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grâce à vous deux Richard et Gisou (incomplet, en cours d'écriture )
18 mai 2010

Robert samedi 28 Août 1976 retour

Robert samedi 28 Août 1976 retour



La 4L est pleine.

J'embrasse Mammema et Papapa qui me demande en chœur.

- Aurons-nous le plaisir de te revoir pour la Toussaint ?

- Je ne sais pas. Ça ne dépend pas de moi mais j'aimerais bien.

Richard pose ses mains sur mes épaules.

- Tout dépendra si ce gaillard est major en septembre et en octobre sinon il restera là-bas.

Étonné et mécontent, je me tourne vers lui.

- Pourquoi ne serais-je pas major ?

Il sourit amusé.

- Et pourquoi serais-tu obligatoirement major ?

Quelle question franchement ! Il me prend pour quoi ?

- Parce que... je suis le meilleur et que je ne supporterais pas de ne pas l'être.

Je le vois lever les yeux au ciel.

- Tu ne supporterais pas ? Et tu ferais quoi ? J'avoue que je ne sais pas, mais en tout cas je ne le supporterais pas, mon orgueil ne le supporterait pas. Bon en attendant en voiture Simone !

- Hé ! suis pas une fille ! 

 

Dans l’appartement vide, mon sac tenu devant moi, des deux mains, je suis Richard jusqu’à sa chambre.

- Je dors où ce soir ?

- Sur le canapé. Et pas besoin de l'ouvrir. Tu iras t'installer dans ton ancienne chambre où Claude te rejoindra mercredi. En attendant, tu me serviras de factotum, comme cela j'avancerai plus vite et tu ne t'ennuieras pas. En attendant viens, on va s'avaler un truc vite fait.



Un truc vite fait avec lui c'est un sandwich, ce qui me convient aussi très bien. Même si Gisou nous a dit cent fois minimum que dans le congélateur il y avait des plats à réchauffer au four ou dans une casserole, et si je l'ai bien vu fouiller dans le congélateur, la seule chose qu'il en a sorti ce sont deux baguettes de pain.



Maintenant c’est dans le placard qu’il fouille. 

- Ah ! Je savais bien qu’il en restait une.

Il pose devant moi sur la table une terrine de pâté. Puis s’occupe du four pour réchauffer le pain.

Je souris en le voyant se battre pour ouvrir sa terrine. 

Il pose sur la table deux verres et un couteau puis s’ouvre une bouteille de vin. 

Une demie baguette chacun dans laquelle le pâté se liquéfie, imbibant la mie de graisse et ne laissant que de gros bouts de viande. En tout cas ça sent bon.

Le pain me brûle les doigts, je le laisse refroidir.  

- Richard, je peux te poser une question ?

Il me fixe, 

- Pose mon petit gars, on verra si je peux y répondre.

- Qu'est-ce qui se passera après mes dix-huit ans ?

Il allait mordre dans son pain mais préfère le reposer.

- Tu seras majeur.

J’appuie sur le mien avec un doigt.

- Et tu ne seras plus mon tuteur.

- Non, je ne crois pas, pourquoi cette question ?

- Pour savoir.

Ma réponse n’a pas l’air de le satisfaire.

- Pour savoir quoi ? Parce que bon, si tu me poses cette question, c’est que tu as autre chose qui te titille, non ?

J’arrête de regarder mon pain. Je croise son regard et le mien fixe à nouveau mon sandwich.

- Si t'es plus mon tuteur... j'irai plus au chalet ?

- C'est vraiment le chalet le fond du problème ?

Bien sûr que non, c’est moi, le fond du problème.

- Tu seras plus mon tuteur donc... ce sera fini.

- Qu'est-ce qui sera fini ?

Je le regarde. Il a croisé les bras et a un petit sourire en coin. Bref il se fout de ma gueule, je le hais !

Je me lève brusquement et vais m'enfermer dans les chiottes, assis contre la porte, les jambes de chaque côté des chiottes. J'ai envie de pleurer mais je ne veux pas lui faire ce plaisir. Mon poing frappe la faïence blanche. La douleur est fulgurante, je fixe mon esprit dessus, je la sens remonter vers mon épaule puis lentement redescendre uniquement sur mes phalanges. Je serre ma main contre mon ventre. Je me traite de con, c'est ma main droite et dans trois jours, c'est la rentrée. Bon, mes doigts bougent mais j'ai la crête ouverte. Je sors et vais me laver les mains.

Quand je reviens manger, il a fini et ouvre le courrier qu'il a remonté. 

J’attaque sans appétit mon sandwich.

- Écoute, à tes dix-huit ans, c'est toi qui décideras. Pour nous, je pense que cela ne changera rien, crois-tu que je n'ai accepté que pour l’argent ?  L’argent ? Ah oui, Isa y a fait allusion. À ton regard, je vois que tu ne savais pas. Alors oui, je suis payé pour être ton tuteur mais j'ai ouvert un compte à ton nom et l'argent que je reçois, je le verse dedans. Et à tes dix-huit ans, tu pourras t'en servir pour t'acheter une voiture. Par contre, la prochaine fois, plutôt que de taper contre un mur, essaies de taper sur moi comme ça j'aurais le plaisir de te le rendre.  

Je ne peux m’empêcher de sourire. 

Il se lève et met une partie des papiers dans la poubelle puis sort de la cuisine. 

Mais je le vois revenir.

- Tu voudras un dessert ?

Je secoue la tête.

Il ressort en éteignant la lumière. Je continue à manger dans le noir. Il rallume en soupirant.

Je souris, les filles, elles, ne seraient pas revenues allumer.

Lorsque j’ai fini, je range et nettoie puis vais jusqu’à la porte de son bureau.

- Je peux prendre un bain ?

Il est derrière son bureau, il ne lève même pas la tête.

- Tu n'as pas à me demander la permission.

- Merci !

La baignoire me paraît moins grande qu'avant, mais j'aime toujours autant m'allonger dans l'eau chaude. Plus tard, quand j'aurais ma propre maison, j'aurai une aussi grande baignoire. 

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7 janvier 2010

Robert dimanche 21 juillet 1975 Camerrer

Robert lundi 21 juillet 1975 Amen !

 

L'AS est revenue.

C'est quoi ces nanas perverses, c'est moi qui les attire ?

Je n'ai rien à lui dire alors je fais semblant de dormir, et voilà que madame soulève mon drap.

Bin, pas de bol.

- Et ouais, vous ne vous rincerez pas l’œil, j'suis torse nu mais j'ai un slip. Zut alors ! Cassez-vous ou je crie pour dire que vous avez essayé de me toucher.

- Mais tu es aussi fou que ton père, mon pauvre petit.

Là, elle marque un point et j'hésite entre me taire (ce que je fais.) ou la frapper. Je lui tourne le dos mais elle m'a fait plus mal que si elle m'avait touché.

Mais au moins, elle ne reste pas.

 

J'en ai marre, qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu pour mériter ça ?

 

En parlant de Bon Dieu, à midi, je lèche la petite assiette où se trouvait une énorme religieuse au chocolat lorsque le père Camerer débarque.

- Bonjour mon grand. A-tu remercié notre seigneur pour ce repas ?

- Non mon père. Il me tend alors les mains, j’y pose les miennes.

 

Seigneur, je te remercie pour ce repas que tu m'as accordé et pour ceux qui l’ont préparé. Amen !

 

Il soupire et s'assied à côté de moi sur l'autre chaise.

- Je suis heureux de te voir debout et souriant, Je t'ai apporté un petit cadeau qui j'espère te rappellera que tu dois toujours le remercier de t'avoir permis de rester en vie.

Et il me tend un joli crucifix en bois d'olivier de Jérusalem au bout d'un cordon de cuir. C'est le même que celui qu'il m'a déjà offert pour ma première communion et qui est resté avec mes Dinky Toys. Je te laisse aussi cette bible que tu pourras lire lorsque tu t'ennuieras.

- Merci mon père, mais votre bouquin je l'ai déjà lu et honnêtement contre la douleur quand je vais faire pipi, il ne m'aidera pas beaucoup.

Il lève les yeux au ciel

- L'Homme est né pour souffrir mon garçon, elle va te permettre de grandir plus fort. Tu as fini ? Alors viens devant moi. Il me fait mettre à genoux et je ferme les yeux, les mains jointes. Prions :

Seigneur, tu as créé cette huile, bénis-la, et accorde l'abondance de ta grâce à Robert, cet enfant blessé qui m'est très cher et qui va en recevoir l'onction. Amen

Il pose ses deux mains sur ma tête.

Seigneur Jésus, Tu as dit à tes Apôtres d'imposer les Mains sur les Malades.

Écoute notre prière pour Robert et accorde-lui soulagement, paix, joie, et salut.

Amen.

Je le vois sortir le petit flacon de l'Huile des Malades et m'en fait une Onction sur le front puis sur mes mains, en disant :

Robert par cette Onction sainte, que le Seigneur, en sa grande bonté, te réconforte par la grâce de l'Esprit Saint, Amen.

Et ainsi, t'ayant libéré de tous péchés, qu'il te sauve et te relève.

Amen.

Maintenant tu vas joindre ta voix à la mienne pour que désormais la force de Dieu agisse dans ta grande faiblesse. Remercions le Seigneur : recueillons-nous et prions.

Notre Père qui êtes aux cieux

Que ton nom soit sanctifié

Que ton règne vienne

que ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel

Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés

Ne nous soumet pas à la tentation mais délivre-nous du Mal

Car c'est à toi qu'appartiennent le Règne, la Puissance et la gloire pour les siècles des siècles. Amen !

Je vous salue Marie pleine de grâce

Le Seigneur est avec vous

Vous êtes bénie entre toutes les femmes

Et Jésus le fruit de vos entrailles est béni

Saint Marie, mère de Dieu priez pour nous pauvres pêcheurs maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

 

-Te souviens-tu mon garçon des paroles de l'acte de contrition?

Cette fois c'est moi qui lève les yeux au ciel.

- Oui et même plusieurs.

- Et quand, devons-nous les dire ?

- Lorsque nous commettons un péché.

- Oui et quel est celui que tu commets à longueur de journée ?

- Aucun !

- Ah oui ? Alors vas-y, récites en un, je t'en prie.

Je ne dis rien mais accentue mon sourire, ce jeu est habituel entre nous, je sais où il veut en venir et comme à chaque fois, je refuse de reconnaître que je suis orgueilleux voir vaniteux selon son humeur.

La porte s'ouvre sur une infirmière qui sourit.

- Je reviendrai plus tard.

 

- Alors, combien de temps vas-tu faire attendre le bon Dieu ?

- Et lui, pourquoi a-t-il attendu pour me protéger de mon père ?

- S'il ne t'avait pas protégé, tu serais mort et s'il veut que tu vives, c'est que tu as un destin à accomplir. Encore une fois tu fais montre d' orgueil. Qui es-tu pour juger Dieu ?

- C'est lui qui me juge à travers vous.

Il secoue la tête, sourit puis me serre contre lui.

- Si ton père t'avait tué, je crois honnêtement mon garçon que j'aurais perdu la foi dans le mien. Il sent l'encens et la naphtaline. Je passe mes bras autour de son cou. Je ne sais pas depuis quand je connais le père Camerer mais il est un des piliers de ma vie. Pense à venir me voir quand tu seras un homme, promis ?

- Oui je vous le jure. C'est vous qui nous marierez Caths et moi.

Je vois une ombre passer dans ses yeux. Il m' embrasse sur le front, je me dis qu'il a dû se bouffer l'huile qu'il venait d'y mettre en me bénissant.

- Oui mon fils, ne perds jamais espoir envers ceux que tu aimes ou qui t'aiment,vous vous retrouverez un jour.

J'ai pas trop pigé mais bon, il était comme d'hab pareil à lui-même, il explique tout sous forme d'histoires ou d'énigmes mais je l'aime bien.

Et si c'est de Caths dont il parle, dès que je sors je vais la retrouver... alors bon, je n'ai pas beaucoup à attendre.




25 mars 2010

Robert mardi 10 février 1976 15 ans

Robert 10 février 1976 15 ans !

 

Le mois de février arrive avec mon anniversaire.

A midi au mess, tous les jours la traditionnelle distribution du courrier. Moi, normalement, je n'en reçois pas et pour cause.

- Weisembacher, une lettre et un colis.

La lettre vient d'Anaïs avec encore un dessin de surfeur, ce doit être obsessionnel chez elle. Et le colis des grand-parents posté de Chamonix, avec dedans des livres. C'est alors que Claude percute et gueule .

- Bon anniversaire !

A midi, c'est purée et cordon bleu. Et en toute bonne tradition, je me retrouve vite recouvert de purée en guise de cadeau d'anniversaire. Et viré avec Claude du mess.

 

- Au fait vous avez fait quoi à Noël, toute la nuit, toi et Anaïs ?

- Des ballons.

- Même pas des bisous ?

Claude me regarde me doucher, assis à cheval sur la chaise de son bureau avec laquelle il m’a suivi, le menton sur ses mains posées sur son dossier.

Retour dans la chambre où je mets un uniforme propre avec lui toujours sur sa chaise.

- En tout cas, je déteste cette tradition.

- De se faire des bisous ?

- Mais non, de balancer de la bouffe sur les gens. Moi je préfère la manger.

- De suite les grands mots. Alors Anaïs ?

- Quoi Anaïs ? C'est ta sœur, elle est mignonne, elle a douze ans et elle est trop jeune pour moi. Et avec tout ça, grâce à toi, on va être puni et j'ai pas pu finir de manger.

- Mais tu ne penses qu'à ça !

- A quoi ?

- A grailler.

- Oh ! Bin oui, je ne suis pas un sale obsédé comme toi.

 

 

 

- Atout cœur !

- Non Robert, là, tu me fends le cœur.

- Eh les mec, on joue à la belote pas à refaire Pagnol.

Assis sur le lit de Nguyen, nous jouons aux cartes.

- Weisembacher, vous n'avez pas oublié de venir me remettre quelque chose à mon bureau ce soir ? D' Aureilhan, vous aussi, bougez vos fesses, venez soutenir votre collègue dans sa punition.

Richard est debout à l'entrée de la chambre en civil.

On s'est tous mis debout mais on hésite, vu qu'il est en civil, on salue ou pas ? Finalement non, mais tous les deux, nous le suivons en se demandant ce que nous avons bien pu faire et ce qui va nous arriver.

Il fait nuit et on se pèle lorsqu'il nous fait traverser la cours en courant jusqu'à la porte de la cave de son immeuble. Heureusement que nous ne sommes pas encore en pyjama.

A peine, je passe la porte de l'appart que j'ai les yeux cachés par les mains d'Isabelle. Je me déchausse comme je peux et elle me pousse vers la cuisine.

- Hé, mais il a grandi, non ?

Son père se met à rire.

- Normal, il a un an de plus.

Je comprends alors pourquoi nous sommes là.

Je n’en reviens pas. Ils y ont pensé !

Elle ne me lâche que devant la table où trône un énorme gâteau.

- Bon anniversaire !

Je souffle les quinze bougies.

Coco, assise sur mes genoux souffle aussi. Elle tape des mains, on dirait que c’est son gâteau.

Fanfan me donne un dessin.

Richard me tend une petite boîte. A l'intérieur, une montre : un vrai chrono comme celui des pilotes. Mon poignet nage dans son bracelet métallique, mais je suis ravi.

- Comme ça, tu n’auras plus d’excuses pour arriver en retard ! (Je le remercie.) Ho là, je n'y suis pour rien, remercies la, elle !

Il me pousse vers Gisou. Elle est en train de couper le gâteau, elle m’embrasse.

- Elle te plaît ? Ne le crois pas, c’est SON idée, et c’est lui qui l’a choisie. Tu serais soit disant tout le temps en retard.

Isabelle m’offre un livre sur les avions de chasse américains.

Véro me tend à son tour un petit paquet. C'est du parfum, un vrai, pas un à deux balles de supermarché, de l' Azzaro. Isabelle me glisse à l'oreille : «Elle s'est ruinée. Je souris gêné. Radine comme elle est, elle doit réellement t'aimer !» Cette fois, je me sens devenir cramoisi. Je rencontre le regard du colonel, il affiche un visage de marbre. Je baisse les yeux, mal à l'aise.

Nous mangeons notre part de gâteau, mais je force Claude à vite prendre congé, prétextant une grande fatigue.

Lorsque j’embrasse Richard pour lui dire au revoir, je lui demande tout bas ce que j’ai fait. Il est surpris

- Mais rien ! Pourquoi me demandes-tu cela ?

 

 

 

13 février 2010

Véro samedi 17 octobre 1975 mon papounet

Véro samedi 17 octobre 1975 mon papounet



C'est samedi, Véronique a trois tonnes de travail mais aucune envie de travailler, qu'est-ce qui lui arrive ? Enfin elle croit savoir : elle a envie de le revoir, de lui parler ! Il lui manque...

Papa est enfermé dans son bureau.

- Papa ! Besoin d'aide ! Tiens, et dis moi si c'est bon.

Il la regarde s’avancer vers lui.

- Hum ! Accessoirement, je travaillais.

Elle n’en tient pas compte, elle vient derrière lui et entourant son cou de ses bras, l’embrasse sur la joue.

- Oui, moi aussi. Allez mon petit papounet chéri.

Elle lui met Rimbaud dans les mains et clame le spleen avec emphase. Elle reste dans son dos, d'un œil elle le surveille tout en regardant dans la cour. Elle repère très vite, l'autre, assis sur un banc, un bouquin à la main, le nez en l'air, il rêve.

- C'est bien mais tu ne me l'avais pas récité le mois dernier ?

Elle joue l’étonnée.

- Ah bon ? Non, non, merci mon papounet d'amour. Tu m'autorises à aller promener Sheba ?

Là, son père se tourne vers elle qui, les mains jointes, le regarde suppliante.. 

- Oui, si tu veux, mais c'est à monsieur Cohen qu'il faut demander surtout et ne la lâche pas cette fois.

Elle aimerait sauter sur place, s’écrier : Yes ! Mais elle préfère s’en tenir à une expression de bonheur presque extatique.

- Oui, voui, mon papounet chéri rien qu'à moi !

Elle lui claque deux puis trois bisous sonores sur les joues et s’éloigne avec son cahier. 

Et voilà comment on emballe un petit papa trop crédule. A elle la liberté ! Il a oublié qu’elle était punie.

Dans la loge, pas de Cohen senior, il y a Adam qui bosse sur sur cours d'anatomie, il colorie des dessins, ça fait très maternelle. Il a vingt-deux ans, il est en fac de médecine à Marseille. Il est d'accord pour le chien qui a compris et qui fait déjà mille et une démonstrations de joie.  Mais il vient une idée à Véronique.

- Adam, tu accepterais de nous aider Isa et moi ?

Il lui sourit amusé

- Cela dépend pour quoi ?

- Hier, nous sommes rentrées en retard de la piscine, tu ne veux pas dire à Papa que nous sommes restées à papoter avec toi ? Il ne dit rien. Les yeux plissés, il fait tourner un crayon de couleur violet autour de ses doigts. Elle ajoute alors : Ce serait à charge de revanche.

Elle y ajoute mon plus sublime sourire.

- Désolé mais hier soir, je suis rentré à plus de vingt-trois heures. Demande à Simon. Il ne dira pas non. Mais en fait vous faisiez quoi ? Il sourit, son crayon, cette fois dans la bouche. Véronique ne peut s’empêcher de le trouver moche : un gros nez, des yeux noirs et… c'est un vieux ! Il rigole. Oh ! Oh ! il y a des garçons là-dessous, non ?

Je lui tire la langue et ressort du côté de la cour.

Bizarrement le chien s'évade, sa laisse est une véritable anguille entre les mains de Véronique qui n’ose pas l’appeler de peur que son père ne l’entende.

Finalement, elle le récupère au milieu de la cour, c'est un élève qui l'a attrapé. Et c’est fou le nombre de garçons qui veulent d’un coup caresser ce stupide chien qui secoue sa longue queue en panache.

- Il est beau ton chien… comme toi.

Elle n’a même pas un regard pour le débile profond qui vient de la comparer à un chien, non une chienne puisque Seba est une femelle.

Qant à l'autre nouille, il n'a pas bougé de son banc. Ah si ! Il a peut-être compris ? Véronique rentre dans son immeuble par les caves et laisse la porte ouverte.

Elle attend. 

Viendra ? Viendra pas ?

Elle accroche le chien au fond du couloir. Je sursaute lorsqu’elle se retourne. Il est juste devant elle. Il tend la main vers Sheba qui la lèche.

- Désolé si je t’ai fait peur.

- C'est quoi ton accent ? Il fait un pas en arrière, il fronce les sourcils, plus de sourire. Oups, elle comprend qu’elle a fait une gaffe, l'aurait-elle vexé. Elle le pousse alors contre le mur. Ne fais pas la gueule, tu n'as pas l'accent d'ici, c'est tout. Mais rien à faire, envolé le sourire. Dans le noir ses yeux brillent.

Puis son sourire revient. 

Elle est heureuse. 

Le baiser qui suit est différent des précédents. Elle ne sait pas pourquoi. Peut-être parce qu’elle ne découvre plus qu’elle l’attendait. Malheureusement il doit partir. Il sort, pousse la porte, re-rentre et lui dit :

- Je suis alsacien, cela ne te dérange pas trop j'espère. On se voit demain ?

Alors ça, c’est son vœux le plus cher, mais elle ne sait pas comment. Elle n'a plus le choix, il faut qu’elle trouve un moyen. Il devra surveiller la porte.





Il fait nuit dans la chambre, elle a du mal à m'endormir.

- Isa ?

Sa sœur lui répond de suite.

- Oui ? Alors, tu l'as revu ?

Elle se penche vers la couchette de sa sœur en-dessous de la sienne puis soupire.

- Demain il veut que l'on se revoit. Mais j'en ai marre de la cave, c'est franchement pas super romantique.

Isabelle se fait moqueuse.

- Plains-toi ? Et pourquoi tu ne l'inviterais pas dans ta chambre tant que tu y es ?

- Véronique souffle et se re-allonge sur le dos.

- C'est ça, moque-toi de moi, jalouse ! Demain, je lui dirai d'aller chercher Claude. Nous allons finir par l'aménager cette cave et y descendre des petits gâteaux et des boissons !

Isabelle rigole comme une bossue et elle aussi. Elle s’imagine bien la tête de sa mère si elle lui disait : Maman je vais jouer à la dînette dans la cave.

Elles délirent un certain temps sur ce sujet jusqu'à ce que leur père vienne leur dire de se taire et de dormir. Avant de sortir, il se retourne vers elles.

- Au fait, pourquoi vous ne nous avez pas dit jeudi que vous étiez avec les fils de monsieur Cohen ? Ils sont gentils ces deux garçons. Bonne nuit les grandes.

- Bonne nuit Papa. Mais tu devrais t’excuser de ne pas nous avoir crues.

Il ne s’excuse pas mais ses yeux rient, elle aime quand il essaie de rester sérieux, mais avec elle, ça ne prend plus. Elle lui tend les bras et il revient lui faire un gros câlin avec pleins de bisous et Isabelle qui s’est levée, se joint à nous.

Une fois la porte refermée, elle doit expliquer à Isabelle qui n'en revient pas.

- Bin t'es gonflée toi !

En tout cas, Véronique n’est pas peu fière d’elle.

- A toutes fins, il faut les moyens !

Elle a l’impression que son oreiller sent encore le chlore et ça la rend heureuse.

17 septembre 2010

Robert jeudi 12 janvier 1977 conférence

Robert jeudi 12 janvier 1977 conférence

 

 

La matinée a commencé normalement : lever, salut aux couleurs, petit dej puis premier cours.

Mais à la fin du cours, au lieu de la sonnerie traditionnelle retentit celle du rassemblement et nous voilà tous en rang, sac de cours sur le dos.

 

- Posez vos sacs ! Nous enlevons donc nos sacs et les posons à nos pieds. Attention changement de rangs.

Ah ah, les choses commencent à devenir intéressantes, nous allons donc sortir de l’école.

Pour comprendre ce que nous devons faire, il faut savoir que le rang des sixièmes (les plus petits ) est le plus proches de la cantine (normal, ils y entrent toujours en premier) et nous les Spé, les plus proches de la sortie. Mais lorsque l’école sort, les sixièmes sortent les premiers et nous, les plus âgés, nous fermons le ban. Donc… nous devons intervertir nos rangs. Cela se fait bien sûr dans l’ordre et la discipline. Les petits, des sixièmes aux troisièmes se déplacent normalement en passant devant les autres rangs jusqu’au notre, là, ils se placent en commençant par les premiers, seconds jusqu’aux derniers en passant par l’extérieur.

Nous par contre, des premières au Spé, nous nous passons par derrière les rangs et en commençant par nous bien sûr. Donc Nevière et moi, faisant un beau demi-tour, nous longeons nos camarades par l’extérieur, qui l’un après l’autre nous suivent pour ensuite aller nous ranger à la place des petits. Seul le rang des secondes ne bouge pas.

Puis monsieur Cohen ouvre la porte de notre cage et c‘est parti !

Les sixièmes suivent un des Capots, habituellement Caprais, muni du bâton de commandement avec son petit fanion, qui, lorsqu’il le lève bien haut, indique l’arrêt.

Chaque classe est accompagnée par son professeur principal qui marche à côté du major. J’ai donc Monsieur Deschamps à côté de moi. Puis derrière nous, l’autre capot et le Capitaine Gâche.

- Pardon monsieur, vous savez où l’on va ?

Et je reçois pour réponse un regard noir.

Et voilà ! Pour qui je me prends franchement ? Moi le meuble, la bête de somme juste bonne à être déplacée et à obéir en fermant gentiment ma gueule.

Et pour que tout ce petit monde se déplace sagement, il est bon ton de nous faire chanter.

Nous voilà donc, en route vers l’inconnu…

 

 

L’inconnu s’arrête au cinéma pour le film : «la victoire en chantant» qui sera suivi ensuite cet après-midi d’une conférence dans l’amphithéâtre du lycée donnée par des militaires et des profs d’histoire et de politique venus spécialement.

 

Bref une chouette journée.

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8 octobre 2010

Robert Mardi 15 février 1977 Justine

  Robert Mardi 3 février 1977 Justine



Je ne sais pas ce qui me réveille mais c'est trop tôt pour moi, ma montre indique juste onze heures du matin. Je vais me remettre sur le ventre et replonger dans mes rêves lorsque je comprends que je dois impérativement descendre.

Et flûte, pourquoi doit-on toujours se taper la soupe le soir, surtout qu'elle était super bonne et que j'en ai bien repris trois fois. Bon aussi, je n'ai qu'à m'en prendre à moi-même !

En plus, l'air dans la chambre est gelé et de voir mes vitres givrées finit de m'empêcher de lambiner. J'attrape juste un pull et un pantalon et tout en enfilant mon tee shirt, je dévale en slip les deux étages pour buter quelques marches avant le rez-de-chaussée dans une fille aussi grande que moi avec des yeux noirs en amande absolument magnifiques. Je bégaie un salut incompréhensible puis finis les trois dernières marches à reculons pour me retrouver dans les bras des jumelles secouées d'un fou rire. Je leur abandonne mes fringues pour filer dehors. A mon retour, elles ont disparu et je m'habille rapidement sous les sarcasmes de Rémy et Papy.

- Alors Justine te fait perdre ton pantalon ?

- Rémy c'est sa langue qu'il a avalée.

Je trouve Rémy et Papapa drôles, ni l’un ni l’autre.

- Gna gna gna. Rémy, Qu'est-ce que vous faîtes ici ? Pourquoi Maïté n'était pas avec vous ? Et c'est qui cette fille ?

Papapa s’éloigne après avoir posé sa main sur l’épaule de son fils et me désigne du doigt.

- Aïe, la machine à questions s'est mise en route, bon courage mon fils. Ah et toi, ta mère te fait dire qu'on mange dans moins d'une heure, donc tu ne vas pas piller la cuisine.

Ma mère ? Ah oui Gisou. Mais j'ai faim moi ! Tant pis je me contenterai de boire du lait.

- Alors Rémy ? C'est qui cette fille ?

Une voix de fille derrière moi, me fait sursauter.

- C'est de moi que tu parles ? Tiens Rémy, je dois te donner Marine.

Il me désigne de la tête.

- Passe-la un peu à ce jeune malandrin pendant que je finis de réparer ce truc.

Son sourire est plus joli que le truc bavouilleux qu'elle me tend. Je fuis devant elle en faisant non des mains et en tournant autour de la table. Lorsque je passe derrière Rémy, il me fait un croche-patte et je me retrouve à plat dos sur le sol.

Et elle vient se mettre au-dessus de moi.

- Ah bin, voilà ! Mon nom, c'est Justine et je suis la copine des jumelles depuis la maternelle. Et toi t’es Robert.

Elle me pose le bébé dans les bras et je la vois remonter les escaliers en courant. Contrairement aux filles, elle n'est pas en robe mais en jogging.

- Tu ne veux pas que je remonte son truc à musique et toi tu la prends car moi là, heu, très peu pour moi. Non, Rémy, quelle horreur, elle bave. Je tiens le bébé baveur à bout de bras et regarde la bave couler au sol et sur son espèce de sac de couchage. C’est dégueulasse ! Rémy pitié, j'en fais quoi ? Rémy bordel, bon je la pose par terre comme ça elle n'ira pas plus loin.

Il ne me regarde pas mais le ton de sa voix n’est pas tendre.

- Tu la poses, je t'explose.

La mienne est plus geignarde j’avoue.

- Mais je n'ai pas demandé à l'avoir moi. Et puis... Je cherche une excuse. J'ai envie d'aller aux toilettes, je ne pourrais pas avec elle.

Il soupire.

- Tu en viens.

Et zut !

- Oui mais pour le reste. Tu imagines, je la pose sur mes genoux pendant ce temps ? Son microscopique tournevis toujours maintenu sur la vis, il tourne la tête vers moi. Heu, bon, ça va, j'ai compris ce regard. Rémy pitié, fallait réfléchir avant de la faire, moi je n'aurai pas d'enfant, comme ça je m'embêterai personne avec.

- Ouais, ta mère aussi n'aurait pas dû t'avoir, tu nous aurais pas emmerdé.

Là, même si je suis blessé, je suis tout à fait d’accord avec lui.

- Dans le cas présent, si elle ne m'avait pas eu, je ne serais pas en train de me faire baver sur les mains par ta fille. Et désolé, si mes parents m'ont eu. Mais honnêtement, vu mon enfance, je me serais passé, bien franchement, d'exister.

Il a enfin fini et pose son tournevis et se lève. Il me tend les mains.

- Donne-moi ma fille et désolé. Je ne pensais pas ce que j'ai dit.

Je me débarrasse du fardeau baveux. Ça finissait par être douloureux de la tenir ainsi à bout de bras.

- Oh ne le sois pas, je le pense moi-même chaque jour ou presque que Dieu fait.

Cette fois c’est une voix grave qui me fait sursauter.

- Et qu'est-ce que tu penses ?

Papapa tend les bras à Rémy pour prendre Marine, je l'empêche de marcher dans la flaque de bave. Ces trucs c'est tout petit et ça a une capacité de production sonore autant que de divers fluides qui m'horrifient.

- Attention je vais nettoyer ! Je disais à Rémy que j'étais d'accord avec lui que je n'aurais pas dû naître.

Lorsque je reviens avec la serpillière, Rémy fait la gueule et Papapa, Marine dans les bras me sourit. Mais je ne comprends pas pourquoi.





- Et je pourrai venir voler aussi ?

Je fixe la jolie brunette d’abord surpris puis enchanté.

- Oh oui Richard, avec moi dans le 800, allez dis oui.

- Pas aujourd'hui, là, tu vas d’abord prendre en main l'ASK. Et avant tu devras te mettre en situation d'instructeur dans le 800 avec moi, et on verra si tu gères un élève qui s'affole.

En fait elle est sympa comme fille.

Par contre, moi qui espérais des vacances tranquilles sans les jumelles, avec donc une Véro moins chiante, là c'est mal barré.

En plus maintenant, il y a un truc en plus, tout petit avec des cheveux blonds en pétard sur la tête qui passe son temps à hurler, à baver, à vomir et qui pue.

Et maintenant le nouveau jeu des parents est de vouloir me la mettre dans les bras.Et moi, je les fuis.

Finie la douce chaleur du rez-de-chaussée, je préfère la sécurité du froid polaire de ma chambre.



En attendant le repas du soir, je commence la nouvelle maquette que Rémy m'a apportée, une goélette du dix-huitième siècle. Moi qui n'aime que les avions, à chaque vacances, j'ai une maquette de bateau en plus dans ma chambre.

- Alors elle te plaît Justine ? Véro se vautre sur mon lit puis se glisse sous ma couette. Et enfin s'assied le dos contre un mur, mon oreiller dans ses bras. Mais ça caille ici.

- Hé ! tu pourrais toquer avant d'entrer.

- Pourquoi faire ? Tu toques toi avant d'ouvrir en grand notre porte à chaque fois que tu passes devant.

Je souris, content de moi et me lève en soupirant pour refermer la porte.

- Non. Mais ce n'est pas pareil. Et puis, je ne rentre pas et ne reste même pas devant. Sors de mon lit !

Je la vois remonter ma couette.

- Bin si, c'est pareil. Non, j'ai froid.

- Frileuse.

Je l’entends s’agiter sur mon lit mais je l’ignore. Ça l'énerve.

- Alors t'as pas répondu pour Justine.

Elle est drôle l’autre, je vais peut-être lui répondre : Oui elle me plaît, j’aimerais la sauter.

- Elle n'est ni rousse, ni blonde.

- Et ?

Et quoi ? Elle m’énerve à jouer celle qui ne comprend pas.

- Tu es rousse et Caths est blonde.

- Le jour où je tombe sur ta Cath, je la dépèce vivante.

Là, elle me fait rire.

- J'aimerais voir ça, deux tigresses se battant pour moi.C’est vrai que ce serait le rêve, les voir toutes les deux se battre. 

- Robert regarde.

Je me retourne.

- Non pose-ça ! Elle a pris ma maquette de Spitt et fait mine de la jeter. Pourquoi tu fais ça ? Je ne détruis pas tes affaires moi ?

Cette fille m’énerve à un point. Et son sourire, là, fait peur !

- Si tu la fais voler, je veux aussi voler avec toi.

Je hausse les épaules, pas moi qui décide pour ça.

- Madame la jalouse, débrouille-toi avec ta castratrice de mère.

- Je peux l'être aussi.

- Être quoi ? Oh ! Essaie mais pitié maintenant pose cet avion et fiche-moi la paix.  C'est ma première maquette, à chaque fois que je la vois, je lui trouve des défauts supplémentaires. Oh et puis si ça t'amuse de tout casser gratuitement, vas-y. Ce n'est pas moi qui me ferai punir. Quoique, ils risquent de trouver pleins de trucs à me reprocher. Je me tais un instant avant de reprendre tristement. Je me demande pourquoi je suis né. Ma fée marraine a dû me maudire à ma naissance. 

Nouveau silence car je viens de me poser une colle à moi-même. C’est qui déjà ma marraine ? Ah y réfléchir je n’en sais fichtrement rien.

- Non, mais j'hallucine, monsieur joue les dépressifs alors que Papa achète un avion pour ses beaux yeux.

Je hausse les épaules.

- C'est ton grand-père qui l'a acheté. Et la couleur de mes yeux vient d’une mutation génétique ce qui veut dire que je suis taré.

- T'es trop con !

Je lui montre la porte du doigt.

- Sors d'ici !

Elle secoue la tête.

- Non, j'suis bien là.

Et flûte, je la laisse parler dans le vide, jusqu’à ce que je réalise que je ne l'entends plus.

Elle dort. la maquette posée sur la couette. Sans bruit je la récupère.

Bon maintenant j'espère qu'aucun parent ne va monter sinon je vais en prendre pour mon matricule alors que je n'y suis pour rien. Ras le bol !

Je déteste cette fille.





Tiens. On toque à ma porte ? Qui est cette perle rare ?

- Oui ! heu non, non, attends !

Je suis sur la poignée en un éclair, empêchant Justine de l'ouvrir totalement.

- Je dérange ?

Cette fille est franchement différente de ses copines.

- Oui, enfin non, non. Kepassa ?

Faudrait que je me décide, là j’suis pas crédible et je le vois à son sourire.

- On m'envoie te chercher pour manger.

Ouf c’est que pour ça.

- Oki, je viens.

Elle commence à s'éloigner puis fait demi-tour. Je la suivais des yeux.

- Tu n'as pas vu Véro ? Elle a disparu depuis deux heures. On ne la trouve pas.

Jouons l'étonné.

- Heu non. Tu sais Véro et moi c'est plutôt tendu.

Grand sourire… pas plus convainquant… je suis trop nul ! Elle remonte les quatre marches.

- Tu ne sors plus avec elle ?

Là, par contre, je ne fais pas semblant d’être surpris.

- Quoi ? Qui t'a dit ça ?

Elle a alors, un sourire moqueur… mais si… joi.

- Bin elle.

Là, reste bête, oui bête. Comme l’imbécile que je suis qui croyait stupidement que la question était réglée depuis longtemps.

- Oooooh ! Elle est gonflée. Et bien, s'il te plaît garde ses allégations pour toi d'accord ? Car je n'ai pas du tout la même vision des choses qu'elle. Oh purée, oui, je la trouve très très gonflée. Je ferme la porte énervé puis vais secouer une couette d'où émerge un truc plein d'ongles. Aïe !  Debout ! Faut descendre manger. Alors comme ça on sort ensemble ?

Debout sur mon lit, elle commence par me regarder surprise puis se met à sourire. Elle descend du lit, vas à la porte, l'ouvre mais avant de sortir et de refermer celle-ci derrière elle, me lance :

- Et bien écoutes, tu m'as jamais dit que tu avais rompu, donc oui !

Mais je vais la tuer ! Ma porte claque devant moi et je l'entends se mettre à descendre en courant.

Je la suis lentement et sans bruit, luttant contre des envies de meurtre et de trucidage en règle.

En bas, je vais directement me laver les mains. Lorsque j'arrive à table. Papapa me fait signe de venir m'asseoir à côté de lui. Heu, comment dire, non très peu pour moi. Et là, c'est Yvette qui vient s'y asseoir laissant libre la place entre Véro et Justine. Mieux ou pire ? Je verrai bien.

De l'autre côté de la table, Papapa ne me quitte pas des yeux.

Aïe, aïe, aïe, je fais en sorte de ne pas une seule fois mettre mes mains sous la table, ni réagir.

Toujours sourire, bien mâcher sans montrer que je souffre car Véro me trucide la cuisse gauche tout en blaguant gentiment avec ma voisine de droite. Je déteste cette fille ! Aaaïeee !

Je suis content quand le repas se termine, et j'aide à débarrasser quand à la sortie de la cuisine, Papapa passe derrière moi, et un bras autour du cou, il m'entraîne dehors ainsi colleté, penché en avant.

- Véronique était où ?

Non pitié ! Bon autant dire la vérité.

- Quoi ? oh ! Dans mon lit. Je le vois devenir rouge. C'est bon, pas besoin de faire une crise d'apoplexie, moi, je n'y étais pas dans mon lit, j'étais à mon bureau. Elle est venue me menacer de casser toutes mes maquettes si je sortais avec Justine. Le truc, c'est que Justine est mignonne mais n'est pas assez féminine pour moi. Et comme on se pelle dans ma chambre, d'ailleurs au passage, un petit chauffage ne serait pas de refus. Elle s'est mise sous la couette et s'est endormie. C'est pas tout ça mais je suis dehors en chaussettes et Gisou va me tomber dessus parce que j'aurais dû mettre des chaussures.

Il melâche et je lui fais face.

- On s'en fout de tes chaussettes. Mais tu te rends compte de ce que tu viens de me dire ?

J’enfonce les mains dans mes poches.

- Oui, c’est la vérité. Pourquoi ? Justine le sait. Elle aussi est montée dans ma chambre. Comme il n'y a pas de verrou. Ah oui ça aussi j'aimerais bien un verrou. Non parce que moi je commence à en avoir marre que tout le monde prenne ma chambre pour un hall de gare.

Il a l’air de chercher ses mots.

- Mais tu vas nous rendre dingues.

Bin oui, bien sûr c’est évidemment moi la cause de tout.

- Moi ? Mais... je n'ai rien fait.

Il me fixe.

- Et tu crois que Richard va gober ça ?

Je hausse les épaules. Ai-je le choix ? Ou plutôt a-t-il le choix ?

- Il faudra bien car c'est la vérité…  Encore une fois !

- Bon et bien va dans ta chambre, on en reparlera.



Au premier, la porte de la chambre des filles est ouverte et Véro est juste à l'entrée.

Je la plaque contre la porte, d'une main sous la gorge.

- Toi, un jour, je te démonterai ton joli petit visage et même les éboueurs, ils ne voudront plus de toi.

En montant dans ma chambre, je l'entends pleurer mais je m'en fous. Je sais que je ne lui ai pas fait mal. Maintenant j'attends les parents… qui ne viendront pas.






















14 novembre 2010

Richard vendredi 6 Mai 1977 argent de poche

Richard vendredi 6 Mai 1977 argent de poche



- Richard ! Corine et moi, avons une grande nouvelle à t'annoncer.

- Oh ! Aurait-elle promis de ne plus hurler ?

- Non, là, je crois que tes espérances dépassent ses capacités. Nous sommes allées toutes les deux à l'école maternelle pour l'inscrire. Alors voilà, ta dernière fille portera à son tour les mignons petits tabliers qui dorment depuis Françoise.

- Maman m'a dit qu'elle me fera des nœuds roses.

- Oh ! Et tu seras la plus belle des petites filles.

Véro se penche vers sa petite sœur.

- Te prends pas la grosse tête, il dit ça à toutes ses filles.

Corine la repousse et lui tire la langue.

- Toi, Robert a dit : t'es vilaine.

- Tiens lui, il y a longtemps qu'on ne l'a pas vu.

- Et bien Isabelle, tu risques, nous risquons, de ne plus le voir beaucoup. Et même peut-être plus du tout.

- Oh mais pourquoi ? Je m'étais habituée à avoir un petit frère à torturer, ça me changeait de mes sœurs.

Les filles en voyant leur père comme leur mère non décidés à répondre, se regardent intriguées, mais préfèrent se taire. Sachant que dans cette situation, la seule chose qu'elles allaient obtenir c'est de se faire envoyer au lit avant l'heure. Et ayant obtenu d'éteindre à vingt heures trente au lieu de dix-neuf heures trente comme leurs petites sœurs. Elles préfèrent conserver ce privilège et changer de sujet.

- Oh fait Papa, n'as-tu pas oublié quelque chose ?

- Moi ? Non ! Je n'oublie jamais rien.

- En attendant, on est déjà le six.

Richard lève vers sa femme un regard interrogateur.

Celle-ci frotte son pouce à son index en souriant.

- Oh, ça ! J'ai décidé que je le supprimais à partir de ce mois-ci.

Les deux grandes du coup expriment leur désaccord.

- Hé non pourquoi ?

- Non, Papa c'est pas juste.

- J'entends encore un mot et c'est extinction des feux à dix-huit heures. Gisèle se tourne pour ne pas rire. Françoise l'a remarqué et fait signe à ses sœurs. Quant à toi : Corinne Granier. Tu manges ton poisson ou je me fâche pour de bon.

- Non, pas bon le poisson !

- Et depuis quand le poisson n'est-il pas bon ?

Le visage de la petite coquine se fend d'un très grand sourire.

- Robert l’a dit !

- Oh celui-là, il dit tellement de connerie que ça finit par se retourner contre lui.

Corinne prend un air outragé puis secouant son doigt sous le nez de son père.

- Est vilaine Papa. Tu as dit : connerie, c'est un gros mot.

Là, son père semble en pleine désespérance.

- Qu'est-ce qu'on a fait Gisèle ?

- Non qu'est-ce que tu as fait Richard !

- Désolé, mais c’est ton idée au départ.

- Oui et bien écoute, tout le monde fait des erreurs.

- Oui mon amour, tout le monde. Et il faut savoir pardonner.

Un silence monacal tombe sur la petite cuisine. Les filles intriguées fixant leur mère, qui change de sujet.

- Tiens au fait, à l'école, j'ai rencontré Madame Delacroix qui venait aussi inscrire son petit dernier. Il est d'ailleurs adorable ce petit Timéo. Un vrai visage d'ange. Bref, elle m'a proposé d'être bénévole au Secours Catholique. J'ai dit oui, puisque je n'aurai plus d'enfant à la maison. En attendant, j'ai inscrit ta fille à la halte garderie de l'école, c'est le même prix que la maternelle. Cela la préparera pour septembre.

- Tu as eu raison. Cela vous fera du bien à toutes les deux. Et le mercredi embauche donc tes grandes à garder leurs jeunes sœurs, ainsi elles auront l'impression de réellement gagner leur argent de poche.

- On fait déjà toutes nos corvées.

L’homme fixe sa fille.

- As-tu un problème Véronique ?

Elle secoue la tête puis lui adresse un grand sourire en faisant papillonner ses yeux.

- Non Papa. Mais en Mai, il y a deux anniversaires.

Amusé son père fixe sa femme en fronçant lles sourcils.

- Deux ? Gisèle m'aurais-tu fait un enfant caché ?

Cette dernière semble ne pas comprendre.

- Moi ?

- Papa, tu es bête …

Là il ne sourit plus.

- Pardon ?

L’ado grimace comprenant qu’elle n’aurait pas dû s’adresser à lui, cette manière surtout en espèrant lui soutirer de l’argent.

- Désolée... Celui d'Isabelle est le premier juin. C'est presque en Mai.

L’intéressée sourit moqueuse à sa puînée.

- Oh c'est gentil ça, tu vas m'offrir un cadeau.

Véronique lui rétorque.

- Oui comme chaque année. Contrairement à toi, moi, j'offre toujours un cadeau à tout le monde. J'envoie même des lettres à ceux qui n'habitent pas avec nous. Toi, tu te contentes de manger le gâteau et de signer la carte de Maman.

Sa mère derrière elle agite son torchon en signe d’assentiment.

- Richard. Je ne peux que soutenir Véronique. Ce qu'elle vient de dire est des plus justes.

Richard sourit en tapant légèrement sur la table des ses mains à plat comme s’il venait de prendre une grande décision.

- Bon, alors, je vais lui donner aussi l'argent de poche d'Isabelle.

Mais cette dernière ne semble pas d’accord.

- Hé non !

Pendant que Véronique regarde son père sidérée. Isabelle finit son assiette furieuse. La petite voix de Yvette se fait entendre.

- Moi aussi, je veux bien avoir de l'argent de poche. Je suis assez grande maintenant.

Encore une fois Gisèle commente affirmativement les dires d’une de ses filles.

- C'est exact ma chérie. Richard, ta cadette a treize ans et à cet âge tu en donnais à ses sœurs.

Il semble d’accord et montre Yvette de la main.

- Bon alors, c’est réglé, l’argent de poche d'Isabelle ira à Yvette.

Là c’est sa cadette qui n’est plus d’accord.

- Hé non, tu me l’as donné à moi en premier. Donner c'est donner et reprendre c'est voler.

Cette fois c’est Isabelle qui réagit.

- Ouais, bin, dans ce cas là, c'est moi qu'il a volé en premier.

 

Richard soupire, passe sa serviette dans son anneau puis va la ranger dans le tiroir qu'il reste une minute à regarder pensif.

- Mon amour, je vous laisse entre femelles. Je vais m'isoler dans mon bureau.



- Toc toc! Elles sont toutes couchées. Non sans mal. Tu nous as mis la révolution ce soir, jeune homme. Je viens boire ma tisane avec toi, si tu le veux bien ?

Richard fait reculer son fauteuil.

- Oui bien sûr. Poses ton plateau ici. Et viens t’asseoir..

Dit-il en tapotant ses cuisses.

- Oh monsieur ! Serait-ce une proposition indécente ? Je ne sais pas si je dois accepter.

Elle fait semblant de résister quand il lui entoure la taille de ses bras.

- Jeune fille, je vous aime. Vingt ans bientôt que je suis tombé sous votre joug. Comment cela est-il possible ?

- Déjà ? J'ai toujours l'impression que c'était hier. Tu es toujours aussi beau et charmant. Ne vieilliras-tu donc jamais ?

- Hélas... Pour le bénévolat, tu as eu raison. De même, si tu veux retourner travailler, vas-y, je te soutiendrai.

- A part par exemple, pour remplacer Madame Lang, non. Le bénévolat me convient largement. Je vais pouvoir passer plus de temps derrière ma machine à coudre. Bientôt tes filles vont se marier et j'aimerais être capable de leur coudre moi-même leur robe.

- Arrêtes de parler de choses qui fâchent. Le premier garçon qui s'approche de mes princesses, je l'occis sans procès.

Gisou se met à rire et l'embrasse sur le front.

- Oh ! Pauvre Jérôme, il sera veuf et n'aura plus de fils.

- Quoi ?

- Tu n'avais donc rien remarqué entre Isabelle et lui aux dernières vacances ?

- J'avoue, non ! Ah bin ça ! Et tu en as d'autres comme ça ? Et Véronique, un prétendant aussi ?

- A une époque, j'aurais pu dire Robert, mais aujourd'hui je sais que non. Quoique aux dernières vacances, ils avaient l'air de bien s'entendre. Mais Yvette m'a dit qu'ils se disputaient toujours autant.

- Ah tu sais, qui aime bien châtie bien.

- Non ! Monsieur n'aime pas les rousses qui puent.

- Gisèle ! Tu as tes torts dans l'histoire. Elle fait mine de se lever, il l’en empêche. Non, tu ne t'en vas pas, mère de ta fille au même sale caractère. Moi, je l'aime ma rousse qui pue, son odeur c'est mon oxygène.








12 mai 2010

Caths vendredi 6 Août 1976 La Corse

Caths vendredi 6 Août 1976 La Corse



C’est la première fois qu’elle met les pieds sur un bateau et elle est loin d’être rassurée. Il n’y a que de l’eau à perte de vue et Catherine trouve ça très angoissant.

Et encore elle a de la chance, il n’y a pas de Mistral et peu de tangage.

Avec les deux autres filles, elles réquisitionnent dès leur arrivée, trois transats sur le pont à côté des petites piscines.

A côté d’elles, une femme s’installe avec trois petites filles qui doivent avoir entre trois et huit ans. Catherine me demande si le bouchon qu’elle serre contre moi, leur ressemblera plus tard.

Dan pose entre elles la grosse glacière puis disparaît avec Thib.

Elles ont six heures à tuer.



 Cachée sous un drap avec Roro au sein, c’est la voix énervée de Michka qui la tire de son rêve.

- Quand on vous dit que nous ne sommes pas intéressées, il vous faut quoi ?

Autour de leurs trois fauteuils, quatre légionnaires, l’un d’eux est même accroupi juste à côté de sa tête, penché sur moi, elle sent son haleine chargée. Elle le pousse, il perd l’équilibre et s’étale. 

Catherine se redresse en tenant le bébé qui sans lâcher se met à chouiner. Elle se dit qu’elle lui a évité de me prendre son poing.

Elle ne sait pas pourquoi, elle l’a fait. C’est venu comme ça, ils l’ont réveillée et elle n’aime pas être réveillée en sursaut.

Finalement Roberta lâche son sein et se rhabille.

Les quatre militaires la fixent avec le même air que l’autre merde de camionneur.

Mich et Typh aussi la regardent.

Elle est debout avec sa tête des mauvais jours  car leur regard est étonné et interrogateur.

Un des militaires rigole en me montrant.

- Je téterais bien à mon tour.

Le bébé passe de ses bras à celui de Mich qui pose ses pieds au sol, libérant l’espace suffisant pour qu’elle monte debout à leur place.

Mon gars, t'aurais mieux fait de fermer ta gueule !

Sautant d’un meuble à l’autre, elle arrive debout devant lui et la lui ferme de son poing.

Il ne s’y attendait pas, les autres non plus. Il recule d’un bon pas en se tenant le pif.

De suite, elle fait demi-tour pour retourner devant Mitch et récupérer mon bébé mais les trois autres gars la suivent.

Alors elle leur fait face.

Mitch s’est écartée avec Roberta.

Catherine maintenant recule. Cette fois, elle a  la trouille, mais se met en garde comme lui a appris Théo, et en crânant avec un sourire moqueur pour essayer de leur faire croire qu’elle n’a pas peur.

Ça sert parfois d’avoir des frangins.

La femme s’éloigne en hurlant avec ses filles.

Une main envoie voler Catherine dans la piscine.

Là-haut, Dan a pris sa place. Elle patauge dans la piscine, pas d’accord de se retrouver là.

Les quatre hommes se regardent puis un des légionnaires ramasse le képi blanc de celui que j’ai frappé et ils s’éloignent en se moquant de lui.

Dan lui tend la main et la sort de l’eau.

- T’es vraiment une barge dans ton style !

- Toi aussi, j’suis trempée, je fais comment maintenant ?

- Tu aurais préféré être en miettes ?

Elle reconnaît qu’il n’a pas tort qu’elle ne comprend toujours pas pourquoi elle a réagi comme ça.

 

Ils finissent le voyage couchés sur le dernier pont, virés du bord des piscines. 

Ils n’apercevront plus les quatre képis blancs mais Dan ne les laissera plus seules.














2 juin 2010

Caths mardi 21 septembre 1976 retour à Paname.

Caths mardi 21 septembre 1976 retour à Paname.

 

 

 

Catherine et ses amis ne doivent embarquer que dans trois heures et ils attendent sur le parking d’embarquement depuis déjà une heure.

Depuis qu’ils ont quitté Urtaca, Dan est d’une humeur noire. Ils le comprennent et le plaignent. Ce que lui a fait Thibaud est dégueulasse, mais Catherine sait que cela ne servira à rien de lui dire qu’elle n’a jamais aimé ce petit con égoïste.

Pour l’instant à son habitude, Dan arpente le bitume bouillant avec Roberta dans les bras.

Il ferait un père merveilleux.

Thyp dort dans le camion, alors pour ne pas l’embêter Caths et Michka se ont un peu écartées et refont le monde (surtout celui de Dan) assises face à face sur les gros plots de pierre brutes qui séparent leur parking de celui devant lequel un bateau en provenance de la métropole se fait amarrer.

Petit à petit notre conversation dévie sur le train de voitures et de camions qui en sortent.

Le long de cette séparation, défilent aussi, à quelques mètres de nous, un flot de voyageurs à pieds.

Les pleurs d’un bébé les font se tourner vers l’homme qui de retour tend Roberta à sa mère.

- Tach ta fille te réclame. Cette dernière la prend et commence à soulever son tee shirt mais l’homme la prend par le bras. Non, vas dans le camion.

Catherine soupire mais doit admettre qu’il a raison, et puis elle a soif, elle en profitera pour boire.

Des bruits de pas, presque comme si des chevaux descendaient du bateau la font se tourner.

Un camion militaire bâché est garé, pas loin de la gueule de l’énorme bateau jaune, d’où de jeunes troufions débarquent deux par deux et à tour de rôle y chargent de gros sacs ou des cantines métalliques de diverses tailles.

Elle reste debout à les regarder, comme hypnotisée.

Machinalement pour faire taire la braillarde elle a soulevé son pull et debout au milieu du parking, l’allaite, frôlée par les voitures qui peu à peu le remplissent.

Un homme, un peu chauve et replet passe le long du rang des jeunes soldats. Il ne sont pas nombreux, à peine une trentaine.

Catherine hésite sur l’âge qu’ils peuvent avoir, vingt ans tout au plus.

Ils se sont mis en marche, sur leur dos un sac... énorme. Aux premiers rangs, les garçons sont largement plus grands que les autres sauf un au premier rang. Il l’a vu et lui sourit puis lui fait un léger signe de la main. Elle le lui rend amusée. C’est un petit asiat dont le sac semble plus grand que lui.

Catherine se demande où ils vont, elle espère pour eux qu’ils ne vont pas faire des kilomètres avec leur énorme sac dont elle a presque l’impression de sentir le poids lui scier les épaules.

Quelques rangs plus loin, l’un d’eux attire son attention, il a le visage amoché et ses lunettes sont rafistolées avec du scotch, lui aussi sourit à la jeune mère.

 

Dan s’est allongé à l’arrière du camion, elle s’assied à côté de lui et lui sourit.

- Tu sais que quoiqu’il arrive je resterai avec toi.

- Et si tu retrouve le père de Roberta ?

- J’ai arrêté de rêver. Et même si… nous resterons amis et jamais bien loin. Notre amour est pur il ne faillira jamais. Et puis tu es le papa de cœur de Roberta et même si je retrouve son père et encore une fois, je ne crois pas aux miracles, je veux que tu continues à veiller sur elle, d’accord.

- Promis !

 

 

 

 

18 janvier 2011

Robert Mercredi 26 Octobre 1977 veillée d’arme

Robert Mercredi 26 Octobre 1977 veillée d’arme



Comme tous les matins avant de commencer à m’habiller, je coche un jour de plus sur le calendrier que j’ai affiché sur l’intérieur de la porte de mon armoire.

Didier en passant derrière moi, me tape sur l’épaule.

- Allez, tu la revois demain ta maman.

- J’suis orphelin de père et de mère.

- Ah merde, désolé.

Pourquoi ai-je dit ça ? Surtout que oui, je compte les jours où je pourrai les revoir. Ils ne sont ni mes parents ni mes sœurs mais oui, j’ai hâte de les revoir.



Le cri de douleur d’André résonne dans tout l’amphi me faisant sursauter alors que je m’y attendais ayant assisté aux précédentes tentatives de réveil par Momo.

Le conférencier s’est tu en soupirant.

- Pour la chochotte qui dort en cours et qui ne supporte pas qu’une jolie fille, le pince ce sera trois jours. Et pour vous le copain que cela fait marrer et qui l’avez laissé s’endormir ce sera trois jours de rigueur.

- Hé c’est pas juste, j’ai rien fait et me fait cranter et elle, elle n’a rien…

- J’ai entendu, je double pour vous.

Cette fois c’est André qui rigole et miss Sainte Nitouche qui continue à faire celle qui n’a rien fait.

Elle me le paiera. 



Vingt-deux heures, L’Oiseau me tire de mon lit.

- Aller debout le poussin, dans cinq minutes en tenue BUC devant le temple.




J’y retrouve Pineaux et nos deux parrains qui après un certain temps nous font entrer.

Nous allons nous mettre au garde à vous devant une des tables rondes où nos futures dagues nous attendent, à côté d’un des deux binômes déjà présent, l’autre est devant l’autre table. Nous nous tournons le dos.  Puis le binôme que nous venons remplacer, sans bruit, fait demi-tour et sort.

A notre tour de devenir, pendant un court instant qui semble long dans le silence oppressant de cette grande salle, les gardiens des poignards qui nous seront remis demain et qui trônent posés sur des foulards en soie aux couleurs de l’école, sur deux tables rondes, la pointe de leur fourreaux bleus à la pointe dorée vers le centre alors que vers l’extérieur pend le gland doré de leur dragonne.

Nous sommes là pour communier avec le souvenir de ceux qui nous ont précédés.

A la lueur dansante de simples chandelles, nous lisons les noms gravés sur les murs. Peut-être qu'un jour, d’autres poussins liront nos noms et se remémoreront comme nous sommes en train de faire, nos hauts faits d’armes.

Enfin, soyons honnête, ceux qui sont inscrits sur ces murs ont eu une fin glorieuse mais je ne sais pas si c’est celle à laquelle j’aspire car franchement, si je veux devenir pilote ce n’est pas pour une quelconque future gloire militaire mais pour voler dans un de ces merveilleux bolides volants qui me font tant rêver.

 

Mais déjà derrière nous les portes s’ouvrent sur nos remplaçants.

Nos parrains nous raccompagnent.

- Bon les petits poussins, au lit ! Et demain, pendant que vous ferez la fête, nous… nous dormirons.

Et c’est là, lors des paroles de son coreligionnaire que je capte une fugace expression mi-amusée, mi-anxieuse sur le visage de mon aspi. Que nous cachent-ils encore ?













19 janvier 2011

Robert Jeudi 27 Octobre 1977 Officiers !

Robert Jeudi 27 Octobre 1977 Officiers !



Réveil aux aurores.

Petit déjeuner.

Cours.

Déjeuner.

Sport.

Cours.

Cette journée n’en finit pas…





Dans la chambre, nous nous passons en revue mutuellement.

- Tu devrais redonner un coup de cirage à tes pompes.

- Les cravates, c’est l’invention du mal !

Comme d’habitude, Laurent se bat avec la sienne. C’est Mohamed qui lui refait.

- Mais pourquoi l’as-tu faite à l’envers ?

- J’suis gaucher.

- Chez nous, c’est la main du diable. Sers-toi de ta main droite.

- Oh ! Arrête avec tes conneries.

- C’est pas des conneries.

Laurent ricane.

- Si c’est débile.

Une fois de plus, nous devons intervenir avant que Laurent et Mohamed en viennent aux mains.

Mais ce soir nous sommes un peu tous sur les nerfs.



André entre dans la chambre, casquette à la main et vient directement jusqu’à moi.

- Bob t’es prêt ? Wahoo t’es beau comme un camion !

- Et moi ?

Nous nous tournons sur Wallach.

- Non, toi Laurent, t’es comme moi, gabarit deux chevaux.

Ma casquette à la main, je pousse André dans le couloir en soupirant.

- Bon bin la deux pattes, elle arrête de dire des bêtises. Tu crois que les filles sont prêtes ?

Il se met à rire puis se penche sur le côté pour regarder derrière moi.

- Je n’en… tiens, les voilà ! En tenue BUC comme nous mais en jupe et bottes, je les trouve très classe. Pour elles pas de casquette mais son drôle de chapeau. Oh la vache, tu t’es maquillée ? Canon !

J’allais le lui dire aussi mais vu comment elle regarde le Dédé, je préfère me taire.



- Oh les poussins, vous attendez quoi ?

Une vingtaine de voix répondent au capitaine qui soupire.

- Vous !

- Et donc, si je n’étais pas venu vous chercher, vous auriez attendu jusqu’à quelle heure pour descendre ? Là, il vient de nous poser une colle et nous nous regardons tous comme les imbéciles que nous sommes. Vingt-cinq débiles profonds que le capitaine suit dans les escaliers. Il descend à côté de moi et pose sa main sur mon épaule en rigolant doucement.  Maintenant, soyons honnête, nous avons fait la même… mais il faudrait que vous réalisiez que bientôt vous allez voler seuls car je vais bientôt rejoindre mon escadron.



En ordre serré, la promo pénètre dans le temple où se trouve déjà les aspis et le staff de l’école.

Derrière eux, tout autour de la salle, des anciens. Tous ces galons et ces étoiles sont impressionnants et intimidants.

En rangs serrés dos aux portes d’entrée du temple, nous attendons.

 

L’heure est solennelle. Ce silence, ces regards fixés sur nous, j’ai du mal, du fond de mon ventre remonte une envie… de rire. Je fixe la nuque brune devant moi et m’y tiens…



Déjà les rangs précédant refluent vers l'arrière leur poignard au côté.

Nous sommes les suivants. 

Je ne sais pas si j’arriverai à faire les dix pas qui me sépare de mon statut d’officier. J’y suis, cela me parait si irréel et pourtant…

Plus que deux rangs derrière nous et nous serons tous devenus des officiers.

Un rang de seconde années nous attend. Nous mettons genoux à terre devant notre parrain, mains tendues en avant pour recevoir le poignard, symbole de notre titre d'officier.

Tout est millimétré, les yeux dans les yeux, pas un bruit, pas un sourire, la passation se fait. 

J’entends un léger rire, l’un d’entre nous n’arrive pas à fixer le mousqueton de sa dague. Je ne le lui reprocherai pas, devant tous ces aînés au regard bienveillant, j’ai moi-même les doigts gourds, le souffle irrégulier. J’essaie de ne voir que le sourire moqueur de L’Oiseau. Moi je n’ai plus envie de rire mais je m’efforce de lui sourire à mon tour. 

Je me relève, salue et fais demi-tour. Mais mon inconscient a capté une image. Je continue comme si de rien n'était, mais là-bas, je l’ai vu, au fond de la salle, parmi les anciens du Piège, ceux qui ont été à notre place il y a vingt ans.

Je calcule vite fait, il est né en trente-six, il a dit qu'il avait vingt et un an. Quel enflure, il s'est bien gardé de me le dire. Il a fait parti de la promo cinquante-sept, celle qui partagera notre repas ce soir. Un ancien par poussin1.

Je croise les doigts de me retrouver face à lui.

 

Une fois de retour dans nos chambres, nous échangeons nos impressions, nos sentiments, bientôt nous sommes tous dans les couloirs, les filles sont montées nous rejoindre. Je ne le dis à personne mais mon esprit est resté avec lui là-bas. Ses yeux qui me fixaient, son sourire. 

Hubert de Saint Phalle lance un bon mot, en temps normal, personne n’y aurait réagi car comme d’habitude absolument pas drôle mais là, nous explosons tous de rire, relâchant momentanément la pression.





Vingt heures, les anciens sont déjà là. 

Debout à leur place, devant les tables. 

Nous nous séparons, un rang par table. 

Il est à ma table mais je  ne dois pas sourire. Je le fixe et croise les doigts. 

Il ne me regarde pas, il parle à son voisin puis à nouveau, fixe devant lui. 

C'est Momo qui s'arrête en face de lui. 

Moi, j'ai un colonel Mercurieux, beaucoup plus vieux que lui. Il était à Meknès comme Papapa et a fait ses classes au USA. Même si j’ai plaisir à parler avec lui, il ne sait rien sur la RAF et il est même foncièrement anti De Gaulle.

Je décide d’ignorer Richard, je le laisse rien qu'à Momo.




Le repas est festif.

Pour certains bien arrosé. Moi je ne ferai qu’y tremper les lèvres.

Celui-ci fini, nos anciens nous proposent d’aller sortir les aspis de leurs lits et de les bahuter à leur tour. Et c’est avec un plaisir de fins gourmets que nous les voyons descendre et se ranger en rangs devant nous en simple treillis puis exécuter quelques séries consécutives de pompes et de polichinelles sous nos quolibets et nos encouragements vicieux ainsi que de ceux, qui ont été à leur place il y a vingt ou quarante ans. Ces derniers d’ailleurs ont connu les premiers temps du Piège. Ce sont ceux qui sont les plus entourés et questionnés.

 

Mais vient le moment de nous quitter et en leur honneur nous entonnons avec eux une nouvelle fois, notre hymne : «race d’aiglons» que nous avons déjà chanté dans le temple avant le chant de notre promo en l’honneur du Capitaine Rougier. Ainsi que le chant «les rapaces».

 

Avant de partir Richard se débrouille pour me coincer et me retenir par le bras.

- Demain, tu rentres avec nous sur Aix ?

Aïe ! J’ai tout fait pour l’éviter pourtant.

Je fixe mes pieds peu fier.

- Non, pour moi pas de congé, je suis aux arrêts de rigueur.

Je m’attendais à une soufflante mais non. Au contraire, il éclate de rire.

- J’en connais une qui va râler. Mais pourquoi cela ne m’étonne pas de toi… qu’as-tu donc fait ?

- Rien, justement, j’ai laissé Dédé dormir dans l’amphi.

Et ça redouble son rire.

- Vous êtes une génération de pas doués. J’y ai fait quant à moi de délicieuses siestes. Et bien ce n’est pas grave, nous aurons tout de même plaisir à te voir demain. Bonne nuit mon garçon.

 

Momo s’appuie à mon bras et nous le regardons s’éloigner.

- Suis HS. Tu le connais ? Il était sympa en tout cas.

- Oui, un peu. Et si on allait se padger ? Demain sera encore une longue journée.















1 Élève de 1ere année de l’école de l’Air et de l’Espace de Salon de Provence.

9 janvier 2011

Robert jeudi 25 août 1977 il ne manque rien

Robert jeudi 25 août 1977 il ne manque rien

 

Mon sac avait été simple et rapide à faire avant notre départ pour le chalet début juillet.

Gisou m'en avait même acheté un, rien que pour cette occasion qu'elle avait rempli toute seule selon la liste officielle que j'avais reçue avec mon dossier d'inscription.

 

- du linge de corps, sous-vêtements ( 2 semaines d’autonomie environ ), et donc elle m’acheta six boxers qu’elle lava puis mit dedans avec interdiction d’y toucher.

- de la lessive pour du lavage à la main, un gros bloc de savon de Marseille dans une boîte étanche devrait faire l’affaire

- deux serviettes de toilette,

- une serviette de bain,

- nécessaire de toilette pour deux mois : savon, gel douche, shampooing, brosse à dents, dentifrice, mousse à raser, rasoirs manuels pour ces derniers, vu ce que je m’en servais...

- une paire de chaussures de sport de bonne qualité,

- plusieurs paires de chaussettes de sport, comme pour les slips, elle acheta et lavées, je n’eus pas le droit d’y toucher.

- maillot de piscine, lunettes et bonnet,

- plusieurs stylos “bic” noirs,

- un cadenas solide à clef,

- une lampe frontale avec des piles de rechange,

- lunettes de vue ( recommandées y compris pour les porteurs de lentilles de contact )mais ça je n’en avais pas besoin. Par contre Richard tint à ce qu’elle m’achète des lunettes de soleil avec une chaînette en plastique comme pour les petits vieux.

  • une montre s’éclairant la nuit, la mienne faisant tout à fait l’affaire.

  • une boussole type “course d’orientation“ ( conseillé ),

Une trousse de pharmacie avec dedans :

- Elastoplast et pansements ( plusieurs boites ),

- Compeed (pansements anti-ampoules) en quantité non négligeable,

- Désinfectant ( éosine 60 ml ) + coton.

A laquelle elle ajouta du paracétamol ( une si grande quantité que je crus d'abord qu'elle voulait que je puisse en distribuer. ) du Spasfon pour le mal de ventre et un médicament homéopathique contre une éventuelle gastro.

En rigolant Richard lui demanda si elle n'oubliait pas quelque chose pour la grippe, la malaria et la dingue, elle me rajouta alors deux boîtes de mouchoirs en papiers vidées et rangées soigneusement dans un emballage tissu qu'elle cousit elle-même et deux sachets de bonbons au miel et au propolis.

 

Vu que ses rajouts n'étaient pas sur la liste des choses autorisées, je me mis alors à angoisser de me faire cranter1 pour ça mais Richard me rassura en me disant que cela passerait sans problème.

Et donc hier soir à peine arrivés à l’appart, la première chose que j’ai fait, ce fut d’aller ouvrir ce sac, tout vérifier et relire tous les papiers.

- Bon hop ! confisqués, je te les rendrai lundi matin.

Et rien n’y fit, Richard les mit sous clef dans son bureau à l’école. Et heureusement qu’elle était vide car qui quelconque aurait assisté à la scène, m’aurait pris pour un dingue, le suivant pieds et torse nus en pantalon kakis trouvés, le suppliant mains jointes de me les laisser puis le retour poussé par lui râlant d’avoir un gosse aussi épuisant que sa femme.

Enfin bref j’ai peu dormi. Il est huit heures et je tourne en rond dans l’appart. Richard lui est assis à son bureau le nez dans des dossiers. Gisou dans la cuisine, ou à s’activer dans les différentes pièces.

- Richard, tu…

- Non je bosse.

- Gisou, tu crois que…

- Tu veux m’aider, c’est gentil, monte sur cet escabeau et descends moi ce carton… épluche-moi ces carottes... Tu veux bien m’enfiler cette aiguille...

Bref ! Mes baskets aux pieds, direction le stade .

- Ta mère veut que tu rentres, il fait trop chaud et tu n’as ni tees shirt, ni chapeau. Vous me rendrez dingue tous les deux !

 

Bref ! Je me retrouve assis sur le canapé devant la télé la porte du salon fermée à clef.

Si la télé fut une occupation qui me tint plus de trente secondes, le meuble de muscu de Richard, lui devint mon unique amour pour les trois prochains jours.

 

 

1punir

13 janvier 2011

Annie jeudi 1 septembre 1977 reportage

Caths jeudi 1 septembre 1976 reportage

 

 

- En cette journée de rentrée scolaire, nous avons eu envie de vous faire découvrir l’univers clos et très strict où des garçons de dix à vingt deux ans, vivent pendant dix mois : une journée dans une des dernières véritable école militaire en France.

 

 

- Chut ! Chut !

Gérard et Christophe font signe à Mariette de se taire. Cette dernière n’apprécie pas qu’on lui intime ainsi le silence. Les assiettes et les couverts s’entrechoquent. Théo les lui prend des mains en la fusillant du regard et va sans bruit les poser dans la cuisine. Christophe force sa femme à s’asseoir à côté de lui sur le vieux canapé qui gémit sous leur poids conjugués.

Gérard passe un bras autour des épaules de sa femme et lui serre la main. Annie pose en soupirant sa tête au creux de son épaule et pose sa main droite sur la main qui tient déjà son autre main.

Tous scrutent l’écran de télévision, où la caméra suit des couloirs sombres. Un enregistrement de sonnerie de réveil au clairon, puis des dizaines de jeunes garçons apparaissent, tous le même pyjama bleu, des escaliers où un nouveau flot de jeunes têtes rasées, bousculent le cameraman, des excuses murmurées, d’autres criées, des rires.

Deux étages de plus et l’ambiance plus feutrée, plus calme, des ados qui jettent à la caméra des regards inquisiteurs. Un puis deux étages de plus, cette fois les regards sont mauvais pour cette caméra surprenant un balai de torses imberbes et de serviettes nouées à la taille.

- Tu le vois ?

- Non, il doit avoir tellement changé.

- Oui, je te l’ai dit, il a beaucoup grandi.

 

Des rangs par deux, des classes qui bien alignées qui saluent un drapeau qui claque. Fouetté, par un mistral qui emporte des calots.

Un mess bruissant de chuchotements, de pas glissants sur un sol blanc avec de ci, de là, un carreau cassé. Puis le silence lorsque le directeur, un ancien de l’Armée de l’air, fait son apparition.

Des éclats de rire vite réprimés à la dernière table au fond du mess. Les plus âgés qui plongent vite le nez dans leurs bols. Nous suivons le Colonel qui se déplace jusqu’à eux. Ils se lèvent, raides dans un garde à vous rigide. Si des sourires s’esquissent encore, ils sont vite oubliés. L’homme s’éloigne pour passer de table en table parlant aux élèves, ayant un mot presque pour chacun, encouragement, félicitation ou encore pour tancer certains qui alors baissent les yeux.

Dès son départ, les grands saisissent leurs bols qu’ils ne tentent même pas de vider, un dernier bout de pain mis en bouche tel quel. Ils n’ont pas fini de déjeuner. Il n’y a pas eu un mot d’échangé, pourtant, ils ont compris quelque chose que nous ignorons. Un après l’autre, les bols sont posés sur une desserte, le premier retourne à la table, la nettoie puis y retourne dessus les chaises avant de rejoindre ses camarades.

Il passe devant la caméra qui capte un regard mauvais qui semble vouloir dire : fichez-nous la paix !

- Gérard c’est lui !

- Tu crois que Catherine regarde.

- Ils n’ont pas la télé dans leur camion.

 

La caméra les suit. Il a rejoint ses camarades. Tous ont remis leur calots et se rangent de nouveau en rang par deux et se mettent à courir le long des bâtiments.

 

Encore des couloirs. Des portes qui s’ouvrent sur des classes studieuses. Des sourires, des regards mais pas de bruit.

Une salle avec des ordinateurs, ce sont des «grands», ils se déplacent en silence. Certains sont debout derrière un de leur camarade, la main posée sur le dossier de la chaise ou leur épaule, parfois pianotant à sa place.

Une autre salle, de science cette fois, là encore toujours ce silence impressionnant.

Au détour d’un couloir, les «fautifs» de ce matin, assis sur des chaises, classeur ou livre en main, l’autre posé au sol à leur pied. Une porte qui s’ouvre, l’un d’eux sort, un autre entre. Cinq personnes derrière une table : des civils, homme et femme. Le garçon vient se positionner debout devant eux, les mains derrière le dos. Nous sommes surpris par la première question, lui non. Elle s’enchaînent sans même parfois lui laisser le temps de finir, mais il répond déjà à la suivant. Son calme est impressionnant. Les professeurs sourient ou restent sévères, cela n’a pas l’air de le toucher. Ils se taisent et lui disent de sortir, ça a duré cinq minutes.

Il retourne à sa chaise et reprend son classeur, nous n’existons pas pour lui.

 

Le clairon sonne le coucher, la caméra suit deux élèves qui s’éloignent avec un des surveillants, en portant le drapeau qu’ils ont décroché. Une à une les lumières des chambres, plus ou moins camouflées par de lourds rideaux s’éteignent.

 

 

 

 

- Mais cette année, tu sais où il est ?

- Non, le directeur nous a fait comprendre qu’il était trop jeune pour aller à Salon cette année et donc qu’il irait à Marseille en fac de mathématiques appliquées.

- Je ne le vois pas prof plus tard.

- Moi non plus.

- En tout cas il ressemble de plus en plus à Karl, c’est stupéfiant.

- En tout cas lui, ne finira pas comme homme à tout faire.

- Le principal c’est qu’il ne finisse pas comme lui en prison.

 

23 février 2010

Papapa Mercredi 29 Octobre 1975 les Alpes

Papy Mercredi 29 Octobre 1975 histoire de couche



- Tiens Gisou, cadeau ! Papy pose les charentaises sur les genoux de cette dernière. Robert a quatorze ans, pas dix et ce n'est pas ton fils, il a une vie derrière lui et ça, tu ne pourras jamais le changer. Arriverais-tu à donner la main à Véro ou Isabelle toute une matinée ? Moi, je ne pense pas. Il est mignon et gentil ce gosse, malgré son sale caractère, il veut te faire plaisir, mais tu dois changer ta manière de le voir et de te comporter avec lui ou il va finir par te détester. Et sinon j'ai une histoire de couche à vous raconter, vous allez adorer. Lui par contre n’a pas aimé du tout.

15 mars 2010

Robert Samedi 1er février 1976 vacances 1

Robert Samedi 1 février 1976 vacances

 

Ce matin, lors du salut au drapeau quand passe le petit sixième, je crie :

- Prépa Sup, un absent.

Dernier jour avant les vacances et Clairaux est à l'infirmerie, hier il s'est mis à vomir et Lorient lui a fait passer la nuit à l'infirmerie.

Ce matin nous serrons tous les fesses, aucun de nous ne veut être malade.

Lorsque je suis passé devant lui pour aller au mess, il m'a fait sortir du rang .

- Après le repas de midi, tu ne restes pas pour le service, tu viens directement à l'appart, compris ?

- Oui mon colonel.

Vu son air sévère quelqu'un d'extérieur doit se demander pourquoi je me fais encore sermonner.

 

Je toque plusieurs fois sans obtenir de réponse.

J'hésite, je n'ose pas entrer.

Plusieurs fois, je redescends quelques marches pour les remonter de suite.

Et s'ils étaient tous dans une pièce du fond, peut-être ne m'entendent-ils pas ?

La porte n'est pas fermée à clef, c'est bon signe, ils ne sont pas partis en la laissant ouverte s'ils ne veulent pas que j'entre.

Une fois à l'intérieur, j'appelle sans obtenir plus de réponse. Un petit papier collé à la porte vitrée du salon attire mon attention : "Robert, nous avons du sortir, attends-nous sagement."

Le petit mot n'est pas signé mais à l'écriture, je devine que c'est celle de Gisou. Je le prends et tel un trésor ridicule, je le mets dans ma poche. Ainsi donc je suis seul.

Je m'inquiète un peu, pourquoi ont-ils ainsi tous, du partir sans exception ?

Je pousse la porte de la grande pièce qui sert de salon et de salle à manger quand je réalise que je ne me suis pas déchaussé. Dans ma tête, la voix de la maîtresse de maison, m'y invite. Elle n'aimerait pas, cela est sûr, me voir souiller le sol de son appartement avec mes gros godillots.

Mais que vais-je faire en les attendant ?

Tout d'abord, bien sage, je m'assois sur une chaise puis me lève pour regarder les photos posées sur le buffet ou suspendues dans de jolis cadres dorés.

Mes doigts caressent les titres des livres gainés de cuir de la bibliothèque. Je frissonne d'envie d'en prendre un pour le lire. Avec un tel ouvrage en main, on doit avoir l'impression d'être un grand personnage. Même dans les bibliothèques municipales ou celle de l'école, il n'en a pas de si beaux. Mais… je n'ose pas.

Face à la porte une grande table en bois verni qui brille avec au centre un énorme vase avec de gigantesque tournesols en papier que je trouve très moches et mal faits. Sous la feuille de l'un d'eaux, je lis : Isabelle Granier, grande section. Je comprends mieux.

Derrière la table, face à la baie vitrée, un grand canapé en cuir encadré par deux fauteuils assortis.

A côté de la baie vitrée, trois petites tables gigognes.

Au fond, derrière le canapé, un banc de musculation avec dessous bien alignées par ordre de tailles, des haltères. Je m'assieds sur le banc mais n'arrive à faire fonctionner aucun des appareils. Sûrement bloqués pour que les filles ne se fassent pas mal.

Je me décide enfin à sortir du salon et à en refermer la porte. Personne ne m'a autorisé à y pénétrer, peut-être seront-ils fâchés de m'y trouver ?

Mes yeux alors se portent sur les portes fermées des autres pièces que je ne connais pas encore. Je laisse ma curiosité l'emporter.

La première porte à côté, se révèle être celle d’un bureau. Sûrement celui de Richard, quoique, certaines touches féminines m'apprennent que Gisou l'utilise aussi.

Là aussi, des livres aux somptueuses couvertures de cuir. Ceux-ci, aux titres évocateurs n'ont pour sujet que la guerre ou l'art militaire. Je suis un peu déçu de ne pas pouvoir ouvrir les tiroirs, qu'aurais-je pu y découvrir ? Des annotations sur moi, ou d'autres élèves ?

La pièce suivante avec son grand lit ne peut qu'être la chambre des parents. Au chalet, Gisou dort à la place de gauche, je ne peux refréner mon envie d'aller poser ma joue sur son oreiller. Il sent bon son odeur. Je suis surpris de ne pas y trouver dessous sa chemise de nuit. J'ai honte alors de mon imagination en pensant qu'elle a du se doucher le matin même et la mettre à laver.

Cela me pousse à sortir rapidement.

Je dois m'efforcer de ne voir en elle qu'une mère d'adoption m'entourant d'un amour chaste de maman. Mais je ne suis pas habitué à la tendresse. La seule que je connaissais, était celle de Caths.

De penser à cette dernière me fait comparer les deux appartements. Celui des Lutz surchargés de bibelots, de lourds rideaux de velours et même si Mariette semblait perpétuellement en train de le ranger, il paraissait toujours être en désordre. Ici, il règne un ordre presque froid et militaire.

Je connais la salle de bain pour m'y être lavé les mains.

La chambre faisant face à celle des parents est la plus grande et apparemment celle des trois petites. Un lit superposé et un lit à barreaux que les peluches qu'ils contiennent m'indiquent leur propriétaire. Celui de Coco n'est pas fait et je me demande comment elle arrive encore à y tenir au milieu de toutes les poupées en tissus qui l'encombrent.

Cela me fait repenser à mon Jeannot, ce petit lapin en tissus informe que papa a mis à la poubelle lorsque je suis rentré en sixième. «Un homme ne dort pas avec une peluche.» Qu'est-ce que j'ai pu le pleurer mon Jeannot. Enfin, c'est loin tout ça, j'avais huit ans.

Dans la chambre suivante j'hésite,

Les deux lits parfaitement identiques sans signe distinctifs ne laissent aucun indice sur leur propriétaire. Isabelle est la plus grande, elle doit dormir en haut mais connaissant Véronique, j'en conclus que c'est plutôt le sien. Je soulève son oreiller pour découvrir un gros cahier enveloppé dans une pochette de cuir, fermée par un tout petit cadenas. Ma curiosité l'emporte. Sur le bureau un trombone me sert de clef. Sur les pages que je parcours plusieurs fois j'y trouve mon prénom. Cela me fit plaisir et m'ennuie.

Un bruit me fait sursauter, je le referme et le remets à sa place puis précipitamment retourne à l'entrée. Personne. Fausse alerte. Que faire ?

Dans la cuisine, la table m'offre de délicieuses tentations. Malgré le repas substantiel que je viens de prendre, je me permets de manger du fromage et de goûter au dessert. Puis comme pour camoufler mon crime, je débarrasse la table.

J'ouvre la porte du petit cagibi qui donne sur un petit balcon donnant sur le parking. Je m'y penche espérant les voir revenir.

Du linge y sèche. Surtout des sous-vêtements. Je trouve cette vue presque obscène sur l'instant puis je hausse les épaules. Suis-je donc bien idiot, aux dernières vacances au chalet, j'ai aidé Gisou à les étendre.

Je commence à m'ennuyer. Je décide donc de faire la vaisselle, histoire de m'occuper.

Je viens de finir et Richard me trouve en train de lire le Provençal, assis à la table de la cuisine.

- Hello garçon, ça va ? Désolé, tu ne t’es pas trop ennuyé ?

- Non, non, j'ai lu.

Je le vois sourire en voyant la table propre et la vaisselle sur l'évier.

- Oh oh Gisou, admire, il a fait le travail des filles.

Je m'empourpre, gêné.

Je vois Véronique enlever ses chaussures en les jetant d'un coup de pied rapide et filer dans sa chambre en disant qu'elle espère que je n'ai pas fouillé. Je vais réagir puis me tais, me rappelant les éternelles paroles de mon père : «un coupable clame toujours son innocence.»

Coco est la cause de leur absence. Elle est malade et ils l'ont emmenée aux urgences. Je la trouve pas du tout malade et je ne comprends pas pourquoi ils ont du tous y aller mais bon, j'accepte leurs explications ainsi que les bonbons que Yvy me donne, achetés pour moi spécialement. Récompense pour ma sagesse me dit Gisou. Je ne comprends pas, mais suis flatté par ce compliment qui me fait plaisir.

Mais bon n'importe quel compliment à mon égard venant d'elle me fait plaisir.

- Nous partirons demain matin tôt, donc soit prêt aux aurores.

- Oui mon colonel. Je grimace en réalisant ce que je viens de dire. Oui Richard.

 

 

 

 

 

19 mars 2010

Robert Mercredi 5 février 1976 des araignées

Robert Mercredi 5 février 1976 des araignées



Oh que c'est cool de se réveiller dans sa propre chambre, pas de copain, pas de fille, pas de parents.

Normalement jusqu'à mes dix-huit ans, elle sera ma chambre, rien qu'à moi.

Je ne me lève pas de suite, je savoure.

Elle fait dix fois la taille de ma chambre à Munster.

Dans ma tête, j'imagine comment j’aimerais la décorer, l'aménager. Je la vois avec des bibliothèques pleines de livres.

Mais... j'en ferai quoi à dix-huit ans de tous ces livres ?

Cette pensée me mine le moral.

Me viens alors à l’esprit que je n’ai rien à moi vraiment, même mes fringues, soit je devrai les rendre à l’école, soit à eux car elles appartenaient avant aux paters. 

J’ai comme une boule dans la gorge et dans le ventre. Je rentre ma tête sous la couette. Roulé en boule j’essaie de penser à autre chose.

Tiens, quelqu'un m'a fermé les volets.

Pas cool, je dois, soit aller les ouvrir, soit aller allumer la lumière avant de pouvoir enfiler quoique ce soit et il fait froid. Et là, je repense à avant, à Munster, chez les parents, lorsque je devais monter le soir tout nu me coucher sous ma couette glaciale et le matin, sortir tout chaud de dessous mon duvet et descendre pieds nus l'escalier de pierre pour vite m'habiller en bas.

Je devine qui est venu pendant que je dormais. Les vêtements sur ma chaise ne sont plus les mêmes qu'hier.

C'est un verrou qu'il faudrait à ma porte. 

Dehors, la neige a remplacé la pluie. 




Toute la journée, je fais suer les filles avec le fait que moi, j’ai une chambre rien que pour moi et pas elles, donc qu’elles sont désormais les "bébés".

C'est Papapa qui craque le premier.

- Richard, Rémy, vous montez avec moi ? On a un lit à remettre à sa place !

Je suis couché par terre, à lire devant la cheminée, je me relève aussi sec pour leur emboîter le pas. Sylvie me force à retourner lire. Je subis en silence les moqueries des filles. Pour le coup, maintenant, c’est moi qui tire la gueule. Bon, je l’ai bien mérité. Ils font plein de bruits à l’étage, puis redescendent et la soirée continue. On me propose une partie de Risk, de Monopoly, je refuse poliment.

Papapa m’oblige à jouer aux échecs. Après un échec et mat qui le fout en rogne, je le fuis et me replonge dans mon livre.

- Papa, c’est quoi cette petite boîte ?

- Ah, celle-là, Mathilde surtout n’y touche pas ! Je l’ai trouvée sur le lit de Robert. Je ne sais même pas pourquoi je l’ai descendue. J’ai dû le faire machinalement.

Je regarde Rémy. Une boîte ? Quelle boîte ? Je n’ai pas mis de petite boîte sur mon lit. Je vais jusqu’à la table. C’est une boîte d’allumettes. Pourquoi et comment aurais-je eu une boîte d’allumettes ? Je la secoue, elle semble vide. J’aurais dû me méfier, surtout qu’il n’y a plus un bruit dans la pièce. La boîte à la main, la secouant toujours, je retourne au rocking-chair où j’ai laissé mon livre.

- Rémy, vous l'avez vraiment trouvée sur mon lit ?

- Qu'insinue-tu par  là ?

- Non, rien !

Je m’assois et la pose sur ma cuisse pour l’ouvrir de la main droite la tenant avec le coude gauche. Une flopée de mes petites bêtes chéries en sortent, certaines grosses comme ma paume. Je hurle, le fauteuil se renverse avec moi dedans. Je me redresse en me secouant. Je danse la gigue. Gisou est la première sur moi.

- Là, calme-toi ! Tu n’en as plus ! Pour me forcer à me calmer, elle me serre de force contre elle. Les autres sont tous morts de rire. Elle les fixe furieuse contre eux. Vous n’êtes que des crétins, il aurait pu se tuer. Richard, et toi aussi Rémy, vous me le paierez, je vous le promets. Franchement, quand est-ce que vous deviendrez adultes ! Allez, viens, montons. Je fais mine de m’arrêter au premier. Ta chambre n’est pas là-haut ? Je comprends alors que je me suis fait avoir comme un bleu. J’ai d’autant plus honte. Dans la chambre, rien n’a bougé. Allez, couche-toi et calme-toi. Demain, ça ira mieux.

- Demain, je veux rentrer sur Aix !

Elle sourit et, me tenant par le menton, elle me force à la regarder.

- Non, demain sera un autre jour. Ils ont été crétins, mais toi aussi.

- Ce n’est pas de ma faute si je ne supporte pas ces sales bêtes.

- Oui, peut-être, mais je pense à ta conduite de cet après-midi avec les filles. Honnêtement, je ne comprends pas comment elles ont fait pour se retenir de ne pas te sauter dessus au moins trois ou quatre fois, et franchement, je ne le leur aurais pas reproché. Tu as été infect. Je crois que c’est l’aventure de Mathilde qui les a freinées. Tu comprends ce que j’essaye de te dire ? Je hoche la tête. Je me sens encore plus bête. Tu as besoin d’aide pour te préparer ? Je secoue la tête. Alors, bonne nuit, mon garçon.

Elle m’embrasse puis sort.

Je suis content d’être seul, mais je fais tellement de cauchemars cette nuit-là que Richard monte au moins trois fois voir pourquoi je crie. Le matin, Rémy me demande si mon copain de chambre arrive à dormir avec moi comme voisin. En y réfléchissant, cela fait des siècles que je n’en ai plus fait. Mais là, ma nuit a été peuplée de grosses bêtes velues, enfermées avec moi dans une toute petite pièce noire dont je voulais sortir mais personne ne venait m’ouvrir. Je le lui raconte.

- Ton père, il t’enfermait souvent de cette façon quand tu étais petit ?

Je regarde Richard, surpris.

- Oui, lorsque j’étais tout petit, jusqu’à ce que je sache ouvrir la porte. 

24 avril 2010

Cath jeudi 1er juillet 1976 emménagement

Cath jeudi 1er juillet 1976 emménagement

 

- Bon alors tu l'ouvres cette porte ?

Dan suspend son geste puis tend le trousseau à sa voisine.

- Donne-moi la petite et fais-le toi puisque t’es si pressée !

Derrière eux, des soupirs se font entendre.

- Ne vous disputez pas et ouvrez cette porte.

Catherine ronchonne.

- C'est ce que l'on essaie de faire .

Dan et elle se regardent et ils se mettent à rire suivis par les quatre autres. Maty pose le carton qu'elle porte et saisit le gros trousseau de clef.

- Pourquoi y-a-t-il autant de clefs ?

Catherine se tourne vers elle.

- Le proprio nous a dit qu'il y avait cinq trousseaux dedans.

- Bon, alors aux grands maux, les grands moyens. Maty ouvre le gros mousqueton et fait tomber toutes les clefs sur le dessus du carton. Chacun l'aide à trier. Tiens essaies celle-là ?

- Non.

- Bon, alors celle-là.

Finalement la quatrième sera la bonne.

 

Dans l'appartement vide, une odeur de moisi nous soulève le cœur.

Maty prend les choses en main.

- Ouvrez les fenêtres, vite et faudra rapidement trouver d'où ça vient.

Dan va directement vers la porte la plus éloignée.

- Je prends cette chambre !

- Attention, la plus grande est pour Tach et Roberta.

Il se tourne vers Michka.

- Ah zut ! Mais bon, tu as sûrement raison.

 

Dans ce qui sera sa chambre dorénavant, Catherine pose Roberta sur sa petite couverture rose étalée sur le sol. 

Couchée à côté d’elle, son regard fixe le vieux plafond gris, les murs recouverts d'une tapisserie jaunie. Elle a exactement les mêmes couleurs que le camion. 

Mais il manque à cette chambre l’odeur, cette odeur très spéciale, mélangeant mécanique et humaine. Il manque à cette chambre sa chaleur, cette chaleur humaine.  Il manque à cette chambre le bruit, dans le camion il y a toujours du bruit : nos discussions, nos disputes, ceux de Dan et Thibault, les fous rires lorsque l’un de nous pête. Les bruits du camion lui-même, et du monde qui l’entoure. Catherine a un frisson, le silence l’oppresse. Le bébé redressée sur ses avant-bras la fixe de ses grands yeux bleus.

- Toi aussi, tu ne l'aimes pas ?

Alors elle se relève, prend sa fille dans ses bras et traverse le couloir.

- Michka, si on dormait toutes ensemble ?

Typh vient appuyer son menton sur mon épaule.

- Moi aussi j’aime bien idée.

Michka soupire, elle qui rêvait d'avoir enfin une chambre rien que pour elle.

- Et bien aidez-moi à nettoyer le sol puis on remontera les matelas du camion, ici ce sera le dortoir. La chambre de Typh le vestiaire en attendant et celle de Tach, la salle de jeux de la petite.

- Et pour les garçons ?

- La leur, ils auront enfin le droit à une certaine intimité.






12 avril 2010

Caths Jeudi 8 Mai 1976 sales gosses !

Caths Jeudi 8 Mai 1976 sales gosses !




- On est obligés d'y aller tu crois ?

- On a dit à Maty qu'on viendrait alors on ira.

- Merci Dan ! Et oui Tiph, vous venez aussi ? 

Je la vois faire la grimace. 

- Écoutes : C'est une sorte de fête pour tous les habitants de la résidence. Maty a dit qu'il y aurait un buffet, une sorte d'auberge espagnole. Donc pour nous c'est bon à prendre.

 Catherine et ses amis arrivent chez Maty vers onze heures trente et à peine, leur a-t-elle dit bonjour que déjà elle nous met dehors en râlant.

- Vous auriez pu venir plus tôt, on donne l'impression d'y aller que pour mettre les pieds sous la table.

Sa filleule lui fait une grimace amusée.

- Tu sais Maty c'est un peu le cas pour nous.

- Je me doute, je me doute mais je te présenterai une assistante sociale qui va nous aider je pense. Les autres la regardent avec un air franchement réprobateur. Oh ne vous inquiétez pas, j'ai une totale confiance en Jacqueline et Robert. Vous verrez. Jacqueline travaille à la mairie de Clichy, elle a le cœur sur la main et voue sa vie à aider les autres sans les juger.

Dan ouvre la marche avec Roberta qu'il ne pose jamais et nous le suivons avec chacun un grand plateau ou un grand plat creux qui embaument.

Ils entendent Dan crier.

- Sales gosses ! Ne courez pas dans les escaliers, c'est dangereux, vous risquez de vous faire mal. 

Une voix amusée d’ado avec un fort accent allemand  lui répond :

- C'est ça qui est cool !

Le cœur de Catherine fait un bon en entendant cette voix mais c'est impossible, elle doit se raisonner et se calmer. 

Dan décide de descendre à pied avec Thib, Catherine veut prendre l'ascenseur avec Michka et Maty. Mais lorsque l'ascenseur s'ouvre sur une famille, elle décide de prendre aussi les escaliers et d’attendre avec Dan et Thib en dehors de l'immeuble.
- Venez, on sort, on les attendra dehors, ici, nous bloquons tout le passage.

Lorsqu’elle pousse la porte de l’immeuble, son cœur s’arrête de battre. Là-bas, autour de l’entrée de métro,  un garçon au crâne rasé à blanc d’une douzaine d’années en chemise blanche, les manches retroussées au-dessus du coude joue à trappe trappe avec une rouquine un peu plus vieille que lui. Ce garçon aussi lui aussi me fait penser à Robert mais il est un peu plus grand que lui, moins maigre mais surtout, surtout . Que ferait-il sur Paris ? 

Dans le hall, des voix d’hommes se font entendre. Tach et ses amis s’écartent pour laisser passer un homme avec au bras une petite fille tout aussi rousse que celle qui court sur la place qui d’un coup disparaît au coin de la rue en courant avec son… frère ?

Robert lui manque, leur enfance lui manque.

Dan se penche vers elle.
- Qu'est-ce qu'il y a, ça ne va pas ?
- Le gamin m'a fait penser au père de Roberta, c'est tout.
Dan émet un grognement et lui tend le bébé en lui prenant le plateau.
- Tiens, prend-la ! Elle est là, elle !
Oui, elle est là mais elle ne remplacera jamais son père. Ce petit con qui la faisait tourner en bourrique, qui m'ennuyait avec ses explications sur tout... et que maintenant elle aimerait tant qu'il lui donne encore.




Ils suivent  Maty jusqu'à une grande salle des fêtes. 

Tout au fond, des planches sur des tréteaux forment une très longue table où l’on a posé de la nappe en papier blanc. Elle est déjà encombrée de nombreux plats très alléchants mais Catherine a perdu l'appétit. Si elle s'écoutait, elle retournerait se coucher sous un tas de couvertures au fin fond du camion.

Mais Dan et Maty se relaient pour lui parler. Ils la gonflent. S'aperçoivent-ils qu’elle ne les écoute pas ?

- Je dois la faire téter, je peux me mettre où pour être tranquille ?

Perpendiculairement à la table du fond, il y a huit rangées de tables et de bancs. Ils ont prévu qu'il y aurait combien de personne ? On se croirait à une fête de la bière sans la musique, ni la bière et les serveuses avec leurs broks d’un litre qui s'entrechoquent et éclaboussent toutes les personnes sur leur passage.
Dan me montre  la dernière table, au plus près du buffet, contre le mur de gauche, je m'assieds sur le banc.
J'ai l'impression d'avoir quatre chiens de garde autour de moi, 

Les gens nous dévisagent car nous détonons, nous ne faisons pas couleur locale. Moi qui suis chauve avec ma vieille casquette en train d'allaiter, Dan le bulldozer avec sa sangsue Thibesque avec son top et son short aussi court que celui de Michka et ses immenses lunettes en forme de papillons. Et pourtant, autour de nous évolue une faune des plus hétéroclite et colorée.

Maty vient nous laisser le sac en jute brodé de tulipes aux larges bretelles avec dedans les assiettes et les verres en plastique ainsi que les couverts.

- Vous pouvez commencer à vous servir, j'arrive, je vais voir si je trouve ma copine Julie.

Dan se saisit de deux assiettes.
- Tu aimes quoi ?

- Tout sauf les légumes.
Il se met à rire.
- Même les tomates ?
- Non ça, ça va. Rien de ce qui est vert.  Avant c’est Robert qui me les mangeait.

…………………………………………………………………

- Assieds-toi !

L’enfant d’un coup écarte les jambes et retombe sur ses fesses avec un “ploc” sonore qui fait rire la fillette à côté de lui.

Madame Lutz soupire, son mari sourit en regardant les deux enfants.

- Catherine mange tes choux de Bruxelles.

- Mais Maman, c’est pas bon.

Le petit garçon pousse du coude sa voisine.

- Donne-moi les !

Monsieur Lutz l’a entendu, il se lève, son assiette vide à la main pour rejoindre sa femme dans la cuisine. Ce qui inquiète cette dernière.

- Christophe, tu les laisses tout seuls ?

- Et que veux-tu donc qu’il leur arrive ?

- Oh avec ce petit démon, je m’attends à tout.

Mais déjà les deux enfants ont échangé leurs assiettes et le gamins rapidement se remplit la bouche d’un maximum de petites boules vertes nappées de la sauce brune de la viande. 

Quand madame Lutz revient, la fillette lui tape sur le dos en riant car il s’étouffe.

- Christophe, Christophe vient vite ! Mon dieu mais pourquoi est-ce que je prends encore cet enfant ?




Debout devant le petit garçon, l’homme lui tapote le dos.

- Ça va mieux ? Fallait prendre ton temps d'r Burscht. Marriette je crois que cet enfant a encore faim.

La femme regarde son mari  et hausse les épaules avec un air fatigué.

- Cet enfant a toujours faim.

…………………………………………………………………………………………………………;;

 

Quand Dan revient, il porte deux assiettes, l’une débordante de pizzas et autres quiches et l’autre de charcuteries. Thib le prend par le bras en minaudant.

- Tu viens avec moi m’en chercher aussi une assiette?
Catherine trouve qu'il exagère mais ne dit rien, dès fois Thib l'énerve.
- Dan je peux prendre dans ton assiette ?
- Oui je vais en refaire deux et comme ça chacun piquera ce qu'on voudra dans chaque assiette. 

Pourquoi changer les bonnes habitudes ?
La petite vient de lâcher son sein qu’elle recouvre vite de son tee shirt. Elle s'est endormie, la bouche entrouverte, la tête rejetée en arrière au-delà de mon bras, elle a les yeux mi-clos, elle sourit aux anges et émet des petits bruits. J'ai l'impression de voir son père quand il dormait dans mes bras. Et Maty qui dit qu'il faut que je l'oublie, elle est drôle, elle. Et, je fais comment ?

Ils sont tous allés se servir puis mangent en silence, mal à l'aise au milieu de tous ces gens qui semblent tous se connaître. D'ailleurs il y a presque dix places vides à côté d’eux. Ils se disent qu’ils doivent faire peur.

Je vois Maty revenir avec une femme aussi grassouillette qu'elle et blonde avec des petites lunettes rondes accompagnée d'un barbu tout aussi bien portant mais qui les dominent d’au moins deux bonnes têtes. Ils sont tous les deux très souriants.
- Bonjour, bon appétit !
- Merci !
- Robert, tu ne veux pas aller nous chercher à manger. Je regarde l'homme s'éloigner, l'a-t-elle fait exprès ? En tout cas, son prénom est un bon point pour lui. Alors, Marie me dit que vous êtes à la recherche d'un appartement pour vous et votre bébé.
- Non, pour nous cinq et le bébé. Un tout petit appart, même un studio nous ira au début, juste le temps qu'on trouve du boulot et que l'on reprenne nos études mais là vivre en camion avec le bébé c'est de plus en plus dur.
- Oui je comprends. Vous n'aurez qu'à venir me voir à la mairie et nous remplirons ensemble une demande de HLM et j'essaierai d'appuyer votre demande un peu particulière.
- Merci madame.
- Oh non ! Appelez-moi Jacqueline. Tu sais je ne peux rien refuser à Marie qui m'est souvent d'une grande aide.

L'homme revient avec un plateau qu'il a bien garni.
Ils s'installent à côté de Maty et bientôt la table vide se remplit. Tout le monde semble les connaître et comme ils parlent à Catherine et ses amis, d’autres personnes viennent leur parler aussi et bientôt Roberta est le centre d'intérêt de nombreuses femmes. Catherine doit même refuser plusieurs fois des demandes pour la prendre. Finalement elle la passe à Dan qui se lève pour la bercer. Bizarrement avec lui, personne n'a envie de prendre Roberta.




Lorsque nous partons dans la soirée, la fête bat encore son plein mais Catherine a besoin, ils ont tous les cinq besoin de se retrouver qu’entre eux.





28 février 2010

Gisou samedi 8 novembre 1975 appendicite

Gisou samedi 8 novembre 1975 appendicite

 

- Maman j'ai mal !

Le docteur Sanchez a promis de venir le plus rapidement possible. En attendant ma princesse couchée sur le canapé tient son ventre en se plaignant.

La porte d'entrée s'ouvre brutalement allant percuter le petit meuble à chaussures.

- Je vous le laisse. Je reviens dans cinq minutes. (Déjà j'entends la porte se refermer pour se re-ouvrir immédiatement.) Ah au fait : il a laissé tous les vêtements que tu lui as donné au chalet.

Le gamin, debout devant la porte d'entrée portant son gros sac kaki à deux mains affiche un air buté, le calot posé vers l'avant, lui mangeant une partie du front qu'il a pourtant assez grand. Dès qu'il me voit un grand sourire apparaît vite réfréné à l'apparition de Véronique que je stoppe dans son élan et renvois dans le salon d'un geste du bras.

Je lui enlève le calot en passant ma main sur sa tête. Ses cheveux coupés courts depuis peu, bien que dressés en brosse naturelle sont doux sous ma paume, comme sa joue contre la mienne.

Saisissant son sac, je le pose contre le mur avec le calot dessus.

- Déchausse-toi et viens nous rejoindre au salon.

Une grimace suivie par un sourire apparaît lorsque je lui fais non du doigt, lui signifiant de défaire ses lacets plutôt que d'enlever tel quel ses souliers. Il me semble que ses chaussures basses noires bien brillantes lui font des pieds encore plus grands. Dire qu'Yvette qui mesure la même taille que lui fait dix pointures de moins. Je trouve cela presque effrayant. Cela lui présage-t-il une très grande taille ou est-ce simplement normal pour un garçon ? Je préfère opter pour la première explication. Le verrai-je grandir ? Au moins ces trois prochaines années, après, seul l'avenir nous le dira.

Isabelle se lève d’un coup, la main devant la bouche, pliée en deux, elle le bouscule en passant.

- Elle est malade, c’est pour la remplacer que tu es là. Tu viens avec moi à Lyon chez ma marraine. Papa ne veut pas que j’y aille toute seule alors j’ai pensé à toi. A qui tu dis merci pour ces vacances ?

L'explication de Véronique n'a pas l'air de l'enthousiasmer. Il a repris son air boudeur. Isabelle revient derrière lui sans un bruit et lui dépose en riant par surprise un bisou sur la joue en l'attrapant par les épaules. Il se dégage en se tortillant ce qui l'amène à ma portée.

Il sursaute à nouveau lorsque cette fois c’est moi qui le tient par les épaules mais au lieu de tenter de se dégager, il lève son visage vers moi.

- Elle a des enfants ?

- Qui ? Sophie ? Oui des filles adorables.

- Ah ! Combien ?

- Combien quoi ?

- Bin des filles ?

Je ne peux m'empêcher de sourire, ce qui a l'air de le vexer, il rougit légèrement, baisant les yeux, embarrassé. Je le comprends un peu le pauvre. Il est tombé sur une famille de filles. D'un autre côté des garçons il ne côtoie que ça tous les jours au bahut. Me penchant au-dessus de son épaule, je me veux rassurante mais son expression ne change que pour se durcir d'avantage.

- Elles sont deux et je suis sûre que les aimeras beaucoup. Elles sont douces et calmes comme leur maman, tout l'opposé de Véronique.

Cette dernière nous tire la langue en faisant une grimace, ce qui ne me plaît guère. Quant à lui, il hausse les épaules et me répond d'un air bougon,

- J'ai pas dit que j'étais d'accord pour y aller !

- Et bien mon gars, nous nous passerons de ton accord. Allez les enfants, vos chaussures, vos sacs ! Vous savez que je préfère être en avance qu'en retard.

Avant de les laisser partir, je leur confie un sac avec leur repas de midi. Dès que j'ai su que Robert remplacerait Isabelle, j'ai doublé le nombre de sandwichs.

Dans les escaliers, Richard prend la valise de Véronique mais laisse le gamin porter son sac qui, même s'il est pratiquement vide semble énorme pour sa taille.

Le regard qu'il lève vers moi avant de monter à l'arrière de la voiture semble totalement désespéré, ce qui m'amuse plus qu'il ne m'apitoie. Qu'espérait-il ? Que j'intercède en sa faveur et lui évite ce voyage qu'il n'a visiblement pas envie de faire. Je lui envoie un baiser du bout des doigts. Il semble surprit, sourit et agite la main. Le père et la fille devant, sont déjà assis quand j'entends la voix de Richard lui intimer l'ordre de rentrer.

- Maman, il a oublié ça !

Fanfan me tend un calot bleu marine dont la crête intérieures est rouge. Dedans cousu par l'enfant avec des gros points grossiers qui commencent à se défaire, une étiquette en tissus avec son n° de matricule. Un élève parmi plus de trois cents autres. Je me mets à espérer que Richard ne s'en aperçoive pas sinon le gamin passera un mauvais quart d'heure.

La sonnette retentit, c'est le docteur Sanchez.

Les petites disparaissent du salon où il peut ausculter Isabelle toujours couchée sur son canapé.

- Et bien voilà une jolie demoiselle qui présente tous les signes d'une appendicite. Je vais voir s'il est possible de te faire admettre dès ce soir. Comme cela demain tu passeras les examens qui confirmeront ou pas et l’après-demain tu seras opérée.

- Oh, non ! Je ne peux pas faire la radio d'abord et ensuite si c'est vraiment ça, alors seulement aller à l'hôpital ? Elle m'a saisi la main qu'elle serre de toutes ses forces. Tu pourras rester avec moi ?

- Allons Isabelle tu as quel âge tu n'es plus une petite fille. Et une semaine cela passe vite tu verras.

- Isabelle je vais téléphoner à tes grand-parents pour qu'ils descendent s'occuper des petites et moi je verrai ce que je pourrai faire. Ne t'inquiète pas, j'essayerai de rester le plus possible avec toi.

Le docteur a un drôle de sourire légèrement condescendant. Il doit me prendre pour une mère faible ou mère poule. Cela ne me dérange pas plus que cela. Il a tôt fait d'arranger l'hospitalisation d'Isabelle pour le soir même. Dès son départ j'appelle les grand-parents pour leur annoncer la nouvelle. Leur réaction est immédiate : «Nous arrivons !» Ils doivent juste nous rappeler pour nous donner l'heure d'arrivée de leur train. Je descends chez madame Cohen lui dire que je laisse Yvette seule avec les deux petites au cas où il se passerait quelque chose. Je ne me fais pas de soucis pour elles trois, Yvette est plus raisonnable qu’elle ne le laisse paraître pour son âge..

Déjà lorsque je remonte, elle a déjà fait une petite valise pour sa soeur, elle me surprend agréablement.

- Quelle bonne idée tu as eu ! Tu vois Isabelle, ta soeur à penser à tout : même ton livre, ton journal et une photo de nous. Et bien c'est parfait, nous n'avons plus qu'à attendre le retour de papa et nous pourrons y aller.

 

- Allo Gisèle. Les gamins sont bien partis. Appelle Sophie pour le lui dire.

- Richard ? Mais tu es où ?

- Au bureau, pourquoi ? Je n'ai pas finis ma journée qu'est-ce que tu crois ? Mais au fait comment vas ma grande miss ?

- Et bien justement j'aurais aimé que tu rentres pour que je puisse t'en parler.

- Véro ne peux pas garder les petites pendant que tu vas à la pharmacie.

- Et bien pour cela faudrait que Véronique ne soit pas dans un train, monsieur l’étourdi, et Isabelle n'a pas besoin de médicament car un appendicite cela s'opère et je voulais savoir si tu voulais venir l'accompagner avec moi.

Il y eut un blanc, un long blanc d'une bonne minute.

- Je ne peux pas. Promets-moi de me téléphoner dès que tu auras du nouveau.

- Il ne pourra pas venir ?

- Il nous rejoindra dès qu'il pourra, il fait ce qu'il peut ma chérie. Je resterai avec moi et ce soir tes grand-parents arrivent et Mamie se fera un devoir de me remplacer auprès de toi si tu le désires.

 

Ils installent Isabelle dans une chambre où trois femmes occupent déjà les autres lits. Très vite elle m’est enlevée par un gentil brancardier pour l'emmener subir les examens pré-opératoires d'usage.

Peu de temps après son retour, une infirmière vient nous annoncer qu'elle pourra être opérée dès le soir même. J'en profite pour demander quelque chose pour la douleur. Isabelle roulée en boule sous les draps semble si misérable.

 

- Entrez !

La vieille femme qui occupe le lit en face de celui d'Isabelle semble s'être octroyé la tâche d'autoriser ou non d'entrer.

- Bonjour mesdames ! Salut ma puce.

En voyant Richard pénétrer dans la pièce, je ne peux m'empêcher de regarder ma montre. Il est déjà quatorze heures et je n'ai pas vu le temps passé.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Tu n'as pas mangé ? Je t'ai apporté ton repas préparé par Firmin. Manges-le dans la voiture si tu veux ou alors rentre. Mais prends ton temps, j'ai jusqu'à seize heures. Après à dix-huit heures, je devrai aller chercher les parents.

- Les petites ont mangé ? Je suis en-dessous de tout, j'ai même pas pensé à elles, j'ai honte !

- Ne t'inquiètes pas, Madame Cohen, les a prises chez elle. Je puis t'assurer qu'elles ne mourront pas de faim. Lorsque je les ai laissées, Coco se faisait bercer par monsieur Cohen dans la salle d'accueil du lycée.

- Et toi as-tu mangé, mon chéri ?

- Oui ne t'inquiète pas ! Assis sur le lit, il caresse les cheveux d'Isabelle tout en me tenant la main. Mais toi files, vas manger, c'est un ordre ! Il se relève et m'enfile mon manteau avant de m'accompagner jusqu'au couloir. Je reste avec elle, disparaît ! Et puis ta cousine ne devrait pas tarder à téléphoner pour nous dire si les deux zouaves sont bien arrivés. Lorsque je les ai laissés, Robert tirait vraiment la gueule. Je pensais pourtant qu'il serait content de partir en balade avec Véronique.

- Richard, voyons, ils se détestent ces deux là.

- Non ! Robert déteste ta fille.

 

6 août 2010

Robert samedi 30 Octobre 1976 vacances de la Toussaint 5

Robert samedi 30 Octobre 1976 histoire de bébés



Les volets claquent contre le mur, je remonte ma couette au-dessus de ma tête. Mais elle n'y reste pas. Et moi, pas plus dans le lit. Richard me colle dans les bras, pantalon, tee shirt, chemise, chaussettes et me pousse vers les escaliers.

- Je veux bien qu’à l'adolescence, on ait besoin de dormir mais là, tu as dormi pratiquement vingt-quatre heures, je pense que cela suffit. Tu es venu avec nous pour profiter d'une vie de famille, alors tu descends avec nous. Et puis je vais mettre tes sœurs aux devoirs, tu t'y mettras aussi.

Gna, gna, gna, et d'abord 1) ce ne sont pas mes sœurs. 2 ) mon sac est dans ma chambre donc faudra bien que je remonte, et dans ma chambre, il y aussi mon lit et 3 ) oui, j'suis ado en pleine croissance qui a besoin de beaucoup dormir, non mais oh !



A l'entrée de la cuisine, je croise Sylvie.

- Oh Sylvie, tu es allée faire une cure chez Mamie ?

- Ah non garçon, ça, je le dois à Rémy.

Je vois ce dernier à l'autre bout de la pièce qui me fait certains gestes. Je m'empourpre et Sylvie se met à rire. Non ? Ne me dîtes-pas qu’elle croit que c'est à cause de son état que je rougis ? Oh pitié non ! Du coup, je détale dehors vite fait. Pourquoi je vais passer maintenant ?



Les filles se sont tassées en bout de table et moi, je m'installe totalement à l'opposé sur la chaise de Papapa. Il me faut au moins ces quatre mètres pour être tranquille.

- Aïe !

Bon, j'aurais pu me passer de le dire mais cela n'aurait pas été drôle.

Je déplie le bout de papier " Tu sais comment on fait les bébés ?" De l'autre côté de la table, ça pouffe. Bon alors à question bête, réponse bête. " Non, apprends-moi !" Je refais une belle boule bien serrée et hop expédiée. Sourire aux lèvres, je les regarde lire. Et ça pouffe encore. Mais le papier disparaît et elles se remettent à travailler. Moi, je range mes affaires et, prenant une des peaux, je me couche dessus pour lire le livre que m'a donné Monsieur Deschamps : "Demian" de Hermann Hesse.



- Tu viens manger ?

Je lève la tête vers Rémy qui me tend une main pour m’aider à me relever.

- Oui, oui.

Ils sont déjà tous à table.

Je me suis endormi. Je ramasse mon livre et le pose sur la table.

Je range ma peau et vais me laver les mains.

Richard et Rémy m'ont gardé une place entre eux. Ce dernier me chuchote.

- Au fait, j'ai un peu feuilleté ton livre.

- Ah ! Et ? Tu me résumes ?

- Qui te l'a passé ?

- Mon prof de français, pourquoi ?

- Il va beaucoup aimer tes petits dessins, je pense.

En totale incompréhension je le fixe.

- Quels dessins ?

Rémy sort le livre de dessous la table où il l'avait posé sur ses genoux, et me le tend. Je pose mes couverts, l'ouvre, le referme et fusille du regard les filles en face de moi.

La main de Richard qui claque sur la table me fait sursauter.

- OK, on a notre réponse. Vous trois, vous montez dans votre chambre.

- Mais Papa, on a rien fait.

- Vous voyez ce livre, je vais devoir en acheter un neuf pour le rendre à son professeur. Vous auriez dessiné au crayon, passe encore, on aurait peut-être pu gommer mais au stylo, non ! Donc, vous allez me vider vos tirelires pour me rembourser. Quant à toi, puisque tu veux qu'on t'explique comment on les fabrique. Je prends l'air le plus surpris et innocent possible. Il me montre un papier tout chiffonné. Mamy et nos femmes ont décidé de s'en charger après le repas, pendant que nous irons t'acheter un autre exemplaire de ce livre.

Par contre là, je ne suis pas du tout d’accord et le reste du repas à du mal à descendre.

- Non, emmenez-moi avec vous. Je sais déjà tout ça. Pitié ne me laissez pas seul avec elles.



Mais après le repas, j'ai beau faire, y compris essayer de m'asseoir de force dans la voiture, rien y fait. Je reste devant le chalet, fermement tenu par Sylvie et Gisou qui ont l'air de s'amuser comme deux petites folles, à regarder s'éloigner le break avec les trois hommes.

- Bon maintenant jeune homme, disparaît dans ta chambre.

Pourquoi suis-je d'un coup soulagé ?

5 décembre 2010

Caths mardi 14 juin 1977 Philo

  Caths mardi 14 juin 1977 Philo



Quatre fois qu’elle vérifie le contenu de ma trousse sous le regard exaspéré de Mitch qui m’enlève le sac des mains.

Assise en face d’elle, la jeune femme tangue à chaque fois que le camion tourne.

Elle sourit en la voyant vérifier à son tour, le contenu du sac à dos.

- Ça te suffira deux barres de céréales et cette petite bouteille d’eau ?

- Oui, oui. Vous par contre, vous surveillez bien le petit monstre.

Elle lui lance en retour un regard noir.

- Comme si tu ne le savais pas. C’est fou comme la confiance règne.

Catherine me jette contre elle, et elles tombent toutes les deux allongées sur le tas de couvertures qu’elles font écrouler.

- Fais-moi un câlin. J’ai peur. Je sens que je vais tout foirer.

Mitch met le sac derrière elle et l’enlace à son tour.

- Arrête tes bêtises. Tu as eu de bons professeurs.

Catherine est ses amis se mettent à rire, imités par Roro même si elle ne comprend pas pourquoi.

- Oui Mich tu as raison les meilleurs et surtout les plus patients.



Debout devant le portail du prestigieux lycée, Catherine a froid malgré son sweat, il fait à peine dix degrés et la météo ne promet que ça ne montera péniblement que jusqu’à vingt-trois, vingt-quatre.

Maty qui les y attendait, embrasse sa filleule en tentant de discipliner le peu de cheveux qui a commencé à repousser.

- Allez ma grande, tu es la meilleure et tu vas cartonner. Et plus tard tu pourras te vanter d’avoir passé ton bac à Georges V, ce qui n’est pas donné à tout le monde, avec autour de toi, parmi les meilleurs élèves de France.

- Pff aucun n’arrive à la cheville de mon homme.

- Et bien file et prouve-nous que tu vas bien avec lui.




Trois fois que la jeune femme relit la feuille posée devant moi :

 

PARIS, CRÉTEIL, VERSAILLES : illusions, politique et Marc-Aurèle.

SÉRIES C ET D

1) Admettre qu'il y a de l'intolérable est-ce cesser d'être tolérant ?

2) Y a-t-il des critères qui nous permettent de nous assurer du caractère scientifique d'un discours ou d'une pratique ?

3) Dégager l'intérêt philosophique d'un texte de Merleau-Ponty sur le sens de l'histoire. " (...) L'histoire nous offre des lignes de faits qu'il s'agit de prolonger vers l'avenir mais elle ne fait pas connaître avec une évidence géométrique la ligne de faits privilégiés qui finalement dessinera notre présent lorsqu'il sera accompli. (...) Cela ne veut pas dire qu'on doive hésiter et fuir la décision mais cela veut dire qu'elle peut conduire l'homme d'État à la mort. "



Elle a l’impression d’avoir la tête absolument vide. Pourquoi des sujets aussi pourris ?

Enfin… elle se décide et choisit le sujet deux.





Lorsque la sonnerie retentit, elle râle comme beaucoup d’autres autour d’elle. Mais bon, elle a eu le temps de se relire deux fois et je pense, espère avoir corrigé ses fautes d’orthographes.



Dehors, elle repère vite ses amis car les parents agglutinés devant le portail gardent une distance méfiante avec eux. Il faut dire que c’est deux mondes, deux classes sociales bien différentes qui se côtoient en cet instant.

- Alors ?

Elle leur tend la feuille avec les sujets.

- J’ai pris le B et j’ai régurgité tout ce que j’ai appris par cœur. Finalement je crois m’en être assez bien sorti mais bon, nous verrons. Maintenant, là, précisément j’ai faim.

Dan est déjà derrière son volant. Roro tape des mains lorsque sa mère monte et s’installe à côté d’elle. 

Mich se penche entre elles.

- Tu n’as pas d’autres épreuves aujourd’hui ?

- Si, maths à quatorze heures.










10 décembre 2010

Caths mercredi 7 juillet 1977 résultats

Caths mercredi 7 juillet 1977 résultats




Michka la secoue.

- Hou, hou ! Il va être dix heures. Hier ils ont dit qu’ils les afficheraient à cette heure là. Alors go ! la miss.

- Pff ça sert à rien, je ne l’ai pas.

Catherine ne lève même pas les yeux vers les visages qui l’entourent. Elle sait qu’ils ne sont pas d’accord avec elle mais aucun de ses amis ne fait de commentaires.

Seul le flic réagit.

- Aller gamine, ton frère a confiance, lui.

Mon frère ? Dan ? Là, elle est obligée de sourire voir de se retenir de rire. 

En fait, en vrai, elle aimerait bien.



Hier soir, ils ont trouvé une place juste en face du portail du lycée  et depuis deux heures ils attendent assis dedans ou sur les marche-pieds. 

Mais un camion comme le nôtre ça détonne et ça déplaît dans ce quartier de bourges. Donc depuis ce matin, déjà trois estafettes de flics sont déjà passées nous contrôler et finalement, ils ont laissé l’un d’entre eux avec nous. Peut-être un certain ras le bol des coups de fil de la populace bien pensante.

Enfin, toujours est-il que depuis ce gentil gardien de la Paix, discute avec Dan.

- Maman pipi !

- Viens ma puce.

Contournant le camion, sous les yeux horrifiés d’une femme habillée BCBG et sac Vuiton, Catherine porte Roro au-dessus du caniveau pour qu’elle fasse pipi.

- Vous auriez pu demander au lycée pour qu’ils vous laissent l’accès à leurs cabinets. Je me retiens de demander à ce brave agent, si ça lui arrive de ne pas rêver. Elle n’a pas froid la gamine comme ça ?

- Alors, on la rhabillait vingt fois par jour puis j’en ai eu marre. Si elle veut rester en culotte, elle restera en culotte. Quand elle a froid, elle sait nous le dire.

- Et c’est qui sa mère ?

- Moi, vous voulez mes papiers et le livret de famille ?

Il me fait non de la main.

- Et son père ?

- Mort, tué par son propre père.

Et là, le bonhomme prend la même expression horrifiée et triste de tous ceux à qui elle le dit. 

Bon, ça a l’avantage aussi qu’après on lui fout la paix.

 

- Tach, c’est affiché !

 

Avec ma nudiste dans les bras et mes gardes du corps, y compris le petit agent de police dans son uniforme bleu où on le voit mourir de chaud, que nous commençons à bien apprécier, ils s’approchent des panneaux d’affichage.

Mich me tire vers l’autre panneau d’affichage.

- Non, là, c’est que les garçons.

- Hein ? Ils séparent les noms des filles et des mecs ? Mais pourquoi, on était ensemble pourtant dans les salles.

Elle me lance un regard blasé.

- Que veux-tu sexisme habituel.



Dan premier arrivé, et il peut avec sa haute taille, lire par dessus les têtes des ados agglutinés, affiche un immense sourire.

- Reçue poulette avec mention Bien.

- Non ! Catherine secoue, la tête, elle ne peut pas y  croire. Ce n’est pas possible Dan, j’ai tout foiré.

Et pourtant, son nom figure bien sur la liste.

- Alors l’année prochaine, médecine ou tu continues dans ton idée de devenir une simple infirmière.

- Médecin, ça paie bien mais des infirmières, on en a toujours besoin.

Ils se retournent tous sur le petit flic qui leur colle toujours aux basques.

- Voilà Dan ! Il a tout dit ! Tiens, prends la chose. Je vais rejoindre Maty pour lui annoncer. Les filles, vous venez avec moi ? Il nous rejoindra avec le camion.

 

Juste avant de tourner le coin de la rue, Catherine jette un coup d’œil derrière elle et, prenant les filles par le bras, leur montre le camion qui arrive vers elles. A la place passager le stroumph.

Michka pouffe comme une vraie fille.

- Non, les filles, vous croyez que lui et Dan ?

L’air horrifié de Michka les éclater de rire. 

Mais Catherine, elle croise les doigts car ils ne le connaissent que depuis deux heures et déjà elle l’aime bien. Elle trouve qu’il irait bien de taille avec Dan, même, si… il est aussi fin que Dan est large mais il a un joli visage et surtout il a été volontaire pour rester avec eux et puis… il s’est présenté en disant : “Je m’appelle Robert !”



15 novembre 2010

Caths samedi 7 Mai 1977 premiers pas

Caths samedi 7 Mai 1977 premiers pas

 

Dans les bras de Michka, Roberta hurle à plein poumons.

Elle veut qu’on la pose au sol mais son bourreau refuse.

- Non mademoiselle. Je te poserai sur le trottoir lorsque tu marcheras debout. Là, je ne peux pas, les gens vont te marcher sur les doigts. Oh Roberta !  Le ton d’un coup sec et grave d’homme surprend la gamine qui regarde interrogative Michka, ne reconnaissant pas cette voix.  Et oui, je peux aussi me fâcher mademoiselle. Tu sais marcher sur tes deux pieds alors ras le bol que tu joues au petit chien.

La gamine tend alors les bras à sa mère  par-dessus l’épaule de celle qui vient de la gronder.

- Je ne peux pas te prendre bébé, j’ai les mains pleines, regardes. Catherine lui montre les sacs en plastique remplis de courses qu’elle porte. Alors elle se met à pleurer doucement, essuyant son petit nez sur le tee shirt de Michka. Mais oui comédienne. Qu’est-ce que tu es malheureuse dis donc. J’aimerais bien moi aussi que l’on me porte.




- Ah vous voilà ! Vous nous rapportez quoi de bon ?

Catherine vide les deux sacs devant Typhaine qui s’empresse de tout ranger dans les caisses qu’elle a dégagées en soulevant un matelas et la planche en dessous.

Michka pose la puce sur sa couverture. D’abord celle-ci commence par passer en revue les jouets étalés autour d’elle puis d‘un coup se met à quatre pas et s’avance vers les trois femmes mais s’arrête et semble réfléchir.

- Tach regarde ta fille !

La petite fille debout, bras tendus vers Michka, se met à rire et d’un pas maladroit va se jeter dans les bras de son bourreau.

Sa mère applaudit, submergée par un souvenir.

…………………………………………………………………

- Robert sors de là !

Angélique saisit son petit frère de cinq ans et le sort sans douceur du parc où les deux dernières, Victoire et Victorine jouent avec des peluches et divers ustensiles en bois.

- Je veux jouer aussi !

- T’es trop grand pour jouer avec des peluches.

Il boude, Catherine le serre dans ses bras.

- Tu joueras avec les miennes quand tu viendras à la maison.

- Catherine ne le traite pas comme un petit bébé sinon il va continuer. Aller pousse-toi, t’es au milieu. Vous êtes au milieu tous les deux.

- Arrêtes d’être méchante avec eux, c’est pas de leur faute s’il a encore neigé et qu’ils ne peuvent pas sortir jouer dehors.

Angélique hausse les épaules puis, reprenant ses aiguilles, se remet à tricoter, assise à côté de sa mère.

- J’ai hâte que les vacances soient finies et qu’on puisse retourner en cours.

- Moi aussi, je veux retourner à l’école !

Cette fois debout sur une chaise, le garçonnet trépigne en faisant des grimaces.

En chœur, plusieurs voix lui disent d’arrêter et de descendre. Mais au lieu d’obéir, cette fois c’est sur la table qu’il danse devant Catherine qui rit de ses bêtises. Mais la porte s’ouvre et il saute au sol et court se réfugier derrière les chaises de ses sœurs suivi par Catherine.

Le père enlève sa lourde pelisse recouverte de coton enduit et la suspend derrière la porte.

- Adélaïde, ma douce, j’ai faim, est-ce que ce sera bientôt prêt ?

- Nous t’attendions.

- Et voilà mes deux dernières princesses. L’une après l’autre Karl prend les jumelles pour les embrasser puis les poser au sol. Ces enfants ne sauront jamais marcher si vous les laissez tout le temps là-dedans. Annie vient les changer, elles sont mouillées. Faut-il donc que je doives vous dire tout ce qu’il y a à faire dans cette maison ? Bientôt la table est dressée et si Angélique aide sa mère à servir la soupe, les autres prennent place autour de la table. Lui coupe de grosses tranches de pain dans une énorme miche encore chaude que sa femme a sorti il y a peu du four. Annie se penche au-dessus du parc pour y poser les bébés. La claque sonore qu’elle prend sur l’arrière des cuisses la fait se redresser. Pose-les par-terre.

- Mais Papa, le sol est trop froid.

- Et bien si elles ont froid, elles se mettront debout. Elles ont seize mois, il est temps qu’elles marchent. Quant à moi, je vais me saisir de ce parc pour allumer le feu dès demain matin.

Annie cherche le regard de sa mère mais celle-ci lui tourne le dos. Son père la fixe toujours, et précipitamment, elle lui obéit.

Les fillettes pourtant en robe courte en laine au-dessus de leur couche en tissu, ne semblent pas sentir le froid sur leur jambes nues.

Elles commencent par avancer vers les pieds des chaises, l’une à quatre pattes, l’autre plus ou moins sur genoux. Cette dernière saisit un pied de chaise et se hissant, se redresse grâce à lui. Sa sœur l’imite. Passant de chaise en chaise, elles font le tour de la table sous les yeux attentifs de leurs grandes sœurs.

Arrivées à celle de leur frère, elle le tape avec leurs petites mains cherchant à attirer son attention.

Il essaie d’en hisser une avec lui mais vu le peu de différence de taille entre eux,elle ne décolle même pas du sol.

- Mange et laisse tes sœurs.

Discrètement, il leur passe des petits bouts de pain qu’elles gardent au creux de leurs menottes.

Dès qu’il a fini de manger, il descend de sa chaise et apporte son assiette à sa sœur, Astrid, debout devant l’évier.

- Robert attention, ne bouge plus.

Toutes les têtes, alertées par le cri de leur mère, se tournent vers lui. Les deux petites filles ont lâché les chaises pour parcourir bras tendus en avant le mètre qui les sépare de lui.

Heureusement que sa sœur est derrière lui pour le soutenir car il n’a pas la force de les tenir toutes les deux.

Leur père est ravi.

- Tu vois Annie, le froid, c’est très efficace !







28 janvier 2011

Robert dernier trimestre 1977 à Salon

Robert dernier trimestre 1977 à Salon

 

 

Ai-je le droit de dire que je m’ennuie ?

Ai-je le droit de dire que je suis déçu ?

J’ai repris mes mauvaises habitudes de lycéen de lire pendant les cours…

Contrairement à d’autres que je ne citerai pas… j’adore les conférences. Mais hélas nous en avons que entre deux à quatre par mois et de niveau très inégal.

Par contre si pour la première, je suis assis au milieu des autres, dès la seconde, je prends de la hauteur et m’isole.

Oui bin écoutez, plus envie de me faire cranter parce qu’un de mes collègue se fait ch… et s’endort. Je laisse les autres le réveiller ou non. Moi, tel Ponce Pilat, je m’en lave les mains.

Nos emplois du temps sont prévus par quinzaine. Donc j’ai le temps pendant les cours de maths, de physique et autres dont le niveau me désespèrent vu qu’ils reprennent les cours de prépa, je lis tout ce que le CDI peut m’offrir d’infos sur le sujet abordé.

Et… le jours venu de la conférence, je gonfle tout le monde avec mes questions…

Ce qui me vaut une fois de plus d’être détesté 1) par le conférencier qui est souvent un jeune conscrit de haut niveau mais qui ne sera pas payé plus que ses francs mensuels, permettant ainsi à l’Armée de l’air de faire des économies sur son dos. Et quand j’en parle avec Richard ce dernier de me dire :

- Bah, ça fait toujours une bonne expérience pour ses gamins futurs profs en chair de se frotter à un auditoire de petits cons prétentieux.

A ces moment là je me demande toujours s’il se souvient qu’il a été lui aussi un petit con prétentieux ? Un jour j’ai craqué et je lui ai dit et sans sourcillé il m’a répondu :

- Oui et je suis devenu un vieux con prétentieux.

Et 2) par mes collègues que j’empêche de ronfler.

 

Bref ! Revenons à nos moutons ou plutôt à nos cours qui se succèdent du lundi huit heures au samedi midi.

Et le tiers de ces cours sont des cours de sports. Certains obligatoires comme ceux de sports de combat, de piscine ou d’athlétisme. Ce qui me convient tout à fait. Et à côté on peut en pratiquer une tripoté. Et comme j’ai envie de goûter à tout, ce trimestre je le passe à tous les essayer pour me fixer en course à pied et plongeon mes sports d’origine d’Aix.

 

A côté, en tant que futurs officiers et normalement… futurs officiers supérieurs, nous avons droit à des cours de sciences humaines comprenant droit (rien à comprendre, tout à apprendre par cœur, j’avale les codes...), gestion (ch…), sciences po (par contre là, je serais un très mauvais diplomate ou homme politique. Disons plutôt du style Staline ou Hitler j’avoue.) et histoire (basée bien sûr sur l’histoire militaire des dernières guerres du XX éme siècle), géographie et… littérature (ce dernier pour forcer certains à lire.).

Si mes camarades pour la plus part horrifient les profs de langues pour leur niveau en anglais, moi, ayant (grâce à Richard et sa manie de me prendre pour une bête à concours.) plusieurs diplômes universitaires d’Anglais et d’Allemand. J’oublie ces langues pour me voir inscrit d’office en chinois et russe. Ce qui me permettra d’ajouter quatre langues supplémentaires ( avec l’arabe et l’hébreu grâce à Josef) à mon catalogue.

 

Bref on ne s’ennuie pas…

Oui, je sais. J’ai commencé en disant que je m’ennuyais... ce qui ne m’empêche pas de stacker1 à mon habitude et de me faire traiter de moisi2.

 

Par contre je suis profondément déçu d’apprendre que notre formation aéronautique ne commencera réellement qu’en troisième année.

Mais si… ayant déjà ma licence de vol à voile et mon PPL, le parc de planeurs de l’école m’est accessible et j’emmène quelques fois des camarades voler avec moi.

 

Mais surtout ce trimestre voit notre amitié entre Dédé, Momo et moi se renforcer et ça… c’est cool !

 

 

 

1Travailler dur.

2Mec qui passe sa vie à bosser

16 janvier 2011

Caths vendredi 30 Septembre 1977 installation

Caths vendredi 30 Septembre 1977 installation

 

La porte d’entrée s’ouvre sur Dan avec sa copilote attitrée dans les bras.

Il la pose au sol et le petit monstre passe à côté de sa mère sans un regard pour elle et va tendre les bras à Michka qui la suit avec elle aussi une pile de cartons pliés.

- Non ma chérie, je ne peux pas. Et puis tu ne peux pas toujours être aux bras, marcher, ne te tuera pas. Nous voyons alors les coins de la petite bouche s’affaisser tout comme les bras.

Si cela les fait sourire, Dan lui, vient cueillir la gamine et la soulève.

- Viens avec papa Dan, je t’aime moi.

Amusées, les deux femmes le regardent s’éloigner vers la chambre où le sol commence à se recouvrir de jouets et de peluches.

 

Dans la cuisine Typh les regarde passer.

- Vous allez où avec tout ça ?

- Dans le cellier.

Elle soupire en levant les yeux au ciel.

- Vous ne voulez pas plutôt les jeter ?

- Ça va pas, non ? Comme ça quand nous repartirons, nous n’aurons pas à courir les poubelles pour en retrouver d’autres.

A nouveau elles la voient soupirer.

- Tach, mon petit Tach. Elle m’entoure le cou de ses bras, son ventre contre la pile de carton, qui me la pousse contre le mien. Tu comptes repartir quand ? Tu rentres à l’école d’infirmière demain, Dan aussi. Et nous ne savons pas quand nous aurons. Non, quand vous aurez des congés, alors ma puce, tes cartons, ne nous serviront pas avant très, très longtemps.

Elle n’a pas tort mais le fait de rester dans cet appartement et de commencer demain angoisse tellement Catherine qu’elle refuse volontairement d’accepter la vérité.

- Tant pis, on les garde. Vois ça comme une sécurité.



Dans la chambre, Michka et elle finissent de secouer les couettes et de les poser pliées sur un des quatre lits en quatre-vingt dix qu’ils ont mis côte à côte entre deux murs.

De petits bras les écartent et s’accrochant aux draps de ses petites mains, Roro se hisse sur le lit.

Elle aurait pu passer à côté d’elles, mais non. Il lui faut toujours passer entre eux. Quelques soient les deux personnes qu’elle écarte.

Elles la regardent se redresser. D’abord tendre les bras, appuyée sur ses mains, puis ses jambes, nous offrant la vue d’un fessier recouvert de couches.

- Dîtes la miss, on les enlève quand ces couches ?

La dite miss ne lui répond pas, elle tangue sur ses jambes, pas assurée sur cette surface molle. Mais ayant appris à marcher dans le camion sur ces mêmes matelas, elle se stabilise vite et se tourne vers elles en tapant des mains.

Ses cheveux ont encore poussé, bruns presque noirs, raides, ils lui arrivent en dessous des épaules. Sa mère les lui tresse tous les soir. Ce matin, personne ne l’a  défaite et des mèches entières s’en échappent.

Ils sont tous sûrs que ses yeux ont pris leur couleur définitive. Ce bleu foncé presque noir quand elle tourne le dos à la lumière et d’un violet lumineux lorsque le soleil les éclaire.

A travers eux, Catherine a l'impression qu'ils ont pris cette couleur pour l’empêcher d’oublier le père de l’enfant. Ils resteront pour elle, pour toujours, le signe de sa culpabilité.

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