis s’empourpre. Il sort ça comme ça, pas gonflé du tout. Une dame en face de moi se met une main devant la bouche, il l'a choquée. Elle doit se demander comment un petit garçon de son âge peut se permettre de dire de telles choses. En plus il essaie réellement de m'embrasser mais il doit presque se mettre debout pour y arriver. Il prend une claque que je regrette de suite mais il exagère tout de même. Il se met alors à rire en se frottant la joue. Mais il s'est assis et sort le journal que Tatie lui a acheté à la gare. Encore une qui est totalement sous son charme, comme Souraya d'ailleurs, qui n'a cessé de le suivre comme un petit chien. Et vas-y que je fais des maths avec lui, que je le branche sur les avions, que je lui demande quels livres il aime, etc etc. Elle l'a épuisée celle-là aussi.
Et maintenant là, il croit qu’elle ne voit pas la regarder en coin depuis tout à l'heure en souriant. Il mijote quoi encore comme mauvais coup ? Il ne perd rien pour attendre !
Ah non, il se lève, je le force à reposer son sac.
- Tu vas t'en occuper ? Oh que tu es gentille ! Au passage, je ne reviendrai pas, alors à plus à Aix !
Une demi-heure plus tard, il n'est pas de retour. Il l'énerve, il l'énerve mais alors il l'énerve !
Elle part à sa recherche, il est dans le dernier wagon de queue, il semble dormir. Elle me penche sur lui et lui dépose un baiser sur les lèvres.
- Je retourne à nos places, où j'ai laissé ma valise. Ton sac si tu y tiens, vas le chercher, mon GRAND !
Elle retourne donc à leur wagon d'origine. Sa valise est toujours là mais il n'y a plus de place. Elle reste debout dans le couloir. Il ne se passe pas cinq minutes avant qu’elle ne le voit arriver avec son sac qu'il pose devant elle.
- On fait la paix ? Tu arrêtes de m'emmerder ?
Oh, oh, doit-elle accepter ?
Un homme veut passer, nous rentrons chacun dans un compartiment, il me sourit. Je suis tentée mais j'ai une vengeance à assouvir. L'arrivée du contrôleur m'empêche de faire quoique ce soit. Lorsqu'il voit que leurs places réservées sont prises, il pense qu’ils n'osent pas les réclamer et fait partir les deux personnes qui s'y sont assises.
La dame de tout à l'heure se permet des commentaires dès qu'il est parti.
Ils n'en tiennent pas compte. Robert lui fait son plus beau sourire avant de se mettre à rire. Il a ouvert sa main à l'envers sur le genou de Véronique. Elly pose la sienne. Il ferme les yeux. Il compte dormir ? C'est ce que l'on va voir mon gaillard. Pour l'instant, elle doit réfléchir. Elle l’observe. Il n'a pas remis son uniforme et sa veste est sur ses genoux. Elle la prend, il ouvre un œil et veut la lui reprendre. Elle la range dans le filet au-dessus de leurs têtes puis reprend sa main mais après avoir remonté sa manche, elle laisse les doigts de sa main gauche courir doucement sur sa peau. Elle sent qu'il frissonne, il sourit mais n'ouvre pas les yeux.
- Arrête ! Lui dit-il doucement.
- Pourquoi? lui demande-t-elle.
- Tu me chatouilles.
Elle se penche vers son oreille sans s'arrêter.
- Imagine que je fasse la même chose ailleurs ?
- Hein? Il ouvre de grands yeux mi-étonnés, mi… horrifiés. Répète !
- Imagine que mes doigts te font la même chose ailleurs sur ton corps, où tu veux. Là où tu aimerais le plus.
Elle sent un frisson encore plus grand le parcourir. Il se redresse. Veut m'enlever sa main, elle la tient encore plus fermement. Il se tourne vers elle.
- Tu joues à quoi ?
- Tu n'aimes pas ma petite vengeance. ?
Elle a ses yeux à dix centimètres des miens. Mais en face d’eux la bobonne les fixe, les lèvres pincées. Elle lui fait un grand sourire puis retourne à son jeu.
Il lui murmure.
- Tu me donnes entre autres choses envie de t'embrasser.
Véronique sourit en faisant “OH !” de la bouche puis lui demande curieuse.
- Entre autre chose ? Son regard se porte alors sur son ventre mais il a mis son bras dessus, sa main coincée entre ses cuisses. Elle sourit, il lui répond d'une grimace qui ne fait qu'agrandir mon sourire. Et bien lève ton bras et je t'embrasse.
Il secoue la tête.
- Tu es une garce !
Là, elle sait qu’elle a réussi.
- Oui mais tu m'aimes comme ça, non ?
Ses yeux répondent pour lui. Finalement elle arrête, il a la tête posée sur son épaule, elle ne sait pas s'il dort ou pas mais jusqu'à Aix, il reste comme ça pour son plus grand bonheur.
Par contre, évidemment à peine, sur le quai de la gare, il part en courant. Elle le rattrape devant Maman qui secoue la tête avec un air amusé en nous voyant arriver en nous disputant. Véronique alors l'attrape par le col de son blouson et le secoue comme un prunier.
Mais sa mère les sépare.
- Fais attention Véro dans quelques temps, c'est lui qui te secouera.
Véronique alors lui réponds l’air
- Bah j'ai le temps de voir venir et puis qui te dit qu'il grandira ? Les nains, ils restent des nains. C'est mignon un nain, non ?
Gisèle stoppe alors Robert qui lâche son sac pour se précipiter sur Véronique les poings serré. Cette dernière comprend qu’elle a touché un point sensible. Si sa mère n'avait pas été là, elle se serait excusé mais devant elle, elle ne peut pas. Il doit la détester.
Gisèle le tient contre elle et ramasse son sac.
- Il y a une surprise qui vous attend à la maison.
Il la regarde inquiet.
- Heu, je ne viens pas chez vous, moi ?
Malheureusement pour lui, elle lui dit le contraire.
- Si comme ça tu pourras te remettre en uniforme, tu sais que tu n'as pas le droit de retourner au lycée en civil.
Il souffle et affirme alors.
- Je sais mais je veux être puni, consigné jusqu'à la fin de mes jours !
Gisèle se met à rire.
- Ce fut si dur ? Tu as un beau pull. Et elles ne sont pas gentilles Sophie et ses filles?
Il répond en fixant Véronique d’un air mauvais.
- Elles oui !
- Ah ! je vois. Pourtant Sophie m'a dit que vous ne vous étiez pas trop disputés, et que tu étais surtout resté avec Souraya. Elle t'a trouvé très gentil et poli. Qu'elle accepterait volontiers l'année prochaine si tu voulais.
Il se dégage alors d’un geste brusque et récupère son sac.
- Non merci, oubliez-moi !
A la maison, la surprise c'est Papy et Mamie, Véronique est trop contente.
Ils ont profité qu'ils allaient en cure pour leurs rhumatismes pour passer une petite semaine chez leur fils.
Ils semblent aussi ravis de revoir Robert qui fait la gueule. Véronique sait que c'est de sa faute. A un moment donné en passant derrière lui, elle lui glisse à l'oreille: Pardon ! Il fait celui qui n'a pas entendu. Alors quand leur père l'envoie s'habiller pour retourner à l'école, avec l'aide d'Yvy, elle se débrouille pour le rejoindre dans la chambre des petites.
Il ferme les boutons de sa chemise qui est abominablement fripée. Il a le pantalon ouvert et elle l'embête en essayant de le lui baisser. Il se bat avec elle. Il lui tient les mains.
- Mais purée, tu vas un jour me ficher la paix ?
Elle le plaque contre le montant du lit et l'embrasse. Il la mord mais elle continue. Il finit par se laisser faire. Il a arrêté de s’habiller. Elle glisse alors une main contre son ventre.
- Oh !
Cette fois, il la repousse violemment, et sort en finissant de s'habiller. Elle le voit s'enfermer dans les toilettes.
- Tu étais où ?
Un grand sourire à Papy qui sort du salon.
- Aux toilettes.
Il fronce les sourcils.
- Et l'autre animal ?
Elle prend un air d’innocence étonnée.
- Il y est entré lorsque j'en suis sortie. Et non, nous n'y étions pas ensemble, franchement Papy !
Puis elle prend l'expression la plus outrée possible. Justement le voilà. Il semble très pressé de partir. Il est trop rigolo avec son calot sur la tête. Mamie veut le photographier en uniforme mais il refuse et se met presque en colère. Papa l'envoie se chausser et dit qu'il le raccompagne avec Papy. Encore une fois il refuse mais Papa ne lui en laisse pas le choix.
Maman a emballé des parts de gâteaux qu'elle lui met dans son sac. Fanfan y glisse une feuille pliée en quatre. Il la sort et la regarde. C'est un beau dessin d'avion de chasse avec un bonhomme assis dessus. Il a le mérite au moins de le faire sourire.
Demain Véronique a cours mais elle a surtout hâte d’aller voir sa sœur à l’hôpital et de tout lui raconter !